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22/08/2024 | FRANCE | N°20/02524

France | France, Tribunal judiciaire de Nice, 4ème chambre civile, 22 août 2024, 20/02524


COUR D’APPEL D’AIX EN PROVENCE

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE NICE

GREFFE
M I N U T E
(Décision Civile)


JUGEMENT : [G] [W], [E] [Y] c/ [N] [S], S.E.L.A.S. [A] [L] - [Z] - [V]


Du 22 Août 2024

4ème Chambre civile
N° RG 20/02524 - N° Portalis DBWR-W-B7E-M66Z



























Grosse délivrée à
Me Olivier FAUCHEUR
la SCP D’AVOCATS BERLINER-DUTERTRE

expédition délivrée à
Me Nina TROMBETTA



le 22 Août 2024




mentions diverses
Par jugement de la 4ème Chambre civile en date du vingt deux Août deux mil vingt quatre

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame SANJUAN PUCHOL Présidente, assistée de Madame PROVENZANO, Greffier.

Vu les Arti...

COUR D’APPEL D’AIX EN PROVENCE

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE NICE

GREFFE
M I N U T E
(Décision Civile)

JUGEMENT : [G] [W], [E] [Y] c/ [N] [S], S.E.L.A.S. [A] [L] - [Z] - [V]


Du 22 Août 2024

4ème Chambre civile
N° RG 20/02524 - N° Portalis DBWR-W-B7E-M66Z

Grosse délivrée à
Me Olivier FAUCHEUR
la SCP D’AVOCATS BERLINER-DUTERTRE

expédition délivrée à
Me Nina TROMBETTA

le 22 Août 2024

mentions diverses
Par jugement de la 4ème Chambre civile en date du vingt deux Août deux mil vingt quatre

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame SANJUAN PUCHOL Présidente, assistée de Madame PROVENZANO, Greffier.

Vu les Articles 812 à 816 du Code de Procédure Civile sans demande de renvoi à la formation collégiale ;

DÉBATS

A l'audience publique du 05 Mars 2024 le prononcé du jugement étant fixé au 17 mai 2024 par mise à disposition au greffe de la juridiction, les parties en ayant été préalablement avisées.

PRONONCÉ

Par mise à disposition au Greffe le 22 Août 2024, après prorogation du délibéré les 17 mai, 11 juin et 03 juillet 2024, signé par Madame SANJUAN PUCHOL Présidente, assistée de Madame BOTELLA, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

NATURE DE LA DÉCISION :
contradictoire, en premier ressort, au fond.

DEMANDEURS:

Madame [G] [W]
[Adresse 2]
[Localité 7]
représentée par Me Nina TROMBETTA, avocat au barreau de NICE, avocat plaidant

Monsieur [E] [Y]
[Adresse 2]
[Localité 7]
représenté par Me Nina TROMBETTA, avocat au barreau de NICE, avocat plaidant

DÉFENDEURS:

Monsieur [N] [S]
[Adresse 1]
[Localité 7]
représenté par Me Olivier FAUCHEUR, avocat au barreau de NICE, avocat plaidant

S.E.L.A.S. [A] [L] - [Z] - [V]
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 7]
représentée par Maître Hélène BERLINER de la SCP D’AVOCATS BERLINER-DUTERTRE, avocats au barreau de NICE, avocats plaidant

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [N] [S] est propriétaire de deux emplacements de parking et il est le gérant de la SCI [Adresse 6] qui détient un appartement dans un immeuble en copropriété dénommé [Adresse 6] situé [Adresse 1] à [Localité 7].

Il a occupé les fonctions de syndic bénévole à compter de l'édification de l'immeuble en 1996 et jusqu'à l'année 2017.

Mme [G] [W] et M. [E] [Y] ont acquis un appartement ainsi qu'une cave et un garage en sous-sol de l'immeuble [Adresse 6] selon acte authentique reçu le 1er juin 2017 en l'étude de Maître [B]-[I], notaire au sein de la SCP [A] [L] - [Z] - [V].

Estimant que le syndic bénévole avait manqué à ses obligations, notamment d'entretien de l'immeuble, et que le notaire avaient commis une faute lors de la signature de l'acte de vente, Mme [G] [W] et M. [E] [Y] ont fait assigner M. [N] [S] et la Selas [A] [L] - [Z] - [V] devant le tribunal judiciaire de Nice par actes du 29 juillet 2020 aux fins d'obtenir l'indemnisation de leurs préjudices.

Mme [G] [W] et M. [E] [Y] ont cédé leurs lots de copropriété dans l'immeuble [Adresse 6] suivant acte authentique dressé le 24 mars 2021 par Maître [K] [M], notaire à [Localité 3].

Dans leurs dernières conclusions communiquées le 16 février 2024, Mme [G] [W] et M. [E] [Y] sollicitent la condamnation in solidum de M. [N] [S] et la Selas [A] [L] - [Z] - [V] à leur payer les sommes suivantes :

