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25/07/2024 | FRANCE | N°23/01994

France | France, Tribunal judiciaire de Meaux, 1ère ch. - sect. 1, 25 juillet 2024, 23/01994


- N° RG 23/01994 - N° Portalis DB2Y-W-B7H-CDCL2
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MEAUX
1ERE CHAMBRE

Date de l'ordonnance de
clôture : 03 juin 2024

Minute n° 24/679

N° RG 23/01994 - N° Portalis DB2Y-W-B7H-CDCL2






Le

CCC : dossier

FE :
Me David WOLFF
Me Marie GITTON


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


JUGEMENT DU VINGT CINQ JUILLET DEUX MIL VINGT QUATRE



PARTIES EN CAUSE

DEMANDERESSE

S.A.R.L. MAISONS PIERRE
[Adresse 2]
représentée par Me David WOL

FF, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant


DEFENDEURS

Madame [G] [M]
Monsieur [C] [M]
[Adresse 1]
représentés par Maître Marie GITTON de la SELARL RIAD - GITTON AVOCAT...

- N° RG 23/01994 - N° Portalis DB2Y-W-B7H-CDCL2
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MEAUX
1ERE CHAMBRE

Date de l'ordonnance de
clôture : 03 juin 2024

Minute n° 24/679

N° RG 23/01994 - N° Portalis DB2Y-W-B7H-CDCL2

Le

CCC : dossier

FE :
Me David WOLFF
Me Marie GITTON

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

JUGEMENT DU VINGT CINQ JUILLET DEUX MIL VINGT QUATRE

PARTIES EN CAUSE

DEMANDERESSE

S.A.R.L. MAISONS PIERRE
[Adresse 2]
représentée par Me David WOLFF, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

DEFENDEURS

Madame [G] [M]
Monsieur [C] [M]
[Adresse 1]
représentés par Maître Marie GITTON de la SELARL RIAD - GITTON AVOCATS ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, avocats plaidant

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Lors des débats et du délibéré :
Président : M. BATIONO, Premier Vice-Président
Assesseurs: M. NOIROT, Juge
Mme BASCIAK, Juge

Jugement rédigé par : M. BATIONO, Premier Vice-Président

DEBATS

A l'audience publique du 20 Juin 2024
GREFFIER

Lors des débats et du délibéré : Mme BOUBEKER, Greffière

JUGEMENT

contradictoire, mis à disposition du public par le greffe le jour du délibéré, M. BATIONO, Président, ayant signé la minute avec Mme BOUBEKER, Greffière ;

***********

- N° RG 23/01994 - N° Portalis DB2Y-W-B7H-CDCL2
EXPOSÉ DES FAITS, DE LA PROCÉDURE ET DES PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par acte sous seing privé en date du 19 mars 2022, M. [U] [J], M. [X] [J] et M. [F] [J] se sont engagés à vendre à M. [C] [M] et à Mme [G] [M], qui ont accepté et se sont engagés à acquérir sous les conditions suspensives d’obtention du permis de construire et d’un prêt, un terrain à bâtir situé [Adresse 3] pour un prix de 461 750 euros.

Le même jour, M. et Mme [M] ont conclu avec la société Maisons Pierre un contrat de constructeur d’une maison individuelle sur le terrain objet du compromis de vente du 19 mars 2022 pour un prix total général de 179 850 euros ttc.

Le contrat a prévu un échelonnement des paiements du prix.

Les époux [M] ont versé à la société un acompte de 7 817 euros.

En raison d’un changement de modèle de maison ( de type Anaïs à la “gamme Select”), les parties ont signé, le 30 août 2022, un avenant au contrat de construction de maison individuelle portant le montant du prix total général à la somme de 232 880 euros ttc.

MM. [U] [J], [X] [J], [F] [J] ont signé, le 6 octobre 2022, un avenant au compromis de vente du 19 mars 2022 aux termes duquel ils ont donné leur accord pour proroger le terme de la condition suspensive relative au financement de l’acquéreur jusqu’au 6 novembre 2022.

