TRIBUNAL JUDICIAIRE de MEAUX
2ème Chambre
Affaire :
[K] [Z] [S] épouse [J]
C/
[G] [J]
N° RG 22/01929 - N° Portalis DB2Y-W-B7G-CCR7X
Nac :20J
Minute N°
NOTIFICATION LE :
JUGEMENT DU 09 Août 2024
PARTIES EN CAUSE
DEMANDERESSE :
Madame [K] [Z] [S] épouse [J]
née le [Date naissance 3] 1985 à [Localité 10]
[Adresse 5]
[Localité 7]
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 20201332 du 11/05/2020 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de MEAUX)
Représentée par Me Nathalie DUMONTET, avocat au barreau de MEAUX
DEFENDEUR :
Monsieur [G] [J]
né le [Date naissance 2] 1988 à [Localité 12] (BÉNIN)
[8] [Adresse 4]
[Localité 6]
Représenté par Me Valérie LENFANT, avocat au barreau de MEAUX
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DEBATS
A l'audience en chambre du conseil du 12 juin 2024, Louise PIERRE Juge aux Affaires Familiales, a entendu en leurs plaidoiries les avocats des parties.
La cause a été renvoyée pour jugement à l'audience du 09 Août 2024
Greffier : Charlélie VIENNE, Greffier
Date de l'ordonnance de clôture : 5 février 2024
JUGEMENT
Contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe par Louise PIERRE Juge aux Affaires Familiales, la minute étant signée par Madame Louise PIERRE, Juge aux affaires familiales et M. Charlélie VIENNE, Greffier;
EXPOSE DU LITIGE
Madame [K] [S] et Monsieur [G] [J] se sont mariés le [Date mariage 1] 2015 à [Localité 9], sans avoir fait précéder leur union d'un contrat de mariage.
De cette union n'est issu aucun enfant.
À la suite de la requête en divorce déposée le 19 novembre 2020 par Madame [K] [S], le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Meaux a, par ordonnance de non-conciliation en date du 13 avril 2021, constaté que la requérante maintenait sa demande en divorce et a :
- déclaré le juge français compétent et la loi française applicable au présent litige,
- dit que les époux résideront séparément, un délai de 2 mois ayant été imparti à l'époux pour quitter les lieux,
- attribué à Madame [K] [S] la jouissance du domicile conjugal, à charge pour elle de régler les charges et loyers afférents,
- réservé les dépens.
Par acte d’huissier de justice signifié le 30 mars 2022, Madame [K] [S] a assigné Monsieur [G] [J] en divorce sur le fondement de l’article 242 du code civil.
Aux termes de ses dernières écritures, notifiées par voie électronique le 28 février 2023, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile, Madame [K] [S] demande au juge aux affaires familiales, outre le prononcé du divorce sur le fondement des articles 242 et suivants du code civil, de :
- reporter les effets du divorce sur le plan patrimonial dans les rapports entre époux à la date du 17 juillet 2019,
- lui attribuer le droit au bail de l'ancien domicile conjugal sis [Adresse 5] à [Localité 7],
- condamner Monsieur [G] [J] à lui verser une prestation compensatoire d'un montant de 9 000 euros en capital,
- condamner Monsieur [G] [J] à lui verser la somme de 4 000 euros à titre de dommages et intérêts,
- condamner la partie défenderesse aux dépens.
Aux termes de ses dernières écritures notifiées par voie électronique le 28 novembre 2023, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile, Monsieur [G] [J] demande quant à lui au juge, outre le prononcé du divorce aux tords partagés de :
- reporter les effets du divorce à la date de l'ordonnance de non-conciliation,
- débouter la requérante de l'ensemble de ses demandes contraires.
Sur quoi, la clôture de la procédure a été prononcée aux termes d’une ordonnance du 5 février 2024.
L’affaire a été appelée à l'audience du 12 juin 2024 et mise en délibéré au 9 août 2024.
SUR LE PRINCIPE DU DIVORCE
Selon les dispositions de l'article 242 du code civil, le divorce peut être demandé par l'un des époux lorsque des faits constitutifs d'une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage sont imputables à son conjoint et rendent intolérable le maintien de la vie commune.
