Cour d’Appel d’Aix en Provence
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE NICE
3ème Chambre civile
Date : 25 Juillet 2024
MINUTE N°24/
N° RG 22/04520 - N° Portalis DBWR-W-B7G-OO4J
Affaire : [V] [B]
C/ S.C.I. [Adresse 3]
[H] [J]
ORDONNANCE DE MISE EN ETAT
Nous, Patricia LABEAUME, Juge de la Mise en Etat, assistée de Audrey LETELLIER-CHIASSERINI, Greffier
DEMANDEURS À L’INCIDENT ET DEFENDEURS AU PRINCIPAL :
S.C.I. [Adresse 3]
[Adresse 3]
[Localité 7]
représentée par Maître Ludovic LETELLIER de la SELARL LUDOVIC LETELLIER, avocats au barreau de NICE, avocats plaidant
M. [H] [J]
[Adresse 6]
[Localité 2]
représenté par Maître Ludovic LETELLIER de la SELARL LUDOVIC LETELLIER, avocats au barreau de NICE, avocats plaidant
DÉFENDERESSE À L’INCIDENT ET DEMANDERESSE AU PRINCIPAL:
Mme [V] [B]
[Adresse 5]
[Localité 1]
représentée par Maître Damien MESNIL-CHARPAIL de la SELARL SELARL D’INTORNI- MESNIL CHARPAIL, avocats au barreau de NICE, avocats plaidant
Vu les articles 789 et suivants du Code de Procédure Civile,
Vu les conclusions régulièrement signifiées,
Ouïe les parties à notre audience du 07 Mai 2024
La décision ayant fait l’objet d’une mise à disposition au 25 Juillet 2024 a été rendue le 25 Juillet 2024 par Madame Patricia LABEAUME Juge de la Mise en état, assisté de Madame Audrey LETELLIER-CHIASSERINI, Greffier,
Grosse :Maître Ludovic LETELLIER de la SELARL LUDOVIC LETELLIER
, Maître Damien MESNIL-CHARPAIL de la SELARL SELARL D’INTORNI- MESNIL CHARPAIL
Expédition :
Le
Transmission dossier à la Cour d’Appel d’Aix en Provence
EXPOSE DU LITIGE
Monsieur [X] [B] est né le 24 juillet 1947. De l’union de Monsieur [X] [B] et Madame [Y] [F] épouse [B] est née Madame [V] [B] le 12 novembre 1974.
Selon acte de donation partage en date du 10 juin 1999 reçu par Maître [U] [W] en sa qualité de notaire, les époux [B] ont fait donation à leur fille, Madame [V] [B] de la nue-propriété d’un immeuble situé à [Adresse 8] section E [Cadastre 4].
Monsieur [X] [B] est décédé le 4 juin 2021 à [Localité 9].
De son vivant Monsieur [X] [B] avait consenti un bail commercial au bénéfice de Monsieur [H] [J] et de la SCI [Adresse 3], sur la parcelle E [Cadastre 4]. Madame [V] [B] n’a pas été signataire du bail commercial intervenu le 23 avril 2015.
C’est dans ces circonstances que par acte d’huissier de justice signifié le 31 octobre 2022, Madame [V] [B] a assigné la SCI [Adresse 3] et Monsieur [H] [J] devant le Tribunal judiciaire de Nice aux fins de voir prononcer l’annulation du bail commercial du 23 avril 2015 intervenu entre Monsieur [X] [B], Monsieur [H] [J] et la SCI [Adresse 3].
Par conclusions d’incident notifiées par voie électronique le 13 septembre 2023, la SCI [Adresse 3] et Monsieur [H] [J] demandent au juge de la mise en état de constater l’existence d’une exception de litispendance et de connexité dans la présente affaire.
Dans leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 3 mai 2024, la SCI [Adresse 3] et Monsieur [H] [J] demandent au juge de la mise en état :
- D’ordonner l’existence d’un exception de litispendance et de connexité ainsi qu’un défaut d’intérêt à agir ;
En conséquence,
- Ordonner l’irrecevabilité de l’intégralité des demandes de Madame [V] [B] ;
- Ordonner l’extinction de l’instance en cours pendante par devant la 3ème chambre civile du Tribunal judiciaire de Nice (RG n°22/04520) ;
A défaut et subsidiairement,
- Mettre hors de cause Monsieur [H] [J] de l’instance en cours ;
En tout état de cause,
- Condamner Madame [V] [B] à une amende civile d’un montant de 3.000 euros ;
- Condamner Madame [V] [B] à verser à chacun la somme provisionnelle de 5.000 euros à titre de justes dommages et intérêts ;
- Condamner Madame [V] [B] à régler à chacun la somme de 2.500 euros, et ce conformément aux dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;
- Condamner Madame [V] [B] aux entiers dépens ;
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 10 janvier 2024, Madame [V] [B] demande au juge de la mise en état de :
- Dire et juger n’y avoir lieu à exception de litispendance et de connexité ;
- Débouter Monsieur [H] [J] et la SCI [Adresse 3] de toutes leurs demandes fins et conclusions ;
- Condamner in solidum Monsieur [H] [J] et la SCI [Adresse 3] à régler la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile à Madame [V] [B].
