Minute n° 2024 /
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE NANTES - PALAIS DE JUSTICE
AUDIENCE DES EXPULSIONS LOCATIVES
============
JUGEMENT du 18 Juillet 2024
__________________________________________
DEMANDERESSE :
S.A. LA NANTAISE D’HABITATIONS
L’Atrium, 1 allée des Hélices
BP 50209
44202 NANTES CEDEX 02
représentée par Maître Julien VIVES, avocat au barreau de NANTES
D'une part,
DÉFENDEURS :
Monsieur [M] [O]
Logement 1601 Etage 6
14 Rue de la Gare
44400 REZE
non comparant
Madame [P] [O]
domiciliée : chez Monsieur [N]
3 Ty Bourg
22160 ST SERVAIS
non comparante D'autre part,
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
PRÉSIDENTE : Constance GALY
GREFFIER : Michel HORTAIS
PROCEDURE :
date de la première évocation : 22 février 2024
date des débats : 22 février 2024
délibéré au : 13 juin 2024
prorogé au : 18 juillet 2024
RG N° N° RG 23/03134 - N° Portalis DBYS-W-B7H-MQ4D
COPIES AUX PARTIES LE :
CE + CCC à Maître Julien VIVES
CCC à Monsieur [M] [O] + Madame [P] [O] + préfecture
Copie dossier
EXPOSE DU LITIGE
Selon acte sous seing privé en date du 19 avril 2021 à effet au 22 avril 2021, LA NANTAISE D’HABITATIONS a donné à bail à [P] [O] et [M] [O] un logement de type 3 lui appartenant sis, 14 rue de la Gare, 6ème étage, logement 1601, outre le garage n°50 et une cave - 44000 REZE, moyennant un loyer mensuel initial de 439,96 € pour le logement outre 46,33 € pour le stationnement et 22,66 € pour la cave, outre une provision mensuelle pour charges de 104.20€.
Par acte de commissaire de justice du 28 avril 2023, LA NANTAISE D’HABITATIONS a fait commandement à [P] [O] de payer un arriéré de loyer et charges d’un montant de 7.121,38 € arrêté au 31 mars 2023, outre coût de l’acte, ce commandement visant la clause résolutoire insérée au bail.
Par acte de commissaire de justice du 10 mai 2023, LA NANTAISE D’HABITATIONS a fait commandement à [M] [O] de payer ce même arriéré.
Par actes de commissaire de justice en date des 4 et 6 octobre 2023, dont copie a été régulièrement adressée au représentant de l’État dans le département, LA NANTAISE D’HABITATIONS a fait assigner [P] [O] et [M] [O] devant le juge des contentieux de la protection affecté au tribunal judiciaire de Nantes aux fins de :
· Déclarer la demande recevable et bien fondée ;
· Constater la résiliation du bail et subsidiairement, prononcer la résiliation dudit bail ;
· Ordonner l’expulsion des locataires et de tout occupant de leur chef du logement, avec l'assistance de la force publique et d'un serrurier si besoin est, selon les modalités prévues par la loi ;
· Condamner solidairement les locataires au paiement de la somme de 15.431,34 € arrêtée au 31 août 2023, à parfaire ou à diminuer le jour de l’audience et augmentée des intérêts de droit à compter de l'assignation ;
· Dire et juger que le dépôt de garantie d’un montant de 370,80 € restera acquis à LA NANTAISE D’HABITATIONS et viendra en déduction des sommes dues ;
· Condamner solidairement [P] [O] et [M] [O] à lui payer une indemnité d'occupation égale au montant des loyers et charges locatives depuis la résiliation du bail et jusqu'à la libération effective des lieux ;
· Dire et juger que cette indemnité d'occupation sera indexée selon les dispositions prévues au contrat de bail ;
· Condamner solidairement les locataires au paiement d’une somme de 500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens de l’instance, comprenant notamment le coût du commandement de payer et son éventuel dénoncé à la caution ;
· Dire et juger que toutes les condamnations engagent solidairement les locataires et la caution éventuelle ;
· Dire n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire de la décision à intervenir.
Le diagnostic social et financier a été transmis au tribunal le 12 janvier 2024 par les services sociaux du département, qui n'ont pas pu rencontrer [M] [O], et qu’ainsi, aucun diagnostic social et financier n’a pu être réalisé
L’affaire a été appelée et retenue à l’audience du 22 février 2024.
