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25/06/2024 | FRANCE | N°24/00958

France | France, Tribunal judiciaire de Nice, 4ème chambre civile, 25 juin 2024, 24/00958


COUR D’APPEL D’AIX EN PROVENCE

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE NICE

GREFFE
M I N U T E
(Décision Civile)


JUGEMENT : [E] [K] c/ Syndicat des Copropriétaires de la communauté immobilière [Adresse 3]


Du 25 Juin 2024

4ème Chambre civile
N° RG 24/00958 - N° Portalis DBWR-W-B7I-PSGS
























Grosse délivrée à
Me Salomé BENABU

expédition délivrée à


le 25 Juin 2024

mentions diverses
Par jugement de la 4ème Ch

ambre civile en date du vingt cinq Juin deux mil vingt quatre

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame SANJUAN-PUCHOL Présidente, assistée de Madame PROVENZANO, Greffier.

Vu les Articles 812 à 816 du Code de Procédure Civi...

COUR D’APPEL D’AIX EN PROVENCE

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE NICE

GREFFE
M I N U T E
(Décision Civile)

JUGEMENT : [E] [K] c/ Syndicat des Copropriétaires de la communauté immobilière [Adresse 3]


Du 25 Juin 2024

4ème Chambre civile
N° RG 24/00958 - N° Portalis DBWR-W-B7I-PSGS

Grosse délivrée à
Me Salomé BENABU

expédition délivrée à

le 25 Juin 2024

mentions diverses
Par jugement de la 4ème Chambre civile en date du vingt cinq Juin deux mil vingt quatre

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame SANJUAN-PUCHOL Présidente, assistée de Madame PROVENZANO, Greffier.

Vu les Articles 812 à 816 du Code de Procédure Civile sans demande de renvoi à la formation collégiale.

DÉBATS

Après accord de la partie ayant constitué avocat, le dépôt du dossier au greffe de la chambre a été autorisé conformément aux dispositions de l’article 778 alinéa 5 du Code de Procédure Civile et l’affaire a été mise en délibéré au 25 Juin 2024 par mise à disposition au greffe de la juridiction.

PRONONCÉ

Par mise à disposition au Greffe le 25 Juin 2024, signé par Madame SANJUAN-PUCHOL Présidente, assistée de Madame PROVENZANO, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

NATURE DE LA DÉCISION :
réputée contradictoire, en premier ressort, au fond

DEMANDERESSE:

Madame [E] [K]
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Salomé BENABU-BERDAH, avocat au barreau de NICE, avocat plaidant

DÉFENDEUR:

Syndicat des Copropriétaires de la communauté immobilière [Adresse 3]
[Adresse 3]
[Localité 4]
pris en la personne de son syndic en exercice le CABINET PASCAL DEVAUX, S.A.S. dont le siège social est sis [Adresse 2], immatriculée sous le numéro 434 876 132 auprès du R.C.S. de NICE, prise en la personne de son représentant légal en exercice
non représenté

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme [E] [K] est propriétaire du lot n 12 d’un immeuble en copropriété sis [Adresse 3] à [Localité 4] qu’elle a donné en location à M. [X].

Une assemblée générale des copropriétaires s’est réunie le 11 janvier 2024 et a adopté une résolution n 14 intitulée « Dossier locataire [X] - Autorisation à donner au syndic pour diligenter une procédure judiciaire à l’encontre de Mme [K], propriétaire de M. [X] (locataire) ».

Par acte du 11 mars 2024, Mme [E] [K] a fait assigner le syndicat des copropriétaires de l’immeuble situé [Adresse 3] à [Localité 4] aux fins d’obtenir :

l’annulation de la résolution n 14 adoptée par l’assemblée générale du 11 janvier 2024,la condamnation du syndicat des copropriétaires à :annuler l’imputation au débit de son compte de la somme de 989,77 euros de dépenses communes,lui verser la somme de 2.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Elle fait valoir que la résolution attaquée est nulle pour trois motifs : l’illégalité de l’autorisation d’ester en justice donnée au syndic, un excès de pouvoir de l’assemblée et un vote unique sur deux objets distincts. Elle rappelle qu’en vertu de l’article 18-1 de la loi n 65-557 du 10 juillet 1965, le syndic représente le syndicat en justice, et qu’au terme de l’article 55 du décret du 17 mars 1967, le syndic ne peut agir en justice au nom du syndicat sans y avoir été autorisé par une décision d’assemblée générale. Elle ajoute qu’en application de ces textes, l’autorisation d’ester en justice doit être précise, expresse et formelle. Elle considère que la résolution litigieuse est vague, ne mentionne pas la date de survenance des nuisances évoquées, que celle-ci est non motivée, que la nature juridique de l’action à entreprendre et de la juridiction à saisir ne sont pas précisées.

