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20/08/2024 | FRANCE | N°23/01790

France | France, Tribunal judiciaire de Nanterre, Ctx protection sociale, 20 août 2024, 23/01790


TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE NANTERRE



PÔLE SOCIAL

Affaires de sécurité sociale et aide sociale

JUGEMENT RENDU LE
20 Août 2024


N° RG 23/01790 - N° Portalis DB3R-W-B7H-YY6R

N° Minute : 24/01214


AFFAIRE

[J] [V]

C/

MDPH DES HAUTS-DE-SEINE


Copies délivrées le :



DEMANDERESSE

Madame [J] [V]
[Adresse 2]
[Localité 5]

Assisté par Me NADAL, avocat au barreau de PARIS,

M. [D] [T]

Comparant

DEFENDERESSE

MDPH DES HAUTS-DE-SEINE
[Adresse 8

]
[Adresse 8]
[Localité 6]

Représentée par M. [H], muni d’un pouvoir régulier,





***

L’affaire a été débattue le 02 Juillet 2024 en audience publique devant le tribunal composé de :

Matthieu ...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE NANTERRE

PÔLE SOCIAL

Affaires de sécurité sociale et aide sociale

JUGEMENT RENDU LE
20 Août 2024

N° RG 23/01790 - N° Portalis DB3R-W-B7H-YY6R

N° Minute : 24/01214

AFFAIRE

[J] [V]

C/

MDPH DES HAUTS-DE-SEINE

Copies délivrées le :

DEMANDERESSE

Madame [J] [V]
[Adresse 2]
[Localité 5]

Assisté par Me NADAL, avocat au barreau de PARIS,

M. [D] [T]

Comparant

DEFENDERESSE

MDPH DES HAUTS-DE-SEINE
[Adresse 8]
[Adresse 8]
[Localité 6]

Représentée par M. [H], muni d’un pouvoir régulier,

***

L’affaire a été débattue le 02 Juillet 2024 en audience publique devant le tribunal composé de :

Matthieu DANGLA, Vice-Président
Gérard BEHAR, Assesseur, représentant les travailleurs salariés
Isabelle BASSINI, Assesseur, représentant les travailleurs non-salariés

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats et du prononcé : Gaëlle PUTHIER, Greffière.

JUGEMENT

Prononcé en premier ressort, par décision contradictoire et mise à disposition au greffe du tribunal conformément à l’avis donné à l’issue des débats.

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 4 août 2022, Madame [J] [V] a formé auprès de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH) mise en place auprès de la maison départementale des personnes handicapées (MDPH) des Hauts-de-Seine diverses demandes, dont une demande d'attribution de l'allocation aux adultes handicapés (AAH).

Par décisions en date des 21 juillet 2022 et 18 août 2022, la commission a :
- rejeté la demande d'AAH en retenant notamment un taux d'incapacité compris entre 50 % et 79 % et l'absence d'une restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi ;
- attribué une carte mobilité inclusion mention « priorité » ;
- donné un avis favorable à la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé ;
- donné un avis favorable à l'orientation professionnelle vers le marché du travail.

Madame [V] a saisi la MDPH d'un recours administratif préalable obligatoire aux fins de contester la décision de refus relative à l'AAH.

La CDAPH, lors de sa séance du 15 juin 2023, a rejeté ce recours en reprenant les mêmes motifs que ceux de la décision initiale.

Madame [V] a alors saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Nanterre de sa contestation par courrier recommandé avec demande d'avis de réception en date du 11 août 2023.

Par ordonnance du 17 novembre 2023, une mesure d'expertise a été diligentée.

Le docteur [R], expert désigné par le tribunal, a réalisé sa mission et établi son rapport le 15 mars 2024.

L'affaire a été appelée à l'audience du 2 juillet 2024 à laquelle les parties ont comparu et ont été entendues en leurs observations.

Madame [J] [V], assistée par son conseil, considère que l'expertise est contradictoire par rapport aux autres avis médicaux et sollicite une nouvelle expertise.

La MDPH des Hauts-de-Seine fait pour sa part valoir que le rapport d'expertise va encore plus loin que l'avis de la CDAPH puisqu'il propose un taux inférieur à 50 % alors que la CDAPH avait retenu un taux intermédiaire compris entre 50 % et 79 %, et sollicite le rejet des demandes de Madame [V] et la condamnation de cette dernière aux entiers dépens.

A l'issue des débats, l'affaire a été mise en délibéré au 20 août 2024 par mise à disposition au greffe.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande avant dire droit d'expertise formée par Madame [V]

Le guide-barème pour l'évaluation des déficiences et incapacités des personnes handicapées codifié à l'annexe 2-4 du code de l'action sociale et des familles a pour objet de permettre la détermination d'un taux d'incapacité, pour l'application de la législation applicable en matière d'avantages sociaux aux personnes atteintes d'un handicap tel que définie à l'article L114-1 du code de l'action sociale et des familles. Il dispose que « constitue un handicap, au sens de la présente loi, toute limitation d'activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d'une altération substantielle, durable ou définitive d'une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d'un polyhandicap ou d'un trouble de santé invalidant ».