A ladite audience, LA NANTAISE D’HABITATIONS se réfère à l’acte introductif d’instance, sauf à préciser que la dette de loyer s’élève désormais à la somme de 24.129,69 € au titre des loyers et charges échus à la date du 16 février 2024.
Régulièrement assigné à étude, [M] [O] n’a pas comparu. Malgré les différentes diligences effectuées par le Commissaire de justice, [P] [O] n’a pas été retrouvée par ce dernier. La signification de l’assignation a donc été régulièrement faite par procès-verbal de recherches infructueuses, conformément aux dispositions de l’article 659 du Code de procédure civile.
L’affaire a été mise en délibéré au 13 juin 2024. Du fait d'un dysfonctionnement de service, le délibéré a été prorogé au 18 juillet 2024, date de mise à disposition de la décision au greffe du tribunal judiciaire de Nantes.
MOTIFS DE LA DECISION
Aux termes de l'article 472 du code de procédure civile, l'absence du défendeur ne fait pas obstacle à ce qu'une décision soit rendue sur le fond du litige, le juge faisant droit à la demande après examen de sa régularité, de sa recevabilité et de son bien-fondé.
[P] [O] et [M] [O] n’ayant pas comparu, il y a lieu de statuer par jugement réputé contradictoire en application de l'article 474 du code de procédure civile.
Sur la recevabilité de l’action
Aux termes de l'article 24-II de la loi n° 89-642 du 6 juillet 1989 modifiée par la loi du 27 juillet 2023, applicable au litige, les bailleurs personnes morales ne peuvent faire délivrer, sous peine d'irrecevabilité de la demande, une assignation aux fins de constat de résiliation du bail avant l'expiration d'un délai de deux mois suivant la saisine de la commission de coordination des actions de prévention des expulsions locatives (CCAPEX). Cette saisine est réputée constituée lorsque persiste une situation d'impayés, préalablement signalée dans les conditions réglementaires aux organismes payeurs des aides au logement en vue d'assurer le maintien du versement de ces aides (Caisse d'allocations familiales - CAF).
En l’espèce, la bailleresse justifie de la signification de la situation à la CCAPEX le 14 avril 2023, dont celle-ci a accusé réception le même jour, soit au moins deux mois avant les assignations des 4 et 6 octobre 2023.
L’article 24-III de la même loi énonce qu’à peine d'irrecevabilité de la demande, l'assignation aux fins de constat de la résiliation est notifiée à la diligence du commissaire de justice au représentant de l’État dans le département au moins six semaines avant l'audience (précédente rédaction : deux mois). Les II et III sont applicables aux assignations tendant au prononcé de la résiliation du bail lorsqu'elles sont motivées par l'existence d'une dette locative du preneur. Ils sont également applicables aux demandes additionnelles et reconventionnelles aux fins de constat ou de prononcé de la résiliation, motivées par l'existence d'une dette locative, la notification au représentant de l’État dans le département incombant au bailleur.
En l'espèce, les assignations des 4 et 6 octobre 2023 ont été régulièrement dénoncées par le bailleur au représentant de l’État dans le département le 9 octobre 2023, soit plus de six semaines avant l'audience du 22 février 2024, conformément aux dispositions précédemment énoncées.
Dans ces conditions, la demande aux fins de voir constater la résiliation du bail est ainsi recevable.
Sur la résiliation du bail
L’article 24 I de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989, modifié par la loi du 27 juillet 2023 prévoit que « toute clause prévoyant la résiliation de plein droit du contrat de location pour défaut de paiement du loyer ou des charges aux termes convenus ou pour non-versement du dépôt de garantie ne produit effet que six semaines après un commandement de payer demeuré infructueux » (précédente rédaction : deux mois).
En l’espèce, le contrat de bail contient une clause résolutoire en son article 4.7.1.
Par exploits de commissaire de justice en date des 28 avril 2023 et 10 mai 2023, LA NANTAISE D’HABITATIONS a fait commandement à [P] [O] et [M] [O] de payer un arriéré de loyer et charges d’un montant de 7.121,38 € arrêté au 31 mars 2023, outre coût de l’acte, ce commandement visant la clause résolutoire insérée au bail.
