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22/08/2024 | FRANCE | N°19/01332

France | France, Tribunal judiciaire de Nice, 4ème chambre civile, 22 août 2024, 19/01332


COUR D’APPEL D’AIX EN PROVENCE

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE NICE

GREFFE
M I N U T E
(Décision Civile)


JUGEMENT : S.A. SA PRIMA c/ [M] [I]


Du 22 Août 2024

4ème Chambre civile
N° RG 19/01332 - N° Portalis DBWR-W-B7D-MEE5




























Grosse délivrée à la SELARL RICHARD-LOMBARDI, ASSOCIES AVOCATS

expédition délivrée à
Me Catherine COTTRAY-LANFRANCHI



le 22 Août 2024


mentions diverses
Pa

r jugement de la 4ème Chambre civile en date du vingt deux Août deux mil vingt quatre

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame SANJUAN PUCHOL Présidente, assistée de Madame PROVENZANO, Greffier.

Vu les Articles 812 à 816 du Code de Procé...

COUR D’APPEL D’AIX EN PROVENCE

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE NICE

GREFFE
M I N U T E
(Décision Civile)

JUGEMENT : S.A. SA PRIMA c/ [M] [I]


Du 22 Août 2024

4ème Chambre civile
N° RG 19/01332 - N° Portalis DBWR-W-B7D-MEE5

Grosse délivrée à la SELARL RICHARD-LOMBARDI, ASSOCIES AVOCATS

expédition délivrée à
Me Catherine COTTRAY-LANFRANCHI

le 22 Août 2024

mentions diverses
Par jugement de la 4ème Chambre civile en date du vingt deux Août deux mil vingt quatre

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame SANJUAN PUCHOL Présidente, assistée de Madame PROVENZANO, Greffier.

Vu les Articles 812 à 816 du Code de Procédure Civile sans demande de renvoi à la formation collégiale ;

DÉBATS

A l'audience publique du 05 Mars 2024 le prononcé du jugement étant fixé au 17 mai 2024 par mise à disposition au greffe de la juridiction, les parties en ayant été préalablement avisées.

PRONONCÉ

Par mise à disposition au Greffe le 22 Août 2024, après prorogation du délibéré le 17 mai, 11 juin, 03 juillet 2024, signé par Madame SANJUAN PUCHOL Présidente, assistée de Madame BOTELLA, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

NATURE DE LA DÉCISION :
contradictoire, en premier ressort, au fond.

DEMANDERESSE:

S.A. PRIMA prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié es qualités audit siège
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Catherine COTTRAY-LANFRANCHI, avocat au barreau de NICE, avocat plaidant

DÉFENDEUR:

Monsieur [M] [I]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Localité 1]
représenté par Maître Jean-luc RICHARD de la SELARL RICHARD-LOMBARDI, ASSOCIES AVOCATS, avocats au barreau de NICE, avocats plaidant

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [M] [I], architecte, a souscrit dans le cadre de son activité professionnelles plusieurs contrats de prévoyance dont l'un intitulé " Mondiale Prévoyance Revenus Pack " ayant pour objet une garantie de ressources en cas d'incapacité temporaire totale de travail ou d'invalidité permanente de l'assuré fournie par la société Prima.

M. [M] [I] a déclaré le 10 avril 2015 un accident de la vie privée survenu le 5 décembre 2014 pris en charge au titre de la garantie incapacité temporaire. L'assureur a fait procéder à une expertise médicale confiée au docteur [R] qui a rendu un rapport le 3 octobre 2016 concluant à une incapacité temporaire totale de travail du 5 décembre 2014 au 5 juin 2015 et à une incapacité temporaire partielle au-delà.

Sur le fondement de ce rapport, l'assureur a réclamé à M. [M] [I] le remboursement des indemnités journalières versées à compter du 6 juin 2015.

Par acte du 10 mars 2017, M. [M] [I] a fait assigner la société d'assurances mutuelles AG2R la Mondiale devant le tribunal d'instance de Menton aux fins d'obtenir le remboursement des cotisations d'assurances perçues et le paiement, sous astreinte des indemnités journalières à compter du 18 septembre 2016 et jusqu'à la consolidation de son état.