L'annexe 2-4 du code de l'action sociale et des familles précise aux termes de son introduction générale :
« Ce guide-barème vise à permettre aux utilisateurs de fixer le taux d'incapacité d'une personne quel que soit son âge à partir de l'analyse de ses déficiences et de leurs conséquences dans sa vie quotidienne et non sur la seule nature médicale de l'affection qui en est l'origine.
La détermination du taux d'incapacité s'appuie sur une analyse des interactions entre trois dimensions :
- Déficience : c'est-à-dire toute perte de substance ou altération d'une structure ou fonction psychologique, physiologique ou anatomique. La déficience correspond à l'aspect lésionnel et équivaut, dans la définition du handicap, à la notion d'altération de fonction.
- Incapacité : c'est-à-dire toute réduction résultant d'une déficience, partielle ou totale, de la capacité d'accomplir une activité d'une façon ou dans les limites considérées comme normales pour un être humain. L'incapacité correspond à l'aspect fonctionnel dans toutes ses composantes physiques ou psychiques et équivaut, dans la définition du handicap, à la notion de limitation d'activité,
- Désavantage : c'est-à-dire les limitations (voire l'impossibilité) de l'accomplissement d'un rôle social normal en rapport avec l'âge, le sexe, les facteurs sociaux et culturels. Le désavantage (et donc la situation concrète de handicap) résulte de l'interaction entre la personne porteuse de déficiences et/ ou d'incapacités et son environnement.

Ces trois dimensions sont étroitement liées, mais, pour autant, leur intensité respective n'est pas nécessairement comparable et peut varier considérablement d'une personne à l'autre, y compris lorsque le handicap est lié à une même origine ou une même pathologie. De même, elles peuvent évoluer différemment dans le temps.

En effet, le diagnostic ne permet pas, à lui seul, une évaluation du handicap, celui-ci variant avec le stade évolutif, les thérapeutiques mises en œuvre, en fonction de l'interaction de la personne avec son environnement.

Toutefois, les éléments de diagnostic, bien qu'insuffisants à eux seuls pour rendre compte des conséquences de l'état de santé dans la vie quotidienne de la personne, sont néanmoins utiles pour la connaissance de la situation et permettent notamment d'apporter des indications sur l'évolutivité et le pronostic de l'état de la personne ».

Le guide-barème ne fixe pas de taux d'incapacité précis. En revanche, il indique des fourchettes de taux d'incapacité identifiant selon les chapitres, trois à cinq degrés de sévérité, (en général quatre), à savoir :
- forme légère (taux de 1 à 15 %)
- forme modérée (taux de 20 à 45 %)
- forme importante (taux de 50 à 75 %)
- forme sévère ou majeure (taux de 80 à 95 %).

Les seuils de 50 % et de 80 %, s'ils sont atteints, peuvent ouvrir droit à divers avantages ou prestations et notamment l'allocation aux adultes handicapés suivant les dispositions des articles L821-1, L821-2 et D821-1 du code de la sécurité sociale.

Le guide-barème pour l'évaluation des déficiences et incapacité des personnes handicapées définit la reconnaissance d'un taux d’incapacité de 80 % comme étant une incapacité sévère entravant de façon majeure la vie quotidienne et entraînant une perte d'autonomie pour les actes de la vie courante.

En application des articles L821-1, L821-2 et D821-1 du code de la sécurité sociale, pour prétendre à l'allocation aux adultes handicapés, il est nécessaire de présenter à la date de la demande :
- soit un taux d'incapacité supérieur ou égal à 80 %,
- soit un taux d'incapacité compris de 50 à 79 % et de justifier, du fait de son handicap, d'une restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi (RSDAE).

En l'espèce, il ressort du certificat médical initial établi par le docteur [F] le 26 juillet 2022 que Madame [V] est atteinte d'un « syndrome drépanocytaire SS », qui a donné lieu à un programme d'échange transfusionnel, et d'une hémochromatose secondaire aux transfusions. Ces traitements ont dû être arrêtés pendant la période de grossesse et d'allaitement. Elle présente également des extra-systoles ventriculaires nécessitant un suivi depuis l'année 2007 et dont elle a refusé l'ablation. Des « douleurs de CVO au niveau osseux et articulaire, et des douleurs aux genoux » sont relevées plus de 15 jours par mois, ainsi que, de manière permanente, un syndrome anémique chronique et une tachychardie mal tolérée.
Des difficultés pour la marche, dont le périmètre est réduit à 500 m, la communication, le suivi des soins, les courses, les tâches ménagères et les démarches administratives, sont relevées, de même qu'un ralentissement moteur et un besoin de pauses.

Madame [V] produit un autre certificat du docteur [F] en date du 19 juillet 2023 reprenant les mêmes éléments de diagnostic, qualifiant le syndrome drépanocytaire de « sévère », retenant un taux d'incapacité de 80 % et précisant que ce handicap associé à sa charge de 5 enfants ne lui permet pas une activité professionnelle à temps complet et « est même complexe physiquement à temps partiel ».

