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07/08/2024 | FRANCE | N°24/00194

France | France, Tribunal judiciaire de Meaux, Ctx gen jcp, 07 août 2024, 24/00194


Min N° 24/00612
N° RG 24/00194 - N° Portalis DB2Y-W-B7I-CDMGN

S.C.I. C.J.F.M

C/
M. [H] [W]
Mme [M] [W]



TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MEAUX
JUGE DES CONTENTIEUX DE LA PROTECTION

JUGEMENT DU 07 août 2024




DEMANDERESSE :

S.C.I. C.J.F.M
[Adresse 1]
[Localité 3]

représentée par Me Emmanuelle GLIKSON, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant



DÉFENDEURS :

Monsieur [H] [W]
[Adresse 2]
[Localité 4]

Madame [M] [W]
[Adresse 2]
[Localité 4]

représentés par Me Morgan

e LAMBRET, avocat au barreau de MEAUX, avocat plaidant



COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Président : Madame COLLANGE Elisabeth, Juge
Greffier : Madame DE PINHO Maria, Greffière



...

Min N° 24/00612
N° RG 24/00194 - N° Portalis DB2Y-W-B7I-CDMGN

S.C.I. C.J.F.M

C/
M. [H] [W]
Mme [M] [W]

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MEAUX
JUGE DES CONTENTIEUX DE LA PROTECTION

JUGEMENT DU 07 août 2024

DEMANDERESSE :

S.C.I. C.J.F.M
[Adresse 1]
[Localité 3]

représentée par Me Emmanuelle GLIKSON, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

DÉFENDEURS :

Monsieur [H] [W]
[Adresse 2]
[Localité 4]

Madame [M] [W]
[Adresse 2]
[Localité 4]

représentés par Me Morgane LAMBRET, avocat au barreau de MEAUX, avocat plaidant

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Président : Madame COLLANGE Elisabeth, Juge
Greffier : Madame DE PINHO Maria, Greffière

DÉBATS :

Audience publique du : 12 juin 2024

Copie exécutoire délivrée
le :
à : Me Morgane LAMBRET

Copie délivrée
le :
à : Me Emmanuelle GLIKSON

EXPOSÉ DU LITIGE

Depuis le 1er septembre 2014, Monsieur [H] [W] et Madame [M] [W] occupent un bien sis [Adresse 2] à [Localité 4] en vertu d'un bail consenti par la SCI CJFM.

Par acte de commissaire de justice du 12 juillet 2022, la SCI CJFM a fait délivrer à Monsieur [H] [W] un congé en vue de la reprise du logement pour vente, prenant effet à la date d'expiration dudit contrat, soit le 31 août 2023.

Par acte de commissaire de justice du 14 décembre 2023, la SCI CJFM a fait assigner Monsieur [H] [W] et Madame [M] [W] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Meaux aux fins de voir :
- constater la validité du congé avec offre de vente du 12 juillet 2022,
- ordonner la résiliation du bail verbal du 1er septembre 2014,
- ordonner l'expulsion de Monsieur [H] [W] et de Madame [M] [W],
- condamner solidairement ces derniers au paiement d'une somme de 3.000 euros au titre des loyers impayés, de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts et frais de procédure, d'une indemnité mensuelle d'occupation d'un montant de 1.000 euros jusqu'à la libération effective des lieux, de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens.

L'affaire a été appelée une première fois à l'audience du 31 janvier 2024, puis renvoyée aux audiences des 3 avril 2024 et 12 juin 2024.

A cette audience, la SCI CJFM, représentée par son conseil, se réfère oralement à ses conclusions par lesquelles elle demande au juge de :
- la déclarer recevable et bien fondée en ses demandes ;
- débouter les époux [W] de leurs demandes ;
- constater la résiliation du bail verbal du 1er septembre 2014 par l'effet du congé vente du 12 juillet 2022 et, subsidiairement, prononcer la résiliation judiciaire du bail ;
- ordonner en conséquence l'expulsion des époux [W] ;
- condamner solidairement les époux [W] au paiement d'une somme de 1.000 euros au titre des loyers impayés, de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts et frais de procédure, d'une indemnité mensuelle d'occupation d'un montant de 1.000 euros jusqu'à la libération effective des lieux, de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

A l'appui de ses prétentions, la SCI CJFM fait valoir que le congé délivré à l'égard de Monsieur [W] le 12 juillet 2022 est parfaitement valable et a eu pour effet d'entraîner la résiliation du bail verbal liant les parties au 31 août 2023. Elle souligne que les motifs de nullité soulevés par la partie adverse sont inopérants dès lors que les époux [W] ne justifient d'aucun grief. Sur sa demande de résiliation subsidiaire, elle indique dans ses écritures que les époux [W] restent débiteur à son égard d'une somme de 100 euros, et corrige oralement ledit montant à l'audience en mentionnant une somme de 1.000 euros correspondant au loyer impayé du mois courant.

