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22/07/2024 | FRANCE | N°23/02239

France | France, Tribunal judiciaire de Meaux, 1ère ch. - sect. 1, 22 juillet 2024, 23/02239


- N° RG 23/02239 - N° Portalis DB2Y-W-B7H-CDCHW
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MEAUX
1ERE CHAMBRE

Date de l'ordonnance de
clôture : 06 mai 2024

Minute n° 24/665

N° RG 23/02239 - N° Portalis DB2Y-W-B7H-CDCHW






Le

CCC : dossier

FE :
Me Laurence HUBERT
Me Morgane LAMBRET


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


JUGEMENT DU VINGT DEUX JUILLET DEUX MIL VINGT QUATRE



PARTIES EN CAUSE

DEMANDERESSE

La compagnie MAIF Mutuelle Assurance Instituteur France
[Adress

e 1]
représentée par Maître Laurence HUBERT de la SCP RIVRY-LESEUR-HUBERT, avocats au barreau de MEAUX, avocats postulant, Me Emeric DESNOIX, avocat au barreau de TOURS, ...

- N° RG 23/02239 - N° Portalis DB2Y-W-B7H-CDCHW
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MEAUX
1ERE CHAMBRE

Date de l'ordonnance de
clôture : 06 mai 2024

Minute n° 24/665

N° RG 23/02239 - N° Portalis DB2Y-W-B7H-CDCHW

Le

CCC : dossier

FE :
Me Laurence HUBERT
Me Morgane LAMBRET

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

JUGEMENT DU VINGT DEUX JUILLET DEUX MIL VINGT QUATRE

PARTIES EN CAUSE

DEMANDERESSE

La compagnie MAIF Mutuelle Assurance Instituteur France
[Adresse 1]
représentée par Maître Laurence HUBERT de la SCP RIVRY-LESEUR-HUBERT, avocats au barreau de MEAUX, avocats postulant, Me Emeric DESNOIX, avocat au barreau de TOURS, avocat plaidant

DEFENDERESSE

Madame [L] [J]
[Adresse 3]
représentée par Me Morgane LAMBRET, avocat au barreau de MEAUX, avocat postulant, Me Valérie SELLAM BENISTY, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Lors des débats et du délibéré :
Président : M. BATIONO, Premier Vice-Président
Assesseurs: M. NOIROT, Juge
Mme BASCIAK, Juge

Jugement rédigé par : Mme BASCIAK, Juge

DEBATS

A l'audience publique du 16 Mai 2024
GREFFIER

Lors des débats et du délibéré : Mme BOUBEKER, Greffière

JUGEMENT

contradictoire, mis à disposition du public par le greffe le jour du délibéré, M. BATIONO, Président, ayant signé la minute avec Mme BOUBEKER, Greffière ;

- N° RG 23/02239 - N° Portalis DB2Y-W-B7H-CDCHW
EXPOSE DU LITIGE

Le 10 avril 2018, Mme [L] [J] (ci-après Mme [J]) a été victime d’une violente agression à son domicile par deux individus armés qui l’ont bâillonnée, ligotée, menacée de mort avec armes, menacée d’enlever ses deux enfants qui se trouvaient à l’école et lui ont dérobé une somme de 750 euros en espèces ainsi que le véhicule familial.

Mme [J] a été transportée aux urgences du centre hospitalier de [Localité 6] où il a été constaté des ecchymoses au niveau du cou et du dos, une fracture du nez et d’une dent, ainsi que des douleurs abdominales et articulaires au niveau des genoux.

Le 11 avril 2018, elle a déposé plainte contre X à la gendarmerie de [Localité 6].

Elle s’est vu prescrire 10 jours d’ITT après examen par les UMJ le 29 avril 2018.

Mme [J] a souscrit un contrat « RAQVAM » auprès de la compagnie d’assurances MAIF pour assurer son domicile sis [Adresse 4], qui a mandaté son médecin expert, le docteur [K], pour l’examiner lequel a déposé trois rapports en date des 19 février 2019, 13 janvier 2020 et 4 janvier 2021.

Mme [J] a également fait l’objet d’une expertise médicale réalisée par le docteur [W] le 26 juillet 2022 et d’une expertise psychiatrique effectuée par le docteur [V] es qualités de sapiteur, toutes deux diligentées par le juge d’instruction en charge du dossier pénal.