Il est renvoyé pour plus ample exposé du litige aux conclusions susvisées en application de l’article 455 du Code de procédure civile.
L’affaire a été appelée à l’audience du 7 mai 2024 et mise en délibérée par mise à disposition au greffe au 25 juillet 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1. Sur l’exception de litispendance et de connexité
Aux termes de l’article 789 du Code de procédure civile, lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal pour statuer sur les exceptions de procédure.
Aux termes de l’article 73 du Code de procédure civile, constitue une exception de procédure tout moyen qui tend soit à faire déclarer la procédure irrégulière ou éteinte, soit à en suspendre le cours.
Aux termes de l’article 74 du Code de procédure civile, les exceptions doivent, à peine d’irrecevabilité, être soulevées simultanément et avant toute défense au fond aux fins de non-recevoir. Il en est ainsi, alors même, que les règles invoquées au soutien de l’exception seraient d’ordre public.
Aux termes de l’article 101 du Code de procédure civile, s’il existe entre des affaires portées devant deux juridictions distinctes un lien tel qu’il soit de l’intérêt d’une bonne justice de les faire instruire et juger ensemble, il peut être demandé à l’une de ces juridiction de se dessaisir et de renvoyer en l’état la connaissance de l’affaire à l’autre juridiction.
Aux termes de l’article 102 du Code de procédure civile, lorsque les juridictions saisies ne sont pas de même degré, l’exception de litispendance ou de connexité ne peut être soulevée que devant la juridiction de degré inférieure.
Monsieur [H] [J] et la SCI [Adresse 3] indiquent que Madame [V] [B] les a assigné à la même fin que celle de l’instance pendante devant le Cour d’appel, à savoir l’annulation du bail commercial en date du 23 avril 2015.
Ils précisent que les deux affaires concernent les mêmes parties et qu’une juridiction au fond a déjà été saisie du litige et a d’ailleurs rendu une décision allant de le sens de Madame [V] [B] le 24 janvier 2023. Ils indiquent également que même si Madame [V] argue du fait que dans le cadre du litige pendant devant la Cour d’appel, elle intervient en qualité d’ayant droit, le jugement du tribunal judicaire de Nice précise en termes claires que “ Monsieur [X] [B] a signé cet acte en tant qu’usufruitier. Le nu-propriétaire n’a pas été destinataire du bail, rien ne permet de retenir que celui-ci avait donné mandat à l’usufruit pour ce faire. Le bail commercial est donc nul”.
Madame [V] [B] indique que c’est en sa qualité d’ayant droit que le litige qui l’oppose à la SCI [Adresse 3] et Monsieur [H] [J] est pendant devant la Cour d’appel. Elle précise que dès lors, le jugement rendu par le Tribunal judiciaire de Nice le 24 janvier 2023 a tranché le litige opposant son père Monsieur [X] [B], la SCI [Adresse 3] et Monsieur [H] [J]. Elle indique que dès lors, l’identité des parties ne saurait être retenue afin d’invoquer une exception de litispendance et de connexité.
Elle indique que les demandes formées devant la présente juridiction, le sont in personam contre la SCI [Adresse 3] et Monsieur [H] [J] en qualité de nue propriétaire de la parcelle E[Cadastre 4].
En l’espèce, il apparait que par acte d’huissier en date du 14 novembre 2017, Monsieur [X] [B] assisté par Madame [I] [Z] en sa qualité de curatrice a assigné la SCI [Adresse 3] et Monsieur [H] [J] devant le Tribunal judiciaire de Nice.
Monsieur [X] [B] est décédé le 4 juin 2021 et Monsieur [E] [B] et Madame [V] [B] ses ayants-droit ont poursuivi l’instance. Par jugement en date du 24 janvier 2023, le Tribunal judiciaire de Nice a notamment prononcé la nullité du bail commercial en date du 23 avril 2015 conclu par Monsieur [X] [B] en sa qualité d’usufruitier.
La SCI [Adresse 3] et Monsieur [H] [J] ont interjeté appel de ce jugement (déclaration d’appel formalisée le 3 février 2023) et l’affaire est toujours pendante devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence avec en défense Monsieur [E] [B] et Madame [V] [B] en leur qualité d’héritiers.
Or Madame [V] [B] a assigné devant la présente juridiction par acte d’huissier de justice signifié le 31 octobre 2022 la SCI [Adresse 3] et Monsieur [H] [J] aux fins de voir dire et juger nul et de nul effet le bail commercial en date du 23 avril 2015.
