TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE NANTERRE
■
PÔLE SOCIAL
Affaires de sécurité sociale et aide sociale
JUGEMENT RENDU LE
02 Septembre 2024
N° RG 21/01685 -
N° Portalis DB3R-W-B7F-W7VL
N° Minute : 24/01232
AFFAIRE
[R] [J]
C/
CAISSE PRIMAIRE ASSURANCE MALADIE DES HAUTS DE SEINE
Copies délivrées le :
DEMANDEUR
Monsieur [R] [J]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représenté par Me Bruno ZANDOTTI, avocat au barreau de MARSEILLE,
substitué à l’audience par Me Laurène GONIN, avocat au barreau de PARIS
DEFENDERESSE
CAISSE PRIMAIRE ASSURANCE MALADIE DES HAUTS DE SEINE
[Localité 2]
représentée par Mme [M] [Y], munie d’un pouvoir régulier
***
L’affaire a été débattue le 04 Juin 2024 en audience publique devant le tribunal composé de :
Matthieu DANGLA, Vice-Président
Gérard BEHAR, Assesseur, représentant les travailleurs salariés
Isabelle BASSINI, Assesseur, représentant les travailleurs non-salariés
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats et du prononcé : Arthur LUDOT.
JUGEMENT
Prononcé en dernier ressort, par décision contradictoire et mise à disposition au greffe du tribunal conformément à l’avis donné à l’issue des débats.
EXPOSÉ DU LITIGE
Le 4 février 2021, Monsieur [R] [J] a demandé auprès de la CPAM des Hauts-de-Seine la prise en charge de soins réalisés au Luxembourg dans l'intérêt de sa fille mineure, [T] [S] [J].
Monsieur [J] a contacté la CPAM via la plate-forme AMELI à l'expiration du délai de deux semaines afin d'obtenir un formulaire S2.
Par courrier du 12 mars 2021, la CPAM a indiqué ne pas avoir trace de cette demande et demandé la production d'un certificat médical détaillé.
Monsieur [J] a répondu le 5 avril 2021 qu'il avait transmis le certificat médical par courrier du 4 février 2021, reçu le 5 février 2021 et qu'il estimait qu'une décision implicite d'acceptation était née à l'issue du délai de deux semaines prévu à l'article R332-4 du code de la sécurité sociale.
La CPAM a notifié à Monsieur [J] un refus de prise en charge des soins programmés selon décision du 30 avril 2021.
Monsieur [J] a contesté cette décision devant la commission de recours amiable le 7 avril 2021.
En l'absence de réponse dans le délai imparti, Monsieur [J] a saisi, par requête reçue le 8 octobre 2021, le pôle social du tribunal judiciaire de Nanterre du litige.
L'affaire a été appelée à l'audience du 4 juin 2024 à laquelle les parties ont comparu et ont été entendues en leurs observations.
Monsieur [R] [J] explique qu'il a adressé une demande d'entente préalable portant sur un traitement dispensé seulement au Luxembourg et qu'aucune réponse ne lui a été apportée dans un délai de deux semaines, de sorte qu'une autorisation de principe était intervenue. Il fait état d'une avance de frais d'environ 23.000 €, demande l'annulation de la décision de la caisse ainsi que la condamnation de la CPAM à prendre en charge les frais engagés entre le 9 février 2021 et le mois de février 2022 et à délivrer le formulaire S2.
En réplique, la CPAM des Hauts-de-Seine conclut au débouté en se notamment fondant sur l'absence de production de la demande d'autorisation préalable obligatoire pour les soins programmés dispensés à l'étranger et en relevant qu'elle ne refuse pas de prendre en charge les médicaments dans la forme galénique mentionnée dans les pièces versées aux débats, ces médicaments n'existant pas en France. Elle demande à cet effet que Monsieur [J] remplisse le formulaire S3125 et produise des factures acquittées, mais indique refuser de payer les factures que Monsieur [J] a produites car elles sont sans lien avec ce traitement médicamenteux.
