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20/08/2024 | FRANCE | N°23/01900

France | France, Tribunal judiciaire de Nanterre, Ctx protection sociale, 20 août 2024, 23/01900


TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE NANTERRE



PÔLE SOCIAL

Affaires de sécurité sociale et aide sociale

JUGEMENT RENDU LE
20 Août 2024


N° RG 23/01900 - N° Portalis DB3R-W-B7H-Y2YB

N° Minute : 24/01216


AFFAIRE

[O] [V]

C/

MDPH DES HAUTS-DE-SEINE


Copies délivrées le :



DEMANDERESSE

Madame [O] [V]
[Adresse 1]
[Localité 2]

Comparante


DEFENDERESSE

MDPH DES HAUTS-DE-SEINE
Conseil départemental - Pôle Solidarités-Cellule Veille
Juridique-Recours co

ntentieux MDPH - Bureau 403
[Localité 3]

Représentée par M. [Y], muni d’un pouvoir régulier,




***

L’affaire a été débattue le 02 Juillet 2024 en audience publique devant le tribunal compos...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE NANTERRE

PÔLE SOCIAL

Affaires de sécurité sociale et aide sociale

JUGEMENT RENDU LE
20 Août 2024

N° RG 23/01900 - N° Portalis DB3R-W-B7H-Y2YB

N° Minute : 24/01216

AFFAIRE

[O] [V]

C/

MDPH DES HAUTS-DE-SEINE

Copies délivrées le :

DEMANDERESSE

Madame [O] [V]
[Adresse 1]
[Localité 2]

Comparante

DEFENDERESSE

MDPH DES HAUTS-DE-SEINE
Conseil départemental - Pôle Solidarités-Cellule Veille
Juridique-Recours contentieux MDPH - Bureau 403
[Localité 3]

Représentée par M. [Y], muni d’un pouvoir régulier,

***

L’affaire a été débattue le 02 Juillet 2024 en audience publique devant le tribunal composé de :

Matthieu DANGLA, Vice-Président
Gérard BEHAR, Assesseur, représentant les travailleurs salariés
Isabelle BASSINI, Assesseur, représentant les travailleurs non-salariés

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats et du prononcé : Gaëlle PUTHIER, Greffière.

JUGEMENT

Prononcé en premier ressort, par décision contradictoire et mise à disposition au greffe du tribunal conformément à l’avis donné à l’issue des débats.

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 9 décembre 2022, Mme [O] [V] a formé auprès de la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH), mise en place auprès de la maison départementale des personnes handicapées (MDPH) des Hauts-de-Seine, une demande d’attribution de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) et de la carte mobilité inclusion (CMI) mention « invalidité » ou « priorité ».

Par décision notifiée le 15 juin, la commission a :
- refusé la demande d’AAH, retenant un taux d'incapacité inférieur à 50 % en application du guide-barème de l'annexe 2-4 du code de l'action sociale et des familles ;
- refusé la demande de CMI mention « invalidité » ou « priorité », en l'absence de taux d'incapacité au moins égal à 80 % et de l'absence de station debout reconnue pénible.

Par courrier du 8 août 2023, Mme [V] a formé un recours administratif préalable obligatoire (RAPO) aux fins de contester la décision de rejet de l’AAH et de la CMI mention « invalidité » ou « priorité ».

Sans réponse de la CDAPH, Mme [V] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Nanterre par requête du 16 août 2023.

Par ordonnance du 5 janvier 2024, le président du pôle social du tribunal judiciaire de Nanterre a ordonné une expertise confiée au docteur [S].

L'expert désigné a rempli sa mission le 6 mars 2024 et adressé son rapport au greffe, qui a été contradictoirement notifié aux parties.

L'affaire a été appelée à l'audience du 2 juillet 2024, à laquelle les parties assistées et représentées ont comparu et ont été entendues en leurs observations.

Mme [O] [V] demande au tribunal de lui attribuer l'AAH ainsi qu'une CMI mention « priorité ». Elle soutient que son état de santé s’est aggravé depuis la date de la demande et que son handicap lui occasionne des difficultés pour réaliser les gestes de la vie quotidienne. Elle ajoute éprouver des difficultés dans son poste d’animatrice en maternelle, étant en congé pour maladie longue durée et ne pouvant prétendre à un emploi adapté à sa situation.

