La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/08/2024 | FRANCE | N°23/01638

France | France, Tribunal judiciaire de Nanterre, Ctx protection sociale, 20 août 2024, 23/01638


TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE NANTERRE



PÔLE SOCIAL

Affaires de sécurité sociale et aide sociale

JUGEMENT RENDU LE
20 Août 2024


N° RG 23/01638 - N° Portalis DB3R-W-B7H-YW2N

N° Minute : 24/01221


AFFAIRE

[V] [T]

C/

LE PRESIDENT DU CONSEIL DEPARTEMENTAL DES HAUTS-DE-SEINE, MDPH DES HAUTS-DE-SEINE


Copies délivrées le :



DEMANDEUR

Monsieur [V] [T]
[Adresse 1]
[Localité 2]

Représenté par Me Laurent NOREILS, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 537
<

br>
DEFENDERESSES

LE PRESIDENT DU CONSEIL DEPARTEMENTAL DES HAUTS-DE-SEINE
Pôle solidarités - cellule Veille juridique et Contentieux
Recours Contentieux MDPH - Bureau 403
[Loca...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE NANTERRE

PÔLE SOCIAL

Affaires de sécurité sociale et aide sociale

JUGEMENT RENDU LE
20 Août 2024

N° RG 23/01638 - N° Portalis DB3R-W-B7H-YW2N

N° Minute : 24/01221

AFFAIRE

[V] [T]

C/

LE PRESIDENT DU CONSEIL DEPARTEMENTAL DES HAUTS-DE-SEINE, MDPH DES HAUTS-DE-SEINE

Copies délivrées le :

DEMANDEUR

Monsieur [V] [T]
[Adresse 1]
[Localité 2]

Représenté par Me Laurent NOREILS, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 537

DEFENDERESSES

LE PRESIDENT DU CONSEIL DEPARTEMENTAL DES HAUTS-DE-SEINE
Pôle solidarités - cellule Veille juridique et Contentieux
Recours Contentieux MDPH - Bureau 403
[Localité 3]

Représentée par M. [G], muni d’un pouvoir régulier,

MDPH DES HAUTS-DE-SEINE
Conseil départemental - Pôle Solidarités-Cellule Veille
Juridique-Recours contentieux MDPH - [Adresse 4]
[Localité 3]

Représentée par M. [G], muni d’un pouvoir régulier,

***

L’affaire a été débattue le 02 Juillet 2024 en audience publique devant le tribunal composé de :

Matthieu DANGLA, Vice-Président
Gérard BEHAR, Assesseur, représentant les travailleurs salariés
Isabelle BASSINI, Assesseur, représentant les travailleurs non-salariés

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats et du prononcé : Gaëlle PUTHIER, Greffière.

JUGEMENT

Prononcé en premier ressort, par décision contradictoire et mise à disposition au greffe du tribunal conformément à l’avis donné à l’issue des débats.

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [V] [T] a formé le 12 juillet 2022 auprès de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH) mise en place auprès de la maison départementale des personnes handicapées (MDPH) des Hauts-de-Seine, une demande d'octroi de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) et d’une carte mobilité inclusion mention « priorité » ou « invalidité ».

Par décisions du 16 mars 2023, la CDAPH a notifié un rejet de ces demandes, exposant, en ce qui concerne l'AAH, que le taux d'incapacité est supérieur à 50 % et inférieur à 80 % en application du guide barème de l'annexe 2-4 du code de l'action sociale et des familles, mais que l'évaluation de la situation de l'intéressé n'a pas permis de conclure en l'existence d'une restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi.

M. [T] a déposé un recours gracieux en date du 3 mai 2023 auprès de la MDPH des Hauts-de-Seine.

La CDAPH a rejeté le recours lors de sa réunion du 14 septembre 2023, en maintenant sa position initiale, avec les motivations précédemment exposées.

M. [T] a alors saisi le tribunal judiciaire de Nanterre le 28 juillet 2023, en contestation de la décision de rejet de l'AAH et de la CMI mention « invalidité » ou « priorité ».