A l'issue des débats, l'affaire a été mise en délibéré au 2 septembre 2024 par mise à disposition au greffe.
Par note en délibéré autorisée par le tribunal et reçue le 7 juin 2024, Monsieur [J] a produit la demande d'accord préalable selon formulaire CERFA rempli par le docteur [Z] à la date du 25 janvier 2021, ce document précisant que les actes devant être dispensés consistent en une " acidémie méthylmalonique avec homocystinurie : essai de fortes doses d'OHCbl (traitement non dispensé en France) ".
La CPAM des Hauts-de-Seine, par observations en réplique à cette note du 17 juin 2024, a considéré que ce document faisait ressortir que la demande d'entente préalable ne consistait qu'en la prescription de médicaments (doses d'OHCbl), ce qui exclut pris en charge de frais d'hospitalisation. Elle confirme par conséquent solliciter le rejet de la demande de condamnation au paiement de l'ensemble des factures versées aux débats par Monsieur [J], et invite ce dernier à remplir le formulaire S3125 et à fournir les factures originales acquittées portant sur la délivrance du médicament afin d'en obtenir le remboursement.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Il sera rappelé à titre liminaire que, le tribunal étant saisi du litige et non de la décision contestée, il n'y aura pas lieu de faire droit à la demande d'annulation de la décision de la CPAM des Hauts-de-Seine du 30 avril 2021.
* Sur la demande de prise en charge des frais engagés par Monsieur [J]
Aux termes de l'article R332-4 du code de la sécurité sociale :
“ I.- Les caisses d'assurance maladie ne peuvent procéder que sur autorisation préalable au remboursement des frais de soins dispensés aux assurés sociaux et à leurs ayants droit dans un autre Etat membre de l'Union européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou en Suisse, dans le cadre d'un déplacement aux fins de recevoir un traitement adapté, lorsque ces soins :
1° Impliquent le séjour du patient concerné dans un établissement de soins pour au moins une nuit ; ou
2° Nécessitent le recours aux infrastructures ou aux équipements médicaux hautement spécialisés et coûteux, qui figurent sur une liste établie par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et de la santé.
II.-L'autorisation mentionnée au I ne peut être refusée lorsque les conditions suivantes sont réunies :
1° La prise en charge des soins envisagés est prévue par la réglementation française ;
2° Ces soins sont appropriés à l'état de santé du patient ;
3° Un traitement identique ou présentant le même degré d'efficacité ne peut pas être obtenu en France dans un délai acceptable sur le plan médical, compte tenu de l'état de santé actuel du patient et de l'évolution probable de son affection.
L'assuré social adresse la demande d'autorisation à sa caisse d'affiliation. La décision est prise par le contrôle médical. Elle doit être notifiée dans un délai compatible avec le degré d'urgence et de disponibilité des soins envisagés et au plus tard deux semaines après la réception de la demande de l'intéressé ou, le cas échéant, de la demande de l'institution de l'Etat de résidence. En l'absence de réponse à l'expiration de ce dernier délai, l'autorisation est réputée accordée.
Les décisions de refus sont dûment motivées et susceptibles de recours dans les conditions de droit commun devant le tribunal des affaires de sécurité sociale compétent. Toutefois, les contestations de ces décisions, lorsqu'elles portent sur l'appréciation faite par le médecin-conseil de l'état du malade, du caractère approprié à son état des soins envisagés ou du caractère identique ou d'un même degré d'efficacité du ou des traitements disponibles en France, sont soumises à expertise médicale dans les conditions prévues par le chapitre Ier du titre IV du livre Ier du présent code.
III.-Ces soins sont soumis aux mêmes règles de remboursement que celles prévues par l'article R332-23.
Les soins autres que ceux mentionnés au I du présent article qui sont dispensés dans un autre Etat membre de l'Union européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen ne sont pas soumis à autorisation préalable et sont remboursés aux assurés sociaux dans les mêmes conditions que si les soins avaient été reçus en France, sous réserve que leur prise en charge soit prévue par la réglementation française.”