La MAIF déclare avoir versé à Mme [J] des indemnités pour un montant total de 7 598,80 euros au titre des frais médicaux et de transport.

Estimant que les déclarations de Mme [J] comportaient des contradictions sur l’évaluation du préjudice subi et remettant en cause l’authenticité des attestations de suivi émises par l’association AVIMEJ, la MAIF a missionné le cabinet JB INVESTIGATIONS pour procéder à des investigations ayant pour objet de vérifier les déplacements et activités de Mme [J] et M. [B] son conjoint, et de contrôler l’authenticité des attestations transmises par Mme [J].

L’enquêteur privé a rendu son rapport le 25 octobre 2021 duquel la MAIF considère que Mme [J] a falsifié des documents médicaux.

C’est dans ce contexte que le 14 décembre 2021, la MAIF a notifié à Mme [J] une déchéance de garantie pour fausses déclarations et sollicité le remboursement des sommes versées au titre des indemnités indûment servies et des frais de gestion engagés à hauteur de 15 437,50 euros.

La MAIF a réitéré sa demande par courriers des 7 juillet 2022 et 3 août 2022, ainsi que par courrier du 30 novembre 2022 transmis directement au conseil de Mme [J].

M. [B] a répondu à la MAIF par courrier du 18 juillet 2022.

Par un acte de commissaire de justice du 25 avril 2023, la MAIF a fait assigner Mme [J] devant le tribunal judiciaire de Meaux aux fins, à titre principal, de la voir condamner à lui régler la somme de 15 437,50 euros au titre des indemnités indûment versées et des frais de gestion du fait de la déchéance contractuelle prononcée pour le sinistre survenu le 10 avril 2018 et à titre subsidiaire, de voir prononcer la résolution judiciaire du contrat et de déclarer Mme [J] privée de tout droit à garantie au titre du sinistre survenu le 10 avril 2018.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 26 avril 2024, la MAIF demande au tribunal de bien vouloir :

« A TITRE PRINCIPAL
VUE la déchéance contractuelle prononcée à l'encontre de Madame [L] [J] pour le sinistre survenu le 10 avril 2018, recevable et bien fondée
CONDAMNER Madame [L] [J] à régler à la Compagnie MAIF la somme de 15.437,50euros au titre des indemnités indument versées et des frais de gestion
CONDAMNER Madame [L] [J] à régler à la Compagnie MAIF la somme de 1.000 euros au titre de son préjudice moral
A TITRE SUBSIDIAIRE
PRONONCER la résolution judiciaire du contrat d'assurance souscrit par Madame [L] [J] auprès de la Compagnie MAIF
DECLARER Madame [L] [J] privée de tout droit à garantie au titre du sinistre survenu le 10 avril 2018
DEBOUTER Madame [L] [J] de toutes ses demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires aux présentes écritures
EN TOUT ETAT DE CAUSE
DEBOUTER Madame [L] [J] de ses demandes reconventionnelles
CONDAMNER Madame [L] [J] à régler à la Compagnie MAIF la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles, ainsi qu'aux entiers dépens de la présente instance
DEBOUTER Madame [L] [J] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions plus amples ou contraires aux présentes
DIRE n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire de la décision à intervenir ».

La MAIF fonde la déchéance de garantie de Mme [J] sur les stipulations contractuelles des conditions générales du contrat RAQVAM, aux termes desquelles l’assuré doit déclarer tout événement susceptible de mettre en jeu l’une des garanties souscrites dans les cinq jours ouvrés, et soutient qu’il ressort des investigations réalisées par la société JB INVESTIGATIONS que Mme [J] a produit des documents médicaux falsifiés pour exagérer son préjudice.

Plus précisément, elle conteste l’authenticité de l’attestation de suivi au nom de l’association AVIMEJ que Mme [J] lui a transmise qui n’est pas datée et sur laquelle figurent 7 dates de rendez-vous au cours de l’année 2021, au motif que l’enquête qu’elle a diligentée démontre que Mme [J] n’a jamais été reçue par la psychologue à ces dates.