- 11.082,53 € en réparation du préjudice de jouissance lié à l'impossibilité d'utiliser leur garage,
- 2.000 euros en réparation du préjudice de jouissance causé par les infiltrations,
- 294,41 euros en compensation des frais exposés pour l'audit du monte-voiture,
- 215,61 euros en indemnisation des charges payées alors qu'elles ne leur incombaient pas,
- 50.000 euros en réparation de la perte de chance de ne pas contracter ou de contracter à des conditions plus avantageuses,
- 20.000 euros en indemnisation de leur préjudice moral,
- 1.101,88 euros en réparation de leur préjudice financier,
- 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Ils soutiennent que M. [N] [S] a utilisé ses fonctions de syndic bénévole exercées entre l'année 1996 et le 31 décembre 2016 pour dissimuler le mauvais entretien de l'état de l'immeuble. Ils font valoir en effet qu'au mépris de l'intérêt collectif, il a négligé l'entretien des équipements communs et a manqué à la bonne gestion de la copropriété, ce qu'il a dissimulé pendant de nombreux mois au syndic professionnel qui a pris sa suite. Ils expliquent que lorsqu'ils ont acquis les lots de copropriété, il ne leur a pas révélé l'existence d'un syndic professionnel en se prétendant toujours syndic auprès du notaire instrumentaire.
Ils rappellent qu'en vertu de l'article 18 de la loi du 10 juillet 1965, le syndic est notamment chargé d'administrer l'immeuble, de pourvoir à sa conservation et à son entretien et, en cas d'urgence, de faire procéder de sa propre initiative à l'exécution de tous les travaux nécessaires à la sauvegarde de celui-ci. Or, ils estiment que M. [N] [S] a manqué à ses obligations de syndic bénévole. Ils font valoir en effet que le monte-voiture qui permet l'accès aux garages de l'immeuble n'a jamais été entretenu et mis aux normes, ce que révèle un diagnostic établi par l'entreprise EMR le 15 novembre 2017 qui a conclu à des défauts de conformité mettant en péril la sécurité des usagers et ce, alors que l'entreprise Ilex a décidé le 6 mai 2015 de suspendre ses prestations de maintenance en raison de risques sécuritaires et de doutes sur la sécurité de l'installation. Ils ajoutent que, de la même manière, l'ascenseur n'a pas été correctement entretenu et mis aux normes, ce que le syndic savait depuis l'année 2015 et qui a conduit à des appels de charges après leur acquisition le 1er juin 2017. Ils exposent que le syndic n'a pas fait procéder aux réparations nécessaires puis a procédé à des appels de charges qui étaient imprévisibles au moment de leur achat.
Ils expliquent également que les pompes de relevage des eaux de la nappe phréatique située dans le sous-sol de l'immeuble n'ont jamais été entretenues, causant des infiltrations dans le sous-sol. Ils indiquent également que le syndic bénévole a fait réaliser, à moindre coût des travaux de réfection de la toiture, par des entreprises dépourvues d'assurance et sans souscrire d'assurance dommages ouvrage, affectés de malfaçons qui ont entraîné des infiltrations et un coût de réfection totale de 58.266,20 euros qu'ils seront contraints d'assumer. Ils ajoutent que les équipements de sécurité de l'immeuble sont absents ou non entretenus, les non-conformités ayant été constatées le 7 décembre 2017 par l'entreprise Pro Incendie, et qu'ils ont subi des infiltrations par les encadrements de fenêtre en façade nord de l'immeuble, les travaux d'isolation de cette façade, votés le 29 novembre 2013, n'ayant jamais été réalisés.
Outre ces défauts d'entretien, ils considèrent que M. [N] a commis des fautes dans la gestion de la copropriété. Ils expliquent en effet que ce syndic bénévole a reçu des mandats de représentation d'autres copropriétaires lors des assemblées générales au mépris de l'article 22 de la loi du 10 juillet 1965, les procès-verbaux étant par ailleurs dépourvus de feuille de présence en violation de l'article 17 du décret du 17 mars 1967. Ils exposent par ailleurs qu'il n'a pas tenu de carnet d'entretien de l'immeuble, celui fourni lors de leur achat ne contenant que des informations lacunaires ne répondant pas aux exigences du décret du 30 mai 2001. Ils ajoutent surtout que M. [N] [S] a délivré l'état daté prévu par l'article 5 du décret du 17 mars 1967 sans mentionner les dettes de la copropriété des années 2017 et 2018 mises à jour par le syndic professionnel ainsi que des dépenses réalisées par la copropriété dans son intérêt personnel. Ils exposent qu'il s'est présenté au notaire comme étant le syndic en exercice alors que son mandat était venu à expiration le 31 décembre 2016 et qu'il a perçu des fonds à l'occasion de la vente. Ils indiquent que l'état daté est incomplet voire erroné, M. [N] [S] ayant volontairement dissimulé des informations déterminantes relatives à la gestion de l'immeuble à l'origine de leurs préjudices.
Ils soutiennent également que le notaire, tenu d'une obligation de vérification, a commis une faute car les pièces transmises lui permettaient de déceler que M. [N] [S] n'était plus le syndic de l'immeuble à la date de la vente et que le carnet d'entretien était incomplet, manquant ainsi gravement à son obligation d'information et de conseil à l'origine de leurs préjudices.
Ils font valoir qu'ils ont subi des préjudices de trois natures : un préjudice de jouissance, un surcoût de charges et une perte de chance de ne pas contracter ou de contracter à des conditions plus avantageuses.
Ils expliquent avoir été privés de l'accès à leur garage pendant plus de trois ans, avoir subi un préjudice de jouissance causé par les infiltrations dans leur appartement, et avoir assumé un surcoût de charges qu'ils ne pouvaient pas prévoir lors de l'acquisition de l'immeuble. Ils exposent également avoir perdu une chance de contracter à des conditions plus avantageuses s'ils avaient été informés de l'état de l'immeuble et expliquent avoir été contraints, lors de la revente de leurs lots, de réduire leur prix de 11.500 euros en raison des désordres liés au mauvais entretien de l'immeuble. Ils ajoutent que la découverte progressive de l'état de l'immeuble a généré un préjudice moral démontré par les attestations qu'ils versent aux débats. Ils font valoir enfin qu'ils ont assumé des frais de remboursement anticipé de leur emprunt car ils ont été contraints de vendre leurs lots.

