TRIBUNAL JUDICIAIRE DE NANTERRE
RÉFÉRÉS
ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ RENDUE LE 16 JUILLET 2024
N° RG 24/01051 - N° Portalis DB3R-W-B7I-ZNXB
N° :
Monsieur [T] [B],
Madame [Z] [B],
Madame [P] [B],
Madame [D] [B]
c/
Société FORCE 4 - prise en la personne de sa gérante Madame [G] [U] -,
Société AUTOMATE, Prise en la personne de son président Monsieur [O] [C] -,
Société INFRAROUGE - Prise en la personne de son gérant Monsieur [N] [V] -,
S.A.S. INNOPIA TECHNOLOGIES EUROPE -prise en la personne de son président Monsieur [H] [M] -,
S.A.S. GAJUNA - Prise en la personne du son président [A] [I] -
DEMANDEURS
Monsieur [T] [B]
1 rue Maître Jacques
92100 BOULOGNE- BILLANCOURT
Madame [Z] [B]
16 rue Erlanger
75016 PARIS
Madame [P] [B]
8 avenue Constant Coquelin
75007 PARIS
Madame [D] [B]
84 RUE DU CHATEAU
92100 BOULOGNE- BILLANCOURT
Tous représentés par Maître Fabrice GUILLOUX, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C2613
DEFENDERESSES
Société FORCE 4 - prise en la personne de sa gérante Madame [G] [U] -
41 avenue du Général Leclerc
92100 BOULOGNE- BILLANCOURT
représentée par Maître Mathieu NICOLAS de l’ASSOCIATION AARPI NICOLAS DENIZOT TRAUTMANN ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0119
Société AUTOMATE, Prise en la personne de son président Monsieur [O] [C] -
8 bis rue du CERF
92190 MEUDON
représentée par Maître Rachel ELBAZ-GRAUZAM de l’AARPI GRAUZAM - ELBAZ - SAMAMA, avocate au barreau de PARIS, vestiaire : L0223,
Société INFRAROUGE - Prise en la personne de son gérant Monsieur [N] [V] -
41 avenue du Général Leclerc,
92100 BOULOGNE- BILLANCOURT
non comparante
S.A.S. INNOPIA TECHNOLOGIES EUROPE -prise en la personne de son président Monsieur [H] [M] -
41 avenue du Général Leclerc
92100 BOULOGNE BILLANCOURT
représentée par Maître Marc-david SELETZKY de l’AARPI AMBRE ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0070
S.A.S. GAJUNA - Prise en la personne du son président [A] [I] -
8 rue de Vindé
78170 LA-CELLE-SAINT-CLOUD
représentée par Maître Alexandre BOUTEAU de la SELEURL ALEXANDRE BOUTEAU, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C0801
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président : François PRADIER, 1er Vice-président, tenant l’audience des référés par délégation du Président du Tribunal,
Greffière : Divine KAYOULOUD ROSE, Greffière,
Statuant publiquement en premier ressort par ordonnance réputée contradictoire mise à disposition au greffe du tribunal, conformément à l’avis donné à l’issue des débats.
Nous, Président , après avoir entendu les parties présentes ou leurs conseils, à l’audience du 04 juin 2024, avons mis l'affaire en délibéré à ce jour.
EXPOSÉ DU LITIGE
Monsieur [T] [B] est l’usufruitier d’un bien immobilier sis 41 avenue du Général Leclerc à Boulogne-Billancourt (92), ses filles, Mesdames [Z] [B], [P] [B] et [D] [B] en sont les nu-propriétaires.
Ce bien a fait l’objet d’un bail commercial consenti à la société L’AGENCE 41, laquelle a été placée en liquidation judiciaire le 19 novembre 2023 par le tribunal de commerce de Nanterre.
Par courriers en date des 8 et 16 janvier 2024, le mandataire liquidateur désigné par le tribunal de commerce portait à la connaissance de Monsieur [T] [B] le fait qu’il résiliait le bail commercial bénéficiant à la société L’AGENCE 41, en ajoutant par ailleurs que des contrats de mise à disposition de bureaux avaient été conclus par cette dernière avec plusieurs autres sociétés, à savoir les SARL FORCE 4, SAS AUTOMATE, SARL INFRAROUGE, SAS INNOPIA TECHNOLOGIES EUROPE et SAS GAJUNA qu’il indiquait également résilier.