La société Prima est volontairement intervenue à l'instance et, par ordonnance du 4 juillet 2017, le juge des référés du tribunal d'instance de Menton s'est déclaré matériellement incompétent pour connaître de cette demande portant sur une obligation d'un montant indéterminé et a renvoyé l'affaire au juge des référés du tribunal de grande instance de Nice.

Par ordonnance du 27 octobre 2017, le juge des référés du tribunal de grande instance de Nice a dit n'y avoir lieu à référé et a débouté M. [M] [I] de ses demandes.

Par acte d'huissier du 19 mars 2019, la société Prima a fait assigner M. [M] [I] devant le tribunal de grande instance de Nice afin d'obtenir principalement, sur le fondement de la répétition de l'indu, le remboursement des indemnités journalières versées entre le 6 juin 2015 et le 18 septembre 2016 pour un montant total de 86.390,82 euros.

Par jugement mixte du 15 juin 2021, le tribunal judiciaire de Nice a, notamment, déclaré l'action en répétition de l'indu recevable car non prescrite, a sursis à statuer sur les demandes principales de la société Prima et sur les demandes reconventionnelles de M. [M] [I] et, pour le surplus, a ordonné une expertise médicale confiée au docteur [G] [K].

Malgré sa consignation pour frais d'expertise et le docteur [K] ne s'étant pas manifesté, M. [M] [I] a sollicité une ordonnance de remplacement d'expert auprès du juge chargé du contrôle des expertises.

Le docteur [K] a informé les parties le 3 janvier 2022 qu'il ne procéderait pas à l'examen médical de M. [M] [I], ayant été informé par le tribunal qu'il serait remplacé.

Par ordonnance du 27 mars 2023, le juge de la mise en état a ordonné un sursis à statuer sur le litige jusqu'à ce que le technicien commis en remplacement du docteur [G] [K] dépose son rapport d'expertise.

Le docteur [T] [O], expert commis en remplacement du Docteur [K] a établi son rapport le 4 octobre 2023 au terme duquel elle conclut que sont médicalement justifiés :

- un arrêt de travail total de 9 mois du 5 décembre 2014 au 5 septembre 2015,
- un arrêt de travail à mi-temps du 6 septembre 2015 au 13 janvier 2017.

***

Dans ses dernières écritures communiquées le 15 février 2024, la société Prima sollicite :

