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22/08/2024 | FRANCE | N°22/01194

France | France, Tribunal judiciaire de Meaux, 1ère ch. - sect. 6, 22 août 2024, 22/01194


- N° RG 22/01194 - N° Portalis DB2Y-W-B7G-CCQRB
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MEAUX

1ère Chambre Civile
Section 6 - Contentieux

N° RG 22/01194 - N° Portalis DB2Y-W-B7G-CCQRB
Minute n° 24/185

JUGEMENT du 22 AOUT 2024


PARTIES EN CAUSE

DEMANDEURS

Madame [V] [B] veuve [T]
[Adresse 8]
[Localité 26]

ayant pour avocat postulant Maître Séverine MEUNIER, inscrite au barreau de Meaux et pour avocat plaidant Maître Omar OUABBOU, inscrit au barreau de Paris ;
>Monsieur [O] [T]
[Adresse 8]
[Localité 26]

ayant pour avocat postulant Maître Séverine MEUNIER, inscrite au barreau de Meaux et pour avoc...

- N° RG 22/01194 - N° Portalis DB2Y-W-B7G-CCQRB
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MEAUX

1ère Chambre Civile
Section 6 - Contentieux

N° RG 22/01194 - N° Portalis DB2Y-W-B7G-CCQRB
Minute n° 24/185

JUGEMENT du 22 AOUT 2024

PARTIES EN CAUSE

DEMANDEURS

Madame [V] [B] veuve [T]
[Adresse 8]
[Localité 26]

ayant pour avocat postulant Maître Séverine MEUNIER, inscrite au barreau de Meaux et pour avocat plaidant Maître Omar OUABBOU, inscrit au barreau de Paris ;

Monsieur [O] [T]
[Adresse 8]
[Localité 26]

ayant pour avocat postulant Maître Séverine MEUNIER, inscrite au barreau de Meaux et pour avocat plaidant Maître Omar OUABBOU, inscrit au barreau de Paris ;

Madame [F] [T]
[Adresse 8]
[Localité 26]

ayant pour avocat postulant Maître Séverine MEUNIER, inscrite au barreau de Meaux et pour avocat plaidant Maître Omar OUABBOU, inscrit au barreau de Paris ;

DEFENDEURS

Madame [L] [R] épouse [T]
[Adresse 13]
[Localité 20]

ayant pour avocat postulant Maître Laëtitia MICHON DU MARAIS, inscrite au barreau de Meaux et pour avocat plaidant Maître [X] [N], inscrit au barreau de l’Essonne (SELAS [30] [N]) ;
- N° RG 22/01194 - N° Portalis DB2Y-W-B7G-CCQRB

Monsieur [I] [T]
[Adresse 15]
[Localité 26]

ayant pour avocat postulant Maître Laëtitia MICHON DU MARAIS, inscrite au barreau de Meaux et pour avocat plaidant Maître [X] [N], inscrit au barreau de l’Essonne (SELAS [30] [N]) ;

Madame [LH] [T] épouse [C]
[Adresse 7]
[Localité 22]

ayant pour avocat postulant Maître Laëtitia MICHON DU MARAIS, inscrite au barreau de Meaux et pour avocat plaidant Maître [X] [N], inscrit au barreau de l’Essonne (SELAS [30] [N]) ;

Monsieur [J] [T]
[Adresse 17]
[Localité 21]

ayant pour avocat postulant Maître Laëtitia MICHON DU MARAIS, inscrite au barreau de Meaux et pour avocat plaidant Maître [X] [N], inscrit au barreau de l’Essonne (SELAS [30] [N]) ;

Madame [A] [T]
[Adresse 13]
[Localité 20]

ayant pour avocat postulant Maître Laëtitia MICHON DU MARAIS, inscrite au barreau de Meaux et pour avocat plaidant Maître [X] [N], inscrit au barreau de l’Essonne (SELAS [30] [N]) ;

Madame [D] [T]
[Adresse 13]
[Localité 20]

ayant pour avocat postulant Maître Laëtitia MICHON DU MARAIS, inscrite au barreau de Meaux et pour avocat plaidant Maître [X] [N], inscrit au barreau de l’Essonne (SELAS [30] [N]) ;

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Lors des débats :

Présidente : Mme Fatima ZEDDOUN, vice-présidente
Assesseur : Mme Cécile VISBECQ, juge

Statuant en double juges rapporteurs et, en l’absence d’opposition des parties, ont rendu compte des plaidoiries au tribunal dans le délibéré composé de :

Présidente : Mme Fatima ZEDDOUN, vice-présidente
Assesseurs : M. Renaud NOIROT, juge
Mme Cécile VISBECQ, juge

GREFFIER : Lors des débats et au prononcé : Mme Sandrine FANTON, greffier

DÉBATS

A l'audience publique du 24 mai 2024.

JUGEMENT

- contradictoire ;

- rendu publiquement, en premier ressort, par mise à disposition au greffe à la date du délibéré, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Fatima ZEDDOUN, présidente, et par Sandrine FANTON greffier, lors du prononcé ;

* * * *

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS

Monsieur [K] [T], né le [Date naissance 4] 1952 à [Localité 48] (Maroc) et Madame [L] [R], née le [Date naissance 25] 1950 à [Localité 45] (Maroc), tous deux de nationalité marocaine, se sont mariés le [Date mariage 10] 1972 à [Localité 45] (Maroc).

Monsieur [K] [T] a acquis la nationalité française en 1981 et le mariage a été transcrit en France le 12 octobre 1987.

Cinq enfants sont issus de cette union :
- [I] [T], né le [Date naissance 3] 1973 à [Localité 35] (95),
- [LH] [T], née le [Date naissance 19] 1974 à [Localité 35] (95),
- [J] [T], né le [Date naissance 16] 1976 à [Localité 34] (93),
- [A] [T], née le [Date naissance 6] 1982 à [Localité 41] (77),
- [D] [T], née le [Date naissance 2] 1985 à [Localité 41] (77).
Monsieur [K] [T] s'est marié au Maroc en [Date mariage 44] 1994 en secondes noces avec Madame [V] [B], née le [Date naissance 5] 1964 à [Localité 28] (Maroc).