La MDPH des Hauts-de-Seine et le président du conseil départemental des Hauts-de-Seine, par l'intermédiaire de leur représentant, demandent au tribunal de débouter Mme [V] de l’ensemble de ses demandes et de la condamner aux dépens.

A l'issue des débats, l'affaire a été mise en délibéré au 20 août 2024 par mise à disposition au greffe.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande d'attribution de l'AAH

L'article L821-1 alinéa 1er du code de la sécurité sociale prévoit que « toute personne résidant sur le territoire métropolitain ou dans les collectivités mentionnées à l'article L751-1 ou à Saint-Pierre-et-Miquelon ayant dépassé l'âge d'ouverture du droit à l'allocation prévue à l'article L541-1 et dont l'incapacité permanente est au moins égale à un pourcentage fixé par décret perçoit, dans les conditions prévues au présent titre, une allocation aux adultes handicapés. ».

Selon les dispositions de l'article L821-2 du même code, peut bénéficier de l'AAH la personne dont le taux d’incapacité permanente est supérieur ou égale à 80 % ou, dont de taux d'incapacité permanente est compris entre 50 % et 79 % et qui est confrontée, compte tenu de son handicap, à une restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi (RSDAE).

Conformément à l'article D821-1-2 du code de la sécurité sociale :

« Pour l'application des dispositions du 2° de l'article L821-2, la restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi subie par une personne handicapée qui demande à bénéficier de l'allocation aux adultes handicapés est appréciée ainsi qu'il suit :

1° La restriction est substantielle lorsque le demandeur rencontre, du fait de son handicap même, des difficultés importantes d'accès à l'emploi. A cet effet, sont à prendre en considération:
a) Les déficiences à l'origine du handicap ;
b) Les limitations d'activités résultant directement de ces mêmes déficiences ;
c) Les contraintes liées aux traitements et prises en charge thérapeutiques induits par le handicap ;
d) Les troubles qui peuvent aggraver ces déficiences et ces limitations d'activités.
Pour apprécier si les difficultés importantes d'accès à l'emploi sont liées au handicap, elles sont comparées à la situation d'une personne sans handicap qui présente par ailleurs les mêmes caractéristiques en matière d'accès à l'emploi.

2° La restriction pour l'accès à l'emploi est dépourvue d'un caractère substantiel lorsqu'elle peut être surmontée par le demandeur au regard :
a) Soit des réponses apportées aux besoins de compensation mentionnés à l'article L114-1-1 du code de l'action sociale et des familles qui permettent de faciliter l'accès à l'emploi sans constituer des charges disproportionnées pour la personne handicapée ;
b) Soit des réponses susceptibles d'être apportées aux besoins d'aménagement du poste de travail de la personne handicapée par tout employeur au titre des obligations d'emploi des handicapés sans constituer pour lui des charges disproportionnées ;
c) Soit des potentialités d'adaptation dans le cadre d'une situation de travail.

3° La restriction est durable dès lors qu'elle est d'une durée prévisible d'au moins un an à compter du dépôt de la demande d'allocation aux adultes handicapés, même si la situation médicale du demandeur n'est pas stabilisée. La restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi est reconnue pour une durée de un à cinq ans.

4° Pour l'application du présent article, l'emploi auquel la personne handicapée pourrait accéder s'entend d'une activité professionnelle lui conférant les avantages reconnus aux travailleurs par la législation du travail et de la sécurité sociale.

5° Sont compatibles avec la reconnaissance d'une restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi :
a) L'activité à caractère professionnel exercée en milieu protégé par un demandeur admis au bénéfice de la rémunération garantie mentionnée à l'article L243-4 du code de l'action sociale et des familles ;
b) L'activité professionnelle en milieu ordinaire de travail pour une durée de travail inférieure à un mi-temps, dès lors que cette limitation du temps de travail résulte exclusivement des effets du handicap du demandeur ;
c) Le suivi d'une formation professionnelle spécifique ou de droit commun, y compris rémunérée, résultant ou non d'une décision d'orientation prise par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées mentionnée à l'article L241-5 du code de l'action sociale et des familles.».