- à titre principal, la condamnation de M. [M] [I] à lui rembourser la somme de 86.390,82 euros d'indemnités journalières indûment perçues entre le 6 juin 2015 et le 18 septembre 2016, avec intérêts au taux légal à compter du 19 mars 2019 capitalisés annuellement,
- à titre subsidiaire, la condamnation de M. [M] [I] à lui restituer, sur le fondement de l'enrichissement sans cause, la somme de 39.923 euros d'indemnités journalières, avec intérêts au taux légal à compter du 19 mars 2019 capitalisés annuellement,
en tout état de cause :
- le rejet des demandes reconventionnelles de M. [M] [I] comme étant principalement prescrites et subsidiairement infondées,
- la condamnation de M. [M] [I] à lui payer la somme de 4.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir qu'aux termes de l'article 1302 du code civil, ce qui a été payé sans être dû est sujet à répétition au profit de celui de qui le paiement a indûment été perçu, ce qui inclut les intérêts au taux légal par application de l'article 1352-6 du même code. Elle rappelle également que les conventions tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elle explique que les conditions générales du contrat d'assurance précisaient que la garantie avait pour objet de procurer à l'assuré en incapacité temporaire de travail un revenu indemnitaire de substitution lorsque son état de santé l'oblige à suspendre totalement l'exercice de ses activités professionnelles. Elle expose qu'il est expressément prévu que l'assuré ne peut bénéficier d'une indemnité journalière qu'à la condition que son état de santé fasse l'objet d'une incapacité temporaire totale de travail et qu'elle est suspendue de plein droit s'il est établi que l'assuré a repris même partiellement son activité. Elle soutient que cette information a été portée à la connaissance de M. [M] [I] par les conditions générales et particulières puisqu'il a reconnu avoir reçu la notice sur son bulletin d'adhésion du 18 février 2013. Elle estime ainsi qu'elle rapporte la preuve qu'elle a respecté son obligation d'information, rendant opposables les conditions générales du contrat d'assurance à M. [M] [I]. Elle fait valoir qu'il n'existe aucune contrariété entre les clauses des conditions générales et particulières.
Elle indique que si M. [M] [I] soutient qu'il n'a pas repris d'activité professionnelle le 6 juin 2015, aucun élément médical n'indique qu'il n'était pas en mesure de le faire, peu important au regard des clauses contractuelles l'absence de consolidation. Elle souligne que lors de l'expertise du docteur [R], il a d'ailleurs reconnu avoir repris son travail le 6 juin 2015 si bien qu'elle aurait dû cesser de prendre en charge le paiement des indemnités journalières à cette date.
Elle considère qu'elle a réglé, de manière indue, une indemnité journalière de 183,42 euros à M. [M] [I] jusqu'au 18 septembre 2016 alors qu'elle aurait dû, selon le rapport du docteur [R], cesser tout versement à compter du 6 juin 2016 de sorte que la somme de 86.390,82 euros devra lui être restituée.
Elle ajoute subsidiairement fonder sa demande sur l'enrichissement sans cause en exposant que, selon l'article 1 des conditions générales, les prestations versées ne peuvent avoir pour effet de procurer à l'assuré un revenu supérieur à la moyenne du bénéfice professionnel net imposable des deux dernières années précédant le sinistre, ce qu'elle estime avoir été le cas en l'espèce à hauteur de la somme de 23.204 euros pour l'année 2015 et de la somme de 16.719 euros pour l'année 2016.
Elle estime que les demandes reconventionnelles de M. [M] [I] sont prescrites sur le fondement de l'article L. 114-1 du code des assurances en vertu duquel toutes les actions dérivant d'un contrat d'assurance sont prescrites par deux ans à compter de l'évènement qui y donne naissance. Elle ajoute que l'effet interruptif d'une demande en justice est non avenu lorsque la demande en référé a été rejetée conformément à l'article 2243 du code civil. Elle fait valoir que si elle a été assignée en référé, cette demande a définitivement été rejetée par ordonnance de référé du 27 octobre 2017, ce qui rend non avenu l'effet interruptif de la prescription biennale si bien que les demandes, formées pour la première fois, par conclusions notifiées le 24 juin 2019 sont irrecevables.
A défaut, elle considère que les demandes reconventionnelles devront être rejetées comme étant infondées en ce que l'expert judiciaire a retenu 3 mois supplémentaires d'incapacité temporaire totale de travail en se fondant sur les seules déclarations de M. [M] [I], le retentissement psychologique n'étant pas médicalement objectivé. Elle ajoute que l'incapacité temporaire partielle de travail n'est pas en lien direct, exclusif et certain avec l'accident mais avec des discopathies dégénératives.
Elle soutient que les pièces comptables produites sont incomplètes mais démontrent que M. [M] [I] a bien repris son activité professionnelle.

Dans ses écritures en réponse notifiées le 13 février 2024, M. [M] [I] conclut au débouté et sollicite, à titre reconventionnel, la condamnation de la société Prima à lui payer, sous bénéfice de l'exécution provisoire, les sommes suivantes :

- 23.110,92 euros d'indemnités journalières non perçues du 19 septembre 2016 au 13 janvier 2017,
- 4.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens incluant les honoraires de l'expert judiciaire taxés à 800 euros dont il a fait l'avance.