Dans ses conclusions en défense n°5 notifiées le 19 février 2024, M. [N] [S] conclut au débouté ainsi qu'à la condamnation de Mme [G] [W] et M. [E] [Y] à lui payer les sommes suivantes :

- 10.000 euros de dommages-intérêts pour procédure abusive,
- 10.000 euros de dommages-intérêts pour préjudice moral,

- 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il explique qu'il n'a reçu aucune plainte des copropriétaires sur sa gestion durant les vingt années où il a exercé les fonctions de syndic bénévole. Il expose que l'assemblée générale du 14 décembre 2016 a décidé de désigner un syndic professionnel et qu'il a été convenu qu'il se rapprocherait à cet effet du cabinet Syngestone pour une entrée en fonction effective à compter de la prochaine assemblée générale qui ne s'est tenue que le 11 juillet 2017. Il indique que le retard dans la prise de fonction du nouveau syndic l'a contraint à poursuivre la gestion de la copropriété et à régler les factures nonobstant ses relances auprès du cabinet Syngestone. Il fait observer que Mme [G] [W] a été désignée membre du conseil syndical lors de l'assemblée du 11 juillet 2017 et que son mandat a été renouvelé pour une durée de trois ans le 8 janvier 2018. Il précise que les multiples changements de syndic entre 2016 et 2020 ont provoqué des difficultés lors des assemblées générales liées notamment aux errements successifs des syndics professionnels qui n'ont pas été renouvelés.
Il explique à titre liminaire que dès la cessation de ses fonctions de syndic bénévole, il a relancé le cabinet Syngestone à plusieurs reprises mais que ce dernier n'a convoqué une assemblée générale que le 11 juillet 2017. Il souligne qu'il n'a jamais dissimulé le mandat de ce nouveau syndic, ce qui ressort des lettres qu'il a adressées au notaire.
Il soutient avoir parfaitement exercé sa mission de syndic conformément à l'article 18 de la loi du 10 juillet 1965.
Sur l'entretien du monte-voiture, il rappelle que les décisions de travaux relèvent, conformément à l'article 24 du 10 juillet 1965, de l'assemblée générale des copropriétaires qui avait voté le 16 octobre 2015, la réalisation d'une étude après la réception du rapport de la société Ilex qui en avait assuré l'entretien sans difficulté jusqu'au 8 avril 2015. Il souligne également que les demandeurs se sont opposés à la remise en service du monte-voiture lors de l'assemblée générale du 13 novembre 2017 sur la base d'un rapport de la société AASA, organisme non certificateur, qui après avoir prescrit une mise en arrêt avait proposé un devis de la société EMR d'un montant de 92.181 euros. Il relate que les travaux de remplacement du monte-voiture ont été adoptés le 9 avril 2018, confiés à l'entreprise EMR le 23 mai 2019, décisions annulées par une assemblée générale du 30 octobre 2019 avant l'adoption d'une décision préconisant une étude. Il explique que la société Socotec a finalement rendu un rapport sur la conformité de cet équipement préconisant des travaux chiffrés à la somme de 9.384 euros par la société Gras Ascenseurs. Il fait valoir que les charges imputées aux demandeurs postérieurement à leur acquisition n'étaient pas imprévisibles car les procès-verbaux des assemblées générales leur avaient été communiqués dès la signature de la promesse de vente. Il soutient que le monte-voiture n'était pas en désuétude car il bénéficiait d'un entretien régulier assuré par la société Ilex et que, sous ses dernières années de mandat, deux assemblées générales s'étaient prononcées sur les mesures à prendre à la suite des non-conformités révélées par la société Ilex. Il précise que le monte-voiture a fonctionné normalement jusqu'à un acte de vandalisme en 2018 pour lequel une plainte a été déposée. Il fait observer enfin qu'il ne s'est jamais opposé au remplacement du monte-voiture, travaux en faveur desquels il a voté, et que les décisions ayant suivi ont permis à la copropriété d'exposer des frais considérables. Il indique qu'en tout état de cause, il n'existe pas de surcoût de charges puisque les travaux n'ayant pas été votés, les demandeurs n'ont exposé aucune charge.
Concernant l'ascenseur, dont des dysfonctionnements ont été signalés en 2015 par la société Ilex qui en assurait également la maintenance, il explique que ce point, relevant de la majorité de l'article 24 de la loi du 10 juillet 1965, a été abordé dès l'assemblée générale du 16 octobre 2015. Il expose que la carte mère a été changée, ce qui a permis de réparer l'ascenseur de manière pérenne et jusqu'en 2017, après la fin de son mandat lorsque le cabinet Syngestone a changé d'opérateur. Il souligne que des attestations de conformité quinquennales ont été délivrées en 2015 et en 2020 pour cet ascenseur de sorte qu'aucune faute ne peut leur être reprochée.
Il indique qu'il procédait personnellement à l'entretien des pompes de relevage de l'immeuble qui n'ont connu aucune défaillance jusqu'à la désignation d'un syndic professionnel qui n'a pas conclu de contrat de maintenance.
Il soutient que la toiture de l'immeuble [Adresse 6] est d'origine, seuls des travaux de nettoyage des gouttières, de pose de tuiles, d'un velux et d'un raccord d'étanchéité ayant été réalisés en 2015. Il fait valoir également que le dégât des eaux dont ont eu à souffrir les demandeurs est imputable à une tuile cassée par le technicien d'une société de climatisation intervenu sur le toit et non à un défaut d'entretien de la toiture dont le syndic actuel atteste qu'elle est en bon état d'entretien.
Il ne conteste pas les non-conformités relevées par la société Pro Incendie mais qu'il n'existe aucun préjudice pour les demandeurs.
Il expose que les travaux d'isolation de la façade nord votés le 29 novembre 2013 étaient des travaux d'isolation thermique et non des travaux d'étanchéité. Il soutient que les encadrements de fenêtre sont des parties privatives selon le règlement de copropriété et que les demandeurs ont tenté, sans succès, de faire remplacer leurs fenêtres et volets par la copropriété, ce qui leur a été refusé.
Il en conclut qu'il n'a commis aucune faute dans l'entretien des parties communes et éléments d'équipement de l'immeuble susceptible d'engager sa responsabilité.
Sur la gestion de l'immeuble, il rappelle que l'article 22 I de la loi du 10 juillet 1965, dans sa rédaction issue de la loi Elan du 23 novembre 2018, n'était pas en vigueur lorsqu'il a exercé ses fonctions et n'a pas d'effet rétroactif. Il ajoute que les faits dénoncés pour la première fois dans des conclusions du 16 février 2024 sont prescrits, ce qui rend la demande fondée sur ces irrégularités irrecevable. II ajoute qu'il a tenu le carnet d'entretien de l'immeuble conformément au décret du 30 mai 2001 et que s'il n'existe pas de mention relative aux travaux, c'est qu'aucun travaux n'avait été voté et réalisé.
Il fait valoir que les demandeurs ne rapportent pas la preuve de leurs allégations concernant la gestion de la copropriété alors qu'il a toujours reçu quitus et qu'il n'existe aucune irrégularité dans les comptes.
Il indique que, lors de la vente des lots, il n'a dissimulé aucune information dans la mesure où le cabinet Syngestone n'avait pas pris ses fonctions et où l'état daté était conforme.
Il soutient qu'aucune condamnation in solidum avec le notaire ne saurait intervenir. Il fait valoir en tout état de cause qu'il n'a pas commis de faute, le dysfonctionnement du monte-voiture étant imputable à un acte de vandalisme, et que la preuve d'un préjudice n'est pas rapportée. Il conteste toute perte de chance et préjudice moral. Il estime en revanche que l'action est abusive en ce qu'elle révèle une intention de lui nuire alors qu'il a œuvré vingt années bénévolement au profit de la copropriété et que les accusations portées à son encontre sont sans fondement et dépourvues d'objet depuis que les demandeurs ont vendu leurs lots.

