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03/07/2024 | FRANCE | N°21/03961

France | France, Tribunal judiciaire de Nice, 3ème chambre civile, 03 juillet 2024, 21/03961


COUR D’APPEL D’AIX EN PROVENCE
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE NICE

GREFFE
(Décision Civile)


JUGEMENT : S.A.R.L. GROUPE CHEIK c/ [N] [W]

MINUTE N° 24/
Du 03 Juillet 2024

3ème Chambre civile
N° RG 21/03961 - N° Portalis DBWR-W-B7F-NZ34




Par jugement de la 3ème Chambre civile en date du trois Juillet deux mil vingt quatre


COMPOSITION DU TRIBUNAL

Anne VINCENT, Présidente, assistée de Louisa KACIOUI, Greffier, présente uniquement aux débats

Vu les Articles 812 & 816 du Code de Procédure Civile sans dem

ande de renvoi à la formation collégiale ;


DÉBATS

A l'audience publique du 08 Avril 2024 le prononcé du jugement étant fixé au 03 Juil...

COUR D’APPEL D’AIX EN PROVENCE
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE NICE

GREFFE
(Décision Civile)

JUGEMENT : S.A.R.L. GROUPE CHEIK c/ [N] [W]

MINUTE N° 24/
Du 03 Juillet 2024

3ème Chambre civile
N° RG 21/03961 - N° Portalis DBWR-W-B7F-NZ34

Par jugement de la 3ème Chambre civile en date du trois Juillet deux mil vingt quatre

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Anne VINCENT, Présidente, assistée de Louisa KACIOUI, Greffier, présente uniquement aux débats

Vu les Articles 812 & 816 du Code de Procédure Civile sans demande de renvoi à la formation collégiale ;

DÉBATS

A l'audience publique du 08 Avril 2024 le prononcé du jugement étant fixé au 03 Juillet 2024 par mise à disposition au greffe de la juridiction ;

PRONONCÉ

Par mise à disposition au Greffe le 03 Juillet 2024 , signé par Anne VINCENT, Présidente, assistée de Audrey LETELLIER-CHIASSERINI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

NATURE DE LA DÉCISION : contradictoire, en premier ressort, au fond.

Grosse délivrée à

Me Robert CHEMLA
, la SELARL JEROME LACROUTS AVOCATS

expédition délivrée à

le

mentions diverses

DEMANDERESSE:

S.A.R.L. GROUPE CHEIK La société GROUPE CHEIK S.A.R.L dont le siège social est AC LOC [Adresse 1] à [Localité 4] agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Maître Jérôme LACROUTS de la SELARL JEROME LACROUTS AVOCATS, avocats au barreau de NICE, avocats plaidant

DEFENDEUR:

Monsieur [N] [W]
[Adresse 2]
[Localité 4]
représenté par Me Robert CHEMLA, avocat au barreau de NICE, avocat plaidant

EXPOSE DU LITIGE

Selon acte sous seing privé en date du 07 septembre 2012 à [Localité 4], Mme [V] [W] et son fils [N] [W] ont donné à bail commercial à la société GROUPE CHEIK un local commercial situé au rez-de-chaussée d’un immeuble en copropriété situé [Adresse 1] à [Localité 4] constituant le lot n°2 à l’état descriptif de division. Par la suite, M. [N] [W] est venu aux droits de sa mère.

La société GROUPE CHEIK sous enseigne AC.LOC exploite un commerce de location, vente et entretien de véhicules.

La société GROUPE CHEIK s’est plainte d’infiltrations à répétition depuis 2015 provenant vraisemblablement d’une colonne d’eaux usées fuyardes encastrée dans les murs de l’immeuble.

Par ordonnance du 22 février 2019, le Juge des référés du Tribunal de Nice a ordonné une expertise judiciaire afin de décrire les désordres, indiquer les travaux et moyens nécessaires
pour y remédier, ainsi que donner son avis sur la durée des travaux et les préjudices de la société GROUPE CHEIK.

Par acte d’huissier du 5 mars 2021, M. [W] a fait délivrer à la SARL GROUPE CHEIK un congé avec refus de renouvellement du bail à échéance au 30 septembre 2021 pour motifs graves et légitimes et refus de paiement d’une indemnité d’éviction.