Il expose avoir été victime d'un accident dans une salle de sport le 5 décembre 2014 ayant motivé un arrêt de travail le 10 mars 2015 prolongé par son médecin traitant jusqu'au 3 octobre 2018. Il explique avoir déclaré cet accident qui lui a délivré un certificat d'incapacité totale de travail puis a pris en charge le paiement des indemnités journalières avant de diligenter une expertise confiée au docteur [R]. Il indique que le 3 octobre 2016, 22 mois après l'accident, le médecin a considéré qu'il avait été en arrêt de travail 6 mois jusqu'au 5 juin 2015 puis avait subi une incapacité temporaire partielle du fait des phénomènes douloureux au-delà de cette date. Il relate que l'assureur a cessé tout versement à compter du 18 septembre 2016 et a remis en prélèvement le paiement des cotisations d'assurance. Il conteste fermement avoir repris son travail et explique qu'il a sollicité la désignation d'un tiers-arbitre conformément au contrat, ce qui n'a pas été fait par l'assureur qui l'a fait assigner en répétition de l'indu trois ans plus tard.
Il fait valoir que cette demande repose sur les conditions générales prévoyant que la garantie est acquise à l'assuré en cas d'incapacité totale de travail, alors que comme l'a relevé le tribunal dans son jugement mixte, les conditions générales de la police ne lui sont pas opposables et qu'il existe une contradiction entre les conditions générales et particulières du contrat.
Il soutient en effet que les conditions générales lui sont inopposables, à défaut pour l'assureur de rapporter la preuve qu'il a satisfait aux obligations de l'article L. 112-2 du code des assurances en l'informant de la limitation de sa garantie à l'incapacité de travail ayant entraîné une suspension totale des activités professionnelles. Il rappelle qu'il est constant que lorsque l'assureur subordonne sa garantie à la réalisation, par l'assuré, d'une condition particulière, il doit apporter la preuve qu'il a précisément porté cette condition à la connaissance de l'assuré au moment de son adhésion à la police. Il fait valoir que la mention du bulletin d'adhésion selon laquelle l'adhérent connait avoir reçu une notice d'information avant la signature de chaque demande d'adhésion ne permet pas de vérifier qu'une telle notice décrivait les garanties souscrites et les exclusions alors qu'elles ne sont pas visées précisément par le document contractuel signé. Il précise que le défaut d'information est sanctionné par l'inopposabilité à l'assuré de toute clause restrictive ou limitative de garantie et ce, d'autant plus qu'il existe une discordance entre les conditions particulières et les conditions générales.
Il relève qu'en application de l'article L. 133-2 du code de la consommation, les clauses des contrats proposés par les professionnels doivent être présentées et rédigées de manière claire et compréhensibles et qu'en vertu de l'article 1119 du code civil, en cas de discordance, les conditions particulières individualisant la garantie d'assurance l'emportent sur les conditions générales. Il précise que l'article 1119 du code civil, entré en vigueur après la signature du contrat n'a fait que confirmer une règle antérieure dégagée par la jurisprudence.
Or, il fait valoir que les conditions particulières prévoyaient que " les indemnités journalières, si la garantie est souscrite, s'ajoutent au revenu professionnel du bénéficiaire si l'activité professionnelle est maintenue et sont imposés dans la catégorie BIC-BNC-Article 62 du CGI ".
Il considère qu'il s'induit des conditions particulières que la garantie indemnités journalières n'excluait pas le maintien d'une activité professionnelle et s'appliquait donc également à une incapacité de travail partielle. Il ajoute qu'aucune des mentions des conditions particulières ne se réfère à l'exigence d'une incapacité totale de travail. Il conclut que les conditions particulières doivent prévaloir sur les conditions générales qui lui sont contraires si bien que la société Prima devra être déboutée de sa demande à défaut de rapporter la preuve d'un paiement indu pour la période du 12 mai 2015 au 18 septembre 2016.
Il souligne que l'expert judiciaire a confirmé un arrêt de travail total du 5 décembre 2014 au 5 septembre 2015 puis un arrêt de travail partiel du 6 septembre 2015 au 13 janvier 2017. Il relève que l'assureur tente de faire prévaloir les conclusions de son propre expert sur celles de l'expert judiciaire. Il considère qu'en tout état de cause, le docteur [R] ayant fait état d'une incapacité temporaire partielle au-delà du 5 juin 2015, la garantie était exigible au-delà de cette date en application des conditions particulières. Il conclut que les conclusions de l'expert judiciaire devront être entérinées en ce qu'elles confirment que les indemnités journalières étaient médicalement justifiées jusqu'au 13 janvier 2017 si bien que la société Prima devra être déboutée de sa demande de répétition de l'indu.
Il indique avoir fourni les pièces comptables démontrant une diminution brutale de son chiffre d'affaires à la suite de l'accident, le recouvrement d'honoraires sur des promotions antérieures à 2014 et la cession des parts sociales d'une société familiale en avril 2015 expliquant ses revenus en 2015. Il réclame dès lors, à titre reconventionnel, le paiement des indemnités journalières dues du 19 septembre 2016 au 31 décembre 2016 pour un montant de 20.726,46 euros et du 1er au 13 janvier 2016 pour un montant de 2.384,46 euros. Il estime que sa demande est recevable dès lors que l'assureur n'a pas, conformément à l'article 789 6° du code de procédure civile, saisi le juge de la mise en état de la prescription qu'il invoque.