Aux termes de l’article 212 du code civil, les époux se doivent mutuellement respect, fidélité, secours et assistance. L'article 215 du Code civil dispose que les époux s'obligent mutuellement à une communauté de vie.
L’article 9 du code de procédure civile dispose qu’il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.
En l’espèce, Madame [K] [S] sollicite le prononcé du divorce aux torts exclusifs de Monsieur [G] [J], invoquant que ce dernier a commis des violences à son encontre, pour lesquelles il a été condamné, suivant jugement du tribunal correctionnel de Meaux du 24 septembre 2020, ajoutant que ce dernier a eu un enfant durant la vie commune. En défense, Monsieur [G] [J] indique qu'il a certes été condamné pour des faits de violence mais que son épouse a entretenu une relation adultère pendant le mariage et qu'à ce titre, le divorce doit être prononcé aux tords partagés des époux.
Il est constant que, suivant jugement du 24 septembre 2020, Monsieur [G] [J] a été condamné du chef de violences commises à l'encontre de son épouse, le 7 novembre 2018, ayant entraîné une incapacité temporaire de travail de trois jours. La commission desdites violences constitue incontestablement une faute grave rendant intolérable le maintien de la vie commune, ce dont convient Monsieur [G] [J] aux termes de ses écritures.
Il résulte ainsi des éléments exposés ci-dessus que sont imputables à Monsieur [G] [J] des faits constitutifs d'une violation grave des devoirs et obligations du mariage au sens de l'article 242 du code civil, rendant intolérable le maintien de la vie commune. Dès lors que cette faute est caractérisée, il n'est pas utile de répondre au moyen surabondant tiré de la relation adultère de l'époux.
S'agissant de la violation de l'obligation de fidélité dont fait état l'époux, il est relevé que, d'une part, Monsieur [G] [J] se contente de procéder par voie d'affirmations, n'apportant aucun élément objectif de nature à corroborer ses dires et que, d'autre part, dans la mesure où la commission des violences, faute grave rendant intolérable le maintien de la vie commune, date de 2018, il n'est pas fondé à invoquer la commission d'une faute ultérieure de la part de son épouse, victime des violences qu'il lui a infligées.
Il convient donc de faire droit à la demande principale et de prononcer le divorce pour faute aux torts exclusifs de Monsieur [G] [J].
SUR LES CONSÉQUENCES DU DIVORCE
Sur le report des effets du divorce dans les rapports entre les époux en ce qui concerne leurs biens
Aux termes de l’article 262-1 du code civil, dans sa version applicable à la présente instance, le jugement de divorce prend effet dans les rapports entre les époux, en ce qui concerne leurs biens, lorsqu'il est prononcé pour acceptation du principe de la rupture du mariage, pour altération définitive du lien conjugal ou pour faute, à la date de l'ordonnance de non-conciliation. À la demande de l’un des époux, le juge peut fixer les effets du jugement à la date à laquelle ils ont cessé de cohabiter et de collaborer, ces deux conditions étant cumulatives, à savoir ne plus vivre sous le même toit et ne peut plus poursuivre une œuvre commune, étant précisé que l'absence de cohabitation fait présumer celle de la collaboration.
Conformément à l’article 1353 du code civil, c’est à celui qui invoque la poursuite de la collaboration qu’il appartient de la prouver. Le maintien de la collaboration, au sens de l'article 262-1 du code civil, est caractérisé par l’existence de relations patrimoniales entre les époux, résultant d’une volonté commune allant au-delà des obligations découlant du mariage. Ainsi, des actes de simple gestion courante ou l’exécution d’obligations découlant du régime matrimonial ne peuvent caractériser une collaboration.
En l’espèce, Madame [K] [S] sollicite le report de la date des effets du divorce au 17 juillet 2019, date à laquelle elle soutient qu'elle a quitté le domicile conjugal en raison de la commission des violences.
Or, force est de constater que l'ordonnance de non-conciliation rendue le 13 avril 2021 a constaté que les époux résidaient encore ensemble et a accordé à l'époux un délai de deux mois pour quitter les lieux. Dès lors, sa demande sera rejetée.
