Min N° 24/00613
N° RG 24/00299 - N° Portalis DB2Y-W-B7I-CDMNN
S.C.I. LES 4 CHEMINS
C/
Mme [M] [W]
M. [T] [I]
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MEAUX
JUGE DES CONTENTIEUX DE LA PROTECTION
JUGEMENT DU 07 août 2024
DEMANDERESSE :
S.C.I. LES 4 CHEMINS
[Adresse 4]
[Localité 3]
représentée par Maître Alexandre DUVAL-STALLA de la SELARL DUVAL-STALLA & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, avocats plaidant
DÉFENDEURS :
Madame [M] [W]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Maître Sophie CHHU, avocat au barreau de PARIS, avocats plaidant
Monsieur [T] [I]
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 3]
non comparant
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Président : Madame COLLANGE Elisabeth, Juge
Greffier : Madame DE PINHO Maria, Greffière
DÉBATS :
Audience publique du : 12 juin 2024
Copie exécutoire délivrée
le :
à : Maître Alexandre DUVAL-STALLA
Copie délivrée
le :
à : Maître Sophie CHHU / Monsieur [T] [I]
EXPOSÉ DU LITIGE
Par contrat du 5 novembre 2020, la SCI LES 4 CHEMINS a consenti à Madame [M] [W] et Monsieur [T] [I] un bail portant sur un logement situé [Adresse 5], à [Localité 3].
Par courrier remis en mains propres le 20 mai 2023, Madame [M] [W] a informé le bailleur qu'elle se désolidarisait du bail pris avec Monsieur [T] [I] à compter du 31 mai 2023 suite à leur séparation.
Par acte de commissaire de justice du 27 septembre 2023, la SCI LES 4 CHEMINS a fait délivrer à Madame [M] [W] une sommation de payer les loyers impayés visant la clause de solidarité du bail.
Par acte de commissaire de justice du 28 septembre 2023, la SCI LES 4 CHEMINS a fait délivrer à Monsieur [T] [I] un commandement de payer l'arriéré de loyer et de justifier de l'occupation du bien, visant la clause résolutoire du bail.
Par acte de commissaire de justice du 27 décembre 2023, la SCI LES 4 CHEMINS a fait assigner Madame [M] [W] et Monsieur [T] [I] devant le juge des contentieux de la protection de Meaux aux fins de voir :
- constater l'acquisition de la clause résolutoire du bail,
- ordonner l'expulsion de Monsieur [T] [I],
- assortir l'obligation de quitter les lieux d'une astreinte d'un montant de 100 euros par jour de retard à compter du prononcé de la décision à intervenir et jusqu'à la complète libération des lieux ;
- condamner solidairement Madame [M] [W] et Monsieur [T] [I] au paiement de la somme de 5.082,50 euros au titre de l'arriéré locatif, d'une indemnité mensuelle d'occupation, outre une somme de 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.
L'affaire a été appelée une première fois à l'audience du 6 mars 2024 et renvoyée à l'audience du 12 juin 2024.
A cette audience, la SCI LES 4 CHEMINS, représentée par son conseil, indique se désister de ses demandes aux fins d'expulsion de Monsieur [T] [I], lequel a quitté les lieux début mars 2024. Elle maintient sa demande de condamnation solidaire au paiement de la dette locative s'élevant désormais à la somme de 7.606,52 euros, tenant compte d'un versement récent de 300 euros effectué par Monsieur [T] [I]. Elle souligne que Madame [M] [W] est bien redevable de cette somme au titre de la clause de solidarité figurant dans le bail, laquelle prévoit que le colocataire sortant reste tenu du paiement des loyers pour une durée de six mois malgré son départ des lieux. Elle maintient en outre ses demandes accessoires.
Madame [M] [W], représentée par son conseil, se réfère oralement à ses conclusions par lesquelles elle demande au juge de :
A titre principal :
- constater que Monsieur [T] [I] a fait un faux au jugement JAF ;
- ordonner la désolidarisation du loyer en sa faveur ;
- condamner Monsieur [T] [I] au paiement de la totalité de l'arriéré ;
A titre subsidiaire :
- retenir la part de Madame [M] [W] à 50% des arriérés de loyer ;
- l'autoriser à régler sa dette par des règlements mensuels de 50 euros ;
En tout état de cause :
- condamner Monsieur [T] [I] au paiement de la somme de 1.800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- rejeter la demande de la SCI LES 4 CHEMINS formulée à son égard au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner Monsieur [T] [I] aux dépens.
Au soutien de ses prétentions, Madame [M] [W] se prévaut d'une interprétation large et en équité de l'article 8-2 de la loi du 6 juillet 1989, indiquant avoir été contrainte de quitter le bien loué en raison de violences commises par Monsieur [I] sur sa personne. Elle demande ainsi à ce que la clause de solidarité du bail soit écartée et partant, à être désolidarisée du paiement des loyers impayés par Monsieur [T] [I] suite à son départ des lieux en mai 2023, eu égard à ce contexte et aux déclarations mensongères de celui-ci dans le cadre de la procédure devant le Juge aux affaires familiales, Monsieur [T] [I] ayant indiqué faire face à de nombreuses charges dont un loyer de 845,35 euros alors que la présente procédure démontre qu'il ne réglait plus lesdits loyers. Au soutien de sa demande subsidiaire aux fins de délais, elle fait état de sa situation personnelle et financière.