Le bail étant venu à expiration le 30 septembre 2021, M [N] [W] a fait délivrer une sommation de quitter les lieux à la SARL GROUPE CHEIK le 11 octobre 2021.

Se plaignant du refus de la SARL GROUPE CHEIK de lui restituer les clés de son local, malgré la délivrance du congé, M [N] [W] avait assigné en référé la SARL GROUPE CHEIK afin de principalement obtenir l’expulsion de son locataire et la fixation d’une indemnité d’occupation.

Par ordonnance rendue le 09 décembre 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire de Nice a :
- Constaté que le bail commercial entre les parties du 7 septembre 2021, portant sur un local commercial situé à [Adresse 1], avait incontestablement pris fin, et ce au plus tard le 30 septembre 2021
- Ordonné l’expulsion de la SARL GROUPE CHEIK sous astreinte de 200 euros par jour de retard
- Fixé à la charge de la SARL GROUPE CHEIK et au profit de [N] [W] une indemnité d’occupation d’un montant de 984,56 euros mensuel outre taxe foncière, ladite indemnité payable mensuellement, mais limitée prorata temporis au nombre de jours d’occupation jusqu’à libération des locaux, et ce à compter du 1er octobre 2021

Suite à l’appel formé à l’encontre de cette ordonnance, par arrêt du 12 octobre 2023, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence a :
– confirmé l’ordonnance seulement en ce qu’elle avait rejeté les demandes de provision formée par la SARL GROUPE CHEIK
– débouté [N] [W] de ses demandes tendant à voir juger que le bail commercial du 7 septembre 2021 conclu avec la société GROUPE CHEIK avait incontestablement pris fin au plus tard le 30 septembre 2021, à obtenir l’expulsion de la société sous astreinte et le paiement d’une provision à valoir sur une indemnité d’occupation, en présence de contestations sérieuses.

L’expert commis, M. [J], a déposé son rapport définitif le 12 octobre 2022. Il a conclu notamment que :
- les infiltrations récurrentes provennaient des ruptures des colonnes en raison de leur vétusté et les rejets des eaux vannes et eaux usées avec déchets fécals, dans le local loué par le Groupe CHEICK.
- Ces infiltrations avaient entraîné la rupture du faux plafond en plâtre avec la dégradation des peintures des murs et l’impossibilité d’utiliser le local pour la réception du public et le stockage des matériels ou véhicules.
- Ces infiltrations perduraient depuis 2015
- Le local était insalubre compte tenu des infiltrations et des odeurs d'égout et qu'il était vide de tout véhicule. Le local commercial était impropre à destination et le bail, ainsi que la règlementation sanitaire n’étaient plus respectées. Il n’y avait plus de possibilité d’exploitation, jusqu’à la réalisation des travaux d’assainissement.

C'est dans ce contexte que par acte d’huissier délivré le 25 octobre 2021, la SARL GROUPE CHEIK a assigné M. [N] [W] devant le Tribunal Judiciaire de Nice pour fixer une indemnité d’éviction à son bénéfice, subsidiairement obtenir la désignation d’un expert pour l’évaluer.

Dans le dernier état de la procédure, les prétentions des parties sont les suivantes :

Dans ses dernières conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 10 mars 2023, la SARL GROUPE CHEIK demande au Tribunal de :

A titre principal
- juger que le congé du 5 mars 2021 sans offre de renouvellement pour motif grave et légitime n’était pas précédé de la mise en demeure obligatoire prévue par l’article L145-17 du code de commerce,
- juger que la SARL GROUPE CHEIK est en droit de recevoir une indemnité d’éviction en contrepartie du refus de renouvellement du bail du 07 septembre 2012 à la date du 30 septembre 2021 ;
-FIXER l’indemnité d’éviction due par M. [W] à la SARL GROUPE CHEIK à la somme de 140 625 euros, correspondant à la valeur du fonds de commerce ;
-CONDAMNER M. [W] à verser à la SARL GROUPE CHEIK la somme de 140 625 euros au titre de l’indemnité d’éviction ;