La MAIF conteste la qualification d’avis de passage des rendez-vous listés sur l’attestation invoquée par Mme [J] faisant valoir que l’attestation produite par cette dernière rédigée par Mme [I] la psychologue de l’association AVIMEJ évoque un suivi médical valant consultation et non de simples avis de passage au centre social. Elle estime que ce document non daté et signé constitue un FAUX.

La MAIF indique que Mme [J] a adressé à la CIVI des bulletins de paie alors même qu’elle se déclare sans activité professionnelle et qu’elle a déclaré à l’assureur ne plus être en état de conduire alors qu’il résulte de l’enquête que Mme [J] amène en véhicule ses deux enfants à l’école.

Elle déduit de ces éléments que la déchéance de garantie est régulière et que sur le fondement des articles 1302 et 1302-1 du code civil, Mme [J] doit lui rembourser les sommes qu’elle a indûment perçues au titre des indemnités versées à hauteur de 7598,80 euros outre les frais d’enquête et d’expertise qu’elle a exposés à hauteur de 7838,70 euros soit la somme totale de 15 437,50 euros.

La MAIF soutient que le comportement frauduleux de Mme [J] lui a causé un préjudice moral en ce que des gestionnaires ont été contraints de passer du temps sur son dossier frauduleux qu’elle évalue à la somme de 1000 euros.

A titre subsidiaire, elle se fonde sur les dispositions des articles 1134 et 1184 du code civil pour solliciter la résolution judiciaire du contrat du fait du manquement de Mme [J] à son obligation essentielle d’exécuter le contrat de bonne foi.

La MAIF rejette également les demandes reconventionnelles formulées par Mme [J] faisant valoir qu’elle était légitime à appliquer une déchéance de garantie.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 27 mars 2024, Mme [J] demande au tribunal de :
« A titre principal
DEBOUTER la MAIF de sa demande de condamnation de Madame [L] [J] à lui payer la somme de 15 437,50euros au titre du remboursement des indemnités versées en règlement du sinistre du 10 avril 2018
A titre subsidiaire,
DEBOUTER la MAIF de sa demande de résolution judiciaire du contrat d'assurance RAQVAM2 de Madame [L] [J]
DEBOUTER la MAIF de sa demande de condamnation de Madame [L] [J] à lui payer la somme de 1 000,00euros en réparation de son préjudice moral
A titre reconventionnel,
CONDAMNER la MAIF à payer à Madame [L] [J] la somme provisionnelle de 620,00euros (sauf mémoire et à parfaire) en remboursement des frais médicaux, paramédicaux et annexes depuis le 1 octobre 2021 provisoirement arrêtée à la date des présentes
CONDAMNER la MAIF à payer à Madame [L] [J] la somme de 3 000,00 euros en réparation de son préjudice moral
En tout état de cause,
CONDAMNER la MAIF à lui payer à Madame [L] [J] la somme de 2 500,00 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction sera faite au profit de Maitre Manon LEBERT, Avocat aux offres de droit, conformément aux dispositions l'article 699 du CPC »

Mme [J] conteste la déchéance de garantie prononcée par la MAIF suite au rapport d’enquête réalisé par le cabinet JB INVESTIGATIONS faisant valoir que la situation de M. [B] n’est pas concernée par les demandes d’indemnisation formulées par son épouse, que Mme [J] n’exerce pas d’activité professionnelle et n’a plus de vie sociale depuis le 10 avril 2018 du fait du stress post-traumatique dont elle souffre et que sa seule source de revenus est une pension d’invalidité qui lui a été attribuée le 20 avril 2021 d’un montant de 400 euros par mois. Elle fait valoir que la seule qualité d’associé dans l’entreprise de son époux ne lui confère aucune fonction uniquement un statut et qu’elle n’utilise son véhicule que pour déposer et aller chercher leurs enfants à l’école qui est située à quelques kilomètres à peine de leur domicile et uniquement lorsque son époux est dans l’incapacité de le faire. Elle fait valoir que sa situation médicale est justifiée par les nombreux documents médicaux et les cinq rapports d’expertise judiciaire qui ont été déposés dans cette affaire desquels il ressort que sa vie a été totalement bouleversée par la violence de l’agression et les répercussions qu’elle a entraînées sur son équilibre physique et psychique.