Dans ses écritures récapitulatives notifiées le 27 juin 2023, la Selas [A] [L] - [Z] - [V] conclut au débouté ainsi qu'à la condamnation de tout succombant à lui payer la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle rappelle que la responsabilité civile professionnelle d'un officier ministériel suppose la preuve d'une faute en causalité directe avec un préjudice certain. Or, elle soutient que toutes les vérifications ont été faites lors de la rédaction de l'acte car le dernier procès-verbal de l'assemblée générale du 14 décembre 2016 prévoyait que M. [S] accompagnerait la transition avec le nouveau syndic qui devra être désigné. Elle souligne que la nomination du cabinet Syngestone, évoquée, était putative et n'avait pas fait l'objet d'un vote. Elle précise que M. [S] lui a indiqué que le cabinet Syngestone serait désigné lors d'une assemblée générale devant se tenir en juillet 2017, ce qui a été confirmé par les vendeurs. Elle rappelle que le notaire n'a pas à aller au-delà des vérifications d'usage sur titres et documents sauf s'il existe des raisons objectives de douter des informations délivrées et qu'il est en droit de se fier à la régularité apparente des documents remis. Elle estime qu'elle n'a pas commis de faute, d'autant qu'il apparaît que M. [N] [S] était bien le syndic de la copropriété lors de l'établissement de l'état daté et qu'à la date de la vente le cabinet Syngestone n'avait pas été désigné pour le remplacer par l'assemblée générale. Elle soutient qu'il résulte des pièces produites que M. [N] [S] a été contraint de continuer à exercer ses fonctions et à avancer des frais jusqu'au 11 juillet 2017, ce que les demandeurs ne peuvent pas ignorer. Elle rappelle que le notaire a une obligation de moyens et qu'il n'a pas à informer les parties d'un fait dont il ne pouvait avoir connaissance. Elle fait valoir qu'en tout état de cause, aucun préjudice direct et certain n'est démontré par les demandeurs puisque le fait de connaître l'identité du syndic n'a pas d'incidence sur l'état d'entretien de l'immeuble qu'ils avaient préalablement visité. Elle ajoute que les problèmes de gestion sont apparus postérieurement au mandat de M. [N] [S], les charges d'entretien étant des charges normales assumées par les acquéreurs, lesquelles ne s'étaient pas révélées avant l'achat. Elle fait observer que les demandeurs ont revendus le bien à un prix supérieur à celui de leur achat si bien qu'ils ne démontrent pas l'existence d'une perte de chance de contracter à des conditions plus avantageuses.

La clôture de la procédure est intervenue le 20 février 2024. L'affaire a été retenue à l'audience du 5 mars 2024. La décision a été mise en délibéré au 17 mai 2024 prorogé au 22 août 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la responsabilité du syndic bénévole

Les copropriétaires qui supportent un préjudice spécifique sont fondés à mettre en cause la responsabilité du syndic sur le fondement, non pas des dispositions relatives au mandat puisque le syndic n'est pas le mandataire de chaque copropriétaire, mais des dispositions des articles 1240 et suivants du code civil.

La mise en œuvre de cette responsabilité par un copropriétaire nécessite la preuve d'une faute commise par le syndic, d'un préjudice personnel et d'un lien de causalité entre la faute et le préjudice allégué.

Pour justifier l'action engagée contre le syndic, le copropriétaire demandeur doit établir l'existence d'un préjudice direct et personnel, indépendamment de celui éprouvé par la copropriété.

La faute du syndic peut consister dans une carence dans l'entretien de l'immeuble et dans l'administration générale de l'immeuble, ou en une négligence dans sa mission de faire respecter les décisions d'assemblées générales, notamment en ce qui concerne l'exécution des travaux intéressant l'immeuble.

Le syndic ayant l'obligation de veiller au bon état d'entretien des parties communes et des services et équipements collectifs, il est responsable envers un copropriétaire en s'abstenant de réunir l'assemblée générale pour faire exécuter les travaux de réparation des désordres constatés dans les parties communes mais également pour ne pas avoir fait exécuter des travaux urgents et nécessaires dont l'absence a entraîné un préjudice aussi bien collectif qu'individuel.

Le syndic engage également sa responsabilité en cas de carence lors de la mutation d'un lot, en cas de renseignements erronés délivrés au notaire chargé de la vente d'un lot, d'un refus de délivrer le certificat de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1965, de l'absence de mention des informations prévues à l'article 5 du décret du 17 mars 1967 relatives aux charges devant incomber à l'acquéreur. Il n'est en revanche pas tenu d'indiquer dans l'état daté l'existence d'anomalies relatives à des éléments d'équipement alors qu'à la date de la vente, l'assemblée générale n'a pas encore pris sa décision relative à l'exécution des travaux pour y remédier.