Le 30 octobre 2022, M. [M] a adressé un courriel notamment à la société Maisons Pierre pour l’informer que leurs trois demandes de prêt avaient été toutes rejetées.

Suivant courrier RAR en date du 6 décembre 2022, les époux [M] ont informé la société Maisons Pierre qu’eu égard aux délais importants écoulés et à la modification du modèle de maisons, ils avaient reçu un refus de financement des banques consultées, que le contrat de construction de maison individuelle était caduc et qu’ils sollicitaient le remboursement de la somme versée, à savoir 7 817 euros.

Par lettre RAR en date du 27 février 2023, l’avocat de M. et Mme [M] a mis en demeure la société Maisons Pierre de restituer la somme de 7 817 euros à ses clients.

Les échanges entre les parties n’ont pas permis de trouver une solution amiable.

Suivant courrier RAR du 11 avril 2023, la société Maisons Pierre a mis en demeure les époux [M] de lui régler la somme de 16 085,00 euros en application des articles 7 et 17.2 du contrat de construction de maison individuelle.

Cette mise en demeure a été infructueuse.

Par actes d’huissier en date du 21 avril 2023, la société Maisons Pierre a fait assigner devant le présent tribunal M. et Mme [M] en paiement de la somme de 16 085 euros ttc.

Dans des conclusions notifiées par voie électronique le 15 mai 2024, elle demande au tribunal de :
Vu les articles 1134 et 1231-1 du code civil, subsidiairement 1240 du même code,
Vu le contrat de CMI conclu, ses annexes et ses plans, et notamment ses articles 7, 8.1 et 17 des
conditions générales,
Vu les pièces et jurisprudences versées aux débats,
- Débouter les consorts [M] de leurs demandes, fins et prétentions dirigées à l’encontre de la société Maisons Pierre;
- Fixer la date de la résiliation unilatérale du contrat de CMI par l’accédant au 6 décembre 2022, date de la notification du maître d’ouvrage au constructeur de son souhait de résilier le CCMI;
- Condamner in solidum les consorts [M] au paiement de la somme de 19 161,50 ttc en indemnisation forfaitaire du préjudice subi par la société Maisons Pierre du fait de la résiliation unilatérale du maître d’ouvrage, majorée de 1 % par mois de retard à compter du mois de janvier 2022 conformément à l’article 8.2 du CCMI, calculée comme suit :
✓ 7 817 € ttc versés à la signature du contrat qui seront conservés par la société Maisons Pierre;
✓ 150,50 € ttc correspondant au solde de l’échéance de 5 % du prix exigible à la signature du contrat;
✓ 19 011 € ttc à titre d’indemnité forfaitaire de 10 % du prix convenu;
- Condamner in solidum les consorts [M] au paiement de la somme de 5 000 € au titre de leur résistance abusive;
- Condamner in solidum les consorts [M] au paiement de la somme de 6 000 euros d’article 700 du CPC, outre les entiers dépens.

Dans des conclusions notifiées par voie électronique le 2 mai 2024, les époux [M] demandent au tribunal :
Vu les pièces versées aux débats,
Vu l’article 1103, 1231-1 et suivants du code civil,
Juger que la société Maisons Pierre ne rapporte nullement la preuve qui lui incombe d’une faute de Monsieur et Madame [M] en leur qualité de signataires du contrat de construction de maison individuelle;
Rejeter purement et simplement toutes les demandes de la société Maisons Pierre dirigées contre Monsieur et Madame [M];
A titre infiniment subsidiaire, ramener les demandes de la société Maisons Pierre à de plus justes proportions;
En tout état de cause,
Condamner la société Maisons Pierre à restituer aux époux [M] l’acompte versé à hauteur de 7.817 euros;
Condamner la société Maisons Pierre à payer aux époux [M] les intérêts légaux à valoir sur cette somme depuis son versement, à savoir le 19 avril 2022, outre la capitalisation;
Condamner la société Maisons Pierre à payer aux époux [M] la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts;
Condamner la société Maisons Pierre à payer aux époux [M] la somme de 4.500 euros au titre des frais irrépétibles, et aux entiers dépens.