Des pourparlers se sont ensuite instaurés entre les propriétaires du bien et les sociétés SARL FORCE 4, SAS AUTOMATE, SARL INFRAROUGE, SAS INNOPIA TECHNOLOGIES EUROPE et SAS GAJUNA aux fins de conclure un bail dérogatoire, leur permettant d’occuper les lieux pour leurs activités.
Ces pourparlers n’ayant pas abouti, Monsieur [T] [B], Madame [Z] [B], Madame [P] [B] et Madame [D] [B] ont, par actes séparés en date des 19, 22 et 23 avril 2024 assigné la société SARL FORCE 4, la société SAS AUTOMATE, la société SARL INFRAROUGE, la société SAS INNOPIA TECHNOLOGIES EUROPE et la société SAS GAJUNA devant le Juge des référés auprès du Tribunal judiciaire de Nanterre, aux fins de voir :
• Prononcer que les sociétés susvisées sont occupantes sans droit ni titre des locaux sis 41 avenue du Général Leclerc à Boulogne-Billancourt 92100,
• Ordonner la restitution des lieux sous astreinte de 500€ par jour et par société occupante, passé un délai de 15 jours suivant la signification de l’ordonnance à intervenir,
• Ordonner l’expulsion avec le concours en tant que de besoin de la force publique et d’un serrurier des sociétés SARL FORCE 4, SAS AUTOMATE, SARL INFRAROUGE, SAS INNOPIA TECHNOLOGIES EUROPE et SAS GAJUNA,
• Prononcer en cas de besoin que les meubles se trouvant sur les lieux seront remis aux frais de la société expulsée, dans un lieu désigné par elle et qu’à défaut, ils seront laissés sur place ou entreposés en un autre lieu approprié et décrits avec précision par l’huissier chargé de l’exécution, avec sommation à la société expulsée d’avoir à les retirer dans un délai d’un mois non renouvelable à compter de la signification de l’acte, à l’expiration duquel il sera procédé à leur mise en vente aux enchères publiques, sur autorisation du juge de l’exécution, ce conformément à ce que prévoient les articles L433-1 et suivants et R433-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution,
• Condamner in solidum les sociétés SARL FORCE 4, SAS AUTOMATE, SARL INFRAROUGE, SAS INNOPIA TECHNOLOGIES EUROPE et SAS GAJUNA à payer, à titre provisionnel, à Monsieur [T] [B] en sa qualité d’usufruitier, une indemnité d’occupation mensuelle de la somme de 13.146,66€ à compter du 8 janvier 2024, jusqu’à la libération effective des lieux et de leur restitution vide de toute occupation personnelle et matérielle,
• Condamner in solidum les sociétés SARL FORCE 4, SAS AUTOMATE, SARL INFRAROUGE, SAS INNOPIA TECHNOLOGIES EUROPE et SAS GAJUNA à payer à titre provisionnel à Monsieur [T] [B], Madame [Z] [B], Madame [P] et Madame [D] [B] l’ensemble des frais d’huissier engagés de 323,90€ pour la délivrance des sommations d’avoir à quitter les lieux,
• Condamner in solidum les sociétés SARL FORCE 4, SAS AUTOMATE, SARL INFRAROUGE, SAS INNOPIA TECHNOLOGIES EUROPE et SAS GAJUNA à payer à Monsieur [T] [B], Madame [Z] [B], Madame [P] [B] et Madame [D] [B] la somme de 4.000€ au titre de l’article 700 du CPC,
• Condamner in solidum les sociétés susvisées aux entiers dépens de l’instance et ses suites
• Subsidiairement, pour l’hypothèse où les condamnations ne sont pas prononcées in solidum, condamner les Sociétés susvisées dans les proportions suivantes :
- 40,17% du montant de l’indemnité pour la Société FORCE 4,
- 34,82% du montant de l’indemnité pour la Société AUTOMATE,
- 6.01% du montant de l’indemnité pour la Société GANUJA,
- 11,61% du montant de l’indemnité pour la Société INFRAROUGE,
- 7,39% du montant de l’indemnité pour la Société INNOPIA,
L’affaire étant venue à l’audience du 27 mai 2024, elle a été mise en délibéré au 3 juin 2024.