Les effets du divorce dans les rapports patrimoniaux entre époux seront dès lors fixés à la date de l'ordonnance de non-conciliation, soit le 13 avril 2021, tel que le sollicite l'époux.
Sur la demande d'attribution du droit au bail
Il résulte de l’article 1751 du code civil que le droit au bail du local, sans caractère professionnel ou commercial, qui sert effectivement à l'habitation de deux époux est, quel que soit leur régime matrimonial et nonobstant toute convention contraire et même si le bail a été conclu avant le mariage, réputé appartenir à l'un et à l'autre des époux. En cas de divorce ou de séparation de corps, ce droit peut être attribué à l'un des époux par la juridiction saisie de la demande en divorce ou en séparation de corps, en considération des intérêts sociaux et familiaux en cause, sous réserve des droits à récompense ou à indemnité au profit de l'autre époux.
En l'espèce, Madame [K] [S] sollicite que le droit au bail du domicile conjugal lui soit attribué. Dans la mesure où l'ordonnance sur mesures provisoires a attribué à Madame [K] [S] la jouissance du domicile conjugal et qu'il ressort de ses dernières conclusions quelle y réside toujours, il sera fait droit à sa demande.
Sur la prestation compensatoire
En vertu de l’article 270 du code civil, le divorce met fin au devoir de secours entre époux.
Toutefois, l’un des époux peut être tenu de verser à l’autre une prestation compensatoire destinée à compenser, autant qu’il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives. Cette prestation a un caractère forfaitaire.
Selon l’article 271 du code civil, la prestation compensatoire est fixée selon les besoins de l’époux à qui elle est versée et les ressources de l’autre, en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l’évolution de celle-ci dans un avenir prévisible. À cet effet, le juge prend en considération notamment :
- la durée du mariage ;
- l’âge et l’état de santé des époux ;
- leur qualification et leur situation professionnelles ;
- les conséquences des choix professionnels faits par l’un des époux pendant la vie commune pour l’éducation des enfants et du temps qu’il faudra encore y consacrer ou pour favoriser la carrière de son conjoint au détriment de la sienne ;
- le patrimoine estimé ou prévisible des époux, tant en capital qu’en revenu, après la liquidation du régime matrimonial ;
- leurs droits existants et prévisibles ;
- leur situation respective en matière de pensions de retraite en ayant estimé, autant qu'il est possible, la diminution des droits à retraite qui aura pu être causée, pour l'époux créancier de la prestation compensatoire, par les circonstances visées au sixième alinéa.
Conformément à l’article 9 du code de procédure civile, la charge de la preuve de l’existence de cette disparité incombe au demandeur à la prestation compensatoire. Il peut notamment le faire au moyen de la déclaration sur l’honneur prévue à l’article 272 du code civil laquelle certifie l’exactitude des ressources, revenus, patrimoine et conditions de vie de l’intéressé, mais celle-ci n’est pas une condition de recevabilité de la demande de prestation compensatoire.
En l’espèce, Madame [K] [S] sollicite une prestation compensatoire d’un montant de 9 000 euros. Selon elle, il existe une disparité importante dans la situation respective des deux époux Madame [K] [S] a produit l'attestation sur l'honneur prévue par l'article 272 du code civil. Monsieur [G] [J] s’oppose à cette demande. Monsieur [G] [J] n'a pas produit l'attestation sur l'honneur prévue par l'article 272 du code civil.
S'agissant de la durée du mariage et de l'âge des époux, le mariage de Madame [K] [S] (39 ans) et Monsieur [G] [J] (36 ans) a duré 6 ans, les époux ayant cohabité et collaboré jusqu’en 2021.
Madame [K] [S] produit pour seuls éléments :
- un bulletin de salaire du mois d'avril 2022 faisant apparaître un revenu mensuel de 227 euros,
- une attestation de l’organisme [11] du 2 mars 2020 relative à la perception d’une allocation de retour à l’emploi à hauteur de 932 euros au mois de février 2020,
- un avis d'échéance de loyer pour le mois d'avril 2022 d’un montant de 498 euros.
Il est relevé qu'alors que la procédure a été clôturée au mois de février 2024, aucun élément susceptible d'actualiser la situation financière de la requérante n'est versée aux débats, ce dont il sera tiré toutes conséquences.