Souhaitant harmoniser les pratiques d'attribution de l'allocation aux adultes handicapés par les CDAPH, et aider ces dernières à distinguer les publics relevant de l'AAH de ceux relevant du RSA, le ministre des solidarités et de la cohésion sociale précise que les effets du handicap sur l'accès à l'emploi devant être appréciés recouvrent à la fois des facteurs personnels et des facteurs d'origine extérieure à la personne dans une circulaire DGCS/SD1/2011/413 du 27 octobre 2011.

S'agissant des facteurs personnels, il convient notamment d'apprécier l'impact des déficiences et des limitations d'activité sur les possibilités d'accès à l'emploi et de tenir compte des contraintes liées aux traitements et aux prises en charge thérapeutiques, ainsi que des troubles qui peuvent aggraver les déficiences et limitations d'activité.

S'agissant des facteurs d'origine extérieure, l'évaluation de la situation de la personne peut mettre en évidence la nécessité de mettre en œuvre des mesures pour favoriser l'accès à l'emploi. Ces mesures concernent directement la personne handicapée ou un futur employeur.

Le taux d’incapacité permanente est déterminé en application du guide barème pour l’évaluation des déficiences et incapacités des personnes handicapées présent à l’annexe 2-4 du Code de l’action sociale et des familles (CASF).

En application des principes directeurs posés dans l’introduction du guide barème, la détermination du taux d’incapacité se fonde sur l’analyse des déficiences de la personne concernée et de leurs conséquences dans les différents domaines de sa vie quotidienne (professionnelle, sociale, domestique) et non pas seulement sur la seule nature médicale de la pathologie qui en est à l’origine.

Le guide barème ne fixe pas de taux d’incapacité précis. Il indique des « catégories » de taux, correspondant chacune à un type de déficience et prévoit pour chaque catégorie de déficiences des degrés de « sévérité » des conséquences :
- forme légère : taux de 1 à 15 % ;
- forme modérée : taux de 20 à 45 % ;
- forme importante : taux de 50 à 75 % ;
- forme sévère ou majeure : taux de 80 à 95 % ;
- taux de 100 % : réservé aux incapacités totales comme par exemple dans le cas d’un état végétatif ou d’un coma.

En l'espèce, Mme [V] sollicite le bénéfice de l’AAH en se fondant sur son état de santé.

La MDPH soutient que Mme [V] ne peut bénéficier de l’AAH, compte tenu de son taux d’incapacité inférieur à 50 %.

Il ressort du rapport d'expertise établi par le docteur [S] que, selon le certificat médical établi par le médecin traitant et destiné à la MDPH, Mme [V] souffre d'une coxarthrose et d'une périarthrite des hanches et d'une tendinopathie scapulaire bilatérale. Le médecin expert désigné par le tribunal a indiqué en outre que « l’état de santé au moment de la demande indiqué par le médecin traitant ne montre pas de limitation dans les gestes quotidiens de la victime avec une possibilité de déplacement de 400m » et a conclu son rapport en retenant un taux d’incapacité de 20 à 40 %.

Il convient de préciser que le docteur [S] a étudié toutes les pièces médicales produites par Mme [V], ainsi qu’il est indiqué sur le rapport d’expertise.

La MDPH fait valoir qu’elle partage les conclusions de l’expert, lesquelles sont claires et dépourvues d’ambiguïté. Elle soutient que Mme [V] ne rapporte aucun élément susceptible de contredire les conclusions de l’expert, conformes à celles de CDAPH concernant l’existence d’un taux d’incapacité inférieur à 50 %.

Il ressort du questionnaire complété par son médecin généraliste le 11 novembre 2022, qu’elle fait preuve d’autonomie pour tous les actes de la vie courante et qu’elle ne bénéficie pas de l’aide d’une tierce personne. Il est indiqué qu’il est impossible pour elle de se baisser, de soulever des charges et de réaliser des « déplacements de longues distances, supérieures à 400 m ». Le médecin précise que l’état de Mme [V] a un retentissement sur l’aptitude à un poste ou le maintien dans l’emploi.