Il résulte de ce texte que, dans le cadre de soins dispensés au sein de l'Union Européenne, le bénéfice de certaines prestations est subordonné à l'accord préalable de la caisse.
Dans ce cas, la caisse ne participe aux frais que si, après avis du contrôle médical, elle a préalablement accepté de les prendre en charge, sous réserve que l'assuré remplisse les conditions d'attribution des prestations. Lorsque l'acte est soumis à cette formalité, le malade est tenu d'adresser au contrôle médical une demande d'entente préalable remplie et signée par le praticien qui le suit. Le silence gardé pendant plus de quinze jours vaut décision d'acceptation.
Lorsque les formalités de l'entente préalable ne sont pas respectées par l'assuré, aucune prise en charge ne peut être imposée à la caisse.
En espèce, Monsieur [J] produit au débat la demande d'accord préalable datée du 25 janvier 2021, ainsi que l'avis de réception du courrier, en date du 5 février 2021.
Il sera observé que la CPAM ne conteste pas la réception de ce courrier. Dès lors, en l'absence de transmission d'un avis défavorable dans le délai de 15 jours, Monsieur [J] invoque à juste titre, l'existence d'un accord tacite.
Cette demande visait une " acidémie méthylmalonique avec homocystinurie : essai de fortes doses d'OHCbl (traitements non dispensés en France) ", ce qui correspond à un médicament également dénommé hydroxycobalamine, ainsi qu'il ressort du certificat médical du docteur [Z] du 28 mai 2021, produit par le demandeur.
Or, Monsieur [J] verse aux débats diverses factures portant sur ce médicament d'hydroxycobalamine, pour des montants de :
- 1.205,10 € le 16 août 2021 ;
- 1.205,10 € le 19 novembre 2021 ;
- 1.205,10 € le 1er juillet 2021 (produite trois fois selon le numéro de commande 113751) ;
soit un total de 3.615,30 €.
Le surplus des factures s'avère correspondre à des frais distincts, à savoir essentiellement des frais de consultation ou d'hospitalisation, ou encore des frais portant sur d'autres médicaments. Ces frais n'entrant pas dans le champ de l'entente préalable acceptée par la CPAM des Hauts-de-Seine, il n'y aura pas lieu de condamner la caisse.
Ainsi, les frais justifiés devant être mis à la charge de la CPAM des Hauts-de-Seine s'élèvent à 3.615,30 € et cette dernière sera condamnée à payer cette somme à Monsieur [J].
Le demandeur sera en revanche débouté du surplus de sa demande de condamnation, ainsi que de sa demande portant sur la délivrance d'un formulaire S2, l'intéressé ayant été rempli de ses droits par la condamnation à paiement.
* Sur les mesures accessoires
En application de l'article 696 du code de procédure civile, désormais applicable aux instances en cours en suite de l'abrogation des dispositions de l'article R144-10 du code de la sécurité sociale à la suite de l'entrée en vigueur du décret n°2018-928 du 29 octobre 2018, il conviendra de condamner la CPAM des Hauts-de-Seine aux dépens de l'instance dès lors qu'elle succombe.
L'exécution provisoire du présent jugement, nécessaire et compatible avec la nature de l'affaire, sera ordonnée.
PAR CES MOTIFS,
Le tribunal, statuant par jugement contradictoire, rendu en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,
Condamne la CPAM des Hauts-de-Seine à payer à Monsieur [R] [J] la somme de 3.615,30 € au titre des frais d'hydroxycobalamine ;
Déboute Monsieur [R] [J] du surplus de ses demandes ;
Ordonne l'exécution provisoire du présent jugement ;
Déboute les parties de toutes demandes plus amples ou contraires ;
Condamne la CPAM des Hauts-de-Seine aux entiers dépens.
Ainsi jugé et mis à disposition au greffe du tribunal le 2 septembre 2024, et signé par le président et le greffier.
Le Greffier, Le Président,