DOSSIER N° : N° RG 23/08081 - N° Portalis DB3R-W-B7H-Y36A
AFFAIRE : La SAS EXEL TCE / La SARL SOCIETE D’ETUDE ET TRAVAUX POUR L’ENVIRONNEMENT (SETE)
Minute n°
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE NANTERRE
LE JUGE DE L'EXECUTION
JUGEMENT DU 29 AOUT 2024
COMPOSITION DU TRIBUNAL
PRESIDENT : Fanny JUNG
GREFFIER : Marie-Christine YATIM
DEMANDERESSE
La SAS EXEL TCE
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Pierre-Ann LAUGERY, avocat postulant au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : PN 129 et Me Etienne de MASCUREAU de la SCP ACR AVOCATS, avocat plaidant au barreau d’ANGERS
DEFENDERESSE
La SARL SOCIETE D’ETUDE ET TRAVAUX POUR L’ENVIRONNEMENT (SETE)
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Maître Mélanie BRAUGE-BOYER de la SELEURL SELARL LEBOUCHER BRAUGE-BOYER, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : C351
Le Tribunal après avoir entendu les parties et/ou leurs avocats en leurs conclusions à l'audience du 21 Juin 2024 a mis l'affaire en délibéré et indiqué que le jugement serait rendu le 29 Août 2024, par mise à disposition au Greffe.
EXPOSE DU LITIGE
Dans le cadre de travaux effectués à [Localité 5] (78), pour le compte de la SASU EXEL TCE, le 20 juillet 2022, la SARL Société d’Etudes et Travaux pour l’Environnement (SETE) a émis une situation n°2 pour un montant de 56.559,12 euros, qui ne lui a pas été réglée.
Par ordonnance de référé du 7 février 2023, assortie de l’exécution provisoire, le tribunal de commerce de Nanterre a notamment condamné à titre provisionnel la société EXEL TCE à payer à la société d’Etudes et Travaux pour l’Environnement (SETE), la somme de 56.559,12 euros ainsi que 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Cette ordonnance a été signifiée à la société EXEL TCE par la société SETE le 23 février 2023.
Par acte d’huissier en date du 25 août 2023, dénoncé le 29 août 2023, la société SETE a fait pratiquer une saisie-attribution sur le compte de la société EXEL TCE dans les livres de la BNP PARIBAS Banque de détail en France, pour paiement de la somme de 54.804,20 euros (dont 56.559,12 euros en principal), sur le fondement de la précédente ordonnance de référé, la saisie étant partiellement fructueuse.
Par acte d’huissier en date du 27 septembre 2023, la société EXEL TCE a fait assigner la société SETE devant le juge de l’exécution de NANTERRE aux fins de voir :
A titre principal,
- ordonner la mainlevée de la saisie-attribution dénoncée le 29 août 2023,
A titre subsidiaire,
- ordonner un moratoire de 24 mois sur l’exigibilité des sommes dues à la société SETE,
- ordonner que les intéréts courus sur la période soient limités au taux légal,
En tout état de cause,
- condamner la société SETE à lui payer la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700,
- la condamner aux entiers dépens.
Après deux renvois pour permettre aux parties de se mettre en état, l’affaire a été retenue à l’audience du 21 juin 2024, lors de laquelle chacune des parties était représentée par son avocat.
Aux termes de ses écritures visées par le greffe le 21 juin 2024, la société SETE demande à voir:
- débouter la société EXEL TCE de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
- condamner la société EXEL TCE à lui verser la somme de 3.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Pour un exposé complet du litige il convient de se reporter à l’assignation et aux écritures de la société SETE, visées par le greffe le 21 juin 2024, conformément à l’article 455 du code de procédure civile.
L’affaire a été mise en délibéré au 29 août 2024 par mise à disposition au greffe.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la recevabilité de la contestation
Aux termes de l'article R.211-11 du code des procédures civiles d’exécution, à peine d'irrecevabilité, la contestation est formée dans le délai d'un mois à compter de la dénonciation de la saisie-attribution au débiteur. Sous la même sanction, elle est dénoncée le même jour ou, au plus tard, le premier jour ouvrable suivant, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, au commissaire de justice qui a procédé à la saisie.
L’alinéa 2 ajoute que l’auteur de la contestation en informe le tiers saisi par lettre simple et remet une copie de l’assignation, à peine de caducité, au greffe du juge de l’exécution au plus tard le jour de l’audience.
En l’espèce, la dénonciation de la saisie-attribution a été effectuée le 29 août 2023, tandis que la société EXEL TCE a saisi le juge de l’exécution le 27 septembre 2023, soit dans le délai légal.
En outre, la société EXEL TCE justifie de la dénonciation au commissaire de justice poursuivant et au tiers saisi, selon les formalités requises par l’article susvisé.
La société EXEL TCE est donc recevable en sa contestation.
Sur la demande de mainlevée de la saisie-attribution
En application des dispositions de l’article L.213-6 du code de l’organisation judiciaire, le juge de l'exécution connaît, de manière exclusive, des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s'élèvent à l'occasion de l'exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit à moins qu'elles n'échappent à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire.
Selon les dispositions de l'article L.121-2 du code des procédures civiles d'exécution, le juge de l'exécution a le pouvoir d'ordonner la mainlevée de toute mesure inutile ou abusive et de condamner le créancier à des dommages-intérêts en cas d'abus de saisie.
Aux termes de l'article R.121-1 alinéa 2 du même code, le juge de l'exécution ne peut ni modifier le dispositif de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites, ni en suspendre l'exécution.