En cours de délibéré, l’affaire a fait l’objet d’une réouverture des débats le 4 juin 2024 en raison d’un conflit d’intérêts entre la Présidente et l’un des avocats des défendeurs.
A l’audience du 4 juin 2024, la société FORCE 4 a soulevé in liminé litis la nullité de l’assignation indiquant que contrairement aux prescriptions de l’article 54 du code de procédure civile, l’assignation n’a pas précisé la profession, la nationalité, la date et lieu de naissance des demandeurs, étant précisé que Mesdames [B] sont les Présidentes et Directrices Générales de la société TOPY fondée par la famille [B] au début du 20ème siècle ; que pour pouvoir assigner d’heure à heure, elles se sont fondées sur les difficultés financières dans lesquelles se trouvaient Monsieur [T] [B] du fait de l’absence de paiement des loyers et que c’est sur cette situation financière compromise qu’ils ont été autorisés à assigner d’heure à heure ; qu’en taisant volontairement leurs situations professionnelles, les consorts [B] ont volontairement présenté les faits de manière tronquée et déloyale, la situation semblant ainsi moins urgente qu’elles ne l’ont indiquées ; que ce faisant, ils ont privé les défenderesses du délai normal pour assurer leur défense.
Les consorts [B] concluent oralement au rejet de l’exception de procédure, indiquant que l’assignation comporte toutes les mentions prescrites par l’article 54 du code de procédure civile et que le fait que la profession de chacun des demandeurs ne soit pas mentionnée ne fait nullement grief aux parties défenderesses.
Les autres sociétés autres que FORCE 4 n’ont pas entendu formuler des observations à ce titre.
Monsieur [T] [B], Madame [Z] [B], Madame [P] [B] et Madame [D] [B] ont maintenu l’ensemble de leurs demandes, exposant que les locaux, objet du bail commercial, ont été sous-loués par le preneur aux sociétés défenderesses sans que l’autorisation du bailleur en soit sollicitée ; qu’il en résulte que les sociétés SARL FORCE 4, SAS AUTOMATE, SARL INFRAROUGE, SAS INNOPIA TECHNOLOGIES EUROPE et SAS GAJUNA sont occupantes sans droit ni titre ; que le maintien dans un immeuble, sans droit ni titre, constitue un trouble manifestement illicite et que les requérants sont fondés à en demander la cessation devant le juge des référés sur le fondement de l’article 835 alinéa 1er du code de procédure civile ; qu’ils sont également légitimes à solliciter le paiement d’une indemnité d’occupation jusqu’au départ effectif des défenderesses, dont le montant doit correspondre au loyer qui avait été prévu dans le projet de bail dérogatoire négocié avec la société FORCE 4, tant en son nom qu’en celui des quatre autres sociétés.
La société SARL FORCE 4 indique qu’elle ne conteste pas que depuis la résiliation par le liquidateur du bail principal, le sous locataire est devenu un occupant sans droit ni titre et se trouve débiteur d’une indemnité d’occupation ; qu’à ce titre, elle s’estime redevable de la somme de 24.000 € HT pour la période du 9 janvier au 10 juillet 2024, date à laquelle elle a projetée son départ ; qu’elle demande de se libérer de sa dette par six versements mensuels de 4000 € à compter de l’ordonnance de référé à intervenir.
Elle conclut au rejet de la condamnation solidaire au titre des indemnités d’occupation, précisant qu’elle a recherché pour elle même une solution amiable et qu’aucun des autres occupants ne lui avait donné procuration ; qu’il s’agit de sociétés distinctes, avec des activités différentes, chacune dans une partie des locaux qui sont manifestement physiquement divisibles et divisés.