Elle considère en outre que le vote de la résolution n 14 procède d’un abus de majorité car il n’est pas démontré que l’insalubrité invoquée serait le fait de son locataire si bien que lui imputer à elle-seule le coût des interventions de désinsectisation constitue une rupture d’égalité avec les autres copropriétaires.

Elle ajoute que la résolution n 14 porte sur deux points : l’autorisation donnée au syndic d’ester en justice et l’imputation d’office au débit de son compte de toutes les factures de désinsectisation, questions qui auraient dû faire l’objet de deux votes distincts.

Elle indique avoir constater sur les derniers décomptes de charges que le syndic lui avait imputés d’office des dépenses de désinsectisation à hauteur de 989,77 euros sans décision de justice préalable et sans en justifier alors qu’elles ne sont pas des dépenses privatives.

Assigné par remise de l’acte à une personne habilitée à le recevoir, le syndicat des copropriétaires de l’immeuble situé [Adresse 3] à [Localité 4] n’a pas constitué avocat, avant la clôture de la procédure ordonnée le 17 avril 2024 de sorte que la présente décision, susceptible d’appel, sera réputée contradictoire conformément à l’article 473 du code de procédure civile.

Mme [E] [K] a été autorisée à faire déposer son dossier de plaidoirie et avisée que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 25 juin 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

En vertu de l’article 472 du code de procédure civile, si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond mais il est fait droit à la demande que si elle est régulière, recevable et bien fondée.

Sur la demande de prononcé de la nullité de la résolution n 14 adoptée par l’assemblée générale du 11 janvier 2024

En l’espèce, l’assemblée générale des copropriétaires réunie le 11 janvier 2024 a adopté la résolution n 14 rédigée en ces termes :

« Dossier locataire [X] - Autorisation à donner au syndic pour diligenter une procédure judiciaire à l’encontre de Mme [K], propriétaire de M. [X] (locataire).
Conditions de majorité de l’Article 24.

L’assemblée générale donne mandat au syndic pour ester en justice à l’encontre de Mme [K], propriétaire du lot n 12 dont M. [X] est locataire, suite aux multiples nuisances qu’il provoque aux résidents de la copropriété (insalubrité, présence de cafard et punaises de lit) pour qu’elle fasse cesser toutes ces nuisances.
Plusieurs désinsectisations ont été faites dans les appartements voisins et les parties communes. Malgré ces interventions, les insectes sont toujours présents.
L’assemblée générale donne son accord pour que toutes les factures des interventions de désinsectisation provoquées par l’insalubrité de M. [X] soit imputées sur le compte de Mme [K] ».

1. Sur le moyen tiré de l’imprécision de l’habilitation donnée au syndic d’agir en justice.

En vertu de l’article 18 de la loi du 10 juillet 1965, indépendamment des pouvoirs qui lui sont conférés par d'autres dispositions de la présente loi ou par une délibération spéciale de l'assemblée générale, le syndic est chargé de représenter le syndicat dans tous les actes civils et en justice.

L’article 55 du décret du 17 mars 1967 précise, dans son alinéa 1er, que le syndic ne peut agir en justice au nom du syndicat sans y avoir été autorisé par une décision de l'assemblée générale.

Pour la validité de la procédure engagée par le syndic au nom du syndicat, il est indispensable que l’autorisation fasse l’objet d’une décision explicite de l’assemblée générale rapportée dans le procès-verbal de la réunion.

Elle doit préciser les pouvoirs conférés au syndic pour agir en justice et énoncer l’objet de la demande à présenter au tribunal.

La décision de l’assemblée doit faire l’objet d’une question inscrite à l’ordre du jour avec le projet de résolution habilitant le syndic à exercer l’action collective, elle est valablement acquise à la majorité simple de l’article 24 de la loi.