Sur sa demande de dommages et intérêts, elle indique que le maintien dans les lieux des locataires leur a causé un préjudice financier, lié au changement contraint du siège social de la SCI, ainsi qu'un préjudice moral.

Sur la demande reconventionnelle des époux [W], elle souligne avoir informé les locataires de son intention de vendre le bien loué dès 2020 si bien que ces derniers sont conscients depuis plusieurs années qu'ils doivent quitter le logement. Elle souligne également que la situation financière des époux [W] n'est pas défavorable, contrairement à ce que ces derniers prétendent.

Monsieur [H] [W] et Madame [M] [W], représentés par leur conseil, se réfèrent oralement à leurs conclusions par lesquelles ils demandent au juge de :
A titre principal :
- déclarer la SCI CJFM irrecevable et mal fondée en ses demandes et l'en débouter ;

- déclarer nul et de nul effet le congé pour vente délivré à Monsieur [H] [W] le 12 juillet 2022 ;
- déclarer inopposable à l'égard de Madame [M] [W] le congé pour vente délivré le 12 juillet 2022 ;

A titre subsidiaire :
- leur accorder un délai pour quitter les lieux ;
En tout état de cause :
- débouter la SCI CJFM de sa demande de dommages et intérêts, de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et condamner la SCI CJFM à lui payer la somme de 2.000 euros sur le fondement de ce texte, outre les dépens.

En réplique aux prétentions adverses, ils soutiennent que le congé du 12 juillet 2022 encourt la nullité dès lors qu'il n'a été délivré qu'à l'égard de Monsieur [W] et non de Madame [W], qui est également locataire du bien depuis l'origine, ce que n'ignore pas le bailleur ; que ce congé doit à tout le moins être jugé inopposable à Madame [W] qui n'a pas été destinataire du congé. Ils invoquent également le non-respect des formalités prescrites par l'article 15 de la loi du 6 juillet 1989 à peine de nullité, soulignant que le congé n'apporte aucune précision sur la consistance du bien mis en vente.

Sur la demande subsidiaire aux fins de résiliation judiciaire du bail, ils soulignent qu'aucune mise en demeure de régler un quelconque arriéré de loyer ne leur a été adressée, qu'ils sont à jour du règlement de leurs loyers, et que le bailleur ne justifie pas de la saisine de la CCAPEX conformément aux dispositions de l'article 24 de la loi du 6 juillet 1989.

Sur leur demande reconventionnelle et subsidiaire, ils soulignent que leur situation justifie que leur soit accordé un délai supplémentaire de huit mois pour quitter les lieux, mettant en évidence qu'ils occupent le bien depuis près de dix ans avec leur quatre enfants, scolarisés sur le secteur ; que Madame [W] travaille à [Localité 4] ; qu'ils ont leurs attaches dans cette commune ; que leur situation financière est fragile compte tenu d'une reprise d'activité récente de Monsieur [W] ; que ces éléments de contexte ne faciliteront pas leurs démarches de relogement.

Sur la demande de dommages et intérêts de la SCI CJFM, ils soulignent que celle-ci n'est pas justifiée, ni dans son principe ni dans son quantum.

L'affaire a été mise en délibéré au 7 août 2024.

Par note en délibéré reçue au greffe le 31 juillet 2024, le conseil de la SCI CJFM transmet deux nouvelles pièces à l'attention du magistrat. Dans sa réponse adressée au greffe le 1er août 2024, le conseil des époux [W] demande à ce qu'il ne soit pas tenu compte de ces éléments, dont la transmission en cours de délibéré n'a pas été autorisée par le juge à l'audience.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur les éléments transmis par la SCI CJFM en cours de délibéré :

Aux termes de l'article 16 du code de procédure civile, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement. Il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations.

Aux termes de l'article 445 du code du même code, après la clôture des débats, les parties ne peuvent déposer aucune note à l'appui de leurs observations.

Il résulte de ces textes que la note en délibéré de la SCI CJFM, transmise après les débats à l'audience et sans autorisation préalable du tribunal, doit être écartée des débats.

Sur la demande principale fondée sur le congé vente du 12 juillet 2022 :

Aux termes de l'article 15 I de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989, lorsque le bailleur donne congé à son locataire, ce congé doit être justifié soit par sa décision de reprendre ou de vendre le logement, soit par un motif légitime et sérieux, notamment l'inexécution par le locataire de l'une des obligations lui incombant. A peine de nullité, le congé donné par le bailleur doit indiquer le motif allégué. Le délai de préavis applicable au congé est de six mois lorsqu'il émane du bailleur.

Le même texte précise que le congé pour vente doit, à peine de nullité, indiquer le prix et les conditions de la vente projetée. Le congé vaut offre de vente au profit du locataire : l'offre est valable pendant les deux premiers mois du délai de préavis. A l'expiration du délai de préavis, le locataire qui n'a pas accepté l'offre de vente est déchu de plein droit de tout titre d'occupation sur le local.