Le juge de la mise en état a ordonné la clôture de l’instruction le 3 juin 2024.

MOTIVATION

Sur l’indemnité de résiliation

La société Maisons Pierre expose que :
- les consorts [M] n’ont pas justifié par LRAR adressé au constructeur d’une demande de crédit, conforme aux stipulations contractuelles, dans le délai de 68 jours suivant la signature du CCMI, entraînant qu’ils n’étaient plus fondés de se prévaloir d’une caducité du contrat pour échapper au paiement de l’indemnité de résiliation imputable au maître d’ouvrage;
- les consorts [M] ont indiqué par courrier du 6 décembre 2022 ne pas souhaiter la poursuite de l’exécution de leur contrat, à l’intérieur du délai de réalisation des conditions suspensives de 36 mois (article 16 du CCMI), actant ainsi de leur résiliation unilatérale de contrat à cette date;
- en tout état de cause, les refus de crédit fournis par les consorts [M] ne sont pas conformes aux stipulations contractuelles, pour mémoire, contractuellement fixées à la somme de 330.000 € comme prêt principal et 84.000 € de prêt à taux zéro, outre les 50.000 € d’apport en ce que le financement sollicité ne comprend pas d’apport ni PTZ, et qu’il comprend un montant largement supérieur à ce qui était stipulé;
- il en ressort que les consorts [M] ont fait échec à la réalisation de la condition suspensive d’octroi d’un crédit et ainsi usé de leur faculté de résiliation du CCMI à la date du 6 décembre 2022, et qu’une indemnité de résiliation unilatérale d’un montant total de 19 161,50 € ttc est exigible à ce titre, correspondant à :
✓ la non-restitution des sommes versées, soit 7 817 € ttc versés à la signature du contrat,
✓ l’exigibilité du solde du paiement de 5 %, soit 150,50 € ttc,
✓ une indemnité forfaitaire de 10 % du prix convenu, soit 19 011 € ttc;
- le contrat de CMI prévoyait une conditions suspensive d’octroi d’un financement devant couvrir tant l’acquisition du foncier que du bâti dans les conditions suivantes :
✓ 330 000 en prêt principal sur 300 mois,
✓ 84 000 € de prêt à taux zéro sur 240 mois,
✓ 50 000 € d’apport,
- soit un total de 414 000 euros financés;
- or, les attestations produites par les consorts [M] font état de :
✓ un refus de crédit de la Société Générale pour un montant de 475 915 € demandé le 14 octobre 2022 sans apport, ni PTZ sur 300 mois,
✓ un refus de crédit du Crédit Agricole pour un montant de 435 996 € dont la date de dépôt de la demande n’est pas mentionnée, sans PTZ ni apport,
✓ un refus de crédit du Crédit Mutuel pour un montant de 441 489 € demandé le 15 octobre 2022, sans PTZ ni apport;
- ainsi, tant les montants sollicités que les modalités de prêts dépassent sans commune mesure ce qui était stipulée au contrat, de sorte que les consorts [M] ont aggravé les modalités de financement de l’opération, de sorte que la défaillance de la condition suspensive d’octroi d’un financement leur est entièrement imputable;
- le dépôt de la demande de PC est ici parfaitement indifférente au débat dans la mesure où les consorts [M] ont, d’une part, régularisé un avenant auprès d’elle en date du 30 août 2022, actant ainsi de leur accord à changer de modèle de maison au regard des contraintes de leur terrain, et qu’ils ne lui ont pas dans un premier fourni, comme le mentionnent leurs propres écritures, les documents nécessaires au dépôt de la demande de permis de construire (relevés de géomètre, plan de masse du terrain avec les côtes et points d’altimétrie notamment), l’article 4 du CCMI signé prévoyant que le constructeur n’est tenu de procéder à la demande de PC dans le délai de deux mois qu’à compter de la réception de l’ensemble de ces documents par le maître de l’ouvrage;
- en outre, l’avenant ayant été signé le 30 août 2022, elle disposait alors d’un délai de 2 mois expirant le 31 octobre 2022 pour déposer une demande de PC conformément à l’article 4 du CCMI, tandis que les consorts [M] ont sollicité la résiliation du CCMI par leur courriel du 30 octobre 2022, soit avant l’expiration de ce délai et alors qu’il n’avait jamais mis en demeure leur constructeur par LRAR d’avoir à déposer la demande de PC sous huitaine, comme le stipule pourtant l’article 4.2 du CCMI qu’ils ont signé;
- les consorts [M] ont provoqué la résiliation de la promesse de vente de leur terrain au motif pris d’un refus de financement au regard de leur capacité d’emprunt, et non pour défaut de réalisation de la condition suspensive de dépôt de permis de construire prévue à cette promesse de vente, comme ils tentent de l’invoquer aux termes de leurs dernière écritures;
- le tribunal écartera donc l’argumentaire digressif des consorts [M] relatif au dépôt de la demande de PC, ce dernier étant parfaitement étranger au débat relatif à l’échec de la condition suspensive d’octroi d’un financement conforme aux stipulations contractuelles entièrement imputables aux consorts [M] et de leur résiliation de contrat à l’intérieur du délai de réalisation des conditions suspensives.