Le 22 septembre 2023, le pôle social du tribunal judiciaire a ordonné une expertise médicale qui a été confiée au docteur [H].

L'expert désigné a rempli sa mission le 22 novembre 2023 et adressé son rapport au greffe, qui a été contradictoirement notifié aux parties.

L'affaire a été appelée à l'audience du 2 juillet 2024, à laquelle les parties ont comparu et ont été entendues en leurs observations.

A l'audience, M. [V] [T] sollicite le bénéfice de l’AAH et la condamnation de la MDPH aux dépens. Il précise ne plus former de demande d'attribution d'une carte mobilité inclusion, prenant acte de ce qu'une carte mobilité inclusion mention « priorité » lui a été accordée par décision du 14 septembre 2023. Il fait valoir qu’un cancer du rein lui a été découvert durant son opération de greffe de cœur et que sa pathologie l’empêche d’exercer une activité professionnelle.

La MDPH des Hauts-de-Seine sollicite que M. [T] soit débouté de l’ensemble de ses demandes et qu'il soit condamné aux dépens.

A l'issue des débats, l'affaire a été mise en délibéré au 20 août 2024 par mise à disposition au greffe.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande d'attribution de l'AAH

L'article L821-1 alinéa 1er du code de la sécurité sociale prévoit que « toute personne résidant sur le territoire métropolitain ou dans les collectivités mentionnées à l'article L751-1 ou à Saint-Pierre-et-Miquelon ayant dépassé l'âge d'ouverture du droit à l'allocation prévue à l'article L541-1 et dont l'incapacité permanente est au moins égale à un pourcentage fixé par décret perçoit, dans les conditions prévues au présent titre, une allocation aux adultes handicapés. ».

Selon les dispositions de l'article L821-2 du même code, peut bénéficier de l'AAH la personne dont le taux d’incapacité permanente est supérieur ou égale à 80 % ou, dont de taux d'incapacité permanente est compris entre 50 % et 79 % et qui est confrontée, compte tenu de son handicap, à une restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi (RSDAE).

Conformément à l'article D821-1-2 du code de la sécurité sociale :

« Pour l'application des dispositions du 2° de l'article L821-2, la restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi subie par une personne handicapée qui demande à bénéficier de l'allocation aux adultes handicapés est appréciée ainsi qu'il suit :

1° La restriction est substantielle lorsque le demandeur rencontre, du fait de son handicap même, des difficultés importantes d'accès à l'emploi. A cet effet, sont à prendre en considération :
a) Les déficiences à l'origine du handicap ;
b) Les limitations d'activités résultant directement de ces mêmes déficiences ;
c) Les contraintes liées aux traitements et prises en charge thérapeutiques induits par le handicap ;
d) Les troubles qui peuvent aggraver ces déficiences et ces limitations d'activités.
Pour apprécier si les difficultés importantes d'accès à l'emploi sont liées au handicap, elles sont comparées à la situation d'une personne sans handicap qui présente par ailleurs les mêmes caractéristiques en matière d'accès à l'emploi.

2° La restriction pour l'accès à l'emploi est dépourvue d'un caractère substantiel lorsqu'elle peut être surmontée par le demandeur au regard :
a) Soit des réponses apportées aux besoins de compensation mentionnés à l'article L114-1-1 du code de l'action sociale et des familles qui permettent de faciliter l'accès à l'emploi sans constituer des charges disproportionnées pour la personne handicapée ;
b) Soit des réponses susceptibles d'être apportées aux besoins d'aménagement du poste de travail de la personne handicapée par tout employeur au titre des obligations d'emploi des handicapés sans constituer pour lui des charges disproportionnées ;
c) Soit des potentialités d'adaptation dans le cadre d'une situation de travail.

3° La restriction est durable dès lors qu'elle est d'une durée prévisible d'au moins un an à compter du dépôt de la demande d'allocation aux adultes handicapés, même si la situation médicale du demandeur n'est pas stabilisée. La restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi est reconnue pour une durée de un à cinq ans.

