Minute n° 2024 /
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE NANTES - PALAIS DE JUSTICE
AUDIENCE DES EXPULSIONS LOCATIVES
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JUGEMENT du 18 Juillet 2024
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DEMANDERESSE :
S.A. ICF ATLANTIQUE
16 rue Henri Barbusse
37700 ST PIERRE DES CORPS
représentée par Maître Doris SIEURIN, avocate au barreau de NANTES
D'une part,
DÉFENDEURS :
Madame [R] [G]
15 rue Olympe de Gouges
44980 SAINTE-LUCE-SUR-LOIRE
non comparante
Monsieur [U] [L]
3 cour de la Prairie d’Amont
Porte n°114
44200 NANTES
comparant en personne D'autre part,
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
PRÉSIDENTE : Constance GALY
GREFFIER : Michel HORTAIS
PROCEDURE :
date de la première évocation : 23 novembre 2023
date des débats : 22 février 2024
délibéré au : 13 juin 2024
prorogé au : 27 juin 2024 puis 18 juillet 2024
RG N° N° RG 23/02164 - N° Portalis DBYS-W-B7H-MLZT
COPIES AUX PARTIES LE :
CE + CCC à Maître Doris SIEURIN
CCC à Madame [R] [G] +Monsieur [U] [L] + préfecture
Copie dossier
EXPOSE DU LITIGE
Selon acte sous seing privé en date du 23 février 2022 à effet au 3 mars 2022, la société anonyme d'habitations à loyers modérés ICF ATLANTIQUE a donné à bail à [R] [G] et [U] [L] un logement lui appartenant sis, 3 cours de la Prairie d’Amont, 1er étage, porte n°114 - 44200 NANTES, moyennant un loyer mensuel initial de 617,39 € pour le logement outre une provision mensuelle pour charges de 118,41 €.
Par actes de commissaire de justice signifié les 30 mars 2023 et 3 avril 2023, ICF ATLANTIQUE a fait commandement à [R] [G] et [U] [L] de payer un arriéré de loyer et charges d’un montant de 7.230,19 €, outre coût de l’acte, ce commandement visant la clause résolutoire insérée au bail.
Par actes de commissaire de justice du 14 et 22 juin 2023, ICF ATLANTIQUE a fait assigner [R] [G] et [U] [L] devant le juge des contentieux de la protection affecté au tribunal judiciaire de Nantes aux fins de :
· Déclarer la demande recevable et bien fondée ;
· Constater la résiliation du bail à compter du 4 juin 2023 et subsidiairement, prononcer la résiliation dudit bail ;
· Ordonner l’expulsion des locataires et de tout occupant de leur chef du logement, avec l'assistance de la force publique et d'un serrurier si besoin est, selon les modalités prévues par la loi ;
· Condamner solidairement les locataires au paiement de la somme de 9.030,94 € au titre des loyers et charges impayés arrêtés à la date de l’assignation, à parfaire ou à diminuer le jour de l’audience et augmentée des intérêts de droit à compter de l'assignation ;
· Condamner solidairement au visa de l'article 1760 du code civil [R] [G] et [U] [L] à lui payer une indemnité d'occupation égale au montant du dernier loyer, soit la somme de 802,76€ à compter du jour de la résiliation du bail et jusqu’à leur départ effectif des lieux ainsi que celui de tout occupant de leur chef, outre les charges courantes ainsi que les intérêts au taux légal conformément aux dispositions de l’article 1155 du code civil ;
· Condamner solidairement les locataires au paiement d’une somme de 500 € de dommages et intérêts en application de l'article 1153 alinéa 4 du code civil ;
· Condamner solidairement les locataires au paiement d’une somme de 500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens de l’instance, comprenant notamment le coût du commandement de payer du 3 avril 2023 ;
· Condamner solidairement les locataires au paiement des intérêts au taux légal sur toutes les sommes dues à compter de la date de la décision à intervenir sur le fondement de l’article 1153-1 du code civil ;
· Ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir en application de l'article 515 du code de procédure civile.
Les services du département ont informé le tribunal le 11 septembre 2023 qu’ils n’avaient pas réussi à se mettre en contact avec les locataires et qu’ainsi, aucun diagnostic social et financier n’a pu être réalisé.