La société GAJUNA fait observer qu’elle a libéré les lieux le 6 avril 2024, remettant les clés le 27 mai 2024 des locaux mis à sa disposition, de sorte que la demande d’expulsion à son égard est sans objet ; qu’elle se reconnaît débitrice d’une indemnité d’occupation du 18 janvier au 6 avril 2024 pour un montant de 1833,55 € HT, soit 2200,26 € TTC ; qu’il ne peut y avoir aucune solidarité entre les différentes sociétés locataires dans la mesure où la solidarité ne se présume pas et qu’aucune clause de solidarité n’existe entre les parties.
La société SAS INNOPIA TECHNOLOGIES EUROPE fait valoir qu’il existe une contestation sérieuse relative à la demande d’expulsion dans la mesure où celle-ci est devenue sans objet, suite à son départ des lieux le 27 mars 2024, date à laquelle elle a remis les clés du local à l’AGENCE 41 ; qu’elle conteste le principe et le quantum de la demande de provision, alors qu’il n’existe aucun engagement solidaire entre elle-même et la société l’AGENCE 41, ni envers les autres sous-locataires ; qu’en outre, en vertu de son contrat de sous-location, elle ne payait qu’un loyer de 800 € HT et HC au mois de décembre 2023 ; que sur cette base, elle n’est redevable que de la somme de 2264,93 € pour la période entre le 8 janvier et le 27 mars 2024.
A titre subsidiaire, elle indique qu’elle a récupéré les clés de l’ancien gérant de la société l’AGENCE 41 pour les remettre au conseil des requérants le 17 mai 2024, de sorte qu’elle pourrait être redevable de la somme de 3727,10 €.
La société AUTOMATE précise qu’elle s’engage à quitter les lieux au plus tard le 30 juin 2024 ; que les consorts [B] n’ont pas produit le contrat de bail commercial qui les liait à la société L’AGENCE 41, de sorte que le montant du loyer que celle-ci devait régler au bailleur demeure inconnu ; que la solidarité ne se présume pas et qu’il n’existe aucune clause de solidarité entre les différentes sociétés locataires ; que si une indemnité d’occupation devait être prononcée, elle devrait partir à compter du 1er février jusqu’au 24 mai 2024, étant précisé qu’elle a réglé à l’AGENCE 41, le montant du loyer pour le mois de janvier 2024, en début de mois.
La société SARL INFRAROUGE, assignée en étude, n’a pas constitué avocat.
La présente ordonnance susceptible d’appel sera rendue par décision réputée contradictoire.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Aux termes de l’article 472 du code de procédure civile, si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée.
Sur la nullité de l’assignation
Aux termes de l’article 54 du code de procédure, la demande formée par assignation doit, à peine de nullité, mentionner notamment, pour les personnes physiques, les nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance de chacun des demandeurs.
En l’espèce, la lecture de l’assignation signifiée aux parties défenderesses fait ressortir que si les nom, prénoms et domicile de chacun des consorts [B] est mentionné, ne figurent pas leur profession, leur nationalité, leur date et lieu de naissance.
Toutefois, s'agissant d'une nullité de forme, il appartient à celui qui l'invoque de rapporter la preuve de l'existence d'un grief que lui causerait cette irrégularité, conformément aux dispositions de l'article 114 alinéa 2 du code de procédure civile.
En premier lieu, au vu de la présentation de la société TOPY comportant notamment le montant de son chiffre d’affaires en 2015 à hauteur de 9.437.400,00 €, la société SARL FORCE 4 ne démontre pas que la non-connaissance de la profession de Mesdames [B] en qualité de présidentes et directrices générales de cette société aurait modifié la position du Président du tribunal judiciaire de Nanterre ayant autorisé à assigner par référé d’heure à heure, alors qu’il n’est pas contesté que les loyers émanant du bien immobilier en question servent à faire face aux coûts induits par la dépendance de Monsieur [T] [B] nécessitant de disposer à domicile d’une auxiliaire de vie de manière continue dont les factures produites mentionnent un montant avoisinant les 13.000 € par mois, étant précisé en outre que les revenus bruts de Monsieur [B] s’élevaient dernièrement à la somme annuelle de 108.330 €, ainsi que cela résulte d’une attestation en date du 8 avril 2024 émanant de l’expert comptable en charge de l’établissement de sa déclaration d’impôt sur le revenu..