De cette nouvelle union sont issus :
- [O] [T], né le [Date naissance 11] 1995 à [Localité 51] (94),
- [F] [T], née le [Date naissance 18] 1998 à [Localité 51] (94),

Monsieur [K] [T] est décédé le [Date décès 1] 2016 à [Localité 46] (75).

Par jugement du 2 juin 2020, le tribunal judiciaire d'Evry a :
- prononcé la nullité du mariage célébré à une date indéterminée entre Monsieur [K] [T] et Madame [V] [B] au Maroc,
- ordonné à l'expiration des délais légaux la publication du présent jugement conformément à la loi et la mention de son dispositif en marge de l'acte de mariage ainsi qu'en marge des actes de naissance des époux,
- débouté Madame [L] [R] et les consorts [T] de leur demande tendant à voir refuser à Madame [V] [B] le bénéfice d'un mariage putatif.

Par jugement du 11 janvier 2022, le tribunal de proximité de Juvisy-sur-Orge a :
- constaté que le congé délivré à Madame [V] [B] par la société civile immobilière [36] pour le 31 octobre 2019 est régulier,
- ordonné son expulsion du bien sis [Adresse 8] à [Localité 33] si besoin avec l'assistance de la force publique et d'un serrurier,
- condamné Madame [V] [B] à payer à la SCI une indemnité mensuelle d'occupation égale au montant des loyers et charges qui auraient été dus en cas de non-résiliation du bail et ce à compter du 1er novembre 2019 et jusqu'au jour de la libération totale des lieux, avec intérêts légaux à compter du jugement pour les indemnités échues et à compter de chaque indemnité pour les indemnités à échoir.

Par jugement du 10 octobre 2022, le président du tribunal judiciaire d'Evry s'est déclaré incompétent au profit du président du tribunal judiciaire de Meaux pour désigner un administrateur provisoire de l'indivision.

Par jugement du 19 avril 2023, le président du tribunal judiciaire de Meaux a désigné la SELARL [Z]-[31] prise en la personne de Maître [H] [Z] pour gérer et administrer à titre provisoire, à l'actif comme au passif, l'indivision résultant de la succession de Monsieur [K] [T].

Par actes délivrés les 6 et 19 janvier 2022, Madame [V] [B], Monsieur [O] [T] et Madame [F] [T] ont assigné Madame [L] [R], Monsieur [I] [T], Madame [LH] [T], Monsieur [J] [T], Madame [A] [T] et Madame [D] [T] en partage judiciaire devant le tribunal judiciaire de Meaux.

Dans leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 14 décembre 2023, Madame [V] [B], Monsieur [O] [T] et Madame [F] [T] demandent, au visa des articles 201, 720, 721, 778, 815, 1240 du code civil, 700, 1360 et suivants du code de procédure civile, au tribunal de :
- constater l'impossibilité d'un partage amiable de l'indivision successorale issue du décès de Monsieur [K] [T],
- ordonner le partage judiciaire de l'indivision successorale issue du décès de Monsieur [K] [T],
- commettre tel notaire qu'il plaira au tribunal afin qu'il procède audit partage en établissant l'état liquidatif, en fixant précisément la masse partageable, en définissant la composition des lots et en déterminant les droits des parties en tenant compte de ce qui suit,
- commettre tel juge qu'il plaira au tribunal afin qu'il surveille les opérations,
- juger que Madame [V] [B] bénéficie de la qualité de conjoint survivant et par voie de conséquence de la putativité de son mariage avec Monsieur [K] [T],
- juger en conséquence que le mariage célébré entre Madame [V] [B] et Monsieur [K] [T] a produit tous les effets civils qu'aurait produit un mariage valable,
- juger Madame [L] [R] et ses cinq enfants coupables du délit de recel successoral,
- juger que Madame [L] [R] et ses cinq enfants ne peuvent prétendre à aucune part dans les biens ou les droits détournés ou recelés,
- exclure à titre de sanction du recel successoral Madame [L] [R] et ses cinq enfants de la succession à intervenir par devant notaire,
- condamner solidairement Madame [L] [R] et ses cinq enfants à restituer tous les fruits et revenus produits par les biens recelés dont ils ont eu la jouissance depuis l'ouverture de la succession, dont le montant global sera fixé à dire de notaire,

- condamner solidairement Madame [L] [R] et ses cinq enfants à leur verser la somme de 10 000 euros chacun en réparation du préjudice subi,
- condamner solidairement Madame [L] [R] et ses cinq enfants à leur verser la somme de 5000 euros chacun sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner solidairement Madame [L] [R] et ses cinq enfants aux entiers dépens.

À l'appui de leur demande de partage judiciaire, Madame [V] [B], Monsieur [O] [T] et Madame [F] [T] indiquent qu'après le décès de Monsieur [K] [T] ils ont entamé des démarches amiables en adressant des courriers aux défendeurs et en saisissant Maître [G] [S], notaire, des opérations de succession. Ils ajoutent qu'en raison de désaccords et du comportement menaçant et violent de Monsieur [I] [T], aucune solution amiable n'a pu être trouvée et qu'ils ont dès lors assigné les défendeurs en partage judiciaire.

Ils demandent au tribunal de constater que Madame [V] [B] bénéficie du mariage putatif par raisonnement a contrario du jugement rendu par le tribunal judiciaire d'Evry. À titre subsidiaire, ils demandent au tribunal d'accorder à Madame [V] [B] le bénéfice du mariage putatif, celui-ci pouvant découler de la décision annulant le mariage ou de toute décision postérieure. Ils rappellent qu'en application de l'article 201 du code civil, l'annulation du mariage ne produit ses effets qu'à compter de la décision définitive concernant l'époux de bonne foi et que celle-ci est présumée. Ils ajoutent qu'en l'absence de preuve contraire, Madame [V] [B] était de bonne foi lors de la célébration de son mariage et que le décès de son époux étant intervenu avant l'annulation du mariage, elle bénéficie du mariage putatif et peut être qualifiée de conjointe survivante.

