Minute n°
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE NANTES - PALAIS DE JUSTICE
AUDIENCE DES EXPULSIONS LOCATIVES
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JUGEMENT du 16 Juillet 2024
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DEMANDEUR :
Société [Localité 3] METROPOLE HABITAT
Office Public de l’Habitat de la Métropole Nantaise
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Mme [B] [G], chargée Contentieux, munie d’un pouvoir
D'une part,
DÉFENDEUR :
Monsieur [E] [Z] [Y]
[Adresse 2]
[Localité 3]
comparant en personne D'autre part,
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
PRÉSIDENT : Stéphanie ZARIFFA
GREFFIER : Nathalie DEPIERROIS
PROCEDURE :
date de la première évocation : 24 Mai 2024
date des débats : 24 Mai 2024
délibéré au : 16 Juillet 2024
RG N° N° RG 24/01034 - N° Portalis DBYS-W-B7I-M4TE
COPIES AUX PARTIES LE :
CE + CCC à
CCC à + préfecture
Copie dossier
EXPOSE DU LITIGE
Par acte sous seing-privé en date du 10 juillet 2018, pour une durée d'un an renouvelable, [Localité 3] Métropole Habitat, Office public de l'habitat de la métropole nantaise, a donné à bail à M. [E] [Z] [Y] un local à usage d'habitation numéro 2 au premier étage sis [Adresse 2] à [Localité 3] et ses accessoires, moyennant le paiement d’un loyer de 233.61 euros outre une provision de charges de 87.84 euros et le versement d’un dépôt de garantie d’un montant de 194 euros.
Par acte du 25 juillet 2023, le locataire n’ayant pas réglé avec régularité le montant des loyers et des charges, le bailleur lui a délivré un commandement de payer visant la clause résolutoire.
Par acte de commissaire de Justice en date du 12 février 2024, Nantes Métropole Habitat a assigné M. [E] [Z] [Y] devant le Juge des contentieux de la protection du Tribunal judiciaire de Nantes aux fins de voir, au visa de la loi du 6 juillet 1989, sous le bénéfice de l’exécution provisoire :
Constater la résiliation du bail en vertu de l’article 24 de la loi du 6 juillet 1989 modifiée par la loi du 27 juillet 2023 ;A titre subsidiaire, et dans l’hypothèse où il ne sera pas fait droit à la demande tendant à constater la résiliation du bail en application de la clause résolutoire, prononcer la résiliation judiciaire du bail susvisé ;
Ordonner, en conséquence, l'expulsion du locataire des lieux loués, ainsi que celle de tous occupants de son chef dans les lieux, avec au besoin le concours de la force publique et d'un serrurier selon les modalités et délais prévus par la loi ;
Autoriser le transport des meubles et objets mobiliers pouvant se trouver dans les lieux et leur transfert au garde meuble aux frais et risques du locataire selon les dispositions prévues par la loi ;
Condamner le locataire au paiement de :la somme de 2 017.82 euros, représentant les loyers et charges et indemnités d'occupation échus et impayés au 10 janvier 2024 avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation, somme à parfaire ou diminuer au jour de l’audience ;une indemnité d’occupation égale au dernier loyer en cours soit la somme de 246.78 euros, augmentée des charges locatives en cours, à compter du 26 septembre 2023 et ce, jusqu’à libération effective des lieux, laquelle indemnité suivra les conditions de révision du prix du loyer dans le cadre de la législation sur les HLM et de la convention passé entre le bailleur et l’Etat ;la somme de 300 €, au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux dépens, en ce compris le coût du commandement de payer, de l’assignation, et de la notification à la Préfecture.
L’affaire a été appelée à l’audience du 24 mai 2024.
En application de l'article 24 V de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, la présidente a invité les parties à lui produire tous éléments relatifs à l’existence d’une procédure de traitement du surendettement au sens du livre VII du code de la consommation.
A l’audience, la partie demanderesse, représentée par Madame [G] [B], munie d'un pouvoir régulier, a sollicité le bénéfice de son acte introductif d'instance actualisant sa créance à la somme de 1 588.82 euros arrêtée au 17 mai 2024. Elle a accepté le principe de la suspension de la clause résolutoire, le paiement des loyers ayant repris et le locataire versant la somme de 150 euros en sus afin d’apurer sa dette.
