TRIBUNAL JUDICIAIRE DE NANTERRE
JURIDICTION DE L'EXPROPRIATION DES HAUTS DE SEINE
RÉOUVERTURE DES DÉBATS
N° F.I. : N° RG 23/00006 - N° Portalis DB3R-W-B7H-YGIF
Minute N° :
Date : 08 Août 2024
OPERATION : Exercice du droit de délaissement sur la commune de [Localité 7]
ENTRE :
S.C.I. LE CEDRE
[Adresse 5]
[Localité 6]
représentée par Maître Bruno TURBE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0237
et
COMMUNE DE [Localité 7]
[Adresse 1]
[Localité 7]
représentée par Maître Tanguy SALAÜN, avocat au barreau de PARIS
En présence de Monsieur [F] [I] et Madame [W] [U], commissaires du Gouvernement
DEBATS
A l’audience du 10 Juin 2024, tenue publiquement.
JUGEMENT
Par décision publique, non susceptible d’appel, Contradictoire et mise à disposition au greffe du tribunal conformément à l’avis donné à l’issue des débats.
COMPOSITION
La Présidente : Maëlle POUTCHNINE
Le Greffier : Etienne PODGORSKI
FAITS ET PROCEDURE :
La société Le Cèdre est propriétaire d’un bien immobilier situé au [Adresse 2] et [Adresse 4] à [Localité 7], sur la parcelle cadastrée AO n°[Cadastre 3].
Par lettre recommandée avec accusé de réception datée du 19 juillet 2021, se prévalant de son droit de son délaissement au motif que son bien immobilier était compris dans la [Adresse 8], la société Le Cèdre a mis en demeure la Commune de [Localité 7] d’acquérir ledit bien au prix de 2 200 000 euros hors frais de remploi.
Par un courrier du 13 juin 2022, la Commune de [Localité 7] a noté que, par ce courrier du 19 juillet 2021, la société Le Cèdre avait “mis en oeuvre la procédure de droit de délaissement conformément à l’article L311-2 du code de l’urbanisme”. Elle a fait valoir auprès de la société Le Cèdre que la [Adresse 8] incluant son bien était à vocation économique et n’impliquait pas d’expropriation systématique des locaux, concluant qu’il n’y avait pas lieu de poursuivre la procédure de droit de délaissement.
En l’absence d’accord, par mémoire réceptionné au greffe le 6 février 2023 dirigé à l’encontre de la Commune de [Localité 7], la société Le Cèdre a saisi la présente juridiction afin que soit fixée à la somme 3 084 212 euros “l’indemnité” devant lui revenir pour la dépossession de la parcelle cadastrée section AO n°[Cadastre 3] lui appartenant.
L’ordonnance fixant date du transport et de l’audience a été rendue le 13 septembre 2023.
Les conclusions du commissaire du gouvernement ont été réceptionnées le 30 octobre 2023.
Le transport est intervenu le 8 novembre 2023.
L’affaire a fait l’objet de renvois à la demande des parties puis a été retenue à l’audience du 10 juin 2024. Le juge de l’expropriation a mis dans les débats la difficulté quant aux demandes formées dans le dernier mémoire de la société Le Cèdre sur le fondement de l’article L311-2 du code de l’urbanisme, en autorisant les parties à présenter une note en délibéré sur ce point.
Aux termes de son mémoire dit récapitulatif réceptionné au greffe le 29 décembre 2023 auquel elle se rapporte, la société Le Cèdre demande au juge de l’expropriation de, au visa de l’article L321-1 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique et de l’article L311-2 du code de l’urbanisme, de :
- juger recevable sa demande de délaissement,
- fixer l’indemnité lui revenant pour la dépossession de la parcelle AO n°[Cadastre 3] et de l’ensemble immobilier lui appartenant à la somme de 3 084 212 euros,
- débouter la Commune de [Localité 7] de toutes ses demandes, fins et prétentions,
- condamner la Commune de [Localité 7] au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
Aux termes de ses “conclusions” dites récapitulatives réceptionnées par le greffe le 11 mars 2024, la Commune de [Localité 7] demande au juge :
À titre principal :
- déclarer irrecevable la société Le Cèdre en l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
En conséquence,
- l’en débouter,
À titre subsidiaire :
- fixer la valeur du bien dont s’agit à la somme totale de 994 459,20 euros en valeur libre toutes causes de préjudices confondues,
- condamner la société Le Cèdre à lui verser une somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Aux termes de ses conclusions avant transport réceptionnées au greffe le 30 octobre 2023, le commissaire au gouvernement conclut à une indemnité de dépossession totale de 2 311 000 euros décomposée comme suit :
- indemnité principale : 2 100 063,84 euros
- indemnité de remploi : 211 000 euros.