Concernant le recel, ils indiquent que :
- les défendeurs ont organisé des assemblées générales de sociétés dont les parts sont la propriété indivise des cohéritiers et cela sans convoquer tous les associés, sans présenter le rapport de gérance ni les pouvoirs des associés absents, sans permettre aux associés de s'exprimer, afin de gérer le patrimoine indivis comme s'il s'agissait de leur patrimoine,
- les défendeurs ont falsifié un acte de cession de parts sociales intervenu à leur profit au détriment des demandeurs. Cette cession serait intervenue le 8 mars 2016 entre Monsieur [K] [T] et les enfants de sa première union alors qu'il était hospitalisé depuis le 29 février 2016 en raison d'un cancer en phase terminale et qu'il est décédé quelques jours plus tard. En outre, aucun prix n'a été fixé,
- les défendeurs ont falsifié le procès-verbal d'assemblée générale de la SCI [36] au terme duquel Monsieur [I] [T] a été nommé cogérant, en ce qu'il est daté du 1er mars 2016 et indique que Monsieur [K] [T] était présent alors qu'il était hospitalisé et qu'il n'a été déposé au greffe du tribunal de commerce d'Evry que le 13 avril 2016 soit postérieurement au décès de celui-ci,
- le bien sis [Adresse 23] à [Localité 50] (91) appartenant à la SCI [38] a été cédé après le décès de Monsieur [K] [T] à une société nouvellement créée par Monsieur [I] [T] et son épouse, la SCI [39],
- les défendeurs ont mandaté un agent immobilier aux fins de vente de l'immeuble sis [Adresse 14] à [Localité 33] (91) appartenant à la SCI [36] dont les parts font partie de l'indivision successorale sans qu'une assemblée générale de la SCI [36] n'ait été régulièrement convoquée pour statuer sur ce projet de vente,
- Monsieur [I] [T] a pris attache avec un notaire afin d'être nommé mandataire commun de l'indivision et a omis de mentionner la qualité de conjointe survivante de Madame [V] [B],
- l'existence de Madame [V] [B] a été dissimulée alors qu'elle est héritière,
- ils ont reçu des menaces pour les faire renoncer à leur qualité d'héritiers.
Ils allèguent que tous ces actes ont été commis dans le but de rompre l'égalité du partage.

En conséquence du recel, ils demandent sur le fondement de l'article 778 du code civil de priver les défendeurs de leurs parts sur les biens et droits détournés, de restituer les fruits et revenus produits par les biens recelés à compter du [Date décès 1] 2016 et notamment les loyers perçus à titre personnel ou via des sociétés dont les parts sont indivises, et de réparer le préjudice qu'ils ont causé. Ils rappellent que si tous les héritiers ne se sont pas rendus personnellement coupables de fait de recel, la connaissance par les cohéritiers du recel commis par l'un d'eux les prive de toute part sur les biens recelés.

S'agissant de leurs préjudices moral et financier, ils font état de pression judiciaire, de menaces, d'insultes et d'actes frauduleux mais également de l'attestation mensongère adressée par Monsieur [I] [T] à l'administration fiscale au sujet des revenus fonciers de la SCI [36] perçus par Monsieur [O] [T] et Madame [F] [T] et ayant donné lieu à un redressement fiscal.

Dans leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 26 septembre 2023, Madame [L] [R], Monsieur [I] [T], Madame [LH] [T], Monsieur [J] [T], Madame [A] [T] et Madame [D] [T] demandent, au visa des articles 778 et 2224 du code civil, au tribunal de :
- débouter Madame [V] [B], Monsieur [O] [T] et Madame [F] [T] de toutes leurs demandes fins et conclusions,
- juger que la demande relative au partage de l’indivision est impossible en raison de la contestation du fait que le mariage putatif de Madame [V] [B] n’est pas établi,
- juger que les contestations relatives aux assemblées n’ont pas fait l’objet d’une saisine de la juridiction adéquate avec les mises en cause des personnalités morales concernées,
- juger que la prescription de l’éventuel recel successoral est pour le moins acquise sur une certaine période sans que les défendeurs reconnaissent qu’il y ait des actes de recel successoral,
- condamner Madame [V] [B], Monsieur [O] [T] et Madame [F] [T] à la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
- condamner Madame [V] [B], Monsieur [O] [T] et Madame [F] [T] aux entiers dépens qui pourront être recouvrés directement par Maître [X] [N] conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Madame [L] [R], Monsieur [I] [T], Madame [LH] [T], Monsieur [J] [T], Madame [A] [T] et Madame [D] [T] soulèvent la prescription de l'action en recel sur le fondement de l'article 2224 du code civil, l'assignation ayant été délivrée plus de cinq ans après les actes datant de 2016 ainsi que l'incompétence matérielle de la présente juridiction pour statuer sur les contestations relatives aux procès-verbaux d'assemblées générales.

Sur le fond, pour s'opposer au recel, ils allèguent que si l'article 778 du code civil ne le mentionne pas expressément, l'intention frauduleuse doit être établie. Ils ajoutent que Madame [V] [B] n'est pas héritière, ne peut se prévaloir d'aucun droit et que Monsieur [K] [T], bien qu'hospitalisé, sortait quotidiennement pour gérer ses affaires. Concernant le projet de vente de l'immeuble sis à [Localité 50], ils indiquent que les demandeurs ont été convoqués à l'assemblée générale et que ce bien est sorti du patrimoine de la SCI [36] au titre d'un jugement d'adjudication du 13 mars 2019. Ils expliquent enfin qu'ils n'ont pas consigné la somme nécessaire à l'exécution par le mandataire de sa mission car ils préfèrent que l'un d'eux soit désigné comme administrateur provisoire.
Ils contestent la qualité de conjointe survivante de Madame [V] [B] au motif qu'aucune décision judiciaire ne reconnaît expressément la putativité du mariage à l'épouse, celle-ci n'en ayant pas sollicité le bénéfice lors de l'instance devant le tribunal d'Evry. Ils soulignent que le jugement du 2 juin 2020 déboute seulement les consorts [T] de leur demande tendant à refuser le bénéfice de la putativité à Madame [B]. Ils ajoutent que le jugement rendu le 11 janvier 2022 par le tribunal de proximité d'Evry précise que le jugement du 2 juin 2020 n'a pas statué sur la putativité faute de demande de l'épouse.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux dernières écritures susvisées des parties pour un plus ample exposé de leurs moyens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 19 février 2024.