4° Pour l'application du présent article, l'emploi auquel la personne handicapée pourrait accéder s'entend d'une activité professionnelle lui conférant les avantages reconnus aux travailleurs par la législation du travail et de la sécurité sociale.

5° Sont compatibles avec la reconnaissance d'une restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi :
a) L'activité à caractère professionnel exercée en milieu protégé par un demandeur admis au bénéfice de la rémunération garantie mentionnée à l'article L243-4 du code de l'action sociale et des familles ;
b) L'activité professionnelle en milieu ordinaire de travail pour une durée de travail inférieure à un mi-temps, dès lors que cette limitation du temps de travail résulte exclusivement des effets du handicap du demandeur ;
c) Le suivi d'une formation professionnelle spécifique ou de droit commun, y compris rémunérée, résultant ou non d'une décision d'orientation prise par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées mentionnée à l'article L241-5 du code de l'action sociale et des familles. ».

Souhaitant harmoniser les pratiques d'attribution de l'allocation aux adultes handicapés par les CDAPH, et aider ces dernières à distinguer les publics relevant de l'AAH de ceux relevant du RSA, le ministre des solidarités et de la cohésion sociale précise que les effets du handicap sur l'accès à l'emploi devant être appréciés recouvrent à la fois des facteurs personnels et des facteurs d'origine extérieure à la personne dans une circulaire DGCS/SD1/2011/413 du 27 octobre 2011.

S'agissant des facteurs personnels, il convient notamment d'apprécier l'impact des déficiences et des limitations d'activité sur les possibilités d'accès à l'emploi et de tenir compte des contraintes liées aux traitements et aux prises en charge thérapeutiques, ainsi que des troubles qui peuvent aggraver les déficiences et limitations d'activité.

S'agissant des facteurs d'origine extérieure, l'évaluation de la situation de la personne peut mettre en évidence la nécessité de mettre en œuvre des mesures pour favoriser l'accès à l'emploi. Ces mesures concernent directement la personne handicapée ou un futur employeur.

Le taux d’incapacité permanente est déterminé en application du guide barème pour l’évaluation des déficiences et incapacités des personnes handicapées présent à l’annexe 2-4 du Code de l’action sociale et des familles (CASF).

En application des principes directeurs posés dans l’introduction du guide barème, la détermination du taux d’incapacité se fonde sur l’analyse des déficiences de la personne concernée et de leurs conséquences dans les différents domaines de sa vie quotidienne (professionnelle, sociale, domestique) et non pas seulement sur la seule nature médicale de la pathologie qui en est à l’origine.

Le guide barème ne fixe pas de taux d’incapacité précis. Il indique des « catégories » de taux, correspondant chacune à un type de déficience et prévoit pour chaque catégorie de déficiences des degrés de « sévérité » des conséquences :
- forme légère : taux de 1 à 15 % ;
- forme modérée : taux de 20 à 45 % ;
- forme importante : taux de 50 à 75 % ;
- forme sévère ou majeure : taux de 80 à 95 % ;
- taux de 100 % : réservé aux incapacités totales comme par exemple dans le cas d’un état végétatif ou d’un coma.

En l'espèce, M. [T] a sollicité le bénéfice de l'AAH en se prévalant de son état de santé.

La MDPH estime que M. [T], qui ne justifie pas d’une restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi, ne remplit pas les conditions de l’attribution de l’AAH et ne peut dès lors pas en bénéficier.

Il ressort de la décision de la CDAPH prise en sa séance du 10 décembre 2021, que « vous avez des difficultés entraînant une gêne notable dans votre vie sociale mais que votre autonomie est conservée pour les actes élémentaires de la vie quotidienne, ce qui correspond à un taux d’incapacité égal ou supérieur à 50 % et inférieur à 80 % (en application du guide-barème de l’annexe 2-4 du code de l’action sociale et des familles). Après prise en compte des conséquences et des aménagements professionnels liés à votre situation de handicap, l’évaluation de votre situation ne permet pas à la CDAPH de conclure que vous rencontrez une restriction substantielle et durable pour l’accès à l’emploi ou le maintien dans l’emploi pour une durée de travail supérieure ou égale à un mi-temps (article D821-1-2 du code de la sécurité sociale). Vous ne pouvez donc pas bénéficier de l’AAH ».

