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08/07/2024 | FRANCE | N°24/02598

France | France, Tribunal judiciaire de Nanterre, Jex, 08 juillet 2024, 24/02598


DOSSIER N° : N° RG 24/02598 - N° Portalis DB3R-W-B7I-ZLQH
AFFAIRE : [D] [W], [Y] [I] épouse [W] / [S] [P] épouse [L]

Minute n°

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE NANTERRE

LE JUGE DE L'EXECUTION

JUGEMENT DU 08 JUILLET 2024


COMPOSITION DU TRIBUNAL


PRESIDENT : Fanny JUNG

GREFFIER : Marie-Christine YATIM





DEMANDEURS

Monsieur [D] [W]
[Adresse 1]
[Localité 6]

comparant et assisté par Maître Marc-Alexandre PREVOST-IBI de la SCP AVOCAT ASSOCIÉ - PARTNER, BARREAU DE PARIS,,avocats au barreau de PARIS,

vestiaire : L 144

Madame [Y] [I] épouse [W]
[Adresse 1]
[Localité 6]

comparant et assistée par Maître Marc-Alexandre PREVOST-IBI de la SCP AVO...

DOSSIER N° : N° RG 24/02598 - N° Portalis DB3R-W-B7I-ZLQH
AFFAIRE : [D] [W], [Y] [I] épouse [W] / [S] [P] épouse [L]

Minute n°

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE NANTERRE

LE JUGE DE L'EXECUTION

JUGEMENT DU 08 JUILLET 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL

PRESIDENT : Fanny JUNG

GREFFIER : Marie-Christine YATIM

DEMANDEURS

Monsieur [D] [W]
[Adresse 1]
[Localité 6]

comparant et assisté par Maître Marc-Alexandre PREVOST-IBI de la SCP AVOCAT ASSOCIÉ - PARTNER, BARREAU DE PARIS,,avocats au barreau de PARIS, vestiaire : L 144

Madame [Y] [I] épouse [W]
[Adresse 1]
[Localité 6]

comparant et assistée par Maître Marc-Alexandre PREVOST-IBI de la SCP AVOCAT ASSOCIÉ - PARTNER, BARREAU DE PARIS,, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : L 144

DEFENDERESSE

Madame [S] [P] épouse [L]
[Adresse 3]
[Localité 4]

représentée par Maître Sophie BODDAERT de la SELEURL CABINET BODDAERT AVOCAT, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : C 0923

Le Tribunal après avoir entendu les parties et/ou leurs avocats en leurs conclusions à l'audience du 17 Mai 2024 a mis l'affaire en délibéré au 28 juin 2024 et indiqué que le jugement serait prorogé au 8 Juillet 2024, par mise à disposition au Greffe.

EXPOSE DU LITIGE

Par jugement contradictoire du 30 mai 2023, assorti de l’exécution provisoire, le tribunal de proximité d’ASNIERES SUR SEINE a notamment :
- déclaré valide le congé signifié à Monsieur [D] [W] le 12 juillet 2019 à effet du 17 janvier 2020 et l’a déclaré opposable à Madame [Y] [W] ;
- constaté la résiliation du bail du 18 janvier 2005 et l’occupation sans droit ni titre par Monsieur [D] [W] et Madame [Y] [W] du logement sis [Adresse 1] à [Localité 7], depuis le 18 janvier 2020 ;
- ordonné l’expulsion de Monsieur [D] [W] et Madame [Y] [W], et de tous occupants de leur chef, au besoin avec le concours de la force publique, passé un délai de deux mois, suivant la signification du commandement d’avoir à quitter les lieux, conformément aux dispositions des articles L.412-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution ;
- condamné Monsieur [D] [W] et Madame [Y] [W] à payer à Monsieur [K] [L] et Madame [S] [P] épouse [L] la somme mensuelle de 827.32 euros à titre d’indemnité d’occupation à compter du 18 janvier 2020 et jusqu’à la libération effective des lieux ;
- constaté qu’à la date du 21 février 2023 Monsieur [D] [W] et Madame [Y] [W] ne sont débiteurs d’aucune somme au titre de l’occupation du logement ;
- débouté Monsieur [K] [L] et Madame [S] [P] épouse [L] de leur demande de dommages et intérêts ;
- débouté Monsieur [D] [W] et Madame [Y] [W] de leur demande subsidiaire de délais.