La clôture de la procédure a été ordonnée le 20 février 2024. L'affaire a été retenue à l'audience du 5 mars 2024. La décision a été mise en délibéré au 17 mai 2024 prorogé au 22 août 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande principale de remboursement d'indemnités journalières indument perçues

En vertu de l'article L. 113-5 du code des assurances, lors de la réalisation du risque ou à l'échéance du contrat, l'assureur doit exécuter dans le délai convenu la prestation déterminée par le contrat et ne peut être tenu au-delà.

Ainsi, la limite de la prestation de l'assureur est définie par la police qui fixe contractuellement les prestations auxquelles il s'engage et qui constitue la loi des parties conformément au droit commun des contrats.

Au terme de l'article 1302-1 du code civil, celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû doit le restituer à celui de qui il l'a indûment reçu. Il résulte de ces dispositions que, dès lors que les sommes versées n'étaient pas dues, l'assureur est en droit, sans être tenu à aucune autre preuve, d'en obtenir la restitution.

La société Prima fonde sa demande de répétition de l'indu sur les conditions générales du contrat d'assurance dont M. [M] [I] estime qu'elles ne lui sont pas opposables et qu'elles sont contraires aux conditions particulières qui doivent prévaloir sur celles-ci, moyen de défense qu'il convient dès lors d'examiner préalablement.

L'article L. 112-2 du code des assurances dispose que l'assureur doit obligatoirement fournir une fiche d'information sur le prix et les garanties avant la conclusion du contrat. Ce texte ajoute qu'avant la conclusion du contrat, l'assureur remet à l'assuré un exemplaire du projet de contrat et de ses pièces annexes ou une notice d'information sur le contrat qui décrit précisément les garanties assorties des exclusions, ainsi que les obligations de l'assuré.

Selon l'article R. 112-3 du même code, la remise de ces documents doit être constatée par une mention signée et datée par le souscripteur apposée au bas de la police, par laquelle celui-ci reconnaît avoir reçu au préalable ces documents et précisant leur nature et la date de leur remise.

Conformément au droit commun de la preuve, il incombe à l'assureur, débiteur de cette obligation d'information, de prouver que tant les conditions de la garantie que ses limitations ont été portées à la connaissance du souscripteur.

Il est en effet acquis qu'une clause d'exclusion ou de limitation de garantie doit avoir été portée à la connaissance de l'assuré au moment de son adhésion à la police ou, tout au moins, antérieurement à la réalisation du sinistre pour lui être opposable.

Seules sont opposables à l'assuré les conditions générales entrées dans le champ contractuel dont il a eu connaissance au moment de son adhésion au contrat d'assurance.

Les conditions générales ne peuvent s'imposer aux parties liées par les conditions particulières que si elles sont incluses dans le contrat. En cas de contradiction entre les conditions générales et les conditions particulières, ces dernières l'emportent si les conditions générales sont inconciliables avec les conditions particulières, principe applicable avant même sa consécration par l'article 1119, alinéa 3, du code civil.

En l'espèce, la société Prima fournit deux demandes d'adhésion signées par M. [M] [I] le 18 février 2013 qui comprennent la mention dactylographiée suivante :

" L'adhérent :

- atteste avoir effectué ci-dessus une déclaration conforme à sa situation au jour de la signature de l'adhésion et demande à bénéficier du nombre d'adhésion ci-dessus. La réception des conditions particulières vaudra information de l'adhésion au contrat […]

- reconnaît avoir reçu une notice avant la signature de chaque demande d'adhésion et avoir pris connaissance des frais de l'adhésion ainsi que du modèle de lettre de renonciation. "

Il n'existe aucune référence aux conditions générales visées par ces demandes d'adhésion déterminant la limite de la garantie incapacité temporaire de travail " standard " même si figure, dans un encart, l'intitulé " Mondiale Prévoyance Revenus " qui correspond à celui des conditions générales dont l'assureur revendique l'application.

Il sera souligné que la garantie dont l'application est demandée est une garantie incapacité temporaire de travail qui ne mentionne pas qu'elle est totale ou temporaire, comme cela est usuel en matière d'assurance de personnes.

Mais surtout, les conditions générales sont radicalement contredites par les conditions particulières adressées à M. [M] [I] le 5 avril 2013 par une lettre au terme de laquelle " Les indemnités journalières, si la garantie est souscrite, s'ajoutent au revenu professionnel du bénéficiaire si l'activité professionnelle est maintenue et sont imposées dans la catégorie BIC-BNC - Article 62 CGI ".