En l'espèce, il n'est pas contesté que Monsieur et Madame [W] sont tous deux locataires du logement loué par la CJFM en vertu d'un contrat de bail ayant pris effet le 1er septembre 2014, et ce depuis l'origine du bail.

La SCI CJFM se prévaut d'un congé vente délivré le 12 juillet 2022 à Monsieur [W] pour solliciter l'expulsion des locataires, qui seraient devenus occupants sans droit ni titre à l'expiration du délai imparti dans ce congé, soit depuis le 1er septembre 2023.

Le fait que l'huissier ayant signifié l'acte ne pouvait savoir, s'agissant d'un bail verbal, que Madame [W] avait également la qualité de locataire et que le congé devait ainsi lui être également adressé, est inopérant dès lors que ce dernier est mandaté par le bailleur et se fonde sur les informations délivrées par ce dernier. Aucune confusion sur la qualité de locataire de Madame [W] ne saurait être invoquée par le bailleur dès lors qu'une promesse de vente avait été établie le 8 octobre 2020 entre elle et les époux [W], qui sont mentionnés clairement comme étant mariés et résidant ensemble à cette adresse.

Le défaut de signification du congé à l'un des locataires du bien loué ne fait pas encourir la nullité du congé mais le rend inopposable au locataire concerné, soit Madame [W].

Compte tenu du principe d'indivisibilité du bail, celui-ci ne peut avoir été résilié le 1er septembre 2023 par effet du congé du 12 juillet 2022, congé inopposable à l'un des locataires, sans qu'il ne soit nécessaire d'examiner les autres causes invoquées de nullité du congé.

Le bail d'habitation unissant la SCI CJFM et les époux [W] a été par conséquent reconduit pour une durée de trois ans à compter du 1er septembre 2023.

La SCI CJFM sera donc déboutée de sa demande principale fondée sur la résiliation du bail par l'effet du congé vente du 12 juillet 2022.

Sur la demande subsidiaire aux fins de résiliation judiciaire du bail :

Aux termes de l'article 1224 du code civil, la résolution résulte soit de l'application d'une clause résolutoire soit, en cas d'inexécution suffisamment grave, d'une notification du créancier au débiteur ou d'une décision de justice.

En application des articles 1728, 1741 du code civil et 7 a) de la loi du 6 juillet 1989, le locataire a pour obligation principale le paiement du loyer.

En l'espèce, le bailleur sollicite à titre subsidiaire la résiliation judiciaire du bail, arguant d'un manquement des locataires à leur obligation de paiement des loyers.

Elle se prévaut à l'audience du non-règlement de l'échéance de juin 2024, soit du loyer du mois courant.

Or, les parties sont liées par un bail verbal. Ainsi, le terme de l'échéance du loyer n'est pas fixé et on ne peut dès lors considérer, au 12 juin 2024, que les époux [W] sont débiteurs du loyer du mois de juin, avant l'expiration du mois complet.

En outre, le non-paiement du loyer courant ne revêt pas le critère de gravité requis susceptible d'entraîner la résiliation judiciaire du bail.

La SCI CJFM sera déboutée de sa demande de résiliation judiciaire.

En outre, aucune inexécution contractuelle imputable aux locataires n'étant établie, la SCI CJFM sera également déboutée de sa demande de dommages et intérêts à leur égard.

Enfin, il n'y a pas lieu de statuer sur la demande subsidiaire des époux [W], devenue sans objet par suite du débouté des demandes adverses.

Sur les mesures accessoires :

En application de l'article 696 du code de procédure civile, la SCI CJFM conservera la charge des dépens exposés.

Compte tenu de l'issue du litige, la SCI CJFM sera condamnée à payer aux époux [W] une somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Enfin, l'exécution provisoire de la présente décision est de droit et il n'y a pas lieu de l'écarter par application des articles 514 et 514-1 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le juge des contentieux de la protection, statuant après débats publics, par jugement contradictoire rendu en premier ressort, par mise à disposition au greffe,

ECARTE des débats les pièces transmises au greffe par la SCI CJFM le 31 juillet 2024 ;

DECLARE le congé pour vente du 12 juillet 2022 à effet au 31 août 2023 inopposable à Madame [M] [W] ;

DIT que le bail verbal liant les parties a été reconduit le 1er septembre 2023 ;

DEBOUTE la SCI CJFM de l'ensemble de ses demandes ;

CONDAMNE la SCI CJFM à payer à Monsieur [H] [W] et Madame [M] [W] la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE les parties de leurs demandes pour le surplus ;

DIT n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire de la présente décision.

LE GREFFIER LE JUGE


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Meaux
Formation : Ctx gen jcp
Numéro d'arrêt : 24/00194
Date de la décision : 07/08/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 13/08/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-08-07;24.00194 ?
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