A titre subsidiaire,
- JUGER que le congé du 05 mars 2021 sans indemnité d’éviction par M. [W] n’est pas fondé sur un motif grave et légitime ;
En conséquence,
- JUGER que la SARL GROUPE CHEIK est en droit de recevoir une indemnité d’éviction en contrepartie du refus de renouvellement du bail du 07 septembre 2012 à la date du 30 septembre 2021 ;
- FIXER l’indemnité d’éviction due par M. [W] à la SARL GROUPE CHEIK à la somme de 140 625 euros correspondant à la valeur du fonds de commerce ;
- CONDAMNER M. [W] à verser à la SARL GROUPE CHEIK la somme de 140 625 euros au titre de l’indemnité d’éviction ;

En tout état de cause
- DEBOUTER M. [W] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
- CONDAMNER M. [W] à verser à la SARL GROUPE CHEIK la somme de 2 500 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens ;
- JUGER n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire de droit.

Dans ses dernières conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 16 octobre 2023, M. [N] [W] demande au Tribunal de :

- Juger que le congé délivré le 5 mars 2021 est parfaitement régulier et le déclarer bien fondé,
- débouter la SARL GROUPE CHEIK de toutes ses demandes, fins et conclusions et rejeter la demande d’indemnité d’éviction
reconventionnellement
- condamner la SARL GROUPE CHEIK au paiement de la somme de 20 000 € de dommages-intérêts pour procédure abusive,
- condamner la SARL GROUPE CHEIK au paiement de la somme de 10 000 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile outre aux entiers dépens.
- Ordonner l’exécution provisoire.

Il sera renvoyé pour un plus ample exposé du litige et des prétentions des parties, aux conclusions sus-visées.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 5 février 2024 avec clôture au 25 mars 2024 et l’affaire fixée à plaider le 8 avril 2024. La décision a été rendue par mise à disposition au greffe.

MOTIVATION

En application de l'article 467 code de procédure civile, le présent jugement est contradictoire. Vu les articles 34 et suivants du Code de procédure civile, l’article R211-3-24 du Code de l’organisation judiciaire, l’intérêt du litige excède 5 000 € et le jugement est susceptible d’appel.

Sur l’absence de mise en demeure préalable

En l’espèce, la SARL GROUPE CHEIK soulève avoir droit à l’indemnité d’éviction faute de mise en demeure préalable.
M. [W] lui oppose que la mise en demeure n’était pas nécessaire puisque le locataire avait abandonné définitivement l’exploitation du fonds.

Aux termes de l’article L. 145-9, alinéa 5 du Code de commerce, le congé “doit, à peine de nullité, préciser les motifs pour lesquels il est donné et indiquer que le locataire qui entend, soit contester le congé, soit demander le paiement d'une indemnité d'éviction, doit saisir le tribunal avant l'expiration d'un délai de deux ans à compter de la date pour laquelle le congé a été donné”.

L’article L.145-17 du Code de commerce précise que « toutefois s’il s’agit soit de l’inexécution d’une obligation, soit de la cessation sans raison sérieuse et légitime de l’exploitation du fonds, compte tenu des dispositions de l’article L. 145-8, l’infraction commise par le preneur ne pourra être invoquée que si elle s’est poursuivie ou renouvelée plus d’un mois après mise en demeure du bailleur d’avoir à la faire cesser. Cette mise en demeure devra, à peine de nullité, être effectuée par acte extrajudiciaire, préciser le motif invoqué et reproduire les termes du présent alinéa ».

La mise en demeure préalable n’est pas exigée si le locataire n’exploitait plus le fonds de commerce.

Or il ressort du rapport d’expertise avec un accédit au 21 octobre 2019 que l’expert a constaté que le local plus grand contigu au lot loué à M. [W] par la SARL GROUPE CHEIK au sein de la copropriét était depuis septembre 2018 loué à la société PROXY. L’expert a noté que les locaux étaient inutilisés par la SARL GROUPE CHEIK depuis le 12 décembre 2017 à 11h58 (page 22)

Selon les extraits KBIS versés, la cessation totale de l’activité de la SARL GROUPE CHEIK est mentionnée à la date du 1er janvier 2019, ce qui a d’ailleurs conduit à la radiation d’office au registre du commerce le 19 août 2022.

L’absence de mise en demeure avant le congé délivré à la SARL GROUPE CHEIK est donc régulière.