L’affaire a été appelée à l’audience du 23 novembre 2023. A l’issue d’un renvoi à la demande du défendeur, l’affaire a été retenue à l’audience du 22 février 2024.
A cette audience, ICF ATLANTIQUE se réfère à l’acte introductif d’instance, sauf à préciser que la dette de loyer s’élève désormais à la somme de 14.943,27 € au titre des loyers et charges échus à la date du 1er février 2024.
Régulièrement assigné à étude, [U] [L] a comparu à l’audience.
Malgré les différentes diligences effectuées par le commissaire de justice, [R] [G] n’a pas été retrouvée par ce dernier. La signification de l’assignation a donc été régulièrement faite par procès-verbal de recherches infructueuses, conformément aux dispositions de l’article 659 du code de procédure civile.
L’affaire a été mise en délibéré au 13 juin 2024. Pour des raisons de service, le délibéré a été prorogé au 27 juin 2024, date à laquelle une note en délibéré a été sollicitée par le juge auprès du Conseil d'ICF ATLANTIQUE. Le délibéré a ainsi été prorogé au 18 juillet 2024, date de mise à disposition de la décision au greffe du tribunal judiciaire de Nantes.
MOTIFS DE LA DECISION
Aux termes de l'article 474 du code de procédure civile, en cas de pluralité de défendeurs cités pour le même objet, lorsque l'un au moins d'entre eux ne comparaît pas, le jugement est réputé contradictoire à l'égard de tous si la décision est susceptible d'appel ou si ceux qui ne comparaissent pas ont été cités à personne.
Sur la recevabilité de l’action
Aux termes de l'article 24-II de la même loi, les bailleurs personnes morales ne peuvent faire délivrer, sous peine d'irrecevabilité de la demande, une assignation aux fins de constat de résiliation du bail avant l'expiration d'un délai de deux mois suivant la saisine de la commission de coordination des actions de prévention des expulsions locatives (CCAPEX). Cette saisine est réputée constituée lorsque persiste une situation d'impayés, préalablement signalée dans les conditions réglementaires aux organismes payeurs des aides au logement en vue d'assurer le maintien du versement de ces aides (Caisse d'allocations familiales - CAF).
En l’espèce, le commandement de payer signifié le 30 mars 2023 à [U] [L] a été transmis à la CCAPEX le 3 avril 2023, soit plus de deux mois avant l'assignation du 14 juin 2023.
En revanche, la CCAPEX n'a pas été saisie de la situation de [R] [G], à qui le commandement de payer a été signifié le 3 avril 2023. En délibéré, à la demande du juge, ICF ATLANTIQUE produit le courrier de congé de l'intéressée reçu par la bailleresse le 2 mai 2022, alors même que l'assignation du 14 juin 2023 demande la résiliation du bail à son égard et son expulsion.
Au regard de cet élément, la saisine de la CCAPEX est devenue sans objet s'agissant de [R] [G] et l'absence de signification de la situation et du commandement de payer ne peuvent donc être sanctionnés.
L’article 24-III de la de la loi n° 89-642 du 6 juillet 1989 modifiée par la loi du 27 juillet 2023, applicable au litige, énonce qu’à peine d'irrecevabilité de la demande, l'assignation aux fins de constat de la résiliation est notifiée à la diligence du commissaire de justice au représentant de l’État dans le département au moins six semaines avant l'audience (précédente rédaction : deux mois). Les II et III sont applicables aux assignations tendant au prononcé de la résiliation du bail lorsqu'elles sont motivées par l'existence d'une dette locative du preneur. Ils sont également applicables aux demandes additionnelles et reconventionnelles aux fins de constat ou de prononcé de la résiliation, motivées par l'existence d'une dette locative, la notification au représentant de l’État dans le département incombant au bailleur.
En l'espèce, l'assignation du 14 juin 2023 signifiée à étude à [U] [L] a été régulièrement dénoncée par la bailleresse au représentant de l’État dans le département, avec accusé réception du 22 juin 2023 soit plus de deux mois avant l'audience du 23 novembre 2023, conformément aux dispositions précédemment énoncées.