Ce commandement est demeuré infructueux pendant plus de deux mois, de sorte qu’il y a lieu de constater que les conditions d’acquisition de la clause résolutoire contenue dans le bail étaient réunies à la date du 11 juillet 2023.
En conséquence, il convient de constater la résiliation du bail et d'ordonner l'expulsion de [P] [O] et [M] [O].
Sur la dette locative
L’article 7-a de la loi 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs, rappelle que le locataire est obligé de payer le loyer et les charges récupérables aux termes convenus.
La créance de LA NANTAISE D’HABITATIONS est justifiée en son principe en vertu du contrat de bail.
[P] [O] et [M] [O] ne viennent contester ni le principe ni le montant de la dette.
Le décompte actualisé versé aux débats laisse apparaître un solde de 24.129,69 € au titre des loyers, charges, surloyers et indemnités d’occupation échus au 16 février 2024.
La bailleresse a en effet appliqué un surloyer forfaitaire mensuel de 1.088,89 € à compter du 1er janvier 2023, soit la somme de 14.155,57 € sur la période de janvier 2023 à janvier 2024 inclus.
Selon les articles L. 441-3 et suivants du code de la construction et de l'habitation, un supplément de loyer de solidarité est perçu par l'organisme d'habitation à loyer modéré lorsque les ressources de l'ensemble des personnes vivant au foyer excèdent d'au moins 20 % les plafonds de ressources en vigueur pour l'attribution de ces logements. À défaut de réponse par le locataire à une demande de communication des informations permettant de déterminer s’il est redevable du supplément de loyer et 15 jours après une mise en demeure restée infructueuse et mentionnant les dispositions de l'article L. 441-9 du code de la construction et de l'habitation, l'organisme calcule un supplément de loyer sur la base d'un coefficient de dépassement du plafond de ressources égal à la valeur maximale prévue par décret.
Si le bailleur verse aux débats un courrier intitulé “mise en demeure” qu’il aurait adressé aux locataires le 15 novembre 2022 pour leur demander de justifier de ses ressources, il ne produit aucun accusé de réception de ce courrier par les locataires, et ce alors même que le texte de l’article L.441-9 du code de la construction et de l’habitation prévoit expressément un délai de 15 jours à l'issue duquel le bailleur social peut appliquer le supplément de loyer provisoire, en l'absence de réponse du locataire. L'existence d'un délai suppose en effet de pouvoir en déterminer le point de départ et seul l'envoi d'une lettre recommandée avec accusé de réception permet de respecter les dispositions de l'article L441-9 du code de la construction et de l'habitation.
Le constat d'huissier du 15 novembre 2021, dont seules les pages 1, 2 et 5 ont été communiquées, ne permet pas de justifier de l'envoi des courriers à [M] et [P] [O].
Dès lors, LA NANTAISE D'HABITATIONS ne rapportant pas la preuve d'avoir effectivement adressé aux locataires la mise en demeure requise par les dispositions de l'article L. 441-9 du code de la construction et de l'habitation, formalité substantielle, ne peut prétendre au paiement des sommes visées ci-dessus, lesquelles seront retirées de la dette locative.
Ainsi, il convient de déduire de la somme demandée de 24.129,69 € la somme de 14.155,57 € pour la période du 1er janvier 2023 au 31 janvier 2024 (le surloyer de janvier 2023 ayant été appliqué en février 2023).
La dette locative est donc de 9.974,12 € (24.129,69 – 14.155,57).
En application de l'article 22 alinéa 4 de la loi du 6 juillet 1989 et de l'article 3.2 du contrat de bail, le dépôt de garantie versé par les locataires au bailleur à son entrée dans les lieux ne leur seront pas restitués et sera déduit des sommes dues au bailleur par les locataires.
Aux termes de l'article 1310 du code civil, la solidarité est légale ou conventionnelle ; elle ne se présume pas.
En l’espèce, d'une part il semble que les deux locataires soient mariés (sans élément justificatif en ce sens) et d'autre part, le contrat de bail comporte une clause de solidarité en cas de pluralité des locataires en son article 7. En conséquence, [P] [O] et [M] [O] seront condamnés, solidairement au paiement de cette somme au titre des loyers, charges et indemnités d’occupation échus au 16 février 2024, échéance de janvier 2024 incluse, outre les intérêts au taux légal à compter de la signification du présent jugement.