M. et Mme [M] indiquent que :
- ils ont parfaitement respecté l’obligation de justifier d’une demande de financement dans les 68 jours faisant suite à la signature du CCMI;
- ils ont sollicité un prêt incluant toutes les caractéristiques du compris de vente, et ont obtenu un accord de principe pour le premier projet, à savoir un prêt de 412.000, et auquel était ajouté 50.000 euros d’apport personnel, soit un financement total de 461.750 euros, conformément au compromis;
- mais la seconde fois, il a fallu inclure le montant majoré de la maison Select pour tenir compte de l’augmentation de la construction imposée par Maisons Pierre, soit un projet global à 492.550 euros, et en déduisant l’apport personnel, un crédit à obtenir de 442.550 euros;
- les termes de la promesse de vente n’étaient donc plus du tout respectés;
- ils ont néanmoins tenté d’obtenir un financement au regard de la pression exercée par Maisons Pierre;
- ils se sont vu refuser la somme de 442.000 euros, et même 435.996 euros, lorsqu’ils ont tenté d’y apporter encore plus de fonds propres au point de se mettre en grande difficulté;
- ils ont tenté d’apporter plus de fonds personnel et prendre en charge plus de travaux pour solliciter des crédits mais ils ont tous été refusés;
- Maisons Pierre omet en outre d’évoquer que la période considérée est celle où les taux d’intérêts ont augmenté de manière très rapide et importante;
- c’est bien les longs silences de Maisons Pierre qui sont à l’origine de la situation dans laquelle ils se sont retrouvés;
- ils avaient obtenu le financement du premier projet et ce sont les carences de Maisons Pierre à déposer un permis et à tout le moins à les conseiller sur l’infaisabilité du projet qui a conduit à la situation de redus de prêt;
- ce projet n’a pas abouti uniquement du fait de l’absence de dépôt de permis de construire;
- c’est Maisons Pierre qui les a incité à solliciter des crédits pour tenter d’obtenir plus mais au regard du compris de vente signé, ils auraient très bien pu se rétracter;
- les faits démontrent qu’ils ont été poussés par le commercial de Maisons Pierre qui leur faisait croire que la réalisation du projet était possible;
- pour le second CCMI du modèle “Select” daté du 30 août 2022, ils ont reçu 3 refus pour financer cette opération le 22 octobre 2022 de la part du Crédit Agricole et du Crédit Mutuel, le 25 octobre 2022 de la part de la Société Générale;
- les refus de prêts ont été envoyés par courriel à M. [T], leur seul interlocuteur, ainsi qu’au directeur de l’agence Maison Pierre d’[Localité 4] et Maisons Pierre fait mine de l’ignorer;
- les faits démontrent qu’ils ont tout mis en œuvre pour tenter de réaliser cette opération qui leur tenait à cœur;
- il est manifeste qu’ils n’ont commis aucune faute;
- ils tenaient à ce projet puisque leur objectif était d’acquérir une maison pour y habiter et non l’acquisition d’un terrain en tant que tel;
- ils faisaient entièrement confiance à Maisons Pierre, constructeur expérimenté et renommé dans la région;
- seule Maisons Pierre a fait preuve de négligence en tardant à réaliser les plans nécessaires et à en tirer les conclusions sur le modèle de construction qu’il était possible de construire sur ce terrain qui, rappelons-le, n’était pas nu mais disposait déjà d’une piscine qu’il fallait prendre en compte.