Concernant les attestations de l’association AVIMEJ qu’elle a communiquées à la MAIF, Mme [J] fait valoir qu’elle a toujours indiqué que la série de 7 dates ne coïncidait pas avec des déplacements en consultation mais qu’il s’agissait de répondre à des demandes d’avis de passage et que les frais de transports dont elle demande le remboursement correspondent à ceux exposés pour répondre aux dates d’avis de passage à l’association AVIMEJ pour fixer un rendez-vous de consultation. Elle indique que le standard téléphonique était injoignable et que le lieu de consultation était distant de plus de 20 kilomètres de son domicile et inaccessible en transports en commun. Elle précise que Mme [I] la psychologue de l’association a cessé son activité après l’avoir suivi en 2018, 2019 et 2020 ainsi qu’une fois en 2021.

Elle indique n’avoir jamais changé de version sur cette attestation et que le courriel transmis à la MAIF par sa sœur précise clairement qu’il s’agit de déplacements pour des prises de rendez-vous et non des consultations. Concernant les bulletins de paie transmis à la CIVI elle indique qu’il s’agit d’anciens bulletins concernant les années 2015 à 2017 alors qu’elle était assistante de direction, soit bien avant son agression et que depuis le 10 avril 2018, elle n’a plus jamais retravaillé. Elle indique avoir été reçue par Mme [I] le 5 janvier 2021 et non en juillet 2021 et qu’elle n’a jamais cherché à exagérer frauduleusement ses demandes de remboursement qui présentent toutes un lien direct et certain avec l’agression.

Elle s’oppose à la demande de résolution judiciaire du contrat faisant valoir que les incohérences relevées par la MAIF constituent uniquement des malentendus sur la définition des avis de passage, des consultations et des rendez-vous et fait valoir que les dommages physiques et psychiques dont elle souffre sont réels comme le démontre l’ensemble des pièces médicales qu’elle verse aux débats.

A titre reconventionnel, elle sollicite la prise en charge des frais médicaux, paramédicaux et annexes postérieurs au 1er octobre 2021 présentant un lien avec le sinistre, qu’elle justifie et sollicite une somme provisionnelle de 620 euros correspondant aux frais de déplacement en taxi de son domicile au centre hospitalier Robert Badinter à [Localité 5], exposés pour le suivi psychologique qu’elle effectue comme préconisé par le docteur [V] expert judiciaire.

Elle fait valoir que l’attitude de la MAIF lui a causé un préjudice moral qu’elle évalue à la somme de 3000 euros.

La clôture de l’instruction a été fixée au 6 mai 2024 par ordonnance du même jour.

L’affaire a été évoquée à l’audience de plaidoiries du 16 mai 2024 et mise en délibéré au 22 juillet 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande en paiement formée par la MAIF

Sur la déchéance de garantie

Aux termes du paragraphe « quand déclarer le sinistre ? » des conditions générales du contrat RAQVAM, souscrit par Mme [J], « sous peine de déchéance et sauf cas fortuit ou de force majeure, vous devez déclarer tout événement susceptible de mettre en jeu l’une des garanties souscrites dans les cinq jours ouvrés de la date à laquelle vous en avez eu connaissance. La déchéance ne peut toutefois vous être opposée que si nous établissons que le retard dans la déclaration nous a causé un préjudice. La même sanction est applicable si vous êtes convaincu de fausses déclarations intentionnelles sur la date, les circonstances où les conséquences apparentes d’un événement garanti ».

En application de l’article L. 113-9 du code des assurances, l'omission ou la déclaration inexacte de la part de l'assuré dont la mauvaise foi n'est pas établie n'entraîne pas la nullité de l'assurance.

Si elle est constatée avant tout sinistre, l'assureur a le droit soit de maintenir le contrat, moyennant une augmentation de prime acceptée par l'assuré, soit de résilier le contrat dix jours après notification adressée à l'assuré par lettre recommandée, en restituant la portion de la prime payée pour le temps où l'assurance ne court plus.

Dans le cas où la constatation n'a lieu qu'après un sinistre, l'indemnité est réduite en proportion du taux des primes payées par rapport au taux des primes qui auraient été dues, si les risques avaient été complètement et exactement déclarés.

L’article 1104 du code civil dispose que « Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. Cette disposition est d'ordre public ».