Sur les motifs de non renouvellement refus d’indemnité d’éviction

Le congé avec refus de renouvellement délivré le 5 mars 2021 avec refus d’indemnité d’éviction est motivé par :
1 – les difficultés de paiement du locataire qui a conduit à la délivrance de cette commandement de payer
2 – « des préjudices allégués en contradiction avec la réalité » relatif à un refus d’autorisation de cession au droit au bail
3 – les infractions au bail par des travaux non autorisés et non conformes de remontage de cloison en lien avec le local voisin loué pour son exploitation
4 – des violences injures et vols du gérant de la SARL GROUPE CHEIK sur la personne de M. [W]

1 – les difficultés de paiement du locataire qui a conduit à la délivrance de ces commandement de payer

Si le bailleur fait état de la délivrance de ces commandement de payer délivrés les 18 avril 2013 pour 900 €,le 26 février 2016 pour 2419,15 €, le 15 juillet 2016 pour un montant de 2855,84 € , le 29 septembre 2017 pour un montant de 2834,50,€, il fait état des paiements finalement opérés par le locataire lequel justifie qu’il était à jour de ces paiements pour le loyer de septembre 2021 vu l’appel de loyer daté du 1er octobre 2021. En outre, il ressort du rapport d’expertise du 12 octobre 2022, que depuis 2015 les désordres affectant le local ont affecté l’exploitation normale du fond qui a souffert de rupture des colonnes et de rejet des eaux usées avec matières fécales et a entraîné la rupture de faux plafonds. Le motif grave pour refuser le paiement de l’indemnité d’éviction ne peut donc être retenu.

2 – « des préjudices allégués en contradiction avec la réalité » relatif à un refus d’autorisation de cession au droit au bail

Au terme du congé, le bailleur mentionne que le 19 juillet 2017, la SARL GROUPE CHEIK avait sollicité l’autorisation de cession de son droit au bail au motif de difficultés financières importantes qui ne lui permettaient plus d’exploiter sereinement son activité mais que son conseil a conclu devant le juge des référés : « inutile d’épiloguer sur le fait que le locataire nourrit encore une certaine amertume envers son propriétaire bailleur qui lui a gâché une réelle opportunité ».

Le bailleur reprochant d’avoir envisagé une cession de droit au bail qui n’a finalement pas abouti sans autre précision ni justificatif ne peut constituer un motif grave et légitime de refus de renouvellement du bail sans indemnité d’éviction.

3 – les infractions au bail par des travaux non autorisés et non conformes de remontage de cloison en lien avec le local voisin loué pour son exploitation

M. [W] reproche les agissements suivants au preneur :
– la réalisation de travaux non autorisés et non conformes consistant dans le remontage de la cloison pour la réunion du local loué avec le local contigu loué auprès d’un tiers, état de fait établi par constat d’huissier dressé le 7 septembre 2018 et par le rapport d’expertise définitif du 12 octobre 2022,
– le remontage a été fait sans avis préalable et avec diminution de la surface du local loué passé de 64 m² à 62,73 m².
– son aveu d’une absence d’activité et d’exploitation du fait de la restauration de la cloison alors que la société avait besoin de locaux pour former un ensemble commercial de 228 m² au total
– la modification du soupirail à l’entrée dans les lieux sans accord de la copropriété ni du bailleur suivie d’une mise en demeure de la copropriété de remettre en état suivi de règlement du locataire,
– le percement d’une dalle du local pour nuire au président du conseil syndical de l’immeuble,
– l’obstruction pour laisser l’accès au local pour pratiquer les réparations alors qu’il était encore allégué des désordres,
– un branchement d’eau avant compteur découvert durant le bail.

La SARL GROUPE CHEIK lui oppose que :
– les cloisons ont été correctement montées
– au terme du pré-rapport d’expertise, l’expert a conclu que la démolition n’avait pas entraîné de désordres, n’avait pas vocation à fragiliser la structure de l’immeuble et qu’elle n’était pas porteuse
– il n’y a aucune obligation dans le bail du 7 septembre 2012 à sa charge d’informer M. [W] du sort d’un autre bail auquel il n’est pas partie
– l’impossibilité d’exploitation jusqu’à la réalisation des travaux d’assainissement était causée par l’état des lieux, et l’absence de volonté de son bailleur d’entreprendre les travaux

Il ressort des explications fournies à l’occasion des opérations d’expertise, que l’expert était mandaté uniquement pour faire des constatations sur le lot n°2 loué par la SARL GROUPE CHEIK auprès de M. [W], qui représentait une surface de 64 m², l’existence par aillleurs d’un bail conclu par la SARL GROUPE CHEIK avec M. [F] sur les locaux sur un lot n°20 continus d’une surface de 164 m² hors cave. Ce second bail a été résilié sans indemnité en septembre 2018. Depuis, il est exploité par la société PROXY.