Le tribunal,

L’article 1103 du code civil dispose que “les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.”

Les conditions générales du contrat de construction de maison individuelle du 19 mars 2022 comporte les stipulations suivantes :

Article 4.1 : “le maître de l’ouvrage constitue par les présentes le constructeur mandataire pour l’accomplissement des démarches et formalités nécessaires à l’obtention du permis de construire et, s’il y a lieu, des autres autorisations administratives. Le maître de l’ouvrage devra à cet effet fournir au constructeur tous renseignements en sa possession ou toutes informations concernant le terrain et notamment :
- le certificat d’urbanisme;
- le cahier des charges et l’éventuel règlement du lotissement;
- le plan de masse et de situation;
- le plan de bornage réalisé par un géomètre expert et indiquant les courbes ou points de niveaux;
- les servitudes;
- la viabilité;
- tous éléments ou informations en sa possession relatifs aux caractéristiques du terrain et notamment une étude de sol existante ou un historique de terrain.”

Article 4.2 : “Le constructeur établit, en autant d’exemplaires qu’il en ait besoin, le dossier de demande de permis de construire. Le constructeur s’oblige à constituer ce dossier et, s’il y a lieu, celui des autres autorisations administratives dans le délai de deux mois à compter à compter de la signature du contrat, sous réserve que tous les préalables administratifs relatifs au terrain mentionnés à l’article 4.1 du présent contrat soient réunis et fournis au constructeur par le maître de l’ouvrage. Dans le cas où le maître de l’ouvrage constate que ces délais ne sont pas respectés, sous réserve qu’il ait fourni au constructeur tous les préalables relatifs au terrain de l’article 4.1, il peut mettre en demeure le constructeur, par courrier recommandé avec accusé de réception, d’avoir à déposer le dossier de demande de permis de construire sous huitaine. En cas de mise en demeure restée infructueuse, le maître de l’ouvrage pourra décider de résilier le présent contrat sans toutefois pouvoir prétendre à une quelconque indemnité.”

Article 7 : “le maître de l’ouvrage s’oblige à déposer le(s) dossier(s) de demande de prêt dans un délai de 60 jours à compter de la signature du présent contrat, et à en justifier au constructeur par courrier en recommandé avec A/R dans les 8 jours de l’expiration d’un délai de 60 jours précité. A défaut de respect de ce délai, la conditions suspensive d’obtention de prêt ne sera plus opposable au constructeur et le maître de l’ouvrage ne pourra plus se prévaloir de refus de prêt pour considérer le contrat de construction comme caduc.”

Article 8.1 “le constructeur justifie de la garantie de remboursement prévue par l’article R 231-8 du code de la construction et de l’habitation délivrée par un établissement habilité à cet effet, et faisant l’objet d’une attestation annexée au présent contrat. En conséquence, l’échelonnement des paiements est fixé ainsi qu’il suit :
5p.100 à la signature;
5p.100 à la délivrance du permis de construire.
Les parties indiquent que le montant correspondant aux 5 % versés à la signature du contrat aux conditions particulières.
Les autres paiements seront effectués conformément aux dispositions de l’article R 231-7 du code de la construction et de l’habitation...”