Il en résulte que s’il appartient au juge de l’exécution d’interpréter une décision de justice lorsqu’une telle question se pose de façon incidente à l’occasion d’une difficulté d’exécution, il ne peut remettre en cause un titre exécutoire dans son principe ou la validité des droits et obligations qu’il constate en l'annulant ou en le modifiant.
L’article L.211-1 du code des procédures civiles d’exécution permet au créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible de saisir entre les mains d’un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d’argent.
L’article R.211-1 du même code impose, à peine de nullité, que l’acte de saisie-attribution contienne un décompte distinguant les sommes réclamées en principal, frais et intérêts échus. Il est de jurisprudence constante que seule l’absence du décompte est susceptible d’entraîner l’annulation de l’acte de saisie-attribution, l’erreur dans le décompte étant seulement susceptible d’en affecter la portée.
En l’espèce, la société SETE est titulaire d’une créance liquide et exigible en vertu d’un titre exécutoire, en l’occurrence l’ordonnance de référé du tribunal de commerce de Nanterre du 7 février 2023, assortie de l’exécution provisoire, qui a condamné la société EXEL TCE à lui payer la somme de 56.559,12 euros ainsi que 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
À l’appui de sa demande de mainlevée de la saisie, la société EXEL TCE invoque la résiliation du contrat qui l’unissait à la société SETE, et ce à son initiative, en raison de désordres affectant l’ouvrage et dont la société SETE serait à l’origine.
La société EXEL TCE avance encore que la société SETE a elle-même sollicité en référé devant le tribunal de commerce une expertise afin de déterminer l’origine des désordres qui lui sont imputés et qu’au terme de l’ordonnance rendue le 22 septembre 2023 par le tribunal de commerce de Nanterre qui a fait droit à la désignation d’un expert, ce dernier a également pour mission de donner son avis sur l’apurement des comptes entre les parties et notamment sur la somme de 56.559,12 euros non réglée.
En l’espèce, la société EXEL TCE qui n’a pas interjeté appel de l’ordonnance de référé du 22 septembre 2023, ni demandé au premier président de la cour d’appel de Versailles la suspension de l’exécution provisoire dont elle est assortie, est mal fondée en sa demande de mainlevée, le juge de l’exécution ne pouvant remettre en cause un titre exécutoire dans son principe ou la validité des droits et obligations qu’il constate en l'annulant ou en le modifiant.
La société EXEL TCE sera en conséquence déboutée de sa demande de mainlevée de la saisie-attribution du 25 août 2023.
Sur la demande de délais de paiement et d’intérêts limités au taux légal
En application des dispositions de l'article R.121-1 du code des procédures civiles d'exécution, le juge de l'exécution a compétence, après signification d'un commandement ou d'un acte de saisie, pour accorder un délai de grâce sur le fondement de l'article 1343-5 du code civil “compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier”.
Il résulte des dispositions de l’article 1343-5 du code civil que, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier le juge peut, dans la limite de deux années, reporter ou échelonner le paiement des sommes dues. Il peut subordonner ces mesures à l'accomplissement par le débiteur d'actes propres à faciliter ou à garantir le paiement de la dette. Sa décision du juge suspend les procédures d'exécution qui auraient été engagées par le créancier. Les majorations d'intérêts ou les pénalités prévues en cas de retard ne sont pas encourues pendant le délai fixé par le juge.
Les articles 510 du code de procédure civile et R.121-1 du code des procédures civiles d'exécution donnent compétence au juge de l'exécution pour accorder de tels délais dès lors qu'un commandement ou un acte de saisie a été signifié.
Il est constant que l’octroi du bénéfice de délais de grâce conformément à l’article 1343-5 précité est réservé au “débiteur malheureux et de bonne foi”, c'est-à-dire au débiteur objectivement confronté à des difficultés qu'il n'est pas en mesure de surmonter seul et moralement digne qu'on lui vienne en aide.
L’article L.211-2 du code des procédures civiles d’exécution dispose que l'acte de saisie emporte, à concurrence des sommes pour lesquelles elle est pratiquée, attribution immédiate au profit du saisissant de la créance saisie, disponible entre les mains du tiers ainsi que de tous ses accessoires.
En l’espèce, la société EXEL TCE sollicite des délais de paiement sur deux ans et que les intérêts soient réduits au taux légal.
Cependant, compte tenu de l’effet attributif de la saisie-attribution, la demande ne peut porter que les sommes restant dues après déduction des sommes saisies. En l’espèce, la saisie a été fructueuse pour 2.905,69 euros, de sorte que la demande relative aux délais de paiement porte sur la somme de 51.898,51 euros (54.804,20 - 2.905,69).
En tout état de cause, la société EXEL TCE n’a produit aucun élément permettant de connaître sa situation, de sorte qu’elle sera déboutée de sa demande de moratoire sur deux ans et partant d’intérêts réduits au taux légal.
Sur les demandes accessoires
En application de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a lieu à condamnation.
En l’espèce, la société EXEL TCE succombant au présent litige assumera la charge des dépens. En conséquence, la société EXEL TCE sera déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles et au contraire condamnée à verser à la société SETE la somme de 1.500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Il sera enfin rappelé que la présente décision bénéficie de plein droit de l’exécution provisoire.
PAR CES MOTIFS
LE JUGE DE L’EXÉCUTION, statuant par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort,
DÉCLARE la société EXEL TCE recevable en son action ;
DÉBOUTE la société EXEL TCE de l’ensemble de ses demandes ;
CONDAMNE la société EXEL TCE à payer à la société SETE la somme de 1.500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la société EXEL TCE aux dépens ;
RAPPELLE que la décision est exécutoire de droit.
Ainsi jugé et ont signé
Le Greffier Le Juge de l’Exécution