Si les autres pièces médicales produites (comptes rendus d'imagerie médicale) établissent que Mme [V] présente un handicap, elles ne permettent pas pour autant d'infirmer l'appréciation de la CDAPH et de l'expert selon laquelle ce handicap entraîne un taux d'incapacité inférieur à 50 %.

L'attention de Mme [V] est en revanche attirée sur le fait qu'elle a la possibilité de déposer une nouvelle demande auprès de la MDPH en cas d'aggravation de son état de santé.

Il sera surabondamment relevé que, quand bien même le taux d'incapacité retenu de Mme [V] aurait été compris entre 50 % et 79 %, sa demande d'attribution de l'AAH n'aurait pu être accueillie que si elle rencontrait une restriction substantielle pour l'accès à l'emploi, ce qui n'est pas établi dans le cas de l'espèce.

En tout état de cause, dès lors que son taux d'incapacité au jour de la demande, soit le 9 décembre 2022, est inférieur à 50 %, Mme [V] ne peut bénéficier de l'AAH.

Par conséquent, il y aura lieu de rejeter la demande d'attribution de l'AAH.

Sur la demande d'attribution de carte mobilité inclusion mention « invalidité » ou « priorité »

L'article L241-3 du code de l'action sociale et des familles dispose que « I.-La carte " mobilité inclusion " destinée aux personnes physiques est délivrée par le président du conseil départemental au vu de l'appréciation, sur le fondement du 3° du I de l'article L241-6, de la commission mentionnée à l'article L146-9. Elle peut porter une ou plusieurs des mentions prévues aux 1° à 3° du présent I, à titre définitif ou pour une durée déterminée.

1° La mention " invalidité " est attribuée à toute personne dont le taux d'incapacité permanente est au moins de 80 % ou qui a été classée dans la catégorie mentionnée au 3° de l'article L341-4 du code de la sécurité sociale ».

Il convient de préciser que la catégorie mentionnée au 3°) de l'article L341-4 du code de la sécurité sociale, correspond aux « invalides qui, étant absolument incapables d'exercer une profession, sont, en outre, dans l'obligation d'avoir recours à l'assistance d'une tierce personne pour effectuer les actes ordinaires de la vie ».

En l'espèce, Mme [V] sollicite l'attribution d'une CMI mention « priorité » ou « invalidité » au regard de son état de santé.

Le président du conseil soutient que Mme [V] ne peut se voir attribuer une CMI mention « priorité » ou « invalidité » dès lors que son taux d’incapacité est inférieur à 80 % et que la station debout n'est pas reconnue pénible.

Il ressort des éléments produits aux débats et qui ont déjà été examinés ci-dessus par le tribunal que le taux d’incapacité de Mme [V] est inférieur à 50 % et il n'est ni allégué, ni établi qu'elle bénéfierait d'une pension d'invalidité de 3ème catégorie.

Elle ne remplit par conséquent pas les conditions d'octroi d'une carte mobilité inclusion mention « invalidité ».

En outre, Le docteur [S] a indiqué que la station debout n'était pas pénible à la date de la demande et la requérante ne fait valoir aucun élément permettant d'infirmer cette appréciation.

Dès lors, Mme [V] ne peut bénéficier d’une CMI mention « priorité » ou « invalidité ».

Par conséquent, il y aura lieu de rejeter la demande d'attribution d'une CMI mention « priorité » ou « invalidité ».

Sur les mesures accessoires

En application de l’article 696 du code de procédure civile, il conviendra de condamner Mme [V] aux dépens de l’instance dès lors qu’elle succombe.

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL, statuant par décision contradictoire, rendu en premier ressort et par mise à disposition au greffe,

REJETTE la demande d’attribution de l’allocation aux adultes handicapés ;

REJETTE la demande d’attribution d’une carte mobilité inclusion mention « priorité » ou « invalidité » ;

DÉBOUTE les parties de toutes demandes plus amples ou contraires ;

CONDAMNE Mme [O] [V] aux dépens.

Et le présent jugement est signé par Matthieu DANGLA, Vice-Président et par Gaëlle PUTHIER, Greffière, présents lors du prononcé.

LA GREFFIERE, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Nanterre
Formation : Ctx protection sociale
Numéro d'arrêt : 23/01900
Date de la décision : 20/08/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 29/08/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-08-20;23.01900 ?
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