Elle doit exprimer sans ambiguïté la volonté d’engager une procédure déterminée pour laquelle elle entend habiliter le syndic et ne répondent pas à cette condition une simple déclaration d’intention, le rappel du respect du règlement de copropriété sous peine de sanction, une autorisation d’agir sous réserve de l’accord du conseil syndical ou encore une résolution se bornant à mandater un avocat pour agir en justice au nom du syndicat.

Elle doit en même temps indiquer l’étendue du pouvoir donné au syndic de manière à lui permettre de suivre l’instance jusqu’à son aboutissement y compris les voies de recours et énoncer l’objet de l’action à engager par le syndicat et le but poursuivi même si l’indication de la juridiction à saisir n’est pas exigée.

Elle doit enfin être précise en indiquant les éléments constitutifs d’une infraction au règlement de copropriété, les faits générateurs de troubles de voisinage, les dommages matériels causés aux parties communes notamment.

En l’espèce, l’assemblée générale a donné mandat au syndic pour ester en justice à l’encontre de Mme [E] [K] pour faire cesser les nuisances provoquées par son locataire, Monsieur [X], à savoir l’insalubrité et la présence de cafard et punaises de lit.

Indépendamment du bien-fondé de l’action envisagée et des éléments sur lesquels elle se fonde, cette décision précise clairement le but poursuivi à savoir la cessation de troubles de voisinage liées à l’usage du lot privatif par le locataire de Mme [E] [K].

Cette autorisation est donc suffisamment claire sur l’action en justice que l’assemblée générale a autorisé le syndic à entreprendre, peu important que la juridiction à saisir ne soit pas précisé à ce stade, la démonstration du bien-fondé de l’action à engager et des éléments sur lesquels elle se fonde n’étant pas un préalable à la validité de l’autorisation.

Par conséquent, le moyen tiré de l’irrégularité de l’autorisation d’agir en justice donnée au syndic sera rejeté.

2. Sur le moyen tiré de l’existence d’un vote sur deux questions ayant des objets distincts.

Il est acquis que l’assemblée générale a l'obligation d'émettre un vote séparé sur chacune des questions figurant à l'ordre du jour, un seul vote bloqué sur plusieurs des questions inscrites est nul, en vertu du principe de l'autonomie des décisions et de la spécificité des majorités.

Toutefois, si le vote bloqué est interdit lorsque chaque question est indépendante des autres, des questions connexes ou complémentaires relevant de la même majorité sont susceptibles d'être regroupées pour donner lieu à un vote unique dès lors qu’elles forment un tout et ont un seul et même objet.

Ainsi, si les copropriétaires ne peuvent être amenés à se prononcer par un seul vote sur deux questions distinctes, cette exigence ne s’impose pas lorsque ces deux questions sont indivisibles tel que le choix du syndic, indissociable de l'approbation du contrat dont les conditions financières sont un élément essentiel.

Or, en l’espèce, il convient de constater que l’assemblée générale a autorisé, par la même décision ayant fait l’objet d’un seul vote :

le syndic à agir en justice à l’encontre de Mme [E] [K] pour faire cesser les nuisances qui seraient occasionnées par son locataire,le syndic à imputer au débit du compte de Mme [E] [K] exclusivement les dépenses de désinsectisation de l’immeuble.
Ces deux questions, bien que fondées sur les mêmes faits, sont distinctes et impliquaient de procéder à deux votes séparés car elles n’ont pas le même objet.

Il sera souligné que la validité de la décision d’imputation d’une dépense commune à Mme [E] exclusivement peut dépendre du succès éventuel de l’action en justice que le syndic a été autorisé à entreprendre mais qui n’est pas acquis.
Il s’agit en conséquence d’un vote « bloqué », les copropriétaires n’ayant pas eu d’autre choix que de se prononcer par un vote unique sur deux questions qui pouvaient faire l’objet de réponses distinctes tout en restant compatibles entre elles.

Il s’ensuit que la résolution n°14 du procès-verbal d’assemblée générale du 11 janvier 2024 se prononçant par un vote unique sur deux questions distinctes est irrégulière pour méconnaître le principe selon lequel chaque délibération proposée au vote ne peut avoir qu’un objet.

Par conséquent, il convient de prononcer la nullité de la résolution n 14 du procès-verbal de l’assemblée générale des copropriétaires de l’immeuble situé [Adresse 3] à [Localité 4] du 11 janvier 2024.

Sur la demande d’annulation de la somme de 989,77 euros portée au débit du compte de Mme [E] [K].