Article 17.1 “si la non réalisation d’une au moins des conditions suspensives est imputable au maître de l’ouvrage, elle sera réputée accomplie, conformément à l’article 1304-3 du code civil. En cas de résiliation du présent contrat, il sera fait application de l’article 17.2 des conditions générales.”

Article 17.2 “la résiliation du contrat par le maître entraîne l’exigibilité, outre les sommes correspondant à l’avancement des travaux et celles exigibles conformément à l’échelonnement prévu à l’article 8.1 du présent contrat, d’une indemnité forfaitaire évaluée à 10 % du prix convenu de la construction en dédommagement des frais engagés par le constructeur par le constructeur et du bénéfice qu’il aurait pu retirer de la réalisation complète de la construction.”

M. et Mme [M] ont adressé à la société Maisons Pierre un courrier recommandé avec accusé de réception en date du 6 décembre 2022 ayant pour objet “suite résiliation du CCM : restitution de l’avance versée.”

Ils ont soutenu dans ce courrier que “Maisons Pierre n’a pas déposé la demande de permis de construire.

En juin 2022, Maisons Pierre a demandé un complément d’information, à savoir des plans établis par un géomètre.

Nous avons donc fait procéder à l’établissement de ces plans.

Le projet initial a alors dû être modifié et un autre modèle de maison nous a été proposé, à savoir le modèle dénommé “Select”.

Un nouveau contrat de maison individuelle a été établi (sans modification de la date du premier contrat).

Un avenant a néanmoins été régularisé le 30 août 2022.

Aucun permis n’a été déposé par Maisons Pierre.

Par courriel du 30 octobre 2022, nous avons informé qu’eu égard aux délais importants écoulés et à la modification du modèle de maison, nous avons reçu un refus de financement des banques.

En conséquence, le contrat de construction de maisons individuelle est caduc et nous sollicitons le remboursement de la somme versée, à savoir 7 817 euros...”

Il ressort des pièces versées aux débats que les parties ont signé le 30 août 2022 un avenant au contrat de construction de maison individuelle du 19 mars 2023, pour substituer au modèle de maison initialement retenu (modèle Anaïs 4.093 GI) un autre modèle (modèle Sélect 4.110 Gamme Confort+).

A la suite de la signature de cet avenant, les conditions particulières et la notice descriptive ont été mises à jour. Il ne s’agit nullement de la conclusion d’un nouveau contrat de construction de maison individuelle comme le prétendent à tort les époux [M].

En tout état de cause, M. et Mme [M] ne rapportent pas la preuve de ce qu’ils ont justifié à la société Maisons Pierre, par courrier en recommandé avec A/R, du dépôt des demandes de prêt, dans les conditions de délais (dépôt des demandes de prêt dans les 60 jours à compter de la signature du contrat ou de l’avenant ou du prétendu nouveau contrat et justification de ce dépôt au constructeur par courrier RAR dans les 8 jours de l’expiration du délai de 60 jours) et conformément aux stipulations de l’article 7 des conditions générales du contrat de construction de maison individuelle.

Il convient de relever que les parties ont convenu dans l’avenant au contrat que “les travaux supplémentaires seront réglés sans recours à l’emprunt.”

Il n’était donc pas nécessaire aux époux [M] de déposer de nouvelles demandes de prêts pour des montants plus importants.

La sanction de l’inobservation de la formalité prévue à l’article 7 des conditions générales est que “la condition suspensive d’obtention de prêt ne sera plus opposable au constructeur et le maître de l’ouvrage ne pourra plus se prévaloir de refus de prêt pour considérer le contrat de construction comme caduc.”

Les époux [M] n’ont pas mis en demeure la société Maisons Pierre, d’avoir à déposer le dossier de demande de permis de construire sous huitaine, en application de l’article 4.2 des conditions générales du contrat de construction de maison individuelle, même s’ils ont promis dans un courriel du 13 juillet 2022 de le faire : “je ne manquerai pas de faire partir un courrier recommandé vous demandant de déposer le permis de construire dans les plus brefs délais comme le prévoit le CCMI signé il y a bien longtemps maintenant.”