La cloison entre ces deux lots a été démolie. M. [W] précise qu’il avait donné son autorisation pour la démolition des cloisons.

Il n’est pas reproché la démolition des cloisons mais leur reconstruction qui a été constatée lors de l’accedit du 21 octobre 2019.

Présent lors des opérations d’expertise le propriétaire du lot n°20, M. [F] a expliqué que la cloison en briques platrières avait été reconstruite en carreaux de plâtre lors des travaux d’aménagement de son nouveau locataire la société PROXY qui a remis en place les vitrines donnant sur la [Adresse 5] et [Adresse 3] (page 15).

La SARL GROUPE CHEIK ne conteste pas avoir procédé au remontage de la cloison démolie séparatrice entre les lots 2 et 20 lot non loué auprès de M. [W], sans l’autorisation de ce dernier qu’elle avait sollicité pour les opérations de démolition.

En application de l’article 3 du bail, le locataire ne peut effectuer aucun travaux de transformation, changement de distribution sans accord préalable écrit du bailleur. Pour autant, l’expert concernant ces cloisons a indiqué qu’elles avaient été remontées du fait de la cession du bail entre la SARL GROUPE CHEIK et M. [F], qu’il n’y a ni erreur de conception, ni de matériaux, ni malfaçons, ni négligence, ni non-conformité.

Si le M. [W] prétend que la surface de son lot a ainsi été diminuée, cet élément ne ressort d’aucune des pièces versées, le seul procès-verbal d’huissier du 7 septembre 2018 n’a fait que constater la présence d’une cloison sans rentrer dans les lieux et procéder à un mesurage.

Au vu de ces éléments, le manquement du locataire ne sera pas retenu.

Concernant l’aveu d’une absence d’activité et d’exploitation du fait de la restauration de la cloison alors que la société avait besoin de locaux aménagés pour former un ensemble commercial de 228 m² , le bail commercial liant la SARL GROUPE CHEIK et M. [W] ne fait pas état de condition ou obligation pour le locataire de louer le local attenant. Il ne peut donc lui être reproché d’avoir mis fin à son contrat de bail portant sur des locaux distincts.

La cessation de l’exploitation du fonds de commerce à l’intérieur des locaux loués auprès de M. [W] fait suite à des désordres graves concernant les colonnes d’eaux usées constatées par l’expert, toujours présents lors des opérations d’expertise postérieurement au départ du locataire.

Aucun élément n’est versé sur une modification du soupirail à l’entrée dans les lieux ni le percement d’une dalle du local loué (le rapport d’expertise en page 35 indiquant le percement d’une dalle mais sur le local loué à M. [F] et non à M. [W]) , ni sur une obstruction pour laisser accès au local pour pratiquer les réparations alors qu’il était encore allégué des désordres, ce qui est contesté.

Concernant un branchement d’eau avant compteur découvert durant le bail, qui aurait fait l’objet d’un constat d’huissier, aucun constat de huissier n’est versé. Le justificatif versé est en lien avec une absence d’abonnement d’électricité sur le lot loué.

Les motifs opposés par le bailleur dans son congé visant des infractions au bail ne sont donc pas établis.

4 – les violences, injures et vols commis par le gérant de la SARL GROUPE CHEIK sur la personne
de M.[W]

Le bailleur dans son congé délivré le 5 mars 2021 fait état de faits de violence survenus le 23 septembre 2019 alors qu’il est entré dans le local commercial ouvert au public.

M. [W] verse sa plainte au Procureur de la république datée du 2 octobre 2019 rédigé par son conseil qui fait état de sa connaissance d’une plainte déposée le 26 septembre 2019 par son locataire pour une effraction qu’il conteste, une prescription datée du 27 septembre 2019 d’anti-anxiolytiques et la consultation de sophrologue ostéopathe des 1er et 2 octobre 2019 notant un état de panique et de désorientation.