En revanche, l'assignation du 22 juin 2023 déclarant [R] [G] sans domicile connu le 22 juin 2023, n'a pas été dénoncée au préfet du département. Pour le même motif que pour la signification de la situation d'impayé à la CCAPEX, la dénonciation au préfet du département est sans objet concernant [R] [G], à l'égard de qui la résiliation du bail n'est en réalité pas demandée.
En conséquence, la requête en acquisition de la clause résolutoire concernant [U] [L] est recevable, tandis que la requête concernant [R] [G] est sans objet.
Sur la résiliation du bail concernant [U] [L]
Sur l'acquisition de la clause résolutoireL’article 24 I de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989, modifié par la loi du 27 juillet 2023 prévoit que « toute clause prévoyant la résiliation de plein droit du contrat de location pour défaut de paiement du loyer ou des charges aux termes convenus ou pour non-versement du dépôt de garantie ne produit effet que six semaines après un commandement de payer demeuré infructueux » (précédente rédaction : deux mois).
En l’espèce, le contrat de bail contient une clause résolutoire en son article 9.
Par exploit de commissaire de justice signifié le 30 mars 2023, ICF ATLANTIQUE a fait commandement à [U] [L] de payer un arriéré de loyer et charges d’un montant de 7.230,19 € arrêté au 1er avril 2023, outre coût de l’acte, ce commandement visant la clause résolutoire insérée au bail.
Ce commandement est demeuré infructueux pendant plus de deux mois, de sorte qu’il y a lieu de constater que les conditions d’acquisition de la clause résolutoire contenue dans le bail étaient réunies à la date du 31 mai 2023.
En conséquence, il convient de constater la résiliation du bail et d'ordonner l'expulsion de [U] [L].
Sur la demande de dommages et intérêts
ICF ATLANTIQUE demande la condamnation des locataires à lui payer 500 € de dommages et intérêts, évoquant une « résistance abusive » des locataires, qui n'est toutefois nullement démontrée.
Cette demande sera donc rejetée.
Sur la dette locative
L’article 7-a de la loi 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs, rappelle que les locataires sont obligés de payer le loyer et les charges récupérables aux termes convenus.
Aux termes de l'article 1310 du code civil, la solidarité est légale ou conventionnelle ; elle ne se présume pas.
En l'espèce, le contrat de bail du 23 février 2022 concerne deux locataires, [U] [L] et [R] [G], tenus solidairement pour l'exécution de leurs obligations envers le bailleur, ICF ATLANTIQUE, en vertu de l'article 10 du contrat. Cette clause prévoit en outre qu'en cas de congé de l'un des titulaires du contrat de location, cette solidarité se poursuit pendant deux ans à compter de la date d'effet du congé valablement signifié au bailleur, soit en l'espèce s'agissant de [R] [G] jusqu'au 2 mai 2024 (congé reçu par la bailleresse le 2 mai 2022). Cette clause, dérogatoire au droit commun, ne peut être considérée comme abusive, la stipulation de solidarité n'étant pas illimitée dans le temps et ne créant pas au détriment du preneur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations respectifs des parties au contrat.
Ainsi, si le relevé de compte locataire produit est au seul nom de [U] [L], la solidarité s'applique contractuellement à [R] [G]. Ce relevé fait état d'une dette locative débutée en juillet 2022, le bail ayant commencé à s'exécuter le 3 mars 2022. La dette initiale de 485,80 € a augmenté jusqu'à atteindre 7.230,19 € le 1er avril 2023, puis 9.030,94 € au 1er juin 2023 et enfin 14.943,27 € au 1er février 2024.
Aucun des deux défendeurs ne s'est présenté aux rendez-vous proposés par le service social du Département afin d'établir un diagnostic social et financier.
La créance de ICF ATLANTIQUE est justifiée en son principe en vertu du contrat de bail.
[U] [L] ne conteste ni le principe ni le montant de la dette tandis que [R] [G] n'est pas présente à l'audience.
Le décompte actualisé versé aux débats laisse apparaître un solde de 14.943,27 €.
Il convient de déduire de cette somme les frais de poursuite à hauteur de 208,23 € (195,23 + 13) qui ne relèvent pas de la dette locative mais, s'ils sont justifiés, des dépens.