En l'espèce, Mme [G] [W] et M. [E] [Y], acquéreurs de lots de copropriété le 1er juin 2017 qui reprochent à ce syndic bénévole des fautes et carences dans l'exécution de sa mission, doivent donc rapporter la preuve de manquements à ses obligations à l'origine de préjudices personnels, distincts de ceux éprouvés par la collectivité des copropriétaires.

Ils invoquent des manquements du syndic bénévole de trois natures, un défaut d'entretien des parties communes et des équipements communs, une mauvaise gestion de la copropriété et la dissimulation de l'état de l'immeuble ainsi que la rétention d'informations essentielles lors de la vente qu'il convient dès lors d'examiner.

1. Sur le défaut d'entretien

En vertu de l'article 18 de la loi du 10 juillet 1965, le syndic est notamment chargé d'administrer l'immeuble, de pourvoir à sa conservation, à sa garde et à son entretien et, en cas d'urgence, de faire procéder de sa propre initiative à l'exécution de tous travaux nécessaires à la sauvegarde de celui-ci.

En l'espèce, le 6 mai 2015, la société Ilex a adressé à M. [N] [S] une lettre au terme de laquelle elle l'informait suspendre ses prestations et résilier les contrats d'entretien de l'ascenseur et du monte-voiture au 30 novembre 2015 en raison de non-conformités rendant ces installations dangereuses.

Ils déduisent de cette lettre un défaut d'entretien de ces éléments d'équipement collectif ayant conduit à cette situation et donc une faute du syndic bénévole depuis l'année 1996.

Toutefois, M. [N] [S] produit une lettre de la société Ilex qui indiquait souhaiter poursuivre l'entretien des équipements le 8 avril 2015 ainsi que de multiples bons de ses interventions depuis l'année 2011 notamment pour le dépannage de l'ascenseur et de la plateforme élévatrice.

Aucune de ces pièces ne fait état de non-conformités ou de la dangerosité des équipements qui n'étaient donc pas connues du syndic bénévole avant la lettre du 6 mai 2015 et la lettre de la société Ilex a été évoquée dès l'assemblée générale du 16 octobre 2015.

Les copropriétaires ont alors décidé de provisionner la somme de 11.000 euros en cas de nouvelle panne de l'ascenseur dont la carte mère venait d'être remplacée et de procéder à une étude sur le remplacement du monte-voiture.

Il ressort de l'attestation remise par la société Electro-Alpes en charge de la maintenance de l'ascenseur que, après le remplacement de la carte mère de l'ascenseur, celui-ci a fonctionné dans des conditions normales et que des travaux n'ont pas été nécessaires.

Il résulte également qu'après l'établissement d'un rapport par Socotec, des travaux de mise en conformité et réparation du monte-voiture ont été réalisés par la société Gras Ascenseur pour un montant de 9.384 euros en lieu et place de ceux votés puis annulés d'un montant de 87.130 euros consistant à remplacer le monte-voiture.

Il n'est pas discuté que ce monte-voiture fonctionne désormais et il n'est pas davantage contestable que la réalisation de travaux d'une telle ampleur nécessitaient un vote préalable de l'assemblée générale.

La seule lettre de la société Ilex du 6 mai 2015 ainsi que les rapports ultérieurs diligentés par le cabinet Syngestone, préconisant des travaux dont l'utilité a par la suite été infirmée, ne suffisent pas, dans ce contexte, à démontrer un défaut d'entretien des éléments d'équipement communs imputables au syndic bénévole.

En effet, il n'est pas démontré que le mainteneur de l'ascenseur et du monte-voiture avait informé, avant le 6 mai 2015, le syndic des non-conformités et risques présentés par ces éléments d'équipement communs en prescrivant des travaux urgents qui n'auraient pas été réalisés ou même été soumis à l'assemblée générale.

Ces points ont été mis à l'ordre du jour de l'assemblée générale suivante du 16 octobre 2015 et le monte-voiture a fonctionné par la suite jusqu'à une date qu'il n'est pas possible de déterminer à l'aide des pièces produites, M. [N] [S] produisant une plainte pour un acte de vandalisme commis sur cet appareil au cours de l'année 2019.

En définitive, le défaut d'entretien de ces éléments d'équipement est allégué sur le fondement du seul courrier de la société Ilex établi le 6 mai 2015, société précisément chargée de les entretenir, sans aucune alerte préalable alors que les rapports divers établis par la suite révèlent davantage un vice de construction notamment pour le monte-voiture.

Aucune faute du syndic bénévole n'est donc démontrée dans l'entretien de ces éléments faisant l'objet de contrat d'entretien depuis plusieurs années auprès de la société Ilex, faute qui serait à l'origine de la mise à l'arrêt du monte-voiture

Les demandeurs invoquent également un défaut d'entretien des pompes de relevage, des malfaçons de la toiture et une non-conformité des équipements de sécurité incendie sans évoquer de dommage en lien avec les carences du syndic qu'ils allèguent, d'autant qu'ils n'ont réglé aucune charge de travaux et n'ont donc pas subi de préjudice.

Ils indiquent enfin que des travaux d'isolation de la façade nord de l'immeuble, évoqués lors de l'assemblée générale du 29 novembre 2013, n'ont jamais fait l'objet de devis et été exécutés, ce qui a causé des infiltrations dans leurs parties privatives et leur a fait subir un préjudice de jouissance de leur appartement.

Ce point avait fait l'objet d'une résolution sans vote selon laquelle " les copropriétaires sont d'accord pour effectuer des travaux d'isolation, moyennant un nouveau devis, et une nouvelle assemblées extraordinaire. "

Cette résolution évoque des travaux d'isolation et non d'étanchéité et il n'est produit aucune pièce par les demandeurs pour démontrer qu'ils ont subi des infiltrations dans leur appartement ainsi que pour en identifier les causes.

Il ne peut donc être retenu de faute du syndic bénévole à l'origine d'un préjudice de jouissance pour ne pas avoir mis en œuvre cette décision de principe qui ne portait pas sur l'étanchéité de l'immeuble mais sur son isolation thermique.