Les suites données à la plainte ne sont aucunement connues à ce jour plus de trois ans après. Le motif légitime au moment de la délivrance du congé ne peut donc être retenu.

En conséquence, le bailleur n’établit pas des motifs graves et légitimes pour écarter le droit à indemnité d’éviction de son locataire suite au non-renouvellement du bail en application de l’article L145-14 du code de commerce.

Sur le montant d’une indemnité d’éviction

Aux termes de l’article L 145- 14 du code de commerce, le bailleur doit payer au locataire évincé une indemnité dite d’éviction égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement. Cette indemnité comprend notamment la valeur marchande du fonds de commerce, déterminée suivant les usages de la profession, augmentée éventuellement des frais normaux de déménagement et de réinstallation, ainsi que des frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur, sauf dans le cas où le propriétaire fait preuve que le préjudice est moindre.

La SARL GROUPE CHEIK sollicite la fixation de son indemnité d’éviction à hauteur de 140 125 €, représentant la valeur du fonds de commerce, représentant 50 % du chiffre d’affaire moyen sur les années avant le début d’exploitation soit du 1er avril 2013 au 11 mai 2015, chiffre qu’elle avance au vu d’un tableau qu’elle a dressé.

M. [W] lui oppose l’absence d’évaluation sérieuse et objective faisant valoir que :
– la société sollicitait initialement 378 000 € dans son assignation
– elle a cessé son activité depuis janvier 2019 et est radiée depuis août 2022
– son calcul ne tient pas compte de la disparition du fonds de commerce avec la restitution volontaire de 2/3 de la surface du fonds sur le local contigu au terme d’une résilation de bail amiable
– la société enregistrait déjà des pertes en 2013 et 2014 avant le sinistre

Il sera noté que l’expert architecte dans son rapport définitif dressé le 12 octobre 2022 a fait appel à un sapiteur expert-comptable M. [O] aux fins uniqument de donner des précisions sur les préjudices consécutifs aux désordres et chiffrer le trouble de jouissance subi et la perte d’exploitation.

Aucun élément dans l’expertise n’est apporté sur la valorisation du fonds de commerce à la date du non-renouvellement alors que le fonds de commerce était effectivement exploité sur une surface contiguë majoritaire au 2/3 qui n’a plus été loué à compter de septembre 2018.

Au vu de ces éléments, le Tribunal chiffrera à 46.708 euros l’indemnité d’éviction soit le tiers de l’indemnité sollicitée.

Sur la demande reconventionnelle pour résistance abusive

La contestation des motifs graves pour refuser l’indemnité d’éviction ayant été reconnu fondée, la résistance abusive du locataire n’est pas établie et M. [W] sera débouté de sa demande de réparation à ce titre.

***

En application de l'article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement. Aucune circonstance ne conduit à écarter l’exécution provisoire de plein droit dans la présente espèce.

Par application des dispositions de l’article 696 du Code de procédure civile, M. [N] [W] partie succombante sera condamné aux entiers dépens de l’instance

Ni l’équité, ni les circonstances de l’espèce ne commandent de faire exception aux dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.

M. [N] [W] sera condamné à payer au titre de l'article 700 du code de procédure civile à la SARL GROUPE CHEIK la somme de 2.000 euros.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort,

Vu le congé délivré le 5 mars 2021 par [W] [N] avec refus de renouvellement du bail au bénéfice de la SARL GROUPE CHEIK pour motifs graves et légitimes et refus de paiement d’une indemnité d’éviction,

Déclare la SARL GROUPE CHEIK est bien fondée à recevoir une indemnité d’éviction,

Fixe l’indemnité d’éviction due par [W] [N] à la SARL GROUPE CHEIK à la somme de 46.708 euros,

Condamne [W] [N] à verser à la SARL GROUPE CHEIK la somme de
46.708 euros au titre de l’indemnité d’éviction,

Déboute [N] [W] de sa demande au titre de la résistance abusive,

Dit n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire de droit assortissant la présente décision,
Condamne [N] [W] à payer la SARL GROUPE CHEIK la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

Condamne [N] [W] aux entiers dépens de l'instance,

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Nice
Formation : 3ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 21/03961
Date de la décision : 03/07/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 09/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-03;21.03961 ?
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