L'affaire a été évoquée à l'audience du 24 mai 2024 et mise en délibéré au 22 août 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la compétence du juge français et la loi applicable :

Sur les questions relatives à la succession :

Sur la compétence :

En application de l'article 4 du Règlement (UE) N°650/2012 du Parlement européen et du Conseil du 4 juillet 2012 relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l'exécution des décisions, et l'acceptation et l'exécution des actes authentiques en matière de successions et à la création d'un certificat successoral européen, sont compétentes pour statuer sur l'ensemble d'une succession les juridictions de l'État membre dans lequel le défunt avait sa résidence habituelle au moment de son décès.

En l'espèce, le défunt résidait habituellement en France, de sorte que la juridiction française est compétente pour statuer sur le litige relatif à la succession de Monsieur [K] [T].

Sur la loi applicable :

En application de l'article 21 du Règlement (UE) N°650/2012 du Parlement européen et du Conseil du 4 juillet 2012 relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l'exécution des décisions, et l'acceptation et l'exécution des actes authentiques en matière de successions et à la création d'un certificat successoral européen :

1. Sauf disposition contraire du présent règlement, la loi applicable à l'ensemble d'une succession est celle de l'État dans lequel le défunt avait sa résidence habituelle au moment de son décès.
2. Lorsque, à titre exceptionnel, il résulte de l'ensemble des circonstances de la cause que, au moment de son décès, le défunt présentait des liens manifestement plus étroits avec un État autre que celui dont la loi serait applicable en vertu du paragraphe 1, la loi applicable à la succession est celle de cet autre État.

L'article 20 du Règlement précise que toute loi désignée par le présent règlement s'applique même si cette loi n'est pas celle d'un État membre.

En l'espèce, le défunt résidait habituellement en France, de sorte que la loi française est applicable au litige relatif à la succession de Monsieur [K] [T].

Sur les questions relatives au mariage et au régime matrimonial :

Sur la compétence :

En application de l’article 3 a) du Règlement (CE) du Conseil n°2201/2003 du 27 novembre 2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale dit Bruxelles II Bis, le juge français est compétent pour statuer sur les questions relatives au divorce, à la séparation de corps et à l'annulation du mariage de Madame [V] [B] et Monsieur [K] [T], la résidence habituelle des époux étant située sur le territoire français.

En application de l'article 6 du Règlement (UE) 2016/1103 du Conseil du 24 juin 2016 mettant en œuvre une coopération renforcée dans le domaine de la compétence, de la loi applicable, de la reconnaissance et de l'exécution des décisions en matière de régimes matrimoniaux, le juge français est compétent pour statuer sur le régime matrimonial existant entre Madame [L] [R] et Monsieur [K] [T], ceux-ci résidant habituellement sur le territoire français.

Sur la loi applicable :

En application de l'article 7 de la convention entre la République française et le royaume du Maroc relative au statut des personnes et de la famille et à la coopération judiciaire, les effets personnels du mariage sont régis par la loi française, Monsieur [K] [T] étant de nationalité française et résidant habituellement sur le territoire français et Madame [V] [B] résidant également sur le territoire français.

En application des dispositions de l'article 26 du Règlement (UE) 2016/1103 du Conseil du 24 juin 2016, à défaut de convention sur le choix de la loi applicable conformément à l'article 22, la loi applicable au régime matrimonial est la loi de l'État :
a) de la première résidence habituelle commune des époux après la célébration du mariage; ou, à défaut,
b) de la nationalité commune des époux au moment de la célébration du mariage; ou, à défaut,
c) avec lequel les époux ont ensemble les liens les plus étroits au moment de la célébration du mariage, compte tenu de toutes les circonstances.

En l'espèce, si Monsieur [K] [T] et Madame [L] [R] se sont mariés au Maroc, ils ont fixé leur résidence principale en France où leurs enfants sont nés. La loi française est dès lors applicable aux questions relatives à leur régime matrimonial.

Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en recel :

En l'espèce, les défendeurs soutiennent que l'action en recel est prescrite puisqu'intentée plus de cinq ans après les faits à l'origine du recel.

Selon l'article 122 du code de procédure civile, cette demande constitue une fin de non-recevoir.

Or, en application du 6° de l’article 789 du code civil, lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal, pour statuer sur les fins de non-recevoir. Le dernier alinéa de ce texte précise que les parties ne sont plus recevables à soulever ces fins de non-recevoir au cours de la même instance à moins qu'elles ne surviennent ou soient révélées postérieurement au dessaisissement du juge de la mise en état.

Les défendeurs ne font pas valoir que la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action en recel soit survenue ou ait été révélée postérieurement au dessaisissement du juge de la mise en état. Ils ne sont dès lors plus recevables à soulever ladite prescription.

En conséquence, la demande tendant à juger l'action en recel prescrite sera jugée irrecevable.

Sur l'exception de procédure tirée de l'incompétence matérielle :

En l'espèce, les défendeurs demandent au tribunal de se déclarer incompétent matériellement pour statuer sur les contestations relatives à la gestion des sociétés.

Selon l'article 73 du code de procédure civile, cette demande constitue une exception de procédure.