Il s'ensuit qu'il n'est pas rapporté la preuve par l'assureur que les conditions générales, limitant l'objet de la garantie incapacité temporaire de travail, sont celles qui ont été remises à M. [M] [I] lors de la conclusion de la police, puisque la demande d'adhésion vise, dans une formule générale, la remise d'une notice sans aucune référence la rendant précisément identifiable.

Il ressort également des conditions particulières du 5 avril 2013 que la garantie " indemnités journalières " pouvait s'ajouter au revenu professionnel du bénéficiaire si l'activité était maintenue, ce qui est incompatible avec les conditions générales dont l'assureur revendique l'application en vertu desquelles seule l'indemnisation de l'incapacité temporaire de travail totale était garantie.

Dès lors, l'assureur ne rapporte pas la preuve de la remise des conditions générales définissant et limitant la garantie à l'incapacité temporaire totale de travail avant sa souscription par M. [M] [I] et ces conditions générales sont, de surcroît, en contradiction et incompatibles avec les conditions particulières qui doivent prévaloir.

Les conditions générales intitulées " Mondiale Prévoyance Revenus Pack " seront par conséquent déclarées inopposables à M. [M] [I].

Il ressort du rapport d'expertise du Docteur [T] [O] que M. [M] [I] a été en arrêt de travail total du 5 décembre 2014 au 5 septembre 2015 puis en arrêt de travail à mi-temps du 6 septembre 2015 au 13 janvier 2017.

Si la société Prima conteste ces conclusions médicales, son propre médecin conseil, le Docteur [V] [R], avait lui-même constaté dans le rapport du 3 octobre 2016 qu'au-delà du 5 juin 2015, M. [M] [I] était en incapacité temporaire partielle de travail du fait des phénomènes douloureux et qu'il présentait un syndrome cervico-céphalalgique avec un retentissement psychologique.

M. [M] [I] ayant été en incapacité temporaire de travail jusqu'au 13 janvier 2017, et les conditions générales limitant la garantie à une incapacité temporaire de travail totale n'étant pas opposables à l'assuré, la société Prima ne démontre pas le caractère indu des prestations versées au titre de cette garantie.

La société Prima sera en conséquence déboutée de sa demande principale de remboursement de la somme de 86.390,82 euros d'indemnités journalières.

Sur la demande subsidiaire fondée sur l'enrichissement sans cause.

L'action de in rem verso, était admise sur le fondement de l'article 1371 du code civil, dans sa rédaction applicable au contrat, dans le cas où le patrimoine d'une personne se trouvait, sans cause légitime, enrichi au détriment de celui d'une autre personne qui ne disposerait pour obtenir ce qui lui est dû, d'aucune action naissant d'un contrat, d'un quasi-contrat ou d'un quasi-délit.

L'enrichissement de l'un des intéressés au détriment de l'autre, qui suppose un déplacement de valeur entre deux patrimoines, ne devait donc pas être justifié par un titre juridique, légal, judiciaire ou conventionnel ou par une faute de l'appauvri.

En l'espèce, la société Prima fait valoir que l'objet de la garantie étant, selon l'article 1er des conditions particulières, de procurer un revenu indemnitaire de substitution, les prestations ne pouvaient excéder la moyenne du bénéfice professionnel net imposable des deux années civiles précédant le sinistre.

Elle soutient que M. [M] [I] a déclaré en 2015 des bénéfices nets imposables de 36.244 euros en 2015 ajoutés à des indemnités journalières de 40.168 euros, soit des revenus de 72.395 euros et, en 2016, des bénéfices nets de 9.050 euros ajoutés à des indemnités journalières de 56.860 euros, soit des revenus de 65.910 euros.

Toutefois, il ne peut qu'être constaté que l'assureur a réglé le strict montant de l'indemnité journalière dont le montant était expressément fixé par les conditions particulières du contrat (179 euros par jour) si bien que leur paiement, fondé sur la convention liant les parties, avait une cause.

Les conditions d'exercice d'une action fondée sur l'enrichissement sans cause, devenu l'enrichissement injustifié depuis la réforme du droit des obligations, ne sont donc pas réunies.

La société Prima sera par conséquent également déboutée de sa demande subsidiaire en paiement de la somme de 39.923 euros.