Monsieur [G] [J] produit :
- un avis d’impôt de 2022 qui fait état d’un revenu annuel de 15 636 euros, soit un revenu mensuel moyen de 1 303 euros
- une attestation de l’organisme [11] du 13 octobre 2023 relative à la perception d’une allocation de retour à l’emploi à hauteur de 1 516 euros, ce dernier justifiant que son contrat de travail à durée indéterminée à pris fin au 21 janvier 2023, suite à la rupture de sa période d'essai,
- une attestation d'élection de domicile auprès de la [8] datée du 18 octobre 2021.
Ainsi, en l'état de l'opacité de la situation financière de Madame [K] [S], sa demande ne peut qu'être rejetée.
Sur la demande de dommages et intérêts
En application de l’article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
Les époux sont fondés à solliciter l'octroi de dommages et intérêts sur ce fondement, quel que soit le type de divorce, à condition de démontrer que le préjudice dont ils demandent réparation est distinct de celui né de la dissolution du mariage, l'objectif étant de réparer les fautes causées par le comportement de l'autre époux.
En l'espèce, l'épouse ne justifiant pas du préjudice du chef duquel elle demande réparation, qu'au demeurant, elle ne qualifie pas, sa demande ne peut qu'être rejetée.
SUR LES MESURES ACCESSOIRES
Sur les dépens
Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.
Le divorce étant prononcé aux torts exclusifs de Monsieur [G] [J], ce dernier sera condamné aux dépens.
PAR CES MOTIFS
Le juge aux affaires familiales, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, après débats en chambre du conseil, par jugement contradictoire et en premier ressort,
PRONONCE le divorce aux torts exclusifs de Monsieur [G] [J] :
de Madame [K], [Z] [S], née le [Date naissance 3] 1985 à [Localité 10] (Seine-Maritime),
et de Monsieur [G] [J], né le [Date naissance 2] 1988 à [Localité 12] (Bénin)
mariés le [Date mariage 1] 2015 à [Localité 9];
ORDONNE la mention du dispositif du présent jugement en marge de l’acte de mariage et des actes de naissance de chacun des époux ;
RAPPELLE à chaque époux qu’il ne pourra plus user du nom de son conjoint suite au prononcé du divorce ;
RAPPELLE que, dès lors, les effets du divorce dans les rapports pécuniaires et patrimoniaux entre époux sont fixés au 13 avril 2021, date de l'ordonnance de non-conciliation ;
RAPPELLE que le divorce emporte révocation de plein droit des avantages matrimoniaux qui ne prennent effet qu’à la dissolution du régime matrimonial ou au décès d’un époux et des dispositions à cause de mort accordées, le cas échéant, par un époux envers son conjoint par contrat de mariage ou pendant l’union ;
DIT n'y avoir lieu à ordonner la liquidation et le partage des intérêts pécuniaires et patrimoniaux des époux ;
RAPPELLE aux parties qu’il leur appartient, le cas échéant, de procéder amiablement aux opérations de compte, liquidation et partage de leurs intérêts patrimoniaux, le cas échéant devant tout notaire de leur choix, et, en cas de litige, à saisir le juge aux affaires familiales par assignation en partage selon les règles définies aux articles 1359 et suivants du code de procédure civile ;
ATTRIBUE à Madame [K] [S] le droit au bail du logement où était établi le domicile conjugal, situé [Adresse 5] à [Localité 7] à charge pour elle de régler l'intégralité des loyers et des charges ;
DÉBOUTE Madame [K] [S] de sa demande de prestation compensatoire ;
DÉBOUTE Madame [K] [S] de sa demande de dommages-intérêts ;
CONDAMNE Monsieur [G] [J] aux dépens, lesquels seront recouvrés selon la loi applicable en matière d'aide juridictionnelle ;
DÉBOUTE les parties de leurs prétentions plus amples ou contraires ;
DIT n’y avoir lieu à ordonner l’exécution provisoire pour le surplus.
En foi de quoi le jugement a été signé par le Greffier et la Juge aux affaires familiales.
Le Greffier, Le Juge aux Affaires Familiales,