Or, il résulte du 1° de l'article 789 du code civil, que lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal, pour statuer sur les exceptions de procédure et que les parties ne sont plus recevables à soulever ces exceptions ultérieurement à moins qu'ils ne surviennent ou soient révélés postérieurement au dessaisissement du juge.

Les défendeurs ne font pas valoir que l'exception de procédure soit survenue ou ait été révélée postérieurement au dessaisissement du juge de la mise en état, ils ne sont dès lors plus recevables à soulever ladite exception.

En conséquence, la demande tendant à déclarer le tribunal incompétent sera jugée irrecevable.

Sur la qualité de conjointe survivante de Madame [V] [B] :

Par principe, l'annulation d'un contrat a pour effet son anéantissement rétroactif.

Toutefois, l'article 201 du code civil prévoit que le mariage qui a été déclaré nul produit ses effets à l'égard des époux, lorsqu'il a été contracté de bonne foi. Si la bonne foi n'existe que de la part de l'un des époux, le mariage ne produit ses effets qu'en faveur de cet époux.

Il en résulte que le bénéfice du mariage putatif n'est pas de droit et doit être accordé par une décision judiciaire en considération de la bonne foi de l'un ou des deux époux. Cette décision peut être celle annulant le mariage, ou une décision postérieure.

En l'espèce, si le jugement annulant le mariage de Madame [V] [B] et Monsieur [K] [T] a statué sur les effets de l'annulation du mariage au regard de l'article 201 du code civil et a notamment estimé que la preuve de la mauvaise foi de l'épouse au moment de la célébration du mariage n'était pas rapportée, il est souligné que le tribunal n'était pas saisi d'une demande formulée par Madame [V] [B] tendant à lui accorder le bénéfice du mariage putatif mais d'une demande des consorts [T] tendant à refuser ce bénéfice à Madame [V] [B]. Par conséquent, le tribunal d'Evry n'a pu que débouter les consorts [T] de leur demande sans pouvoir accorder à Madame [V] [B] le bénéfice du mariage putatif, faute de demande. Il est dès lors nécessaire de statuer, conformément à la demande faite par cette dernière, sur ce point dans la présence décision.

Il est relevé que les défendeurs sollicitent le débouté des prétentions des demandeurs et contestent la qualité de conjointe survivante de l'épouse sans développer de moyens de droit et de fait s'opposant au bénéfice du mariage putatif pour Madame [V] [B]. Or, il est de jurisprudence constante que la bonne foi est présumée. En outre, le tribunal d'Evry avait considéré que la preuve de la mauvaise foi de Madame [V] [B] n'était pas rapportée.

En conséquence, il convient d'accorder à Madame [V] [B] le bénéfice du mariage putatif et de dire que celle-ci a la qualité de conjointe survivante. Les droits des deux « épouses » seront évalués au prorata temporis de la durée respective de chaque mariage.

Sur le partage judiciaire et la désignation du notaire :

L'article 815 du code civil dispose que nul ne peut être contraint à demeurer dans l'indivision et le partage peut toujours être provoqué, à moins qu'il n'y ait été sursis par jugement ou convention.

En l'espèce, il n'a pas été possible pour les parties de procéder à un règlement amiable de l'indivision successorale après le décès de Monsieur [K] [T] malgré les démarches entreprises notamment auprès d'un notaire ainsi qu'il ressort des pièces produites.

Néanmoins, les parties souhaitent sortir de l'indivision.

Il convient en conséquence d'ordonner l'ouverture des opérations de comptes liquidation et partage judiciaire de la succession de Monsieur [K] [T] suivant les modalités précisées au dispositif de la présente décision.

Selon l'article 1364 du code de procédure civile, si la complexité des opérations le justifie, le tribunal désigne un notaire pour procéder aux opérations de partage et commet un juge pour les surveiller. Le notaire est choisi par les copartageants et à défaut par le tribunal.

Il dépend de la succession deux biens immobiliers soumis à publicité foncière mais également des parts de SCI et de sociétés, divers comptes bancaires et des meubles, le tout évalué à plus d'un million d'euros par le notaire en charge des opérations de partage amiable.

Compte tenu de la complexité du partage à opérer en raison notamment de la consistance de l'actif successoral et de la présence de deux conjointes survivantes, il y a lieu de désigner un notaire et de commettre un juge.

Les parties ne s'étant pas accordées sur la désignation d'un notaire en particulier, il convient de désigner Maître [M] [Y], notaire à [Localité 29], [Adresse 9].

Il y a lieu de rappeler qu'il entre dans la mission du notaire commis de dresser dans le délai d'un an à compter de sa désignation, un état liquidatif qui établira la masse partageable, les comptes entre les copartageants, les droits des parties et les éventuels dépassements de la quotité disponible, ainsi que la composition des lots à répartir, chaque copartageant devant recevoir des biens pour une valeur égale à celle de ses droits dans l'indivision.

A cette fin, il appartient au notaire de se faire remettre tout document utile à l'accomplissement de sa mission, notamment les comptes de l'indivision, d'examiner les sommes éventuellement dépensées pour le compte de celle-ci ou perçues pour son compte au titre des loyers, de déterminer le cas échéant les pertes ou avantages financiers résultant de l'occupation gratuite de certains biens dépendant de l'indivision et, par suite, les sommes susceptibles de revenir à chacun des copartageants.

En effet, chaque indivisaire peut être créancier de la masse au titre d'impenses qu'il a faites, de frais divers qu'il a acquittés, de la rémunération de sa gestion ou de ses travaux personnels comme débiteur de cette masse au titre d'une indemnité d'occupation, des pertes ou détériorations qu'un bien indivis aurait subi par sa faute, de la perception de fonds indivis qu'il n'aurait pas remis à l'indivision ou prélevés dans la caisse de celle-ci ou encore d'une avance sur capital.