Le 4 octobre 2023, Monsieur et Madame [L] ont fait signifier le jugement à Monsieur et Madame [W].

Par acte de commissaire de justice en date du 9 janvier 2024, au visa de ce jugement, Monsieur et Madame [L] ont fait délivrer à Monsieur et Madame [W] un commandement de quitter les lieux.

Monsieur [K] [L] est décédé le 16 février 2024.

Par requête enregistrée au greffe le 25 mars 2024, Monsieur et Madame [W] ont saisi le juge de l’exécution afin de se voir accorder un délai pour quitter les lieux qu’ils occupent avec leurs enfants, situés [Adresse 1] à [Localité 7].

L’affaire a été retenue à l’audience du 17 mai 2024 lors de laquelle les parties ont été entendues, Monsieur et Madame [W] ayant comparu en personne assistés de leur avocat et Madame [S] [L] étant représentée par son avocat.

A l’audience, Monsieur et Madame [W], comparant et assistés de leur avocat ont soutenu oralement les demandes figurant à leur requête, sollicitant un délai de 12 mois pour quitter les lieux et de réserver les frais et dépens.

A l’appui de leur demande, Monsieur et Madame [W] font principalement valoir qu’ils vivent dans ce logement avec leurs deux enfants mineurs. Ils indiquent ne pas avoir de dette locative et régler régulièrement l’indemnité d’occupation mise à leur charge d’un montant de 846 euros par mois. Ils indiquent avoir multiplié les recherches de relogement dans le parc social, et ont été reconnus prioritaires au titre du droit au logement opposable. Ils exposent avoir sollicité les mairies de [Localité 7], [Localité 8], [Localité 12], des [Localité 5] et [Localité 2], [Localité 11], et contacté les préfectures de PARIS et des HAUTS DE SEINE, ainsi que différentes personnalités afin de faire évoluer leur situation. Ils exposent s’être également rapprochés de la DRIHL 92, de l’ADIL, d’une assistante sociale, d’une psychologue scolaire, des groupes de l’école, du secours populaire, du secours catholique et de bailleurs. Ils précisent que toutes ces démarches sont restées infructueuses pour le moment. Ils précisent avoir visité un logement le 6 mai 2024 à [Localité 10], pour lequel la commission statue le 26 mai. Enfin ils précisent envisager effectuer des recherches dans le privé, malgré leurs faibles revenus s’élevant à 1.500 euros par mois.

Aux termes de ses écritures, Madame [S] [L] demande à voir :
A titre principal :
- Déclarer Monsieur et Madame [W] irrecevables en leur demande de délais à l’expulsion,
En conséquence,
- Débouter Monsieur et Madame [W] de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
A titre subsidiaire :
- Débouter Monsieur et Madame [W] de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions, comme y étant mal fondés,
En tout état de cause :
- Déclarer Madame [S] [L] recevable et bien fondée en ses demandes, et y faisant droit,
- Condamner in solidum Monsieur et Madame [W] au paiement de la somme de 2.100 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
- Condamner in solidum Monsieur et Madame [W] au paiement des entiers dépens, dont le coût taxable de signification des présentes conclusions ainsi que ceux de la signification du jugement à intervenir et des éventuels frais d’exécution.

Lors de l’audience, représentée par son conseil, Madame [S] [L] a indiqué que subsidiairement, qu’elle était d’accord pour l’octroi d’un délai de 3 mois.