Le docteur [R] a pour sa part indiqué aux termes de son rapport d'expertise que Madame [V] présente une « symptomatologie depuis de nombreuses années en rapport avec une drépanocytose traitée depuis 2013, spécifiquement avec CVO », outre des extra-systoles ventriculaires traitées efficacement. Madame [V] a bénéficié d'une prise en charge spécialisée pour ces différentes pathologies et les besoins qui subsistent sont limités à l'aide pour les tâches ménagères, le taux d'incapacité proposé étant compris entre 20 % et 45 %.

Il apparaît ainsi qu'il existe une différence d'appréciation importante entre le docteur [R] et le docteur [F] en ce qui concerne le retentissement des troubles présentés par l’intéressée à la date de la demande, notamment au regard de la restriction sur les capacités de marche et sur l'état de faiblesse mentionné dans le certificat médical initial.

Il conviendra donc d'ordonner une nouvelle mesure d'expertise dans les termes du dispositif ci-après, qui sera confiée au docteur [O].

Les dépens seront réservés.

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL, statuant par jugement contradictoire et avant dire droit,

ORDONNE une expertise et commet pour y procéder le :

Docteur [O]
[Adresse 4]
[Localité 3]
[XXXXXXXX01]
[Courriel 7]

Avec pour mission, en se plaçant à la date de la demande, soit le 4 août 2022 :
- de procéder à l'examen clinique de Madame [J] [V] ;
- de prendre connaissance de tous les documents relatifs aux examens, soins, interventions, traitements ;
- de décrire l'état de santé, les besoins, et les difficultés spécifiques de Madame [J] [V];
- de consulter les pièces du dossier qui lui seront transmises par les parties ;
- d'entendre les parties en leurs dires et observations ;
- de s'entourer de tous renseignements et avoir consulté tous les documents médicaux utiles et notamment tous les éléments ou informations à caractère secret, au sens du deuxième alinéa de l'article L142-10 du code de la sécurité sociale, ayant fondé la décision de la Maison départementale des personnes handicapées des Hauts-de-Seine ;
- au regard du guide barème pour l'évaluation du taux d'incapacité figurant à l'annexe 2-4 du code de l'action sociale et des familles, d’émettre un avis sur le taux d'incapacité de Madame [J] [V] à la date de la demande (le 4 août 2022) et préciser si sa capacité de travail est inférieure à 5 % compte tenu de son handicap au regard des critères prévus par les circulaires du 26 janvier 2006 et du 10 avril 2007,
* préciser si les conséquences du handicap sont de nature à perdurer plus d'un an et si elles permettent à l'intéressé d'avoir ou de se maintenir dans une activité professionnelle y compris dans un poste aménagé et ceci soit à temps complet, soit pour une durée supérieure ou inférieure à un mi-temps (le préciser) ;

- au regard des critères d’appréciation d'une situation de handicap donnant lieu à l'attribution de droits sans limitation de durée figurant à l'article 1 de l'arrêté du 15 février 2019, d’émettre un avis sur l'évolution possible de l'état de santé de Madame [V] afin de permettre à la juridiction de fixer la durée d'attribution de la prestation (temporaire pour 1, 2, 5 ou 10 ans ou définitive) ;
- d’apporter toute précision qui serait de nature à éclairer le tribunal sur le litige qui lui est soumis;

DIT que la Maison départementale des personnes handicapées des Hauts-de-Seine devra transmettre à l'expert l'ensemble des éléments ou informations à caractère secret, au sens du deuxième alinéa de l'article L142-10 du code de la sécurité sociale, ayant fondé sa décision ;

DÉSIGNE le président de la présente formation pour suivre la mesure d'instruction et statuer sur tous incidents ;

DIT que le médecin expert devra rendre compte à ce magistrat de l'avancement de ses travaux d'expertise et des diligences accomplies et qu'il devra l'informer de la carence éventuelle des parties dans la communication des pièces nécessaires à l'exécution de sa mission conformément aux dispositions des articles 273 et 275 du code de procédure civile ;

DIT que le médecin expert devra de ses constatations et conclusions dresser un rapport qu'il adressera au greffe du tribunal dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent jugement ;

DIT qu'il en adressera directement copie aux parties ou à leurs conseils, par tout moyen permettant d'en établir la réception, accompagné de sa demande de rémunération ;

FIXE à 300 € le montant prévisionnel des honoraires de l'expert ;

RAPPELLE qu'en tout état de cause les frais résultants de cette expertise seront pris en charge par Caisse nationale d'assurance maladie en application de l'article L142-11 du code de la sécurité sociale ;

RENVOIE l’affaire à l’audience du 17 décembre 2024 à 13h30.

Et le présent jugement est signé par Matthieu DANGLA, Vice-Président et par Gaëlle PUTHIER, Greffière, présents lors du prononcé.

LA GREFFIERE, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Nanterre
Formation : Ctx protection sociale
Numéro d'arrêt : 23/01790
Date de la décision : 20/08/2024
Sens de l'arrêt : Expertise

Origine de la décision
Date de l'import : 29/08/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-08-20;23.01790 ?
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