Il est de jurisprudence constante que l'assureur doit établir la mauvaise foi de l'assuré pour prétendre à l'application d'une clause prévoyant la déchéance de garantie en cas de fausse déclaration relative au sinistre.

La charge de la preuve de la mauvaise foi pèse sur l'assureur puisqu'il résulte des dispositions de l'article 2274 du Code civil que la bonne foi est toujours présumée et que c'est à celui qui allègue la mauvaise foi à la prouver.

Pour opposer la déchéance de garantie à Mme [J], la MAIF soutient qu’elle a fait de fausses déclarations en indiquant qu’elle ne peut pas conduire, sortir ni effectuer les actes de la vie quotidienne, en communiquant des bulletins de paie dans le cadre de la procédure engagée devant la CIVI alors qu’elle déclare par ailleurs ne pas travailler et en communiquant de fausses attestations de suivi psychologique auprès de l’association AVIMEJ au cours de l’année 2021.
En l’espèce, les déclarations selon lesquelles Mme [J] n’a pas d’activité professionnelle, ne peut pas sortir, ne peut pas conduire et a peur des gens dehors, invoquées par la MAIF, ressortent du seul rapport d’expertise en date du 5 avril 2021 rédigé par le cabinet JB INVESTIGATIONS mandaté par l’assureur. S’il résulte des différents rapports d’expertise versés aux débats, dont ceux rédigés par le Dr [K], médecin expert de la MAIF en date des 19 février 2019, 13 janvier 2020 et 4 janvier 2021 et l’expertise médicale et psychologique judiciaire réalisée par le docteur [W] le 26 juillet 2022 et le docteur [V] es qualités de sapiteur, que Mme [J] souffre d’un syndrome de stress post-traumatique sévère qui limite ses interactions avec l’extérieur, il n’a jamais été mentionné qu’elle était dans l’incapacité totale de sortir ou de conduire. Il ressort d’ailleurs de l’enquête diligentée par la MAIF que Mme [J] limite ses déplacements aux seuls aller-retours entre l’école et son domicile pour déposer ses enfants. Il en résulte que la MAIF ne justifie pas de fausses déclarations de Mme [J] sur ce point.

De même, si la MAIF soutient que Mme [J] a communiqué des fiches de paie à la CIVI dans le cadre de ses demandes de provisions, elle ne démontre pas que ces fiches de paie sont postérieures au sinistre en date du 10 avril 2018. Or, il apparaît qu’avant le sinistre Mme [J] occupait un poste de secrétaire de direction duquel elle a été licenciée, de sorte que la MAIF ne démontre pas que les fiches de paie communiquées à la CIVI, qu’elle ne verse pas aux débats, sont des faux ou qu’elles concernent la période postérieure au sinistre, et donc les fausses déclarations de Mme [J] qu’elle invoque. De même, la seule circonstance que Mme [J] soit associée dans l’entreprise gérée par son époux ne signifie pas qu’elle occupe réellement une activité professionnelle. La MAIF ne produit d’ailleurs aucun élément en ce sens démontrant qu’elle participe activement à la société de son époux et/ou qu’elle en retire des revenus.

Concernant le suivi psychologique effectué par Mme [J] auprès de l’association AVIMEJ, Mme [J] produit une attestation de l’association AVIMEJ non datée communiquée par le Dr [I] par courriel du 8 juin 2021 qui fait état de 4 entretiens depuis le 7 décembre 2018 et la MAIF produit une attestation en pièce n°4 non datée et non signée qui fait état de 7 dates de rendez-vous entre janvier 2021 et avril 2021.

Il ressort du rapport établi par l’enquêteur privé JB INVESTIGATIONS que Mme [I] lui aurait indiqué lors d’un contact téléphonique avoir établi une attestation en date du 15 décembre 2020 qui n’est pas versée aux débats mais qu’elle n’aurait pas établi l’attestation comportant les 7 dates de rendez-vous versée en pièce n°4 par la MAIF, ni reçue Mme [J] aux jours mentionnés. Elle évoque un rendez-vous uniquement au mois de juillet 2021. Il apparait toutefois que les dires rapportés par l’expert privé ne sont pas corroborés par une attestation rédigée par Mme [I].