Madame [S] [L] fait essentiellement valoir qu’elle est désormais seule propriétaire du bien depuis le décès de son mari en février 2024. Elle expose que la demande de Monsieur et Madame [W] est irrecevable, ayant déjà été rejetée par le tribunal de proximité d’ASNIERE SUR SEINE, et qu’ils ne justifient pas de nouvelle circonstances. Elle considère qu’ils ont déjà bénéficié de délais de fait très importants pour libérer les lieux depuis maintenant 4 ans, le jugement du 30 mai 2023 ayant constaté qu’ils sont occupants sans droit ni titre depuis le 18 janvier 2020. Elle ne conteste pas qu’ils effectuent des recherches, mais fait valoir que celles-ci sont limitées au secteur social du 92 et du 15ème arrondissement de [Localité 9], et qu’elles ne s’étendent pas au parc privé. S’agissant de sa propre situation, elle fait valoir qu’elle est âgée de 75 ans et qu’elle a besoin de vendre son bien non occupé.

Pour un exposé complet du litige, il convient de se reporter à la requête et aux conclusions de Madame [S] [L] conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

L’affaire a été mise en délibéré au 28 juin 2024, prorogé au 8 juillet 2024, par mise à disposition au greffe.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité de la demande de délais à l’expulsion

En application des articles 122 et 125 du code de procédure civile, la chose jugée constitue une fin de non-recevoir que le juge peut soulever d’office. L’article 1355 du code civil exige une identité de cause, de demande et de parties pour que l’autorité de chose jugée soit reconnue, sauf en cas d’élément nouveau.

L’article L.412-3 du code de procédures civiles donne compétence au juge qui ordonne l’expulsion pour octroyer des délais d’expulsion, mais cette demande doit être portée devant le juge de l’exécution dès lors que le commandement de quitter les lieux a été signifié en application de l’article R.412-3 du même code.

Lorsqu’un précédent jugement a statué sur une demande de délais à l’expulsion, un élément nouveau est nécessaire pour qu’elle soit recevable.

En l’espèce, si Madame [S] [L] invoque l’irrecevabilité de la demande de Monsieur et Madame [W] au motif que le juge des contentieux de la protection d’Asnières a déjà statué dessus et l’a rejetée au terme de son jugement du 30 mai 2023, il apparaît que depuis, les époux ont multiplié les demandes de logement et sollicité bon nombre d’acteurs habilités à les aider dans leur recherche.

Par ailleurs, Monsieur et Madame [W] ont indiqué avoir visité un logement situé à [Localité 10], le 6 mai 2024, proposé par la société Immobilier 3F, et être dans l’attente de la réponse de la commission devant se réunir le 26 mai 2024. Cela établit qu’ils ont ainsi élargi le périmètre géographique de leurs recherches.

Par conséquent, compte tenu de ces nouveaux éléments, la demande de Monsieur et Madame [W] sera jugée recevable.

Sur la demande de délais avant expulsion

En application de l'article L.412-3 du code des procédures civiles d’exécution, dans sa version issue de la loi n 2023-668 du 27 juillet 2023 applicable en l’espèce, le juge peut accorder des délais renouvelables aux occupants de locaux d’habitation ou à usage professionnel dont l'expulsion a été ordonnée judiciairement, chaque fois que le relogement des intéressés ne peut avoir lieu dans des conditions normales et à condition que lesdits occupants ne soient pas entrés dans les locaux à l'aide de manœuvres, de menaces, de voies de fait ou de contrainte.

Aux termes de l'article L.412-4 du même code, dans la même version que précédemment, applicable depuis le 29 juillet 2023, la durée des délais prévus à l'article L.412-3 ne peut, en aucun cas, être inférieure à un mois ni supérieure à un an. Pour la fixation de ces délais, il est tenu compte de la bonne ou mauvaise volonté manifestée par l'occupant dans l'exécution de ses obligations, des situations respectives du propriétaire et de l'occupant, notamment en ce qui concerne l'âge, l'état de santé, la qualité de sinistré par faits de guerre, la situation de famille ou de fortune de chacun d'eux, les circonstances atmosphériques, ainsi que des diligences que l'occupant justifie avoir faites en vue de son relogement. Il est également tenu compte du droit à un logement décent et indépendant, des délais liés aux recours engagés selon les modalités prévues aux articles L.441-2-3 et L.441-2-3-1 du code de la construction et de l'habitation et du délai prévisible de relogement des intéressés.