Régulièrement assigné à étude, M. [E] [Z] [Y] a comparu et a reconnu le montant de la dette pour laquelle il a sollicité l’octroi de délais de paiement proposant de verser la somme de 150 euros par mois en sus du loyer et des charges. Il a déclaré percevoir une retraite de 380 euros et un salaire de 1300 euros.
L'enquête sociale de la Préfecture de Loire-Atlantique, conformément aux dispositions de l'article 114 de la loi du 28 juillet 1998, n’a pas été réalisé en l’absence de l’intéressé.
L’affaire a été mise en délibéré au 16 juillet 2024, les parties présentes étant avisées que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la recevabilité de la demande
Conformément aux dispositions de l'article 24 III de la loi du 6 juillet 1989, une copie de l'assignation aux fins de constat de la résiliation du bail a été notifiée au représentant de l'Etat dans le département le 13 février 2024, soit au moins six semaines avant l'audience.
Par ailleurs, il est justifié que la situation d'impayés perdure malgré son signalement à la caisse d'allocations familiales le 24 juillet 2023 par le bailleur, soit deux mois au moins avant la délivrance de l’assignation du 12 février 2024, conformément aux dispositions de l’article 24 II de la loi n°89-462 du 06 juillet 1989.
En conséquence, la demande aux fins de constat de résiliation du bail est recevable.
Sur l'acquisition de la clause résolutoire et ses effets
En application de l’article 24- I de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 modifiée par la loi n°2023-668 du 27 juillet 2023 entrée en vigueur le 29 juillet 2023, « Tout contrat de bail d’habitation contient une clause prévoyant la résiliation de plein droit du contrat de location pour défaut de paiement du loyer ou des charges aux termes convenus ou pour non-versement du dépôt de garantie. Cette clause ne produit effet que six semaines après un commandement de payer demeuré infructueux. »
Cependant, cette loi ne comprend pas de disposition dérogeant à l'article 2 du code civil, selon lequel la loi ne dispose que pour l'avenir et n'a point d'effet rétroactif. Dès lors, le délai de six semaines accordé au locataire pour apurer sa dette ne s'applique pas immédiatement aux contrats en cours, qui demeurent régis par les stipulations des parties, telles qu'encadrées par la loi en vigueur au jour de la conclusion du bail, et ne peut avoir pour effet d'entraîner leur réfaction.
En l'espèce, l’article 4.7.1 du contrat signé par les parties prévoit une clause résolutoire de plein droit à défaut de paiement de tout ou partie d’un seul terme de loyer ou du montant des accessoires et des charges deux mois après la délivrance d'un commandement de payer demeuré infructueux.
Par acte de commissaire de justice du 25 juillet 2023, [Localité 3] Métropole Habitat a fait délivrer à M. [E] [Z] [Y] un commandement de payer visant la clause résolutoire pour un montant principal de 2 089.37 euros au titre des loyers et charges, stipulant expressément le délai de deux mois.
Il ressort des pièces du dossier et notamment le décompte que les sommes visées au commandement n’ont pas été réglées dans le délai de deux mois, de sorte qu’il y a lieu de constater que les conditions d'acquisition de la clause résolutoire contenues dans le bail sont réunies à la date du 26 septembre 2023.
Dès lors, M. [E] [Z] [Y], étant occupant sans droit ni titre à compter de cette date, à défaut de départ volontaire, il convient d'ordonner son expulsion et de tous occupants de son fait, en application des articles L 412-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution, selon les modalités prévues au dispositif ci-après.
Le sort des meubles sera régi conformément aux dispositions des articles L. 433-1 et L. 433-2 du code des procédures civiles d'exécution.
Les conditions d’acquisition de la clause résolutoire étant réunies, il n’y a pas lieu de statuer sur la demande subsidiaire de résiliation judiciaire.
Sur la demande en paiement
Le paiement des loyers et charges aux termes convenus dans le contrat est une obligation essentielle du locataire, résultant tant des dispositions contractuelles du bail signé entre les parties que de l'article 7 a) de la loi du 6 juillet 1989.
Aux termes de l’article 1353 du code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver, réciproquement celui qui se prétend libéré doit prouver le paiement.
En l'espèce, M. [E] [Z] [Y] reconnaît le montant de la dette.