Mais surtout, l’assignation ayant été signifiée le 19 avril 2024 pour le 27 mai 2024, soit six semaines et trois jours, la société FORCE 4 disposait d’un délai suffisant pour assurer la défense de ses intérêts, ce qu’au demeurant, elle est parvenue de faire en transmettant notamment des conclusions écrites aux termes desquelles elle a fait valoir ses arguments sur les prétentions des requérants.
En second lieu, on perçoit difficilement le grief invoqué par elle selon lequel, dans l’hypothèse où elle aurait été assignée ultérieurement, elle aurait pu se présenter à l’audience comme ayant libéré les lieux plutôt qu’en tant qu’occupant sans droit ni titre, alors qu’elle ne conteste pas qu’elle occupe effectivement les lieux de manière illicite depuis le 9 janvier 2024.
Au vu de ces observations, il convient de rejeter l’exception de nullité de l’assignation délivrée par les consorts [B].
Sur la mesure d’expulsion
Aux termes de l'article 835 alinéa 1er du code de procédure civile, le juge des référés peut, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
L'article 544 du code civil dispose que la propriété est le droit de jouir et de disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on en fasse pas un usage prohibé.
Suivant l’article 545 dudit code, nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n’est pour cause d’utilité publique, et moyennant une juste et préalable indemnité.
L’article L145-31 du code de commerce dispose que sauf stipulation contraire au bail ou accord du bailleur, toute sous-location totale ou partielle est interdite.
En cas de sous-location autorisée, le propriétaire est appelé à concourir à l’acte.
En l’espèce, il est constant que la société L’AGENCE 41, preneur du bail consenti par Monsieur [T] [B], a conclu avec d’autres sociétés plusieurs contrats de mise à disposition de bureaux d’une durée d’un an renouvelable au sein des locaux loués, à savoir :
- un acte sous seing privé en date du 1er mars 2020, passé avec la société INFRAROUGE, portant sur une surface totale de 70 m² répartie en 50 m² de bureaux et 20m² de partie commune proratisée, pour un loyer de 1700 € HT/HC par mois,
- un acte sous seing privé en date du 19 octobre 2021, passé avec la société INNOPIA TECHNOLOGIES EUROPE, portant sur une surface totale de 25 m² répartie en 20 m² de bureaux et 5m² de partie commune proratisée, pour un loyer de 800 € HT/HC par mois,
- un acte sous seing privé en date du 10 janvier 2022, passé avec la société FORCE 4, portant sur une surface totale de 200 m² répartie en 150 m² de bureaux et 50m² de partie commune proratisée, pour un loyer de 4500 € HT/HC par mois,
- un acte sous seing privé en date du 1er juillet 2023, passé avec la société AUTOMAT, portant sur une surface totale de 148 m² répartie en 111 m² de bureaux et 37m² de partie commune proratisée, pour un loyer de 4050 € HT/HC par mois,
- un acte sous seing privé en date du 28 octobre 2023, passé avec la société GAJUNA, portant sur une surface totale de 35 m² répartie en 20 m² de bureaux et 15m² de partie commune proratisée, pour un loyer de 700 € HT/HC par mois,
En l’occurrence, à l’exception du contrat de sous-location passé avec la société INFRAROUGE, ces actes comportent une disposition préliminaire énonçant que le contrat de bail passé entre Monsieur [T] [B] et la société L’AGENCE 41 autorisait par son article 13 le preneur à sous-louer une partie des locaux, sans que le propriétaire puisse s’y opposer.
Néanmoins, si effectivement les demandeurs ne produisent pas le bail commercial permettant de vérifier l’existence d’une telle autorisation accordée par le bailleur, il ne s’évince pas de ces actes que le propriétaire de l’immeuble ait été appelé à concourir à chacun des contrats de sous-location précités. Les défendeurs ne démontrent pas non plus que ce dernier y aurait renoncé de manière claire et non équivoque.
Dès lors, à défaut d’avoir respecté cette seule condition, les sous-locations accordées par la société L’AGENCE 41 aux sociétés concernées ne sont pas régulières et donc non opposables aux demandeurs.