En conséquence, les deux locataires seront condamnés solidairement au paiement de la somme de 14.735,04€ au titre des loyers, charges et indemnités d’occupation échus au 1er février 2024, échéance de février 2024 incluse, outre les intérêts au taux légal à compter de la signification du présent jugement.
Ils seront enfin condamnés solidairement à payer à ICF ATLANTIQUE, à compter du 2 février 2024 et jusqu’à libération effective des lieux, une indemnité d’occupation égale au montant du dernier loyer, charges et revalorisation incluses, soit la somme de 858,93 €.
Sur les délais de paiement
En application de l’article 24-V de la loi de 1989, modifié par la loi du 27 juillet 2023, le juge peut, à la demande du locataire, du bailleur ou d’office, à la condition que le locataire soit en situation de régler sa dette locative et qu’il ait repris le versement intégral du loyer courant avant la date de l’audience, accorder des délais de paiement dans la limite de trois années, par dérogation au délai prévu au premier alinéa de l’article 1343-5 du code civil, au locataire en situation de régler sa dette locative.
Lors de l’audience, ICF ATLANTIQUE a indiqué s’en référer à ses demandes initiales et refuser tout délai de paiement.
D'après le relevé de compte locataire, [U] [L] et [R] [G] n'ont pas repris le paiement intégral des loyers avant l'audience.
Au regard de ces éléments, aucun délai de paiement ne sera accordé aux défendeurs.
Sur les autres demandes
En application des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile, les locataires, succombant à l’instance, seront condamnés aux entiers dépens, comprenant notamment le coût du commandement de payer.
Ils seront également condamnés à payer à la requérante la somme de 200 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Le juge des contentieux de la protection, statuant après débats publics, par jugement mis à disposition au greffe, réputé contradictoire et en premier ressort,
DECLARE recevable la demande aux fins de voir constater la résiliation du bail d’habitation conclu le 23 février 2022, applicable au 3 mars 2022 entre ICF ATLANTIQUE d'une part et [U] [L] et [R] [G] d'autre part, concernant le logement sis, 3 cours de la Prairie d’Amont, 1er étage, porte n°114 - 44200 NANTES, moyennant un loyer mensuel initial de 617,39 € pour le logement outre une provision mensuelle pour charges de 118,41 € ;
CONSTATE que les conditions d’acquisition de la clause résolutoire figurant au bail sont réunies à la date du 31 mai 2023 s'agissant de [U] [L] ;
CONSTATE que la demande de résiliation du contrat de bail à l'égard de [R] [G] est sans objet ;
CONDAMNE solidairement [U] [L] et [R] [G] à payer à ICF ATLANTIQUE la somme de 14.735,04€, en deniers ou quittance, au titre des loyers, charges et indemnités d’occupation échus et impayés au 1er février 2024, échéance de février 2024 incluse, et ce avec intérêt au taux légal à compter de la signification de la présente décision ;
CONDAMNE solidairement [U] [L] et [R] [G] à payer à ICF ATLANTIQUE, à compter du 2 février 2024, une indemnité d’occupation égale au montant du dernier loyer, charges et revalorisation incluses, soit la somme mensuelle de 858,93 €, et ce, jusqu’à la libération complète des lieux ;
ORDONNE à [U] [L], occupant sans droit ni titre, de libérer les lieux après avoir satisfait aux obligations incombant aux locataires sortants ;
ORDONNE à défaut l’expulsion de [U] [L] ainsi que celle de tout occupant de son chef et ce, au besoin avec le concours de la force publique pendant toute la durée des opérations d'expulsion et d'un serrurier, à l’expiration d’un délai de deux mois suivant la signification d’un commandement de quitter les lieux ;
REJETTE la demande de dommages et intérêts formulée par ICF ATLANTIQUE à l'encontre de [U] [L] et [R] [G] ;
CONDAMNE in solidum [U] [L] et [R] [G] à payer à ICF ATLANTIQUE la somme de 200 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens ;
DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
ORDONNE la notification de la présente décision par le greffe au représentant de l’État dans le département ;
RAPPELLE que la présente décision est exécutoire de plein droit.
Ainsi prononcé par mise à disposition au greffe le 18 juillet 2024
Le greffier La vice-présidente chargée des contentieux de la protection
Michel HORTAIS Constance GALY