Il est constant que pour qu’une situation de litispendance soit caractérisée plusieurs conditions doivent être réunies, à savoir une identité de litige, de parties, d’objet, de cause, un litige pendant devant deux juridiction compétentes.
Il est également constant que si les juridictions saisies sont d’un degré différent, la juridiction de premier degré saisie doit se dessaisir au profit de la Cour d’appel.
Il ressort de la décision rendue par le Tribunal judiciaire de Nice le 24 janvier 2023 qu’il existe bien une identité de litige, de cause et d’objet, les instances portant toutes deux sur la demande de nullité du bail commercial en date du 23 avril 2015 conclu par Monsieur [X] [B] en sa qualité d’usufruitier.
Il ressort également du jugement tel que reproduit ci-dessous en sa page 13 que c’est bien en qualité d’héritière de feu son père mais aussi en qualité de nu-propriétaire que Madame [V] [B] est dans la cause :
“ Monsieur [X] [B] a signé cet acte en tant qu’usufruitier.
Le nu-propriétaire n’a pas été destinataire du bail. Rien ne permet de retenir que celui-ci avait donné mandat à l’usufruit pour ce faire.
L’argument de Monsieur [J] et de la SCI tenant à considérer que l’article 595 alinéa 4 du Code civil ne serait pas recevable au motif que le bail portait sur une maison d’habitation, n’est pas recevable, l’acte juridique signé étant bien un “bail commercial”. Le bail commercial est donc nul”.
Or c’est encore en cette même qualité de nue propriétaire que Madame [V] [B] a entendu initier la présente instance à l’encontre de la SCI [Adresse 3] et de Monsieur [H] [J], de sorte que l’identité des parties est acquise.
Il ressort enfin des éléments produits par les parties que les deux juridictions saisies sont compétentes pour connaître du litige opposant les parties étant précisé que la procédure en demande d’annulation du bail commercial du 23 avril 2015 conclu par Monsieur [X] [B] en sa qualité d’usufruitier est toujours pendante devant la Cour d’appel d’Aix-en-Provence.
En conséquent, il y a lieu de constater la listipendance et d’ordonner le dessaisissement du Tribunal judiciaire de Nice enrôlée sous le n° RG 22/04520 au profit de la cour d’appel d’Aix-en-Provence.
Sur les demandes de dommages et intérêts
La SCI [Adresse 3] et Monsieur [H] [J] sollicitent la condamnation de Madame [V] [B] tant au titre d’une amende civile pour procédure abusive.
La SCI [Adresse 3] et Monsieur [H] [J] ne rapportent pas une preuve suffisante d'une faute constitutive d'un abus de droit, intention de nuire ou légèreté particulièrement blâmable équivalent au dol, qui aurait été commise par Madame [V] [B], ni d’un préjudice de nature à justifier l'octroi à leur profit de dommages et intérêts ; la demande formée de ce chef doit être rejetée.
En tout état de cause que ce soit sur le fondement de l’article 32-1 du code de procédure civile ou de l’article 1240 du code civil, faute de rapporter la preuve d’un quelconque préjudice en lien avec la présente instance, il convient des lors de débouter les demandeurs à l’incident de leurs demandes indemnitaires.
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile
Les dépens de la présente instance suivront le sort de ceux de l’instance devant la Cour d’appel d’Aix-en-Provence.
Aucune considération d’équité ne commande de faire application de l’article 700 du code de procédure civile, au profit de l’une ou l’autre des parties. Les demandes formulées de ce chef seront donc rejetées.
PAR CES MOTIFS
Nous, Juge de la mise en État, statuant par mise à disposition au greffe, par ordonnance contradictoire et susceptible d’appel,
Faisons droit à l’exception de litispendance soulevée par la SCI [Adresse 3] et Monsieur [H] [J], en l’état de l’instance en cours devant la Cour d’appel d’Aix-en-Provence, préalablement saisie tendant à voir notamment prononcer la nullité du bail commercial du 23 avril 2015 consenti par Monsieur [X] [B] ;
Ordonnons le dessaisissement du Tribunal judiciaire de Nice au profit de la cour d’appel d’Aix-en-Provence (Chambre 1-1 - déclaration d’appel n° 23/01994 - RG 23/02263 - N° Portalis DBVB-V-B7H-BKY4G) ;
Ordonnons la transmission par le greffe du dossier à la cour d’appel d’Aix-en-Provence ;
Déboutons la SCI [Adresse 3] et Monsieur [H] [J] de leurs demandes de dommages et intérêts et d’amende civile ;
Disons n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile ;
Disons que les dépens de la présente instance suivront le sort de ceux de l’instance devant la Cour d’appel d’Aix-en-Provence.
Et la juge de la mise en état a signé avec la greffière.
LA GREFFIÈRE LA JUGE DE LA MISE EN ETAT