Mme [J] verse également aux débats une attestation établie par le centre social de la ville de [Localité 7] qui confirme les prises de rendez-vous de Mme [J] auprès de l’association aux dates figurant sur l’attestation contestée par la MAIF, ainsi que des billets de rendez-vous à ces mêmes dates.
La MAIF déduit de ces éléments que Mme [J] ne s’est jamais rendue aux rendez-vous et que l’attestation communiquée constitue un faux.

De son côté, Mme [J] indique que les jours mentionnés sur l’attestation ne constituent pas des rendez-vous de consultation mais des dates au cours desquelles elle s’est déplacée pour prendre des rendez-vous de consultation, de sorte que les dates mentionnées sur l’attestation constituent des avis de passage justifiant de ses déplacements au centre social.

Il ressort de ces éléments que la qualification juridique des dates mentionnées sur l’attestation produite par la MAIF en pièce n°4 est contestée.

Cependant, l’attestation du 12 juillet 2022 rédigée par le centre social de la ville de [Localité 7] est rédigée de la manière suivante :
« Avis de passage
Prise de rendez-vous
Nous confirmons les prises de rendez-vous de Mme [J] auprès de l’association qui ont eu lieu à la maison pour tous [E] [Y] au [Adresse 2]
Aux dates suivantes (…)»
Il en résulte que cette attestation confirme que Mme [J] s’est déplacée aux dates indiquées pour prendre des rendez-vous avec l’association AVIMEJ. C’est d’ailleurs ce que M. [B], l’époux de Mme [J], indique dans son courrier du 18 juillet 2022 en mentionnant que l’attestation de suivi d’AVIMEJ concerne la seule prise en charge des frais de transport et non celle de rendez-vous médicaux pour Mme [J]. C’est également ce que mentionne Mme [H] [J], sœur de Mme [J], dans son courriel du 20 juin 2022 en indiquant qu’il s’agit des dates de déplacement et non de rendez-vous avec la psychologue. C’est pour ces motifs que Mme [I] ne se souvient pas avoir reçu en rendez-vous Mme [J] à ces dates. Il apparaît d’ailleurs que Mme [I] consulte à [Localité 6] alors que cette prise de rendez-vous a lieu sur la commune de [Localité 7].

Il apparaît donc que cette attestation avait pour seul objectif le remboursement du coût des transports effectués par Mme [J] pour prendre des rendez-vous auprès de l’association AVIMEJ.

Toutefois, il ressort clairement du courrier de M. [B] en date du 18 juillet 2022 et du courriel du 20 juin 2022 de Mme [H] [J], sœur de Mme [J], qu’ils ont eux-mêmes rédigé l’attestation produite par la MAIF en pièce n°4 en utilisant le nom de la psychologue de l’association AVIMEJ, Mme [I], ce qui est également confirmé par le rapport de l’enquêteur privé diligenté par l’assureur qui indique que Mme [I] n’a pas rédigé cette attestation.

Toutefois, comme rappelé précédemment, l'assureur doit établir la mauvaise foi de l'assuré pour prétendre à l'application d'une clause prévoyant la déchéance de garantie en cas de fausse déclaration relative au sinistre, ce que la MAIF ne fait pas en l’espèce.

Il ressort des pièces du dossier que cette attestation a été maladroitement rédigée en vue d’obtenir le remboursement du coût des transports effectués par Mme [J] pour prendre des rendez-vous auprès de l’AVIMEJ, ce que confirme l’attestation du centre social de [Localité 7] qui certifie de la réalité des déplacements effectués par Mme [J]. D’ailleurs, la MAIF ne démontre pas avoir effectué des remboursements de consultations de psychologue au profit de Mme [J] sur ces dates.

Il en résulte que si l’attestation produite par la MAIF en pièce n°4 a bien été rédigée par Mme [J] ou son entourage, elle n’avait pas vocation à tromper l’assureur dès lors qu’elle avait pour seul objectif d’obtenir le remboursement du coût des transports réellement effectués par Mme [J] pour prendre des rendez-vous à l’exclusion de consultations médicales, déplacements confirmés par le centre social de [Localité 7].

Dès lors, la MAIF ne démontre pas la mauvaise foi de Mme [J] dans ses déclarations.