Il résulte des pièces produites, et en particulier du décompte, en date du 17 mai 2024 que les loyers et des charges du local d'habitation et de ses accessoires n’ont pas été régulièrement réglés, de sorte que le compte locataire est débiteur de la somme de 1 946.47 euros. Il convient toutefois de déduire les frais contentieux relevant des dépens (357.65 euros), les frais de pénalités pour l'enquête d'occupation du parc social (30.48 euros) et les mensualités d’assurance, ces dernières n’étant pas justifiées au regard des dispositions de l’article 7g) de la loi du 6 juillet 1989 (147.29 euros).
La créance étant justifiée pour la somme de 1 411,05 euros arrêtée au 17 mai 2024, il convient en conséquence de condamner M. [E] [Z] [Y] à son paiement, selon les modalités décrites dans le dispositif.
Cette somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter de l’assignation.
Sur la fixation de l’indemnité d'occupation due
Selon l'article 1730 du code civil, à l'expiration du bail le locataire doit restituer les locaux. La restitution des lieux implique la remise des clefs.
Il résulte des dispositions de l'article 1240 du code civil que l'occupant sans droit ni titre d'un local est tenu d'une indemnité d'occupation envers le propriétaire. L'indemnité d'occupation, dont la nature mixte, compensatoire et indemnitaire, constitue la contrepartie de l'occupation du bien après résiliation du bail et de son indisponibilité pour le bailleur.
En l’espèce, le bail étant résilié depuis le 26 septembre 2023, M. [E] [Z] [Y] est occupant sans droit ni titre depuis cette date. Il convient donc de fixer une indemnité d'occupation à compter de cette date, augmentée des charges locatives en cours et ce, jusqu’à libération effective des lieux, laquelle indemnité suivra les conditions de révision du prix du loyer dans le cadre de la législation sur les HLM et de la convention passée entre le bailleur et l’Etat et de condamner M. [E] [Z] [Y] à son paiement.
Elle se trouve partiellement liquidée à la condamnation principale jusqu’au terme d’avril 2024 inclus. La condamnation au paiement des indemnités d'occupation prendra donc effet au 1er mai 2024.
Sur les délais de paiement sollicités par M. [E] [Z] [Y]
L'article 24-V de la loi 6 juillet 1989 dispose que " Le juge peut, à la demande du locataire, du bailleur ou d'office, à la condition que le locataire soit en situation de régler sa dette locative et qu'il ait repris le versement intégral du loyer courant avant la date de l'audience accorder des délais de paiement dans la limite de trois années, par dérogation au délai prévu au premier alinéa de l'article 1343-5 du code civil, au locataire en situation de régler sa dette locative. (…) "
L’article 24-VII précise que « Lorsque le juge est saisi en ce sens par le bailleur ou par le locataire, et à la condition que celui-ci ait repris le versement intégral du loyer courant avant la date d’audience, les effets de la clause de résiliation de plein droit peuvent être suspendus pendant le cours des délais accordés par le juge dans les conditions prévues » au V du présent article. »
M. [E] [Z] [Y] sollicite des délais de paiement proposant de verser la somme de 150 euros en sus du loyer et des charges afin de voir suspendre la clause résolutoire. Le bailleur accepte cette proposition.
Il ressort du décompte versé que M. [E] [Z] [Y] a repris le paiement des loyers.
Le locataire, qui a désormais des ressources régulières, s’efforce de régler son loyer ainsi qu’apurer sa dette locative.
Au vu de ces éléments, il convient d'autoriser M. [E] [Z] [Y] à se libérer de sa dette locative selon les modalités décrites dans le dispositif ci-dessous.
Sur la suspension de la clause résolutoire
Des délais de remboursement ayant été accordés, les effets de la clause de résiliation de plein droit sont suspendus. Si M. [E] [Z] [Y] se libère dans le délai et selon les modalités fixés ci-dessus, en sus du paiement du loyer courant, la clause de résiliation de plein droit sera réputée ne pas avoir joué.
Dans le cas contraire :
– la totalité de la somme restante due deviendra immédiatement exigible,
– le locataire sera tenu au paiement d’une indemnité d’occupation égale au montant du loyer révisé, augmenté des charges qui auraient été dus, si le bail s’était poursuivi,
– la clause résolutoire reprendra son plein effet,
– il pourra être procédé à son expulsion selon les modalités prévues au dispositif ci-après,
– le sort des meubles sera régi conformément aux dispositions des articles L. 433-1 et L. 433-2 du code des procédures civiles d'exécution.