Sans avoir procédé à cette mise en demeure, ils ne pouvaient pas décider de résilier le contrat.

Il résulte de ce qui précède que les motifs invoqués par M. et Mme [M] pour résilier le contrat de construction de maison individuelle sont inopérants.

Par conséquent, c’est à bon droit que la société Maisons Pierre demande l’application des stipulations de l’article 17 des conditions générales du contrat de construction de maison individuelle.

L’article 1231-5 du code civil dispose que “lorsque le contrat stipule que celui qui manquera de l'exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte ni moindre.

Néanmoins, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la pénalité ainsi convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire.

Lorsque l'engagement a été exécuté en partie, la pénalité convenue peut être diminuée par le juge, même d'office, à proportion de l'intérêt que l'exécution partielle a procuré au créancier, sans préjudice de l'application de l'alinéa précédent.

Toute stipulation contraire aux deux alinéas précédents est réputée non écrite.

Sauf inexécution définitive, la pénalité n'est encourue que lorsque le débiteur est mis en demeure.”

L’indemnité forfaitaire réclamée par la société Maisons Pierre est manifestement excessive.

Il convient, en application de l’article 1231-5 du code civil, de la réduire à la somme de 5 000 euros.

Il résulte de ce qui précède que les sommes dues par les époux [M] à la société Maisons Pierre sont les suivantes :
- 7 817 euros ttc versés à la signature du contrat,
- 150,50 euros ttc correspondant au solde de l’échéance de 5 % du prix exigible à la signature du contrat,
- 5 000 euros au titre d’indemnité forfaitaire,
soit la somme totale de 12 967,50 euros.

La société Maisons Pierre détenant la somme de 7 817 euros ttc versée à la signature du contrat, M. et Mme [M] seront condamnés solidairement à lui verser la somme de 5 150,50 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision.

Les intérêts contractuels de l’article 8.2 des conditions générales ne sont pas applicables en l’espèce. En effet, ceux-ci concernent les paiements effectués intervenant aux différents stades de la construction et supposent une mise en demeure. La société Maisons Pierre ne justifie pas de cette mise en demeure;

Sur la résistance abusive

La société Maisons Pierre soutient que :
- c’est de parfaite mauvaise foi que les consorts [M] opposent un prétendu refus de prêt pour s’opposer au paiement de l’indemnité prévue pour leur résiliation unilatérale de contrat;
- bien que parfaitement informé de ces faits et mis en demeure de régler, les consorts [M] ont persisté dans leur refus abusif, la contraignant à devoir engager de lourdes procédures judiciaires aux fins de faire valoir la légitime de ses intérêts;
- elle subit à ce titre un préjudice moral de 5 000 euros.

Les époux [M] indiquent que la demande de Maisons Pierre au titre d’une prétendue “résistance abusive” est particulièrement malvenue.

Le tribunal,

Le seul fait que les époux n’aient pas répondu favorablement à la demande de paiement de la société Maisons Pierre ne constitue pas une résistance abusive ouvrant droit au versement de dommages et intérêts.

En outre, la réalité du préjudice en réparation duquel la société Maisons Pierre demande la somme 5 000 euros n’est pas établie par les pièces versées aux débats.

Il s’ensuit que la demande de dommages et intérêts de la société Maisons Pierre sera rejetée.