Pour un plus ample exposé des faits et des moyens des parties, il est renvoyé aux mémoires et aux conclusions précités.
L 'affaire a été mise en délibéré au 8 août 2024, par mise à disposition au greffe.
Par note en délibéré réceptionnée le 14 juin 2024, la société Le Cèdre a indiqué que la recevabilité de la demande de délaissement implique que la juridiction prononce le transfert de propriété au profit de la commune de [Localité 7] conformément aux dispositions de l’article L230-3 du code de l’urbanisme et modifié en conséquence ses demandes.
Par note en délibéré réceptionnée le 1er juillet 2024, la Commune de [Localité 7] a relevé que la société Le Cèdre formait en réalité une demande de nouvelle de transfert de propriété ne figurant pas dans ses mémoires à laquelle elle s’opposait, contestant au demeurant l’applicabilité de l’article L230-3 du code de l’urbanisme et considérant que le droit de délaissement de la société Le Cèdre relève de celui applicable aux terrains situés dans le périmètre d’une ZAD.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Aux termes de l’article 444 du code de procédure civile, le président peut ordonner la réouverture des débats. Il doit le faire chaque fois que les parties n’ont pas été à même de s’expliquer contradictoirement sur les éclaircissements de droit ou de fait qui leur avaient été demandés.
En application de l’article L.311-2 du code de l’urbanisme, à compter de la publication de l'acte créant une zone d'aménagement concerté, les propriétaires des terrains compris dans cette zone peuvent mettre en demeure la collectivité publique ou l'établissement public qui a pris l'initiative de la création de la zone de procéder à l'acquisition de leur terrain, dans les conditions et délais prévus à l'article L. 230-1.
En application de l’article L.230-3 du code de l’urbanisme applicable en matière de droits de délaissement, la collectivité ou le service public qui fait l'objet de la mise en demeure doit se prononcer dans le délai d'un an à compter de la réception en mairie de la demande du propriétaire.
En cas d'accord amiable, le prix d'acquisition doit être payé au plus tard deux ans à compter de la réception en mairie de cette demande.
A défaut d'accord amiable à l'expiration du délai d'un an mentionné au premier alinéa, le juge de l'expropriation, saisi soit par le propriétaire, soit par la collectivité ou le service public qui a fait l'objet de la mise en demeure, prononce le transfert de propriété et fixe le prix de l'immeuble. Ce prix, y compris l'indemnité de réemploi, est fixé et payé comme en matière d'expropriation, sans qu'il soit tenu compte des dispositions qui ont justifié le droit de délaissement.
En l’espèce, sans préjuger du fond de l’affaire, la société Le Cèdre se prévaut d’un droit de délaissement et particulièrement de l’article L. 230-3 du code de l’urbanisme lequel dispose que le juge de l’expropriation “prononce le transfert de propriété et fixe le prix de l'immeuble”.
Or, la société Le Cèdre a formé sa demande de transfert de propriété par le biais d’une note en délibéré, transfert de propriété contesté par la Commune de [Localité 7].
Il convient donc d’ordonner la réouverture des débats afin de faire régulariser la procédure et que les demandes de la société Le Cèdre soient présentées par mémoire.
Par ailleurs, aucune des parties n’a communiqué la délibération du conseil municipal de [Localité 7] en date du 14 décembre 2016 créant la [Adresse 8]. Il est donc fait injonction aux deux parties de la produire.
PAR CES MOTIFS,
Le juge de l’expropriation, statuant par jugement contradictoire, non susceptible d’appel,
ORDONNE la réouverture des débats afin de permettre à la société Le Cèdre de régulariser ses demandes par mémoire et de permettre à la Commune de [Localité 7] et au commissaire du gouvernement d’y répondre,
FAIT injonction aux parties de produire la délibération du conseil municipal de [Localité 7] en date du 14 décembre 2016 créant la [Adresse 8],
RENVOIE l'examen de l'affaire à l'audience du lundi 16 septembre 2024 à 9h30 -salle A- extension du tribunal judiciaire de Nanterre,
DIT que la présente décision vaut convocation à l’audience,
RÉSERVE les demandes.
Fait à Nanterre, le 08 août 2024
LE GREFFIER LE JUGE DE L’EXPROPRIATION