Aux termes de l’article 10 de la loi du 10 juillet 1965, les copropriétaires sont tenus de participer aux charges entraînées par les services collectifs et les éléments communs d’équipement ainsi qu’aux charges relatives à la conservation, à l’entretien et à l’administration des parties communes.

La décision approbative rend les comptes définitivement opposables à tous les copropriétaires, majoritaires et minoritaires, sauf une éventuelle annulation cette décision à la suite d’un recours en nullité ouvert aux opposants et défaillants dans le délai de deux mois imparti par l’article 42, alinéa 2, de la loi du 10 juillet 1965.

L’approbation des comptes présentés par le syndic interdit toute révision ultérieure de ces comptes et les copropriétaires sont tenus de régler leurs quotes-parts de charges communes telles qu'elles résultent des comptes approuvés. L’approbation des comptes emporte en effet constatation de la régularité comptable et financière des comptes du syndicat et rend exigibles les quotes-parts de charges des travaux dont le montant a donné lieu à approbation.

L’approbation de l'assemblée générale se rapporte à l'ensemble des comptes de la collectivité, c'est-à-dire des dépenses incluses dans le budget géré par le syndic. Elle ne concerne pas en revanche la position comptable de chaque copropriétaire, dont les charges n'ont pas à être réparties par l’assemblée car l’approbation des comptes du syndicat ne constitue pas une approbation des comptes individuels de chaque copropriétaire.

En l’espèce, Mme [E] [K] fournit les appels de fonds pour la période du 1er octobre 2022 au 31 décembre 2022 et du 1er octobre 2023 au 31 décembre 2023, antérieure à la décision litigieuse.

Elle conteste les appels de l’entreprise ERN 3D Désinsectisation « Parties Communes » et « Regards Eaux Usées » pour l’année 2022 et « Parties Communes » et « Appartement » pour l’année 2023.

Elle ne fournit cependant aucune pièce pour démontrer que ces dépenses d’entretien ne lui ont pas été imputées après leur répartition entre les copropriétaires à proportion de leur tantièmes des parties communes.

Il apparaît au contraire que l’assemblée générale du 11 janvier 2014 a, avant l’adoption de la résolution n°14 contestée, approuvé les comptes de l’exercice clos le 31 décembre 2022 rendant définitivement opposables et autorisant le syndic à appeler les quotes-parts de charges.

A défaut d’établir l’irrégularité de l’imputation d’une quote-part des factures émises par la société ERN 3D Désinsectisation, elle sera déboutée de sa demande de condamnation du syndicat des copropriétaires à rectifier son compte individuels de charges.

Sur les demandes accessoires

Aucune circonstance ne justifie d’écarter l’exécution provisoire de la présente décision.

Conformément à l’article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965, Mme [E] [K] sera dispensée de toute participation à la dépense commune des frais de procédure. 

Partie perdante au procès, le syndicat des copropriétaires de l’ensemble immobilier sis [Adresse 3] à [Localité 4] sera condamné aux dépens ainsi qu’à verser à Mme [E] [K] la somme de 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Il convient de rappeler que, conformément à l’article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965, Mme [E] [K] sera dispensée de toute participation à la dépense commune des frais de procédure.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant après débats publics, par jugement réputé contradictoire rendu en premier ressort, par mise à disposition au greffe :

PRONONCE la nullité de la résolution n 14 du procès-verbal d’assemblée générale des copropriétaires de l’immeuble situé [Adresse 3] à [Localité 4] du 11 janvier 2024 ;

CONDAMNE le syndicat des copropriétaires de l’immeuble situé [Adresse 3] à [Localité 4] à payer à Mme [E] [K] la somme de 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE Mme [E] [K] de sa demande de condamnation du syndicat des copropriétaires à annuler l’imputation au débit de son compte de la somme de 989,77 euros de dépenses communes ;

RAPPELLE que conformément à l’article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965, Mme [E] [K] sera dispensée de toute participation à la dépense commune des frais de procédure ;

CONDAMNE le syndicat des copropriétaires de l’immeuble situé [Adresse 3] à [Localité 4] aux dépens.

Le présent jugement a été signé par le Président et le Greffier.

LE GREFFIER                                                    LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Nice
Formation : 4ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 24/00958
Date de la décision : 25/06/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 01/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-25;24.00958 ?
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