Sur la demande reconventionnelle de paiement des indemnités journalières.

En vertu de l'article 789-6° du code de procédure civile, lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal, pour statuer sur les fins de non-recevoir.

Il ressort de l'article 55 II du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 que les dispositions de l'article 789-6° sont applicables aux instances introduites à compter du 1er janvier 2020.

Or, l'assignation a été délivrée par la société Prima à M. [M] [I] le 19 mars 2019 si bien que les dispositions de l'article 789-6° du code de procédure civile conférant compétence exclusive au juge de la mise en état pour statuer sur les fins de non-recevoir ne sont pas applicables à l'instance introduite avant le 1er janvier 2020.

La fin de non-recevoir tirée de la prescription soulevée devant le tribunal par la société Prima est recevable et doit être examinée.

Au terme de l'article L. 114-1 du code des assurances, toutes actions dérivant d'un contrat d'assurance sont prescrites par deux ans à compter de l'événement qui y donne naissance.

L'article 2241 du code civil dipose que la demande en justice, même en référé interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion.

L'article 2243 du même code ajoute que l'interruption est non avenue si le demandeur se désiste de sa demande ou laisse périmer l'instance, ou si sa demande est définitivement rejetée.

Il résulte de ces textes que la demande formée au fond par l'assuré, plus de deux ans après la date à laquelle il a connaissance du fait générateur de garantie, est irrecevable car prescrite s'il a été débouté de la même prétention par une ordonnance de référé dont l'effet interruptif est non avenu.

En l'espèce, M. [M] [I] a fait assigner la société d'assurances mutuelles AG2R la Mondiale devant le tribunal d'instance de Menton aux fins d'obtenir le remboursement des cotisations d'assurances perçues et le paiement, sous astreinte des indemnités journalières à compter du 18 septembre 2016 et jusqu'à la consolidation de son état par acte du 10 mars 2017.

La société Prima est volontairement intervenue à cette instance et, par ordonnance du 4 juillet 2017, le juge des référés du tribunal d'instance de Menton s'est déclaré matériellement incompétent pour connaître de cette demande en renvoyant l'affaire au juge des référés du tribunal de grande instance de Nice.

Par ordonnance du 27 octobre 2017, le juge des référés du tribunal de grande instance de Nice a dit n'y avoir lieu à référé et a débouté M. [M] [I] de ses demandes.

Cette décision a rendu non avenue l'interruption de prescription attachée à l'assignation en référé.

Il s'ensuit que la demande reconventionnelle de paiement des mêmes indemnités journalières formée par M. [M] [I] par conclusions notifiées le 24 juin 2019, plus de deux ans après le refus de garantie de l'assureur porté à sa connaissance par lettre du 15 novembre 2016, est irrecevable car prescrite.

Par conséquent, la demande reconventionnelle de M. [M] [I] tendant à la condamnation de la société Prima à lui payer la somme de 23.110,92 euros d'indemnités du 19 septembre 2016 au 13 janvier 2017 sera déclarée irrecevable car prescrite et rejetée sans examen au fond.

Sur les demandes accessoires

Partie perdante au procès, la société Prima sera condamnée aux dépens, en ce inclus les honoraires de l'expertise judiciaire ordonnée au fond, ainsi qu'à payer à M. [M] [I] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Possible et nécessaire en raison de l'ancienneté du litige, l'exécution provisoire sera ordonnée.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant après débats publics, par jugement contradictoire rendu en premier ressort et prononcé par mise à disposition au greffe,

CONSTATE que les conditions générales de la police d'assurance souscrite par M. [M] [I] auprès de la société Prima ne sont pas opposables à l'assuré ;

DEBOUTE la société Prima de toutes ses demandes ;

CONDAMNE la société Prima à payer à M. [M] [I] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

ORDONNE l'exécution provisoire ;

DECLARE irrecevable car prescrite la demande reconventionnelle de M. [M] [I] tendant au paiement d'indemnités journalières du 19 septembre 2016 au 13 janvier 2017 ;

CONDAMNE la société Prima aux dépens, en ce compris les honoraires du Docteur [T] [O] commis en qualité d'expert judiciaire ;

Et le Président a signé avec le Greffier.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Nice
Formation : 4ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 19/01332
Date de la décision : 22/08/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 29/08/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-08-22;19.01332 ?
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