Le bail ayant été résilié le 8 janvier 2024 par le mandataire liquidateur de la société L’AGENCE 41, placée sous le régime de la liquidation judiciaire, suivant un courrier de celui-ci produit aux débats, les sociétés défenderesses sont devenues occupantes sans droit ni titre à compter du 9 janvier 2024, en ce compris la société GAJUNA dont la résiliation du contrat de sous-location est intervenue ultérieurement, du fait de l’inopposabilité de cet acte à l’égard des demandeurs.
L'occupation d'un immeuble sans droit ni titre constituant une atteinte au droit de propriété défini aux articles précités, le propriétaire est autorisé à demander l'expulsion des occupants, laquelle est la seule mesure de nature à permettre à celui-ci de recouvrer la plénitude de son droit sur le bien occupé illicitement.
Cependant, il convient de relever que la société INNOPIA TECHNOLOGIES EUROPE a restitué les clés des locaux qu’elle avait en sa possession le 23 mai 2024, ainsi que cela résulte d’un courriel de l’avocat des requérants attestant de leur remise.
D’autre part, il a été constaté que la société GAJUNA avait elle-même remis ses clés au même avocat devant le Président du tribunal judiciaire statuant en référé, lors de l’audience qui s’était tenue le 27 mai 2024.
La remise des clés aux propriétaires présume ainsi de leur départ des lieux, les requérants ne fournissant aucun élément démontrant qu’elles s’y seraient toujours maintenues.
En revanche, la remise des clés opérée antérieurement tant par la société GAJUNA que par la société INNOPIA TECHNOLOGIES EUROPE auprès de l’ancien gérant de la société L’AGENCE 41, alors que celle-ci ne disposait plus d’aucun droit sur l’immeuble depuis la résiliation du bail intervenue le 8 janvier 2024, ne pouvait matérialiser la fin de l’occupation illicite des lieux par celles-ci, étant précisé que manifestement elles n’ont jamais été remises ensuite par l’ancien preneur du bail aux propriétaires de l’immeuble.
Dans ces conditions, la demande d’expulsion des sociétés INNOPIA TECHNOLOGIES EUROPE et GAJUNA est devenue sans objet.
En revanche, il convient d’ordonner l’expulsion des sociétés SARL FORCE 4, SAS AUTOMATE, et SARL INFRAROUGE à compter de la présente ordonnance, au besoin avec le concours de la force publique et d’un serrurier.
L'expulsion des occupants étant autorisée, il ne paraît pas nécessaire d'ordonner une astreinte en vue de les contraindre à quitter les lieux.
En ce qui concerne le sort des meubles, il sera procédé selon les dispositions des articles L433-1 et L433-2 du code des procédures civiles d’exécution.
Sur la demande en paiement d’une indemnité d’occupation à titre provisionnel
Suivant l’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, le juge des référés peut accorder une provision au créancier, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable.
L'occupation sans droit ni titre donne lieu en faveur du propriétaire au paiement d'une indemnité en réparation du préjudice qu'il subit, correspondant à la valeur locative des lieux et au dommage résultant de la privation de disposer de son bien.
Le montant de la provision allouée en référé n’a d’autre limite que le montant non sérieusement contestable de la dette alléguée. Le juge des référés fixe discrétionnairement à l’intérieur de cette limite la somme qu’il convient d’allouer au requérant, étant observé par ailleurs que dans le cas présent, il n’a pas le pouvoir de déterminer la valeur locative d’un bien donné.
En matière de bail, son montant doit être au moins équivalent à la perte de revenus résultant des loyers perçus en exécution du contrat de location.
Sur la fixation du montant de cette provision
Les consorts [B] demandent que ce montant soit fixé sur la base de 140.000 € annuel en se référant aux pourparlers qu’ils prétendent avoir mené avec les défenderesses en prévision de la signature d’un bail dérogatoire.
Néanmoins, s’il s’évince d’un mail en date du 24 février 2024 que la société FORCE IV aurait donné son accord sur ce montant, il n’est produit aucun élément démontrant que cette dernière avait reçu mandat des autres sociétés occupantes des lieux, de sorte que le projet de bail dérogatoire ne saurait servir de base à la fixation de ce montant.