En définitive, aucun manquement du syndic à son obligation de veiller à l'entretien des parties communes et éléments d'équipement de l'immeuble à l'origine des préjudices invoqués par Mme [G] [W] et M. [E] [Y] n'est démontré.

2. Sur la gestion de la copropriété.

a. Sur la tenue des assemblées générales.

En vertu de l'article 22 de la loi du 10 juillet 1965, dans sa rédaction issue de la loi Elan du 23 novembre 2018, ne peuvent ni recevoir de mandat pour représenter un copropriétaire, ni présider l'assemblée générale :

1° Le syndic, son conjoint, le partenaire lié à lui par un pacte civil de solidarité, son concubin;
2° Les ascendants et descendants du syndic ainsi que ceux de son conjoint ou du partenaire lié à lui par un pacte civil de solidarité ou de son concubin;
3° Les préposés du syndic, leur conjoint, le partenaire lié à eux par un pacte civil de solidarité, leur concubin;
4° Les ascendants et descendants des préposés du syndic ainsi que ceux de leur conjoint ou du partenaire lié à eux par un pacte civil de solidarité ou de leur concubin.

L'interdiction frappant le syndic, même bénévole, de recevoir des pouvoirs existaient dès avant l'entrée en vigueur de la loi Elan puisque ce texte prévoyait que le syndic, son conjoint, le partenaire lié à lui par un pacte civil de solidarité, et ses préposés ne peuvent présider l'assemblée ni recevoir mandat pour représenter un copropriétaire.

La violation de cette disposition d'ordre public emportait nullité des délibérations de l'assemblée auxquelles le mandataire avait participé.

Par ailleurs, l'article 17 du décret du 17 mars 1967 prévoit qu'il est établi un procès-verbal des décisions de chaque assemblée qui est signé, à la fin de la séance , ou dans les huit jours suivant la tenue de l'assemblée, par le président, par le secrétaire et par le ou les scrutateurs et que la feuille de présence est annexée au procès-verbal.

Il est acquis que l'absence de feuille de présence est une cause de nullité de l'assemblée, laquelle ne peut être sollicitée que dans les deux mois suivant la notification du procès-verbal à peine de forclusion.

En l'espèce, il n'est pas discuté que M. [N] [S], syndic bénévole, a reçu des pouvoirs d'autres copropriétaires et qu'aucune feuille de présence n'était annexée aux procès-verbaux d'assemblée générale.

Pour autant, la sanction de la violation de ces dispositions est la nullité des assemblées générales, lesquels n'ont pas fait l'objet de recours pour les contester dans le délai de deux mois.

Il ne peut donc être tiré aucune conséquence des fautes reprochées au syndic bénévole, ce que Mme [G] [W] et M. [E] [Y] ne font pas.

b. Sur le défaut de tenue d'un carnet d'entretien complet.

Au terme de l'article 18 de la loi du 10 juillet 1965, le syndic est chargé notamment d'établir et de tenir à jour et à disposition des copropriétaires un carnet d'entretien de l'immeuble conformément à un contenu défini par décret.

L'article 1er du décret du 30 mai 2001 dispose que le carnet d'entretien prévu à l'article 18 de la loi du 10 juillet 1965 contient au moins les informations mentionnées à l'article 3 et, s'il y a lieu, celles mentionnées à l'article 4.

En vertu de l'article 3, le carnet d'entretien mentionne :
- l'adresse de l'immeuble pour lequel il est établi,
- l'identité du syndic en exercice,
- les références des contrats d'assurances de l'immeuble souscrits par le syndicat des copropriétaires, ainsi que la date d'échéance de ces contrats.

L'article 4 ajoute que le carnet d'entretien indique également :

- l'année de réalisation des travaux importants, tels que le ravalement des façades, la réfection des toitures, le remplacement de l'ascenseur, de la chaudière ou des canalisations, ainsi que l'identité des entreprises ayant réalisé ces travaux,
- la référence des contrats d'assurance dommages ouvrage souscrits pour le compte du syndicat des copropriétaires, dont la garantie est en cours,
- s'ils existent, les références des contrats d'entretien et de maintenance des équipements communs, ainsi que la date d'échéance de ces contrats,
- si le diagnostic technique global existe, la liste des travaux jugés nécessaires à la conservation de l'immeuble en précisant les équipements ou éléments du bâtiment concernés par ces travaux ainsi que l'échéancier recommandé,
- s'il existe, l'échéancier du programme pluriannuel de travaux décidé par l'assemblée générale des copropriétaires.

En l'espèce, le carnet d'entretien établi par M. [N] [S], en sa qualité de syndic bénévole, contient les indications suivantes :

" - une employée - [P] [K] - pour le ménage et entrée - sortie poubelles suivie par le comptable [U] et [U], expert-comptable à [Localité 7],
- électricité suivie par [O] [H] [R] en Italie,
- entretien ascenseur et monte-voiture Ilex à [Localité 5],
- porte entrée et mécanisme [O] [H],
- porte monte-voiture [C] à [Localité 7]. "

Les demandeurs font grief à ce carnet d'entretien de ne pas contenir les informations nécessaires pour apprécier l'état de l'immeuble, des travaux nécessaires à sa conservation et à la mise aux normes de ses éléments d'équipement si bien qu'ils n'ont pas pu prendre la mesure des dépenses qu'ils devraient supporter après leur acquisition.

Toutefois, les articles 3 et 4 du décret du 30 mai 2001 n'exigent pas la précision par le carnet d'entretien de l'existence d'anomalies relatives à des éléments d'équipement alors qu'à la date de la vente, l'assemblée générale n'a pas pris de décision relative à l'exécution de travaux pour y remédier.

Or, il est démontré qu'aucun travaux importants, tels que le ravalement des façades, la réfection des toitures, le remplacement de l'ascenseur, de la chaudière ou des canalisations, qui aurait dû être mentionné par ce carnet d'entretien n'a été réalisé depuis l'édification de l'immeuble en 1996.

