TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE NANTERRE
■
PÔLE SOCIAL
Affaires de sécurité sociale et aide sociale
JUGEMENT RENDU LE
02 Septembre 2024
N° RG 21/00233 -
N° Portalis DB3R-W-B7F-WNLF
N° Minute : 24/01229
AFFAIRE
Fondation [12]
C/
CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE [Localité 11]
Copies délivrées le :
DEMANDERESSE
Fondation [12]
[Adresse 9]
[Adresse 9]
[Localité 5]
représentée par Maître Guillaume VERDIER de la SCP TNDA, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : P0505,
substitué à l’audience par Me Karine PEROTIN, avocat au barreau de PARIS
DEFENDERESSE
CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE [Localité 11]
[Adresse 10]
[Adresse 10]
[Localité 4]
dispensée de comparution
***
L’affaire a été débattue le 04 Juin 2024 en audience publique devant le tribunal composé de :
Matthieu DANGLA, Vice-Président
Gérard BEHAR, Assesseur, représentant les travailleurs salariés
Isabelle BASSINI, Assesseur, représentant les travailleurs non-salariés
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats et du prononcé : Arthur LUDOT.
JUGEMENT
Prononcé par décision mixte et contradictoire, mise à disposition au greffe du tribunal conformément à l’avis donné à l’issue des débats.
EXPOSÉ DU LITIGE
Monsieur [G] [Y], salarié de l'association " Fondation [12] ", en qualité en dernier lieu de directeur d'établissement multi-sites, a complété une déclaration de maladie professionnelle le 4 février 2020, au titre d'une " dépression réactionnelle à sa souffrance professionnelle ".
Le certificat médical initial a été établi le 24 septembre 2019 et mentionne la même pathologie.
Après instruction, le dossier a été transmis au comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP) qui a rendu un avis favorable quant à l'existence d'un lien entre la pathologie déclarée et le travail du salarié, le 9 septembre 2020.
La caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 11] a pris en charge cette pathologie au titre de la législation sur les risques professionnels par décision du 10 septembre 2020.
Par courrier en date du 21 octobre 2020, la fondation [12] a saisi la commission de recours amiable aux fins de contester le bien-fondé de la décision de prise en charge de la caisse.
Lors de sa séance du 16 décembre 2020, la commission de recours amiable a rejeté le recours de la société et a confirmé la position de la caisse.
La fondation [12] a alors saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Nanterre par lettre recommandée avec accusé de réception du 12 février 2021.
L'affaire a été appelée à l'audience du 4 juin 2024, à laquelle la fondation [12], représentée, a seule comparu et a été entendue en leurs observations.
L'association " Fondation [12] " demande au tribunal de :
- infirmer la décision prise le 10 septembre 2020 par la CPAM de [Localité 11] et par la commission de recours amiable de cette caisse du 16 décembre 2020 ;
- juger que la prise en charge selon décision du 10 septembre 2020 de la CPAM de [Localité 11] est inopposable à la fondation [12] ;
- condamner la CPAM de [Localité 11] à payer à la fondation [12] la somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux éventuels dépens.
La caisse primaire d'assurance-maladie de [Localité 11] a sollicité une dispense de comparution le 16 mai 2024. Aux termes de ses écritures, elle demande au tribunal de :
principalement :
- débouter la fondation [12] de son recours ;
- dire et juger opposable à la fondation [12] la décision de la caisse de [Localité 11] en charge au titre de la législation professionnelle la maladie dont souffre Monsieur [Y] ;
- condamner la fondation [12] aux entiers dépens de l'instance ;
subsidiairement :
- avant dire droit, désigner un second CRRMP.
Il est renvoyé aux dernières écritures des parties pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens, en application de l'article 455 du code de procédure civile.
A l'issue des débats, l'affaire a été mise en délibéré au 2 septembre 2024 par mise à disposition au greffe.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Il sera rappelé à titre liminaire que, le tribunal étant saisi du litige et non de la décision entreprise, il n'y aura pas lieu de statuer sur les demandes d'infirmation des décisions prises par la CPAM ou par sa commission de recours amiable.
* Sur la demande de dispense de comparution
La fondation [12] ayant eu connaissance des moyens développés par la CPAM de [Localité 11], aucun motif ne s'oppose à ce que cette dernière soit dispensée d'avoir à comparaître, ainsi que le permet l'article R142-10-4 du code de la sécurité sociale.
Il sera donc statué contradictoirement.
* Sur la demande d'inopposabilité fondée sur l'absence du taux d'incapacité permanente requis
L'article L461-1 du code de la sécurité social alinéa 7 dispose que " peut être également reconnue d'origine professionnelle une maladie caractérisée non désignée dans un tableau de maladies professionnelles lorsqu'il est établi qu'elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime et qu'elle entraîne le décès de celle-ci ou une incapacité permanente d'un taux évalué dans les conditions mentionnées à l'article L434-2 et au moins égal à un pourcentage déterminé. [...] La caisse primaire reconnaît l'origine professionnelle de la maladie après avis motivé d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles ".
L'article R461-8 du code de la sécurité sociale précise que le taux d'incapacité mentionné au septième alinéa de l'article L461-1 est fixé à 25 %.
La société soutient que la décision de prise en charge de la caisse lui est inopposable aux motifs que Monsieur [Y] n'a produit aucun élément permettant d'établir que le taux d'incapacité permanente partielle qu'il présentait égal au moins à 25 % et que ce taux n'est pas prévisible, mais doit être déterminé selon les articles L461-1 et L432-2 du code de la sécurité sociale, sans que le CRRMP puisse se prononcer sur cette question, n'ayant reçu aucune délégation du législateur pour ce faire.