Il est rappelé en outre que Mme [J] souffre d’un syndrome de stress post-traumatique sévère qui justifie le suivi de nombreux traitements et consultations médicales auprès de psychologues, psychiatres et autres médecins dont elle justifie l’existence au travers des nombreuses attestations et ordonnances qu’elle produit.

Dès lors, la MAIF échouant à rapporter la preuve de fausses déclarations imputables à Mme [J], elle n’est pas fondée à lui opposer la déchéance de garantie concernant le sinistre du 10 avril 2018.

Sur la demande de remboursement de l’indu

Aux termes de l’article 1302 du code civil, tout paiement suppose une dette ; ce qui a été reçu sans être dû est sujet à restitution. La restitution n'est pas admise à l'égard des obligations naturelles qui ont été volontairement acquittées.

En application de l’article 1302-1 du code civil, celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû doit le restituer à celui de qui il l'a indûment reçu.

En l’espèce, il résulte de ce qui précède que la MAIF ne démontre pas que Mme [J] a indûment perçu la somme totale de 7 598,80 euros au titre des frais médicaux et de transport.

Elle n’est pas non plus fondée à lui réclamer le remboursement des sommes exposées au titre des honoraires des différents rapports d’expertises et des frais d’enquête pour établir l’existence de fausses déclarations de la part de Mme [J].

En conséquence, la MAIF sera déboutée de sa demande de condamnation de Mme [J] à lui régler la somme de 15 437,50 euros au titre des indemnités indûment versées et des frais de gestion.

Sur la demande indemnitaire de la MAIF au titre du préjudice moral

Aux termes de l’article 1231 du code civil, à moins que l'inexécution soit définitive, les dommages et intérêts ne sont dus que si le débiteur a préalablement été mis en demeure de s'exécuter dans un délai raisonnable.

En application de l’article 1231-1 du code civil, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.

En l’espèce, la MAIF échoue à démontrer l’existence d’un manquement contractuel imputable à Mme [J] à l’origine du préjudice moral invoqué.

En conséquence, la MAIF sera déboutée de sa demande de condamnation de Mme [J] à lui payer la somme de 1000 euros au titre de son préjudice moral.

Sur la demande de résolution judiciaire du contrat

L’article 1224 du code civil prévoit que la résolution résulte soit de l'application d'une clause résolutoire soit, en cas d'inexécution suffisamment grave, d'une notification du créancier au débiteur ou d'une décision de justice.

En application de l’article 1227 du code civil, la résolution peut, en toute hypothèse, être demandée en justice.

Aux termes de l’article 1228 du code civil, le juge peut, selon les circonstances, constater ou prononcer la résolution ou ordonner l'exécution du contrat, en accordant éventuellement un délai au débiteur, ou allouer seulement des dommages et intérêts.

L’article 1229 du code civil dispose que « La résolution met fin au contrat.
La résolution prend effet, selon les cas, soit dans les conditions prévues par la clause résolutoire, soit à la date de la réception par le débiteur de la notification faite par le créancier, soit à la date fixée par le juge ou, à défaut, au jour de l'assignation en justice.
Lorsque les prestations échangées ne pouvaient trouver leur utilité que par l'exécution complète du contrat résolu, les parties doivent restituer l'intégralité de ce qu'elles se sont procuré l'une à l'autre. Lorsque les prestations échangées ont trouvé leur utilité au fur et à mesure de l'exécution réciproque du contrat, il n'y a pas lieu à restitution pour la période antérieure à la dernière prestation n'ayant pas reçu sa contrepartie ; dans ce cas, la résolution est qualifiée de résiliation.
Les restitutions ont lieu dans les conditions prévues aux articles 1352 à 1352-9. »

En l’espèce, comme indiqué précédemment, la MAIF a échoué à démontrer l’existence de fausses déclarations imputables à Mme [J] et donc d’un manquement contractuel suffisamment grave justifiant la résolution judiciaire du contrat.

Il apparaît en outre que Mme [J] a toujours réglé le montant des avis d’échéance communiqués par la MAIF.

En conséquence, la MAIF sera déboutée de sa demande de résolution judiciaire du contrat d’assurance souscrit par Mme [J].