Par courriel reçu au greffe le 11 juin 2024, Monsieur [T] [I] a informé la juridiction de son absence à l'audience, sans solliciter de renvoi.
L'affaire a été mise en délibéré au 7 août 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION
En application de l'article 472 du code de procédure civile, si un défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond, le juge ne faisant alors droit à la demande que dans la mesure où il l'estime régulière, recevable et bien fondée.
A titre liminaire, il sera rappelé qu'il n'y a pas lieu de stater sur les demandes de " dire " qui ne constituent pas des prétentions susceptibles d'entrainer des conséquences juridiques au sens de l'article 4 du code de procédure civile, mais uniquement la reprise des moyens développés dans le corps des conclusions, et qui ne doivent pas, à ce titre, figurer dans le dispositif des écritures des parties.
Sur les demandes principales en paiement :
Conformément à l'article 12 du code de procédure civile, le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables.
L'article 1103 du code civil prévoit que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
Aux termes de l'article 7 a) de la loi du 6 juillet 1989, le locataire est obligé de payer les loyers et charges aux termes convenus. En application de l'article 1353 du code civil, il appartient à celui qui demande l'exécution d'une obligation d'en rapporter la preuve.
Selon l'article 24 V de la loi du 6 juillet 1989, le juge peut d'office vérifier tout élément constitutif de la dette locative.
Aux termes de l'article 8-2 de la même loi, lorsque le conjoint du locataire, son partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou son concubin notoire quitte le logement en raison de violences exercées au sein du couple ou sur un enfant qui réside habituellement avec lui, il en informe le bailleur par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, accompagnée de la copie de l'ordonnance de protection délivrée par le juge aux affaires familiales dont il bénéficie et préalablement notifiée à l'autre membre du couple ou de la copie d'une condamnation pénale de ce dernier pour des faits de violences commis à son encontre ou sur un enfant qui réside habituellement avec lui et rendue depuis moins de six mois. La solidarité du locataire victime des violences et celle de la personne qui s'est portée caution pour lui prennent fin le lendemain du jour de la première présentation du courrier mentionné au premier alinéa au domicile du bailleur, pour les dettes nées à compter de cette date.
En l'espèce, la SCI LES 4 CHEMINS produit un décompte démontrant qu'en fin de bail, une dette locative reste due, s'élevant à la somme de 7.606,52 euros, après déduction du dépôt de garantie d'un montant de 755 euros. Il apparait sur le décompte que cette dette s'est constituée à compter du mois de juillet 2023, soit après le départ des lieux de Madame [M] [W], dont elle avait informé régulièrement le bailleur par courrier remis en mains propres le 20 mai 2023.
Celle-ci sollicite le débouté des demandes formulées à son encontre, soulignant avoir quitté le logement dans un contexte de violences conjugales.
Sur le contexte de ce départ des lieux, elle produit des mains courantes du mois de mars 2023 par lesquelles elle indique quitter le domicile conjugal dans le cadre d'une séparation difficile, Monsieur [T] [I] pouvant se montrer agressif dans ses propos.
Au-delà de ces éléments, purement déclaratifs et peu circonstanciés, il sera relevé qu'aucune ordonnance de protection n'a été sollicitée auprès du Juge aux affaires familiales lui permettant de bénéficier d'un régime protecteur vis-à-vis du logement qu'elle partageait avec son ex-compagnon ; les conditions d'application du texte dont elle se prévaut sont précises et Madame [M] [W] ne répond pas aux critères qu'il définit lui permettant le bénéfice de ces dispositions dérogatoires. Par principe, les rapports entre locataires ne sont pas opposables au bailleur et les dispositions contractuelles auxquelles chacun des locataires a consenti au début de la relation contractuelle ont vocation à s'appliquer.
Par ailleurs, l'argument tiré d'un " faux " de Monsieur [T] [I] dans le cadre de la procédure devant le Juge aux affaires familiales n'est pas plus opérant dès lors qu'aucune conséquence juridique ne pourrait en être tirée dans le cadre de la présente procédure locative ; cette assertion parait par ailleurs tout à fait excessive dès lors qu'il en ressort que Monsieur [T] [I] a simplement produit devant ce juge un avis d'échéance de loyer d'un montant de 815 euros pour justifier de ses charges ; cela pourrait traduire tout au plus la mauvaise foi de ce dernier qui a omis de préciser qu'un arriéré de loyer s'était constitué depuis plusieurs mois concernant ce bail.