La CPAM de [Localité 11] réfute cette interprétation, exposant que le taux d'incapacité visé à l'article L461-1 du code de la sécurité sociale (dit taux d'incapacité permanente partielle prévisible) doit être distingué de celui du taux d'IPP définitif, fixé à la date de la consolidation.
Le taux d'incapacité visé à l'article L461-1 alinéa 7 correspond au taux présenté par l'assuré dans le cadre de l'instruction de son affaire, préalable à la saisine éventuelle du CRRMP. Il est donc antérieur à la décision de reconnaissance d'une maladie professionnelle et est par conséquent nécessairement distinct du taux d'incapacité fixé à titre définitif à la date de consolidation de l'état de santé de l'assuré.
Dès lors, le moyen relatif au caractère irrégulier de la saisine du CRRMP ne peut être retenu et la demande d'inopposabilité à l'égard de la fondation [12] de la décision de prise en charge de la caisse fondée sur ce motif sera rejeté.
* Sur la saisine d'un second CRRMP
L'article R142-17-2 du code de la sécurité sociale dispose que, " lorsque le différend porte sur la reconnaissance de l'origine professionnelle d'une maladie dans les conditions prévues aux sixième et septième alinéas de l'article L461-1, le tribunal recueille préalablement l'avis d'un comité régional autre que celui qui a déjà été saisi par la caisse en application du huitième alinéa de l'article L461-1.
Le tribunal désigne alors le comité d'une des régions les plus proches ".
En l'espèce, il n'est pas contesté que le différend porte sur le caractère professionnel de la maladie de Monsieur [Y].
La fondation [12] critique en premier lieu l'avis rendu par le CRRMP, en ce qu'il présenterait une insuffisance de motivation, et en ce que la composition du comité serait incomplète, seuls deux membres étant présents.
Toutefois, faute de demander l'annulation de cet avis et la désignation d'un CRRMP pour rendre un avis venant se substituer à celui du CRRMP initial, un tel moyen ne peut conduire au prononcé d'une inopposabilité de la décision de prise en charge et sera donc rejeté.
La fondation [12] fait par ailleurs valoir qu'il n'existerait pas de lien entre la pathologie invoquée par son salarié et le travail réalisé faisant valoir des éléments tels qu'une absence de surcharge de travail, une absence de difficultés relationnelles dans le cadre professionnel, le management adapté de son supérieur hiérarchique ou encore l'existence d'une démarche de prévention des risques psychosociaux. Elle estime que les contestations soulevées relèvent du fait et non de l'aspect médical, et en déduit qu'il n'y a pas lieu d'ordonner la saisine d'un second CRRMP.
L'article L142-17-2 du code de la sécurité sociale impose la saisine d'un second CRRMP en cas de contestation de l'origine professionnelle d'une maladie. Or, en cas de différend relatif à une pathologie hors tableau dont le lien direct et essentiel avec l'activité professionnelle a été établi, le tribunal se doit de recueillir l'avis d'un autre comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, sans qu'il y ait lieu de distinguer selon les moyens invoqués par les parties.
En conséquence, il convient de dire que l'avis du CRRMP initial ne s'impose pas et de désigner le CRRMP de la région nouvelle Aquitaine aux fins de se prononcer dans un avis motivé sur l'affection déclarée par Monsieur [Y] du 4 février 2020.
Il sera sursis à statuer sur les autres demandes des parties dans l'attente de l'avis du CRRMP. Les dépens seront également réservés dans cette attente.
PAR CES MOTIFS,
Le tribunal, statuant par décision mixte et contradictoire, par mise à disposition au greffe,
DISPENSE la CPAM de [Localité 11] d’avoir à comparaître ;
DÉBOUTE l'association " Fondation [12] " de ses demandes aux fins d'inopposabilité de la décision de prise en charge de la CPAM de [Localité 11] en date du 4 février 2020 fondées sur l'irrégularité du taux d'incapacité permanente partielle requis au titre de l'article L461-1 alinéa 7 du code de la sécurité sociale et sur les vices affectant l'avis du CRRMP du 9 septembre 2020 ;
et, sur le surplus,
DIT que l'avis du CRRMP du 9 septembre 2020 ne s'impose pas dans les rapports entre la caisse et l'employeur ;
Avant dire droit au fond, tous droits et moyens des parties réservés,
DÉSIGNE le :
Comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles
de la région nouvelle Aquitaine :
Direction Régionale Service Médical Nouvelle Aquitaine
Secrétariat du CRRMP de [Localité 6]
[Adresse 7]
[Adresse 7]
[Localité 3]
[XXXXXXXX01]
fax [XXXXXXXX02]
[Courriel 8]
aux fins de se prononcer dans un avis motivé sur l'affection du 4 février 2020 déclarée par Monsieur [G] [Y] et faisant état d'une " dépression réactionnelle " ;
Dans l'attente, ORDONNE le sursis à statuer sur toutes les autres demandes des parties ;
DIT que l'affaire sera rappelée à l'audience après dépôt de conclusions faisant suite à la réception de l'avis du CRRMP, sauf au demandeur à se désister de sa demande ou aux parties à accepter de recourir à une procédure sans audience ;
RÉSERVE la charge des dépens.
Ainsi jugé et mis à disposition au greffe du tribunal le 2 septembre 2024, et signé par le président et le greffier.
Le Greffier Le Président