Sur le recel successoral :

En application de l’article 778 du code civil, sans préjudice de dommages et intérêts, l'héritier qui a recelé des biens ou des droits d'une succession ou dissimulé l'existence d'un cohéritier est réputé accepter purement et simplement la succession, nonobstant toute renonciation ou acceptation à concurrence de l'actif net, sans pouvoir prétendre à aucune part dans les biens ou les droits détournés ou recelés. Les droits revenant à l'héritier dissimulé et qui ont ou auraient pu augmenter ceux de l'auteur de la dissimulation sont réputés avoir été recelés par ce dernier.
Lorsque le recel a porté sur une donation rapportable ou réductible, l'héritier doit le rapport ou la réduction de cette donation sans pouvoir y prétendre à aucune part.
L'héritier receleur est tenu de rendre tous les fruits et revenus produits par les biens recelés dont il a eu la jouissance depuis l'ouverture de la succession.

Le recel vise ainsi toutes les fraudes au moyen desquelles un héritier cherche, au détriment de ses cohéritiers, à rompre l’égalité du partage, soit qu’il divertisse des effets de la succession en se les appropriant, soit qu’il les recèle en dissimulant sa possession dans les circonstances où il serait, d’après la loi, tenu de la déclarer.

La caractérisation du recel suppose la réunion d’un élément matériel, c’est-à-dire tout procédé tendant à frustrer les cohéritiers d’un bien dans la succession, et d’un élément moral caractérisant l’intention frauduleuse de l’héritier receleur.

La bonne foi étant par principe présumée, il appartient au demandeur à l’action en recel successoral de rapporter la preuve de ce recel.

En l'espèce, les demandeurs reprochent aux défendeurs et notamment à Monsieur [I] [T] des faits de recel successoral.

Concernant la dissimulation d'un héritier, les demandeurs versent aux débats un courriel adressé par Maître [U] [WN], notaire, à sept destinataires concernant la succession de Monsieur [K] [T]. Ils allèguent que l'existence de Madame [V] [B] a été dissimulée puisque le courriel ne lui est pas adressé. Cependant, la lecture des adresses des destinataires ne permet pas de les identifier de façon certaine notamment celles de « [Courriel 27] » et « [Courriel 40] ». En outre, cette pièce ne peut suffire à établir que l'existence de Madame [V] [B] était dissimulée et que ce fait résultait de la volonté des demandeurs.

S'agissant du recel de biens ou de droits successoraux, les demandeurs font valoir que les défendeurs ont tenté de soustraire des biens ou droits pour rompre l'égalité du partage. Ils évoquent :
- le non respect des règles de convocation et de tenue des assemblées générales de sociétés,
- la falsification de la cession de parts sociales du 8 mars 2016,
- la falsification du procès-verbal d'assemblée générale de la SCI [36] du 1er mars 2016,
- la cession du bien immobilier de [Localité 50] à la SCI [39] constituée par Monsieur [I] [T] et son épouse,
- la volonté de vendre le bien immobilier de [Localité 33] sans les prévenir,
- la volonté de Monsieur [I] [T] d'être nommé mandataire,
- les menaces et violences commises par Monsieur [I] [T] pour les faire renoncer à leurs actions.

Ils produisent à l'appui de leur demande :
- le courrier adressé par Maître [G] [S], notaire, à Monsieur [I] [T] détaillant l'actif de succession comme suit :
• 50% des parts de la société [36],
• 1/2 du bien immobilier sis à [Localité 33],
• 20% des parts de [37],
• 50% de la maison sise à [Localité 32],
• 50% des murs du restaurant [42],
• divers comptes bancaires,
• mobilier,
- le procès-verbal de l'assemblée générale extraordinaire de la société [LH] en date du 1er juin 2016 indiquant que Monsieur [P] [T], Madame [LH] [T], Monsieur [J] [T], Madame [A] [T], Madame [D] [T] et Monsieur [I] [T] sont présents, modifiant les statuts de la société suite à la cession des parts de Monsieur [K] [T] à Madame [LH] [T], Monsieur [J] [T], Madame [A] [T], Madame [D] [T] et Monsieur [I] [T] en date du 8 mars 2016 et nommant Monsieur [P] [T] en qualité de gérant,
- un bulletin de situation mentionnant que Monsieur [K] [T] a été hospitalisé à l'Hôpital [47] de [Localité 46] du 29 février 2016 au [Date décès 1] 2016, date de son décès,
- le procès-verbal de l'assemblée générale extraordinaire de la SCI [36] du 1er mars 2016 indiquant que Monsieur [P] [T], Monsieur [K] [T], Monsieur [I] [T] et Madame [LH] [T] sont présents et nommant Monsieur [I] [T] en qualité de cogérant avec Monsieur [K] [T],
- un virement de 31700 dirham effectué le 20 juillet 2016 par Monsieur [OR] [BB] au profit de « [T] [E] » avec le motif « R GLEMENT LOYER »,
- la plainte déposée par Monsieur [W] [YF] le 22 janvier 2018 contre « Monsieur [T] », son propriétaire, pour des faits de menaces et de violences,
- la main courante déposée par Monsieur [O] [T] le 2 février 2018 pour signaler les irrégularités liées à l'assemblée générale de la SCI [36] à laquelle il a assisté le jour-même,
- la plainte déposée le 26 septembre 2019 par Monsieur [O] [T] contre Monsieur [I] [T] avec lequel il est en conflit au sujet de la gestion de la SCI [36] pour des faits de menaces de mort,
- le courrier adressé par la société [49] le 22 mars 2021 à Madame [GE] [MZ] résidant dans le bien immobilier de [Localité 33] pour l'avertir d'un contrôle de déversement des installations d'assainissement dans le cadre d'une transaction immobilière et une affiche indiquant que le contrôle sera effectué les 7 et 8 avril 2021 dans l'ensemble des logements,
- une mise en demeure adressée par la DGFP le 16 janvier 2020 de payer 1742 euros au titre des prélèvements sociaux de 2017 et des majorations,

- le jugement rendu par le président du tribunal judiciaire de Meaux le 19 avril 2023 constatant que la sauvegarde des intérêts de la succession est mise en péril par une mésentente entre les indivisaires et désignant un tiers comme administrateur provisoire de l'indivision.