D’autre part, si les requérants ne produisent pas le contrat de bail permettant ainsi de connaître son prix dont le montant aurait correspondu en principe à la part non sérieusement contestable de l’indemnité d’occupation, la juridiction possède toutefois des éléments sur la valeur locative du bien, au regard des contrats de sous-location passés par L’AGENCE 41 avec chacune des sociétés défenderesses, incluant la totalité des locaux loués.
Le montant cumulé des loyers par ces dernières s’élevant à la somme de 11.750 € HT/HC par mois, c’est celui-ci qu’il conviendra de retenir s’agissant de la part non sérieusement contestable de la provision à verser au titre de l’indemnité d’occupation, auquel il y aura lieu d’ajouter les charges et taxes afférentes.
En outre, celle-ci sera exigible à compter du 9 janvier 2024, soit au lendemain de la résiliation du bail avec la société L’AGENCE 41, jusqu’au départ effectif des sociétés défenderesses.
Sur le règlement du loyer de janvier 2024 allégué par la société AUTOMATE au bénéfice de la société L’AGENCE 41
En premier lieu, le fait que la société AUTOMATE se serait acquittée auprès de la société L’AGENCE 41 du loyer correspondant au mois de janvier 2024 en vertu du contrat de sous-location passé avec cette dernière, n’a pas pour effet de la libérer du versement d’une indemnité d’occupation pour ce mois-ci vis-à-vis des propriétaires, étant observé qu’il n’est nullement établi que ce paiement aurait été perçu au final par ces derniers.
En second lieu, elle ne produit aucun élément justifiant du règlement de cette somme, charge de la preuve qui lui incombe en application de l’article 1353 alinéa 2 du code civil.
Sur la solidarité entre les parties défenderesses
Au regard des développements précédents, il est constant qu’il n’existe aucune relation contractuelle entre d’une part les consorts [B], propriétaires du bien, et d’autre part les sociétés SARL FORCE 4, SAS AUTOMATE, SARL INFRAROUGE, SAS INNOPIA TECHNOLOGIES EUROPE et SAS GAJUNA, occupantes illicites de celui-ci.
Ce sont donc les règles de la responsabilité délictuelle prévue par les articles 1240 et suivants du code civil qui doivent s’appliquer s’agissant de la solidarité entre coauteurs.
En l’occurrence, chacun des coauteurs d’un même dommage, conséquence de leurs fautes respectives, doit être condamné in solidum à la réparation de l’entier dommage, chacune des fautes ayant concouru à le causer tout entier, sans qu’il y ait lieu de tenir compte du partage de responsabilités entre les coauteurs, lequel n’affecte que les rapports réciproques de ces derniers, mais non le caractère et l’étendue de leur obligation à l’égard de la victime du dommage.
Il en découle que les sociétés défenderesses, ayant chacune occupé illicitement les lieux, ont concouru au même dommage subi par les consorts [B], consistant à les priver des prérogatives rattachées à leur droit de propriété sur leur bien.
Néanmoins, l’occupation illicite des lieux constituant une faute continue se poursuivant dans le temps, sa commission cesse au moment de la libération effective des lieux par l’occupant, de sorte que la solidarité n’a plus vocation à s’appliquer à compter de celle-ci.
Dès lors, s’agissant des sociétés SAS INNOPIA TECHNOLOGIES EUROPE et SAS GAJUNA dont il a été vu qu’elles avaient quitté les lieux respectivement les 23 et 27 mai 2024, celles-ci ne seront tenues au paiement solidaire de l’indemnité d’occupation que jusqu’à ces dates précises.
Au surplus, chaque contrat de sous-location passé avec le preneur ayant sa propre autonomie et aucune clause de solidarité n’ayant été stipulés entre les sociétés défenderesses elles-mêmes, aucune solidarité entre elles ne doit être recherchée sur cette base vis-à-vis des propriétaires des lieux.
Sur les délais de paiement sollicités par la société FORCE 4
La société FORCE 4 ne produit aucun élément comptable permettant de déduire qu’elle justifierait d’une situation financière difficile de nature à lui faire bénéficier de délais de paiement par application de l’article 1343-5 du code civil.