Sur les demandes reconventionnelles

M. et Mme [M] exposent que :
- le constructeur aurait manifestement dû les informer plus tôt de l’impossibilité de réaliser la maison “Anaïs” ou, à tout le moins, les alerter sur la difficulté que représentait la piscine dans la réalisation de cette opération;
- en octobre 2022, Maisons Pierre évoquait encore des ajustements des fondations et n’avait toujours pas déposé le permis de construire;
- Maisons Pierre a tardé dans la réalisation de ses obligations;
- ils se voient chercher leur responsabilité par les vendeurs et l’agence immobilière car ils n’ont pas déposé le permis de construire dans les délais requis au compromis de vente;
- tous ces ennuis qu’ils ont aujourd’hui sont uniquement causés par la carence de Maisons Pierre;
- Maisons Pierre les a fait croire que leurs attentes pourraient être satisfaites sur le terrain pour lequel ils ont signé un compromis de vente;
- les échanges WhatsApp et de courriels démontrent la carence de Maisons Pierre dans la conduite du projet et le fait de leur avoir fait croire que tout était possible, ce qui n’est pas le cas;
- ils n’ont pas été alertés par Maisons Pierre de l’absence de bornage contradictoire ou de certificat d’urbanisme;
- Maisons Pierre a attendu juin (alors que le contrat était signé depuis le début de l’année et qu’elle avait connaissance du terrain en question) pour leur demander des pièces complémentaires;
- du fait des errements de Maisons Pierre, ils voient aujourd’hui leur capacité d’emprunt réduite au regard de l’inflation et de l’augmentation exponentielle des taux des prêts immobiliers;
- Maisons Pierre a incontestablement manqué à ses obligations contractuelles.

La société Maisons Pierre indique que :
- elle a alerté les consorts [M] dès transmission par ces derniers des relevés topographiques de leur terrain de l’impossibilité de réaliser une maison de type Anaïs avec piscine au regard des caractéristiques techniques de leur terrain, et ceux-ci ont fait le choix d’acter par avenant du 30 août 2022 d’un changement de modèle de maison, de sorte que les consort [M] sont bien mal fondés de venir aujourd’hui alléguer un défaut de conseil;
- l’avenant ayant été signé le 30 août 2022, elle disposait d’un délai expirant le 31 octobre 2022 pour déposer une demande de permis de construire, ce dont elle a été empêchée par les consorts [M] dès le 30 octobre 2022 par leur demande d’arrêt de leur projet de construction;
- non seulement les consorts [M] n’ont jamais mis en demeure leur constructeur par LRAR d’avoir à déposer la demande de permis de construire sous huitaine, conformément aux stipulations de l’article 4.2 du contrat qu’ils ont signé, mais ils ont en outre renoncé par la signature du contrat de CCMI de solliciter de leur constructeur une quelconque indemnité à ce titre, de sorte que leur demande d’indemnité à ce titre ne pourra qu’être rejetée en application des stipulations contractuelles;
- tout au contraire de leur affirmation, les échanges communiqués par les consorts [M] démontrent son profond sérieux;
- les consorts [M] ne justifient aucunement de leur préjudice allégué forfaitairement fixé à la somme de 10 000 €.

Le tribunal,

Au regard des développements qui précèdent, la demande de restitution de l’acompte de 7 817 euros des époux [M] sera rejetée.

M. et Mme [M] ne rapportent pas la preuve d’une faute commise par la société Maisons Pierre en lien de causalité direct avec un préjudice financier qu’ils subissent.

En outre, ils ne produisent aucun élément pour justifier de la somme de 10 000 euros demandée au titre du préjudice financier allégué.

Il suit de là que la demande concernant ce préjudice sera rejetée.

Sur les demandes accessoires

Les époux [M] sont les parties perdantes et seront condamnés solidairement aux dépens.

L’équité commande de les condamner solidairement à payer à la société Maisons Pierre la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant par jugement contradictoire, mis à disposition au greffe et en premier ressort,

Condamne solidairement M. [C] [M] et Mme [G] [M] à payer à la société Maisons Pierre la somme de 5 150,50 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision;

Rejette la demande présentée par la société Maisons Pierre au titre de la résistance abusive;

Rejette la demande de restitution de l’acompte de 7 817 euros de M. [C] [M] et Mme [G] [M];

Rejette la demande de dommages et intérêts de M. [C] [M] et Mme [G] [M];

Condamne solidairement M. [C] [M] et Mme [G] [M] aux dépens;

Condamne solidairement M. [C] [M] et Mme [G] [M] à payer à la société Maisons Pierre la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Meaux
Formation : 1ère ch. - sect. 1
Numéro d'arrêt : 23/01994
Date de la décision : 25/07/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 03/08/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-25;23.01994 ?
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