L’article L.412-6 du code des procédures civiles d’exécution dispose que nonobstant toute décision d’expulsion passée en force de chose jugée et malgré l’expiration des délais accordés en vertu de l’article L.412-3, il est sursis à toute mesure d’expulsion non exécutée à la date du 1er novembre de chaque année jusqu’au 31 mars de l’année suivante, à moins que le relogement des intéressés soit assuré dans des conditions suffisantes respectant l’unité et les besoins de la famille. Toutefois, le juge peut supprimer ou réduire le bénéfice du sursis lorsque les personnes dont l’expulsion a été ordonnée sont entrées dans les locaux à l'aide de manœuvres, de menaces, de voies de fait ou de contrainte.

Il appartient donc au juge de respecter un juste équilibre entre deux revendications contraires en veillant à ce que l’atteinte au droit du propriétaire soit proportionnée et justifiée par la sauvegarde des droits du locataire, dès lors que ces derniers apparaissent légitimes.

Il convient de rechercher si la situation de Monsieur et Madame [W] leur permet de bénéficier de délais avant l’expulsion qui doit être entreprise et dont le principe n’est pas contesté.

En l’espèce, il n’est pas contesté que Monsieur et Madame [W] n’ont aucun arriéré locatif et qu’ils s’acquittent chaque mois de l’indemnité d’occupation mise à leur charge.

En ce qui concerne leur situation personnelle, Monsieur [D] [W] a indiqué être attaché administratif au Consulat Général du Royaume du Maroc à [Localité 9]. Ses bulletins de salaire montrent un salaire mensuel net de 1.564,56 euros.

Les certificats de scolarité des deux enfants de Monsieur et Madame [W] justifient qu’ils sont scolarisés à [Localité 7].

S’agissant des efforts réalisés en vue de se reloger, les demandeurs prouvent qu’ils ont effectué une demande de logement social le 6 février 2015, renouvelée en dernier lieu le 26 juillet 2023 et de nombreuses démarches et relances auprès des mairies, des préfectures, des organismes d’aide et de nombreux bailleurs. Il apparaît également qu’ils ont été reconnus prioritaires par la commission DALO le 6 avril 2022.

De son côté, Madame [S] [L] est désormais seule propriétaire du bien loué, justifiant du décès de son époux le 16 février 2024. Elle ne justifie pas de sa situation financière ni de son statut de retraitée.

Dans ces conditions, au regard de la situation personnelle des demandeurs, du paiement régulier des indemnités d’occupation, et des jeunes enfants à leur charge, tout en tenant compte de l’intérêt légitime de Madame [S] [L], personne privée, qui ne peut être privée indéfiniment de la libre disposition de son bien, il y a lieu de faire droit à la demande de Monsieur et Madame [W] en leur accordant un délai de trois mois, soit jusqu’au 8 octobre 2024.

A l’expiration de ce délai, il pourra être procédé à l’expulsion.

Sur les demandes accessoires

En application de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a lieu à condamnation.

La nature de la demande impose de laisser les dépens à la charge de Monsieur et Madame [W].

La situation économique de Monsieur et Madame [W] tenant à la prise en compte de leurs ressources commande de dire n’y avoir lieu à une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Il est rappelé que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire en vertu de l’article R.121-21 du code des procédures civiles d’exécution.

PAR CES MOTIFS

LE JUGE DE L’EXÉCUTION, statuant par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort ;

DÉCLARE Monsieur et Madame [W] recevables en leur demande de délais avant d’être expulsés ;

OCTROIE à Monsieur et Madame [W] un délai de 3 mois avant l’expulsion des lieux situés [Adresse 1] à [Localité 7], soit jusqu’au 8 octobre 2024 inclus ;

CONDAMNE Monsieur et Madame [W] aux dépens ;

DÉBOUTE Madame [S] [L] de sa demande au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

RAPPELLE que les décisions du juge de l’exécution sont exécutoires de plein droit.

Ainsi jugé et signé le 8 juillet 2024

Le Greffier Le Juge de l’Exécution


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Nanterre
Formation : Jex
Numéro d'arrêt : 24/02598
Date de la décision : 08/07/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 23/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-08;24.02598 ?
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