Les travaux nécessaires à l'entretien des éléments d'équipement, pour lesquels la réalisation d'une étude avait été votée par une assemblée générale dont le procès-verbal avait été remis aux acquéreurs, ne figurent pas au nombre des mentions qui doivent figurer dans le carnet d'entretien.

Les demandeurs ne précisent pas quelle mention particulière fait défaut sur ce carnet d'entretien renseigné par le syndic bénévole si bien qu'ils ne caractérisent pas de faute de ce chef.

c. Sur la gestion de l'immeuble.

En l'espèce, Mme [G] [W] et M. [E] [Y] font valoir que la mauvaise gestion du syndic bénévole a conduit à ce que des dettes impayées par la copropriété pour les exercices 2015-2016 soient reportées sur les exercices postérieurs et à ce qu'ils en soient redevables.

Ils se fondent sur l'état des dépenses des exercices 2017 et 2018 établis par le cabinet Syngestone où sont reportées des honoraires du cabinet LBVS, le solde de gestion 2016 du cabinet Comptable [U], des cotisations Urssaf 2016, des cotisations Humanis 2015-2016 et des factures Electro Alpes 2015 -2016.

Toutefois, rien ne permet de déterminer la date d'émission et de réception des factures et appels de cotisation, M. [S] ayant cessé ses fonctions au 31 décembre 2016, date de clôture des exercices.

Il n'est pas produit aux débats de lettres de rappel ou de mise en demeure permettant de rapporter la preuve que les sommes étaient exigibles durant le mandat du syndic bénévole qui aurait commis une faute en ne les réglant pas, avec pour effet de reporter l'appel de charges correspondants.

Par ailleurs, il n'est pas davantage démontré que les honoraires du cabinet LVBS correspondaient à des dépenses personnelles de M. [N] [S] et non à une dépense de la copropriété alors que le syndic bénévole a fait appel à une autre avocat pour adresser une lettre au cabinet Syngestone.

Dès lors, n'est pas rapporté la preuve d'une faute de gestion dans l'établissement des comptes et le règlement des créanciers de la copropriété à l'origine d'un préjudice pour les demandeurs.

3. Sur la dissimulation de l'état de l'immeuble et la rétention d'informations.

Conformément à l'article 25 de la loi du 10 juillet 1965, le syndic doit être désigné par l'assemblée générale à la majorité des voix de tous les copropriétaires.

En l'espèce, M. [N] [S] a exercé les fonctions de syndic bénévole depuis l'achèvement de l'immeuble en 1996 et, lors de l'assemblée générale du 14 décembre 2016, les copropriétaires ont adopté à l'unanimité une résolution rédigée dans les termes suivants :

" M. [N] [S] cesse ses fonctions de syndic bénévole au 31/12/2016.
Ce dernier accompagnera la transition avec le nouveau syndic qui devra être désigné.
Il est proposé en assemblée de se rapprocher de Symgestion [Adresse 8] à [Localité 7].
M. [S] se chargera des démarches. "

L'assemblée générale n'a donc pas désigné la société Syngestone en qualité de syndic et n'a pas approuvé son contrat de syndic lors de cette assemblée, la résolution mentionnant expressément qu'un nouveau syndic devra être désigné.

Il ne peut donc se déduire de cette résolution qu'un nouveau syndic avait régulièrement été désigné comme l'indique d'ailleurs le vendeur des lots de Mme [W] et de M. [Y].

Il est fait grief à M. [N] [S] de s'être présenté comme le syndic en exercice lors de la vente intervenue le 1er juin 2017 et de ne pas avoir remis au nouveau syndic les pièces nécessaires à l'exercice de sa mission.

Pour autant, il ressort de messages échangés entre le cabinet Syngestone et M. [N] [S] que ce dernier a proposé dès le 19 janvier 2017 un rendez-vous pour la remise des pièces mais que la prise de fonction du syndic a été différée pour " l'enregistrement comptable de la copropriété " puis par la nécessité de tenir une assemblée générale.

Il résulte également des pièces produites que le cabinet Syngestone n'a pas réglé les factures de la copropriété et que M. [N] [S] a fait l'avance de plusieurs règlements, ce qu'a reconnu le syndic professionnel qui lui a remboursé la somme de 2.855,47 euros le 20 février 2018 pour des dépenses notamment correspondant aux cotisations Urssaf ou aux honoraires du cabinet [U] reportés sur l'état des dépenses 2018 que le syndic bénévole avait donc réglées sur ses fonds propres.

Le contenu des lettres émanant du cabinet Syngestone est donc démenti par ces échanges de messages électroniques révélant que M. [N] [S] a manifesté depuis le début de l'année 2017 la volonté de confier au syndic professionnel la gestion de la copropriété mais que ce dernier n'a pas convoqué d'assemblée générale avant le 11 juillet 2017 ni pris en main la gestion des comptes.

Par ailleurs, M. [N] [S] n'a pas dissimulé l'existence de ce syndic professionnel dont il convient de relever qu'il n'avait pas été désigné régulièrement par l'assemblée générale du 14 décembre 2016.

Il n'est dès lors pas démontré de manœuvres destinées à dissimuler " l'état de l'immeuble " ou l'identité du syndic professionnel qui n'avait pas pris ses fonctions, contraignant ainsi le syndic bénévole à poursuivre la gestion des affaires courantes et à renseigner l'état daté.

Par conséquent, Mme [G] [W] et M. [E] [Y] ne rapportent pas la preuve qui leur incombe des fautes et carences de M. [N] [S], syndic bénévole, dans l'exécution de sa mission à l'origine de préjudices personnels.

Ils seront donc déboutés de toutes leurs demandes d'indemnisation de leurs préjudices dirigées à son encontre.

Sur la responsabilité du notaire.

Le notaire est statutairement tenu d'une obligation de conseil et d'information à l'égard de ses clients et doit, à cet effet, éclairer les parties et appeler leur attention de manière circonstanciée sur la portée, les effets ainsi que sur les risques des actes qu'il dresse.