Sur les demandes reconventionnelles formées par Mme [J]

Sur la demande de provision

Mme [J] soutient être suivie par Mme [X] [Z] psychologue clinicienne à l’unité spécialisée d’accompagnement du psycho- traumatisme du centre hospitalier Robert Badinter à [Localité 5].
Elle indique que ces séances sont remboursées par la sécurité sociale de sorte qu’elle ne réclame aucune prise en charge par la MAIF et que sa demande ne concerne que les frais de transport aller-retour pour se rendre à ces consultations depuis le 6 décembre 2022.

Elle évalue le montant exposé au titre de ces transports à la somme de 480 euros du 6 décembre 2022 au 28 février 2023 à raison de deux séances par semaine moyennant 40 euros par trajet et 140 euros du 1er mars 2023 jusqu’à la date des conclusions à raison d’une séance par mois moyennant la somme de 20 euros.

L’attestation du docteur [Z] en date du 9 mai 2023 produite par Mme [J] indique que Mme [J] est reçue dans l’unité depuis le 6 décembre 2022. Toutefois cette attestation ne comporte aucun détail sur la fréquence des rendez-vous et Mme [J] ne verse aucun autre document permettant de confirmer la fréquence des rendez-vous et le montant exposé au titre du transport pour chaque séance.

En conséquence, Mme [J] sera déboutée de sa demande de condamnation de la MAIF à lui verser la somme provisionnelle de 620 euros en remboursement des frais occasionnés par le sinistre du 10 avril 2018.

Sur la demande indemnitaire au titre du préjudice moral

Aux termes de l’article 1231 du code civil, à moins que l'inexécution soit définitive, les dommages et intérêts ne sont dus que si le débiteur a préalablement été mis en demeure de s'exécuter dans un délai raisonnable.

En application de l’article 1231-1 du code civil, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.

En l’espèce, comme il vient d’être jugé, la déchéance de garantie opposée par la MAIF fondée sur des fausses d’accusation établies à la suite d’une enquête incomplète et pour des faits très restreint a nécessairement entraîné un préjudice moral pour Mme [J] qu’il y a lieu d’évaluer à la somme de 3000 euros.

En conséquence, la MAIF sera condamnée à payer à Mme [J] la somme de 3000 euros en réparation de son préjudice moral.

Sur les demandes accessoires

La MAIF qui succombe à l’instance sera tenue d’en supporter les dépens, qui seront directement recouvrés par Me Manon LEBERT conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

Il serait par ailleurs inéquitable de laisser à la charge de Mme [J], les sommes qu’elle a été contrainte d’exposer en justice pour la défense de ses intérêts.

Il conviendra, ainsi, de condamner la MAIF à lui payer, la somme de 2000 euros en contribution aux frais irrépétibles d’instance.

La MAIF sera déboutée de sa demande de condamnation de Mme [J] à lui payer la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Enfin, il sera rappelé qu’en application des dispositions de l’article 514 du code de procédure civile, la présente décision est exécutoire par provision.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal statuant après débats en audience publique, par jugement contradictoire, rendu en premier ressort et prononcé par mise à disposition au greffe

DEBOUTE la MAIF de sa demande de condamnation de Mme [L] [J] à lui régler la somme de 15 437,50 euros au titre des indemnités indûment versées et des frais de gestion ;

DEBOUTE la MAIF de sa demande de condamnation de Mme [L] [J] à lui payer la somme de 1000 euros au titre de son préjudice moral ;

DEBOUTE la MAIF de sa demande de résolution judiciaire du contrat d’assurance souscrit par Mme [L] [J] ;

DEBOUTE Mme [L] [J] de sa demande de condamnation de la MAIF à lui verser la somme provisionnelle de 620 euros en remboursement des frais occasionnés par le sinistre du 10 avril 2018 ;

CONDAMNE la MAIF à payer à Mme [L] [J] la somme de 3000 euros en réparation de son préjudice moral ;

CONDAMNE la MAIF aux dépens qui seront directement recouvrés par Me Manon LEBERT conformément à l’article 699 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la MAIF à payer à Mme [L] [J] la somme de 2000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE la MAIF de sa demande de condamnation de Mme [L] [J] à lui payer la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

RAPPELLE que l’exécution provisoire est de droit.

LA GREFFIERE LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Meaux
Formation : 1ère ch. - sect. 1
Numéro d'arrêt : 23/02239
Date de la décision : 22/07/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 04/08/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-22;23.02239 ?
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