Sur les demandes accessoires et l’exécution provisoire
M. [E] [Z] [Y], qui succombe, supportera les dépens en ce compris le coût du commandement de payer, de l’assignation, et de la notification à la Préfecture, conformément à l'article 696 du Code de procédure civile.
L’équité et de la situation économique des parties commandent de ne pas faire droit à la demande formée par la requérante au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La nature du litige justifie que le prononcé de l’exécution provisoire de droit ne soit pas écarté, en application des dispositions de l'article 514 du Code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Le juge des contentieux de la protection, statuant après débats en audience publique, par jugement contradictoire rendu en premier ressort et mis à disposition au greffe :
DECLARE recevable la demande de la société [Localité 3] Métropole Habitat aux fins de constat de l’acquisition de la clause résolutoire ;
CONSTATE l'acquisition de plein droit de la clause résolutoire du bail conclu le 10 juillet 2018 entre [Localité 3] Métropole Habitat, Office public de l'habitat de la métropole nantaise, et M. [E] [Z] [Y] portant sur un local à usage d'habitation numéro 2 au premier étage sis [Adresse 2] à [Localité 3] et ses accessoires, à compter du 26 septembre 2023 ;
CONSTATE la résiliation du bail à compter de cette date ;
CONDAMNE M. [E] [Z] [Y] à payer à [Localité 3] Métropole Habitat la somme de 1 411,05 euros au titre des loyers et charges échus et impayés arrêtée au 17 mai 2024, terme d’avril inclus ;
DIT que cette somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter de l’assignation ;
AUTORISE M. [E] [Z] [Y] à s’acquitter de sa dette par 9 mensualités de 150 euros (CENT CINQUANTE EUROS) le 10 de chaque mois et pour la première fois le 10 du mois suivant la signification du présent jugement, en sus des loyers courants, étant rappelé que la 10ème mensualité doit impérativement apurer le solde de la dette, intérêts et frais, sauf meilleur accord des parties, possibilité de paiement par anticipation ou entrée en vigueur d'un plan de surendettement,
SUSPEND les effets de la clause résolutoire pendant le cours de ces délais, laquelle sera réputée n’avoir jamais joué si M. [E] [Z] [Y] se libère dans les délais et modalités ainsi fixés en sus du paiement du loyer courant,
DIT qu'à défaut d'un seul paiement non honoré par M. [E] [Z] [Y] à son échéance et non régularisé suite à l'envoi par le bailleur d'une lettre recommandée de mise en demeure restée infructueuse dans un délai de 15 jours francs à compter de sa réception, la totalité des sommes restant dues deviendrait immédiatement exigible avec intérêt au taux légal à compter de la date de la défaillance, la clause résolutoire serait acquise et le bail se trouverait automatiquement résilié ;
dans cette seule dernière hypothèse :
AUTORISE, faute de départ volontaire des lieux loués, [Localité 3] Métropole Habitat à procéder à l’expulsion de M. [E] [Z] [Y] des lieux loués et de tous occupants de son chef, avec le concours de la force publique et d’un serrurier, passé le délai de deux mois suivant la délivrance d’un commandement d’avoir à libérer les lieux, conformément aux dispositions des articles L.412-1 et suivants, R.411-1 et suivants, R.412-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution ;
DIT que dans ce cas, le sort des biens mobiliers trouvés dans les lieux serait régi par les dispositions prévues par les articles L433-1 et R433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution ;
CONDAMNE dans ce cas M. [E] [Z] [Y] à payer à [Localité 3] Métropole Habitat une indemnité mensuelle d’occupation équivalent à une fois le loyer contractuel, majoré des charges récupérables et taxes normalement exigibles, laquelle suivra les conditions de révision du prix du loyer dans le cadre de la législation HLM et de la convention passée entre le bailleur et l’Etat, à compter de la date de défaillance et jusqu'à son départ effectif des lieux caractérisé soit par l’expulsion, soit par la restitution volontaire des clefs en mains propres au bailleur ;
DIT n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile ;
REJETTE toutes demandes plus amples ou contraires ;
RAPPELLE l'exécution provisoire de droit de la présente décision ;
CONDAMNE M. [E] [Z] [Y] aux dépens en ce compris le coût du commandement de payer, de l’assignation, et de la notification à la Préfecture ;
Ainsi fait, jugé et mis à disposition au greffe de la juridiction les jour, mois et an susdits,
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE
N. DEPIERROIS S. ZARIFFA