Il conviendra donc de rejeter sa demande sur ce chef.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
En application de l’article 696 du code de procédure civile, les sociétés SARL FORCE 4, SAS AUTOMATE, SARL INFRAROUGE, SAS INNOPIA TECHNOLOGIES EUROPE et SAS GAJUNA, ayant globalement succombé à leurs prétentions, seront condamnées in solidum aux entiers dépens, en ce compris le coût des sommations de quitter qui leur ont été délivrées.
Eu égard aux circonstances de la cause et à la position des parties, il est inéquitable de laisser à la charge de Monsieur [T] [B], Madame [Z] [B], Madame [P] [B] et Madame [D] [B] la totalité des frais exposés pour agir en justice et non compris dans les dépens, ce qui commande l'octroi de la somme de 1500 € au bénéfice de ces derniers sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Il convient de rappeler que la présente ordonnance est exécutoire par provision.
PAR CES MOTIFS,
Statuant par décision mise à disposition au greffe, réputée contradictoire et en premier ressort,
REJETONS l’exception de nullité de l’assignation soulevée par la société FORCE 4,
CONSTATONS que la société SAS INNOPIA TECHNOLOGIES EUROPE a quitté les lieux le 23 mai 2024,
CONSTATONS que la société SAS GAJUNA a quitté les lieux le 27 mai 2024,
DISONS que la demande d’expulsion vis-à-vis de ces deux personnes morales est devenue sans objet,
ORDONNONS aux sociétés SARL FORCE 4, SAS AUTOMATE et SARL INFRAROUGE de quitter les lieux sis 41 avenue du Général Leclerc à Boulogne-Billancourt (92), constitué d’un local commercial à usage de bureaux d’une superficie de 400 m² et d’un jardin,
ORDONNONS, à défaut pour elles d'avoir libéré volontairement les lieux, qu'il sera procédé à leur expulsion et à celle de tous occupants de leur chef avec si nécessaire le concours et l'assistance de la force publique,
DISONS qu'en ce qui concerne le sort des meubles, il sera procédé selon les dispositions des articles L. 433-1 et L.433-2 du code des procédures civiles d'exécution,
CONDAMNONS in solidum les sociétés SARL FORCE 4, SAS AUTOMATE et SARL INFRAROUGE à payer à Monsieur [T] [B] à titre de provision, une indemnité d'occupation d’un montant de 11.750 € par mois, augmentée des charges et taxes dûment justifiées, à compter du 9 janvier 2024 jusqu’à la date de la libération effective des lieux,
CONDAMNONS in solidum la société SAS INNOPIA TECHNOLOGIES EUROPE au paiement de cette indemnité d’occupation du 9 janvier au 23 mai 2024, augmentée des charges et taxes dues jusqu’à cette date,
CONDAMNONS in solidum la société GAJUNA au paiement de cette indemnité d’occupation du 9 janvier au 27 mai 2024, augmentée des charges et taxes dues jusqu’à cette date,
REJETONS la demande de délais de paiement formée par la société FORCE 4,
DÉBOUTONS Monsieur [T] [B], Madame [Z] [B], Madame [P] [B] et Madame [D] [B] du surplus de leurs demandes,
CONDAMNONS in solidum les sociétés SARL FORCE 4, SAS AUTOMATE, SARL INFRAROUGE SAS INNOPIA TECHNOLOGIES EUROPE et SAS GAJUNA à payer à Monsieur [T] [B], Madame [Z] [B], Madame [P] [B] et Madame [D] [B] la somme de 1500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
CONDAMNONS in solidum les sociétés SARL FORCE 4, SAS AUTOMATE, SARL INFRAROUGE, SAS INNOPIA TECHNOLOGIES EUROPE et SAS GAJUNA au paiement des entiers dépens de l'instance, en ce compris notamment le coût des sommations délivrées à ces dernières,
RAPPELONS que la présente décision est exécutoire par provision.
FAIT À NANTERRE, le 16 juillet 2024.
LA GREFFIÈRE
Divine KAYOULOUD ROSE, Greffière
LE PRÉSIDENT
François PRADIER, 1er Vice-président