L'acte instrumenté par un officier public n'est susceptible d'entraîner sa responsabilité professionnelle que si elle est une conséquence d'une défaillance de celui-ci dans les investigations et contrôles que son devoir d'assurer l'efficacité de l'acte qu'il instrumente lui impose nécessairement.

Son obligation porte sur une vérification au moyen d'actes et documents et c'est uniquement lorsque la nature d'un acte laisse supposer qu'il existe une faille dans les droits des parties qu'il peut être responsable pour ne pas avoir procédé à des vérifications supplémentaires qui lui auraient permis de la découvrir.

Enfin, la responsabilité des notaires est soumise aux conditions habituelles de la responsabilité délictuelle de l'article 1240 du code civil qui imposent au demandeur de rapporter la preuve d'un manquement à une obligation lui ayant directement causé un préjudice certain.

En l'espèce, les demandeurs reprochent au notaire de ne pas avoir décelé lors de l'établissement de l'état daté que M. [N] [S] n'était plus le syndic de l'immeuble puisqu'il était en possession du procès-verbal de l'assemblée générale du 14 décembre 2016.

Comme le souligne la Selas [A] [L] - [Z] - [V], ce procès-verbal d'assemblée générale ne contenait pas la désignation d'un syndic professionnel et l'approbation d'un contrat de syndic puisque l'assemblée générale avait simplement décidé que M. [N] [S] se rapprocherait du cabinet Syngestone conseillé par un copropriétaire.

Par ailleurs, il ressort d'une lettre du vendeur que ce dernier n'avait pas connaissance de la désignation effective de ce nouveau syndic à défaut de vote en ce sens si bien qu'il a confirmé au notaire que M. [N] [S] était le syndic de l'immeuble.

Dès lors, il ne peut être reproché au notaire de ne pas avoir fait plus d'investigations alors que le cabinet Syngestone n'a jamais été désigné régulièrement par l'assemblée générale, conformément à l'article 25 de la loi du 10 juillet 1965, pour exercer les fonctions de syndic et que son contrat n'a pas été approuvé dans les mêmes conditions avant sa signature.

En outre, la découverte de ce syndic par le notaire n'aurait eu aucune incidence sur l'état de l'immeuble ou la tenue du carnet d'entretien avant son entrée en fonction, étant observé que le cabinet Syngestone n'a fait aucune diligence et que les copropriétaires, au nombre desquels les demandeurs l'ont pas la suite fait assigner pour mettre en cause sa responsabilité dans l'exécution de son mandat.

Il n'existe dès lors aucune faute du notaire ayant un lien de causalité avec les préjudices invoqués par Mme [G] [W] et M. [E] [Y] qui seront donc également déboutés de toutes leurs demandes dirigées à l'encontre de Selas [A] [L] - [Z] - [V].

***

En définitive, à défaut de démonstration d'une faute de M. [N] [S], syndic bénévole, et du notaire à l'origine des préjudices invoqués, Mme [G] [W] et M. [E] [Y] seront déboutés de l'intégralité de leurs demandes.

Sur les demandes reconventionnelles de dommages-intérêts.

1. Sur la demande de dommages intérêts pour procédure abusive.

Par application de l'article 1240 du code civil et de l'article 32-1 du même code, l'exercice d'une action en justice, de même que la défense à une telle action, ne dégénère en abus que s'il constitue un acte de malice ou de mauvaise foi ou s'il s'agit d'une erreur grave équipollente au dol.

En l'espèce, bien qu'ils succombent en leur action, Mme [G] [W] et M. [E] [Y] ont pu légitimement se méprendre sur la portée de leurs droits et être induits en erreur notamment par la lettre rédigée par la société Ilex peu avant l'acquisition de leurs lots dont le contenu a été démentie ultérieurement à l'introduction de l'instance.

Le maintien de leur action malgré la vente de leurs lots en cours de procédure ne peut, dans ce contexte, permettre de caractériser leur mauvaise foi dans le maintien de leur action.

A défaut de caractériser un abus par les demandeurs de leur droit d'agir en justice, M. [N] [S] sera débouté de sa demande d'indemnisation.

2. Sur la demande de dommages-intérêts pour préjudice moral.

Si les affirmations des demandeurs sont démenties par les pièces versées aux débats, elles se fondaient à l'origine sur des éléments émanant de tiers, à savoir la société Ilex, la société Aasa, la société EMR et sur des lettres du cabinet Syngestone à l'encontre duquel le syndicat a par la suite intenté une action en justice.

M. [N] [S], ayant géré bénévolement la copropriété pendant vingt années, ne rapporte pas la preuve d'un préjudice moral spécifique causé par l'action mettant en cause sa gestion qui est un risque inhérent à l'exercice de ces fonctions.

A défaut, il sera débouté de sa demande de dommages-intérêts pour le préjudice moral causé par l'action de Mme [G] [W] et M. [E] [Y].

Sur les demandes accessoires.

Parties perdantes au procès, Mme [G] [W] et M. [E] [Y] seront condamnés aux dépens ainsi qu'à verser, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, les sommes de :

- 3.000 euros à M. [N] [S],
- 1.500 euros à la Selas [A] [L] - [Z] - [V].

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant après débats publics, par jugement contradictoire rendu en premier ressort et prononcé par mise à disposition au greffe,

DEBOUTE Mme [G] [W] et M. [E] [Y] de toutes leurs demandes ;

CONDAMNE Mme [G] [W] et M. [E] [Y] à verser la somme de 3.000 euros à M. [N] [S] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE Mme [G] [W] et M. [E] [Y] à verser la somme de 1.500 euros à la Selas [A] [L] - [Z] - [V] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE M. [N] [S] de ses demandes reconventionnelles de dommages-intérêts ;

CONDAMNE Mme [G] [W] et M. [E] [Y] aux dépens avec distraction au profit de Maître Olivier Faucheur, avocat au Barreau de Nice, dans les conditions prévues par l'article 699 du code de procédure civile ;

Et le Greffier a signé avec le Président.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Nice
Formation : 4ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 20/02524
Date de la décision : 22/08/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 29/08/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-08-22;20.02524 ?
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