Les défendeurs versent aux débats :
- le jugement du 13 mars 2019 par lequel le tribunal judiciaire d'Evry a adjugé à Maître [X] [N], avocat plus offrant et dernier enchérisseur, au nom et pour le compte de Monsieur [I] [T] agissant pour le compte de la SCI [39], en cours de constitution, le bien immobilier sis [Adresse 12] et [Adresse 24] à [Localité 50] (91) (siège social de la société [38]) moyennant le prix principal de 210 000 euros outre les charges dont les frais.

Il est relevé qu'aucune des parties n'a produit les statuts des sociétés dont Monsieur [K] [T] était associé et/ou gérant, de sorte que le tribunal ne peut connaître les conditions prévues par ceux-ci en cas de décès d'un associé et/ou gérant.

Concernant la Société [LH], l'acte de cession de parts n'est pas produit et aucun document médical n'indique que Monsieur [K] [T] ne disposait pas des facultés mentales et physiques nécessaires pour décider et signer une telle cession.

S'agissant de la SCI [36], le procès-verbal d'assemblée générale extraordinaire du 1er mars 2016 indique que Monsieur [K] était présent alors qu'il était hospitalisé à cette période. Lors de cette assemblée, Monsieur [I] [T] a été désigné co-gérant. Le tribunal, qui n'est pas saisi d'un litige relatif à la contestation de ce procès-verbal mais d'une demande en recel successoral, ne peut estimer qu'une intention de rompre l'égalité du partage découle de cette assemblée, les règles prévues par la loi en cas de décès d'un des associés et notamment l'article 1870 du code civil prévoyant que la société continue avec ses héritiers ou légataires.

En outre, la volonté de se faire désigner administrateur provisoire de l'indivision ne peut caractériser en elle-même le recel notamment en raison du caractère familial des différentes sociétés dans lesquelles Monsieur [I] [T] était associé avec son père et ses frères et sœurs.

Par ailleurs, l'existence d'un virement au profit de Monsieur [I] [T] en règlement d'un loyer, sans produire de bail, ne peut constituer le recel, faute de démontrer qu'il ne lui appartenait pas de recevoir ce paiement et qu’il n’en a pas rendu compte. De même, le lien entre la mise en demeure de régler des droits sociaux adressée par l'administration fiscale et un signalement de l'un ou plusieurs des défendeurs n'est pas établi, de sorte qu'aucun recel ne peut être caractérisé.

Aucun élément ne permet d'établir que le contrôle d'assainissement a été effectué à la suite d'une transaction immobilière initiée par les défendeurs pour l'appartement indivis situé dans l'immeuble de [Localité 33] et sans en informer les demandeurs. En outre, la vente du bien immobilier de [Localité 50] a été réalisée dans le cadre d'une procédure judiciaire d'adjudication et ne saurait dès lors être remise en cause.

Enfin, si les plaintes et mains courantes mettent en exergue le conflit opposant les parties concernant la succession de Monsieur [K] [T], elles n'établissent ni l'intention de Monsieur [I] [T] de rompre l'égalité du partage ni que cette rupture d’égalité a eu lieu.

Faute pour les demandeurs de rapporter la preuve à la fois de l'élément matériel mais également de l'élément intentionnel du recel, ils seront déboutés de leur demande en recel et des demandes subséquentes de privation des droits dans défendeurs dans la succession et de restitution des fruits et revenus.

Sur la demande de dommages et intérêts :

En l'espèce, les demandeurs sollicitent des dommages et intérêts en réparation du préjudice financier et moral causé par les agissements des défendeurs : pressions judiciaires, menaces, insultes, actes frauduleux.

Aux termes de l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Sur le fondement de ce texte, il appartient à chaque partie qui sollicite des dommages et intérêts sur le fondement de la responsabilité civile délictuelle de rapporter la preuve d'une faute mais également d'un préjudice personnel directement en lien avec cette faute.

Concernant les pressions judiciaires, il est relevé que l'exercice d'une action judiciaire n'est pas en soi constitutive d'un abus et que les actions entreprises par les parties ont eu pour but de faire trancher par une juridiction des points juridiques dans le cadre de la succession de Monsieur [O] [T]. Aucun élément ne permet d'établir qu'un abus de droit aurait été commis.

S'agissant des menaces et insultes, seul Monsieur [O] [T] a déposé plainte contre Monsieur [I] [T] pour des faits de menaces de mort. Les policiers ont transcrit les propos enregistrés par le plaignant. Monsieur [I] [T] aurait déclaré : « si tu continues à m'emmerder », « je vais te tuer », « la prochaine fois que je reçois un courrier, je te jure sur la tête de mes quatre gosses que je te brûle », « je t'envoie des gitans », « ils vont te brûler », « je vais te couper l'oreille », « tu vas avoir très très très mal », « maintenant je vais le faire à toi parce que t'es un étranger pour moi ».

Les défendeurs et notamment Monsieur [I] [T] demeurent taisants sur ce point.

En l'absence de production des suites de la plainte ou de tout autre élément venant corroborer les déclarations, il ne peut être établi que les propos enregistrés sont ceux tenus par Monsieur [I] [T] et qu'aucune indemnité n'a été accordée à Monsieur [O] [T] en réparation de son préjudice. Il sera dès lors débouté de sa demande.

S'agissant des actes frauduleux dénoncés, les demandeurs n'en rapportent pas la preuve (cf supra).

En conséquence, il convient de débouter Madame [V] [B], Monsieur [O] [T] et Madame [F] [T] de leurs demandes de dommages et intérêts.

Sur les mesures de fin de jugement :

Sur les dépens :

Compte tenu de la nature de l’affaire, les dépens seront employés en frais privilégiés de partage. En l’absence de condamnation aux dépens, il n’y a pas lieu de dire que ceux-ci seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Sur les frais irrépétibles :

Les parties seront déboutées de leurs demandes respectives au titre de l'article 700 du code de procédure civile en ce que l'équité ne commande pas d'y faire droit.