Ils seront enfin condamnés solidairement à payer à LA NANTAISE D’HABITATIONS, à compter du 17 février 2024 et jusqu’à libération effective des lieux, dans les conditions fixées à l'article 7 du contrat de bail relatif à la solidarité des co-preneurs, une indemnité d’occupation égale au montant du dernier loyer, charges et revalorisation incluses, soit la somme de 721,70 € (1.810,59 – 1.088,89).
Sur les délais de paiement
En application de l’article 24-V de la loi de 1989, modifié par la loi du 27 juillet 2023, le juge peut, à la demande du locataire, du bailleur ou d’office, à la condition que le locataire soit en situation de régler sa dette locative et qu’il ait repris le versement intégral du loyer courant avant la date de l’audience, accorder des délais de paiement dans la limite de trois années, par dérogation au délai prévu au premier alinéa de l’article 1343-5 du code civil, au locataire en situation de régler sa dette locative.
Lors de l’audience, LA NANTAISE D’HABITATIONS a indiqué s’en référer à ses demandes initiales.
D'après le relevé de compte locataire, les défendeurs ont cessé tout paiement depuis octobre 2022 et n’ont pas repris le paiement intégral des loyers avant l'audience.
Le diagnostic social et financier transmis ne fournit pas suffisamment d’éléments sur la solvabilité des défendeurs, qui ne se présentent pas à l'audience pour solliciter des délais de paiement.
Au regard de ces éléments, aucun délai de paiement ne sera accordé à [P] [O] et [M] [O].
Sur les autres demandes
En application des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile, [P] [O] et [M] [O], succombant à l’instance, seront condamnés, in solidum, aux entiers dépens, comprenant notamment le coût du commandement de payer.
Ils seront également condamnés, in solidum, à payer à LA NANTAISE D’HABITATIONS la somme de 300 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Le juge des contentieux de la protection, statuant après débats publics, par jugement mis à disposition au greffe, réputé contradictoire et en premier ressort,
DECLARE recevable la demande aux fins de voir constater la résiliation du bail d’habitation conclu le 19 avril 2021 entre LA NANTAISE D’HABITATIONS d'une part et [P] [O] et [M] [O] d'autre part, concernant un logement de type 3 lui appartenant sis, 14 rue de la Gare, 6ème étage, logement 1601, outre le garage n°50 et une cave - 44000 REZE ;
CONSTATE que les conditions d’acquisition de la clause résolutoire figurant au bail sont réunies à la date du 11 juillet 2023 ;
CONDAMNE solidairement [P] [O] et [M] [O] à payer à LA NANTAISE D’HABITATIONS la somme de 9.974,12 €, en deniers ou quittance, au titre des loyers, charges et indemnités d’occupation échus et impayés au 16 février 2024, échéance de janvier 2024 incluse, dépôt de garantie de 370,80 € à déduire, et ce avec intérêt au taux légal à compter de la signification de la présente décision ;
CONDAMNE solidairement [P] [O] et [M] [O] à payer à LA NANTAISE D’HABITATIONS, à compter du 17 février 2024, une indemnité d’occupation égale au montant du dernier loyer, charges et revalorisation incluses, soit la somme mensuelle de 721,70 € et ce, jusqu’à la libération complète des lieux ;
ORDONNE à [P] [O] et [M] [O], occupants sans droit ni titre, de libérer les lieux après avoir satisfait aux obligations incombant aux locataires sortants ;
ORDONNE à défaut l’expulsion de [P] [O] et [M] [O] ainsi que celle de tout occupant de leur chef et ce, au besoin avec le concours de la force publique et d'un serrurier, à l’expiration d’un délai de deux mois suivant la signification d’un commandement de quitter les lieux ;
CONDAMNE [P] [O] et [M] [O] à payer à LA NANTAISE D’HABITATIONS la somme de 300 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens ;
DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
ORDONNE la notification de la présente décision par le greffe au représentant de l’État dans le département ;
RAPPELLE que la présente décision est exécutoire de plein droit.
Ainsi prononcé par mise à disposition au greffe le 18 juillet 2024.
Le greffier La vice-présidente chargée des contentieux de la protection
Michel HORTAIS Constance GALY