Le médecin expert désigné par le tribunal relève que « Monsieur [T] présente une maladie cardiaque grave, qui limite grandement ses capacités à l’effort, dans l’attente d’une transplantation cardiaque. En effet, il est essoufflé au moindre effort, ce qui constitue une entrave importante à sa vie sociale. Il est toutefois autonome dans les activités de la vie quotidienne […]. La limitation dans les déplacements empêche toute reprise d’activité professionnelle, même à un poste aménagé, même à temps partiel ».

Il en conclut que « Monsieur [T] présente, au regard du guide barème pour l’évaluation du taux d’incapacité figurant à l’annexe 2-4 du code de l’action sociale et des familles, un taux d’incapacité compris entre 50 et 79 %. Les conséquences du handicap sont de nature à perdurer plus d’un an et ne permettent pas l’intéressé d’avoir une quelconque activité professionnelle. Les limitations d’activité sont insusceptibles d’évolution favorable, sauf en cas de transplantation cardiaque dont l’échéance est très incertaine. On pourrait donc admettre une stabilité du handicap à l’échelle de trois ans. La station debout est pénible ».

Le tribunal observe que les conclusions de cette expertise sont claires, précises et univoques.

Il est ainsi établi que, au regard de ses troubles cardiaques, M. [T] présente un taux d'incapacité intermédiaire compris entre 50 % et 79 %, et qu'il présente par ailleurs une restriction substantielle et durable pour exercer un emploi, la MDPH n’apportant aucun élément permettant de remettre en cause l’appréciation de l’expert.
Le droit à l'AAH du requérant sera donc retenu par le tribunal.

L'expert a évoqué le fait que les limitations d'activité sont insusceptibles d’évolution favorable, sauf en cas de transplantation cardiaque dont l'échéance est très incertaine, et qu'une stabilité du handicap peut être admise à l'échelle de trois ans.

En conséquence, il conviendra de fixer l'attribution de l'allocation adulte handicapée pour une durée de 3 ans, et ce à compter du 1er août 2022, soit le premier jour du mois suivant celui du dépôt de la demande initiale.

Sur les demandes accessoires

En application de l'article 696 du code de procédure civile, il conviendra de condamner la MDPH des Hauts-de-Seine aux dépens de l'instance, dès lors qu’elle succombe.

Il sera par ailleurs rappelé que les frais de l'expertise ont été mis à la charge de la caisse nationale d'assurance maladie.

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL, statuant par décision contradictoire, rendu en premier ressort et par mise à disposition au greffe,

DÉCLARE qu'à la date du 12 juillet 2022, l'état de M. [V] [T] justifiait l'attribution de l'allocation aux adultes handicapés, en vertu des dispositions de l'article L821-2 du code de la sécurité sociale ;

DÉCLARE en conséquence, que M. [V] [T] a droit à l'allocation aux adultes handicapés à compter du 1er août 2022 et jusqu'au 31 juillet 2025, sous réserve de la réunion des conditions administratives ;

RAPPELLE que les frais d'expertise ont été mis à la charge de la caisse nationale d'assurance maladie en application de l'article L142-11 du code de la sécurité sociale ;

DÉBOUTE les parties de toutes demandes plus amples ou contraires ;

CONDAMNE la MDPH des Hauts-de-Seine aux dépens.

Et le présent jugement est signé par Matthieu DANGLA, Vice-Président et par Gaëlle PUTHIER, Greffière, présents lors du prononcé.

LA GREFFIERE, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Nanterre
Formation : Ctx protection sociale
Numéro d'arrêt : 23/01638
Date de la décision : 20/08/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 29/08/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-08-20;23.01638 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award