Sur l’exécution provisoire :

En application de l’article 514 du code de procédure civile, la présente décision bénéficie de droit de l'exécution provisoire.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement, par jugement mis à disposition, contradictoire et en premier ressort,

DÉCLARE IRRECEVABLE la demande formée par Madame [L] [R], Monsieur [I] [T], Madame [LH] [T], Monsieur [J] [T], Madame [A] [T] et Madame [D] [T] tendant à juger que les contestations relatives aux assemblées n’ont pas fait l’objet d’une saisine de la juridiction adéquate avec les mises en cause des personnalités morales concernées ;

DÉCLARE IRRECEVABLE la demande formée par Madame [L] [R], Monsieur [I] [T], Madame [LH] [T], Monsieur [J] [T], Madame [A] [T] et Madame [D] [T] tendant à juger que la prescription de l’éventuel recel successoral est pour le moins acquise sur une certaine période ;

CONSTATE que le mariage de Madame [V] [B] et de Monsieur [K] [T] a été annulé par jugement du tribunal judiciaire d'Evry en date du 2 juin 2020 ;

ACCORDE à Madame [V] [B] le bénéfice du mariage putatif et RAPPELLE qu'elle est héritière à ce titre de Monsieur [K] [T] ;

ORDONNE l'ouverture des opérations de compte liquidation et partage de la communauté ayant existé entre Monsieur [K] [T] et Madame [L] [R] et de la succession de Monsieur [K] [T], né le [Date naissance 4] 1952 à [Localité 48] (Maroc) et décédé le [Date décès 1] 2016 à [Localité 46] (75) ;

DÉSIGNE Maître [M] [Y], notaire à [Localité 29], [Adresse 9] pour procéder aux opérations de partage ;

DÉSIGNE en qualité de juge commis le magistrat présidant la section des liquidations et indivisions relevant de la compétence du tribunal judiciaire de Meaux pour surveiller ces opérations et faire son rapport sur le partage en cas de difficulté ;

DIT qu’en cas d’empêchement du notaire il sera procédé à son remplacement par ordonnance du juge commis rendue sur requête ;

RAPPELLE que le notaire accomplira sa mission dans les conditions fixées par les articles 1365 et suivants du code de procédure civile ;

RAPPELLE que l'état liquidatif devra être établi dans le délai d'un an suivant la désignation du notaire, et qu'une prorogation de délai d'un an au plus pourra être accordée par le juge commis, si la complexité des opérations le justifie, sur demande du notaire ou d'un copartageant ;

RAPPELLE que ce délai est suspendu en cas d’adjudication des biens et jusqu’au jour de la réalisation définitive de celle ci ;

RAPPELLE que les parties devront remettre au notaire tout document utile à l'accomplissement de sa mission, et qu'à défaut le juge commis peut prononcer une astreinte à cette fin ;

RAPPELLE que les copartageants peuvent, à tout moment, abandonner les voies judiciaires et poursuivre le partage à l’amiable et qu'en cas de signature d'un tel acte de partage amiable le notaire en informe le Tribunal ;

RAPPELLE que le notaire accomplira sa mission dans les conditions fixées par les articles 1365 et suivants du code de procédure civile ;

RAPPELLE que l'état liquidatif devra être établi dans le délai d'un an suivant la désignation du notaire, et qu'une prorogation de délai d'un an au plus pourra être accordée par le juge commis, si la complexité des opérations le justifie, sur demande du notaire ou d'un copartageant ;

RAPPELLE que ce délai est suspendu en cas d’adjudication des biens et jusqu’au jour de la réalisation définitive de celle-ci ;

RAPPELLE que les parties devront remettre au notaire tout document utile à l'accomplissement de sa mission, et qu'à défaut le juge commis peut prononcer une astreinte à cette fin ;

RAPPELLE que les copartageants peuvent, à tout moment, abandonner les voies judiciaires et poursuivre le partage à l’amiable et qu'en cas de signature d'un tel acte de partage amiable le notaire en informe le tribunal ;

AUTORISE le notaire à consulter les fichiers FICOBA et FICOVIE ;

DÉBOUTE Madame [V] [B], Monsieur [O] [T] et Madame [F] [T] de leur demande relative au recel successoral et de leurs demandes subséquentes ;

DÉBOUTE Madame [V] [B], Monsieur [O] [T] et Madame [F] [T] de leur demande de dommages et intérêts ;

ORDONNE l’emploi des dépens en frais de partage ;

DIT n'y avoir lieu à accorder le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile à l'avocat de Madame [L] [R], Monsieur [I] [T], Madame [LH] [T], Monsieur [J] [T], Madame [A] [T] et Madame [D] [T] ;

DÉBOUTE les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

RAPPELLE l’exécution provisoire de la présente décision ;

RENVOIE l’affaire à l’audience dématérialisée de mise en état du juge commis du 12 décembre 2024 pour contrôle de l’avancement des opérations de compte liquidation et partage ;

INVITE les parties et le notaire à renseigner le juge commis pour la date fixée, puis aux dates de renvoi qui seront arrêtées, de l’état d’avancement des opérations ;

DIT que cette information sera faite :
- pour les parties représentées par un avocat, par RPVA,
- à défaut de représentation par avocat et pour le notaire désigné par courrier électronique à l’adresse : [Courriel 43] ;

RAPPELLE qu’à défaut pour les parties d’accomplir ces diligences au fur et à mesure des opérations de liquidation, l’affaire sera supprimée du rang des affaires en cours.

Et le présent jugement a été signé par Fatima ZEDDOUN, présidente, et par Sandrine FANTON, greffier.

Le greffier La présidente


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Meaux
Formation : 1ère ch. - sect. 6
Numéro d'arrêt : 22/01194
Date de la décision : 22/08/2024
Sens de l'arrêt : Partages - ordonne le partage et désigne un notaire pour formaliser l'acte

Origine de la décision
Date de l'import : 02/09/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-08-22;22.01194 ?
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