Dans ces conditions, la clause de solidarité du contrat de bail du 5 novembre 2020 s'applique au cas d'espèce. Celle-ci prévoit qu' " il est expressément stipulé que les copreneurs et toutes personnes pouvant se prévaloir des dispositions de l'article 14 de la loi du 6 juillet 1989 seront tenus solidairement et indivisiblement de l'exécution des obligations du présent contrat (…) Si un cotitulaire délivrait congé et quittait les lieux, il resterait en tout état de cause tenu du paiement des loyers et accessoires et, plus généralement, de toutes les obligations du bail en cours au moment de la délivrance du congé et de ses suites et notamment des indemnités d'occupation et de toutes sommes dues au titre des travaux de remise en état. En cas de colocation, la solidarité d'un des colocataires et celle de la personne qui s'est portée caution pour lui prennent fin à la date d'effet du congé régulièrement délivré et lorsqu'un nouveau colocataire figure au bail. A défaut, la solidarité du colocataire sortant s'éteint au plus tard à l'expiration d'un délai de six mois après la date d'effet du congé ".
Ainsi, la solidarité de Madame [M] [W] sur ce bien s'est éteinte à l'expiration d'un délai de six mois après la date d'effet du congé, soit, et cela n'est pas contesté, jusqu'à février 2024 inclus, ce qui correspond au départ des lieux de Monsieur [T] [I].
En outre, le mécanisme de la solidarité veut que le créancier puisse réclamer la totalité de sa créance à l'un ou l'autre des débiteurs solidaires, sans bénéfice de division pour ces derniers. Par suite, la demande subsidiaire de Madame [M] [W] sera également rejetée.
En conséquence, Madame [M] [W] et Monsieur [T] [I] seront condamnés solidairement à payer à la SCI LES 4 CHEMINS la somme de 7.606,52 euros au titre des loyers et charges impayées au terme du bail, ladite somme produisant intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement à intervenir.
Sur la demande reconventionnelle de Madame [M] [W] aux fins de délais :
Aux termes de l'article 1343-5 du code civil, le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.
En l'espèce, Madame [M] [W] sollicite à l'audience des délais de paiement pour s'acquitter de la dette locative.
Il sera tenu compte des revenus déclarés et justifiés par cette dernière, du fait qu'elle a un enfant à charge, et qu'elle doit déjà assumer depuis plus d'un an son propre loyer suite à son départ du logement en litige courant 2023, outre le fait qu'il existe un débiteur solidaire dont les paiements ont vocation à s'imputer sur la dette commune.
Il doit toutefois être tenu compte du montant de la dette et de l'échelonnement maximal prévu par les textes sur une durée de deux ans, afin de préserver les droits des bailleurs.
Compte tenu de ces éléments, Madame [M] [W] sera autorisée à se libérer du montant de sa dette selon les modalités qui seront précisées au dispositif de la présente décision.
Sur les demandes accessoires :
En application de l'article 696 du code de procédure civile, Madame [M] [W] et Monsieur [T] [I], qui succombent tous deux à l'instance, supporteront in solidum la charge des dépens.
Compte tenu des démarches judiciaires qu'a été contrainte d'engager la SCI LES 4 CHEMINS, Monsieur [T] [I] sera condamné à lui payer la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Pour des raisons d'équité, il n'y a pas lieu de condamner Madame [M] [W] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Enfin, celle-ci sera déboutée de sa demande de ce chef compte tenu de l'issue du litige.
Enfin, l'exécution provisoire de la présente décision est de droit et il n'y a pas lieu de l'écarter par application des articles 514 et 514-1 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Le juge des contentieux de la protection, statuant après débats publics, par jugement réputé contradictoire rendu en premier ressort, par mise à disposition au greffe,
CONSTATE le désistement de la SCI LES 4 CHEMINS de ses demandes aux fins d'expulsion de Monsieur [T] [I] du logement sis [Adresse 5] à [Localité 3] ;
CONDAMNE solidairement Madame [M] [W] et Monsieur [T] [I] à payer à la SCI LES 4 CHEMINS la somme de 7.606,52 euros au titre du solde locatif relatif au logement loué en vertu du contrat de bail du 5 novembre 2020 signé entre les parties ;
DIT que cette somme portera intérêts au taux légal à compter de la signification de la présente décision ;
AUTORISE Madame [M] [W] à s'acquitter de la dette en 23 mensualités de 100 euros minimum chacune et une 24ème mensualité soldant la dette, payables le 10 de chaque mois, et pour la première fois le 10 du mois suivant la signification de la présente décision ;
DIT qu'en cas de défaut de paiement d'une échéance à sa date exacte, et après une mise en demeure restée sans effet pendant quinze jours, l'échelonnement qui précède sera caduc et la totalité des sommes dues deviendra immédiatement exigible ;
RAPPELLE qu'aux termes de l'article 1343-5 du code civil, la présente décision suspend les procédures d'exécution et interdit la mise en œuvre de nouvelles procédures pendant le délai de grâce ;
CONDAMNE Monsieur [T] [I] à payer à la SCI LES 4 CHEMINS la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE in solidum Madame [M] [W] et Monsieur [T] [I] aux dépens ;
DEBOUTE les parties de leur demande plus ample ou contraire ;
DIT n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire de la présente décision.
LE GREFFIER LE JUGE