- N° RG 23/00519 - N° Portalis DB2Y-W-B7H-CC6UN
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MEAUX
1ERE CHAMBRE
Date de l'ordonnance de
clôture : 06 mai 2024
Minute n°24/663
N° RG 23/00519 - N° Portalis DB2Y-W-B7H-CC6UN
Le
CCC : dossier
FE :
Me GIRAUDAT
Me KOLLEN
Me GRASLIN LATOUR
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
JUGEMENT DU VINGT DEUX JUILLET DEUX MIL VINGT QUATRE
PARTIES EN CAUSE
DEMANDERESSE
Madame [U] [D]
[Adresse 3]
représentée par Me Barbara GIRAUDAT, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant
DEFENDERESSES
S.A. SMA SA
[Adresse 4]
représentée par Maître Claire KOLLEN de la SELARL CK AVOCAT, avocats au barreau de MEAUX, avocats plaidant, Maître François BILLEBEAU de la SCP BILLEBEAU - MARINACCE, avocats au barreau de PARIS, avocats plaidant
S.A.S. BATI BAT SIMAO
[Adresse 1]
représentée par Maître Claire KOLLEN de la SELARL CK AVOCAT, avocats au barreau de MEAUX, avocats plaidant, Maître François BILLEBEAU de la SCP BILLEBEAU - MARINACCE, avocats au barreau de PARIS, avocats plaidant
La société MILLEMIUM INSURANCE COMPANY LIMITED (MIC),
[Adresse 7]
représentée par Maître Sandra GRASLIN LATOUR de la SELARL RACINE, avocats au barreau de PARIS, avocats plaidant
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Lors des débats et du délibéré :
Président : M. BATIONO, Premier Vice-Président
Assesseurs: M. NOIROT, Juge
Mme BASCIAK, Juge
Jugement rédigé par : Mme BASCIAK, Juge
DEBATS
A l'audience publique du 16 Mai 2024
GREFFIER
Lors des débats et du délibéré : Mme BOUBEKER, Greffière
JUGEMENT
contradictoire, mis à disposition du public par le greffe le jour du délibéré, M. BATIONO, Président, ayant signé la minute avec Mme BOUBEKER, Greffière ;
**************
EXPOSE DU LITIGE
Mme [U] [D] est propriétaire d’une maison individuelle sise [Adresse 2] à [Localité 5] construite en 2001.
Suivant devis en date du 27 octobre 2010, elle a confié à la Société BATI BAT SIMAO la création d’un garage attenant à sa maison, pour un montant total de 48 608,08 euros TTC.
La Société BATI BAT SIMAO était assurée en responsabilité civile décennale auprès de la société SMA SA, anciennement dénommée SAGENA (contrat n° 8631000/003 115909).
Les travaux, qui se sont déroulés d’avril à novembre 2011, ont été réceptionnés le 25 novembre 2011 et ont été intégralement payés.
Mme [D] déclare que dès 2012, elle a constaté un affaissement du garage et l’apparition de fissures, désordres qui ont conduit la Société BATI BAT SIMAO à poser des témoins courant 2013.
Elle a fait intervenir en 2016, la société ECOBAT, Expert en bâtiment puis mis en cause la SMA SA qui a missionné un expert, le Cabinet LOPES.
Par un acte d’huissier du 26 novembre 2020, Mme [D] a fait assigner la Société BATI BAT SIMAO et la SMA SA devant le juge des référés du Tribunal Judiciaire de MEAUX aux fins que soit ordonnée une expertise judiciaire sur le fondement de l’article 145 du code civil.
Par ordonnance du 13 janvier 2021, le juge des référés du Tribunal Judiciaire de MEAUX a fait droit à sa demande en désignant Monsieur [F] en qualité d’expert.
L’Expert a rendu son rapport le 26 mars 2022.
Par actes d’huissier des 26 et 27 janvier 2023, Mme [D] a fait assigner la société BATI BAT SIMAO et la société SMA SA devant le Tribunal judiciaire de Meaux aux fins de les voir condamner in solidum à lui payer la somme de 120 000 euros au titre des travaux de reprise, augmentée des coûts relatifs à l’intervention d’un maître d’œuvre et à la souscription d’une assurance dommages ouvrage, avec indexation sur l’évolution de l’indice BT01entre le 26 mars 2022, date de dépôt du rapport d'expertise, et celle du jugement à intervenir, la somme de 15 795 euros au titre du préjudice de jouissance arrêté au 31 décembre 2022, et sauf à parfaire pour la période postérieure, la somme de 3 960 euros au titre du préjudice de jouissance pendant la durée des travaux de reprise, la somme de 20 000 euros au titre du préjudice moral et la somme de 1 579,76 euros en remboursement des frais divers exposés.
Par acte du 31 août 2023, la société BATI BAT SIMAO et la société SMA SA ont fait assigner en intervention forcée la Société MIC INSURANCE COMPANY (ci-après société MIC) aux fins qu’elle soit condamnée à « garantir la Société BATI BAT SIMAO de toutes condamnations et à payer une somme de 50 000 euros (à parfaire) dans le cadre du sinistre concernant Mme [D] ».
Ces deux instances ont été jointes par une ordonnance du juge de la mise en état du 2 octobre 2023.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 16 janvier 2024, Mme [D] demande au tribunal de bien vouloir :
« DIRE Mme [D] recevable et bien fondée en ses demandes.
Y faisant droit,
1/ CONDAMNER in solidum la Société BATI BAT SIMAO et son assureur, la Société SMA.SA, à payer à Mme [D] :
- 120.000 euros au titre des travaux de reprise, augmentée des coûts relatifs à l’intervention d’un maître d’œuvre et à la souscription d’une assurance dommages ouvrage, avec indexation sur l’évolution de l’indice BT01 entre le 26 mars 2022, date de dépôt du rapport d'expertise, et celle du jugement à intervenir ;
- 21.840 euros au titre de la souscription d’une assurance dommage ouvrage, avec indexation sur l’évolution de l’indice BT01 entre le 26 mars 2022, date de dépôt du rapport d'expertise, et celle du jugement à intervenir ;
- 3.717,90 euros au titre de l’intervention d’un maître d’œuvre, avec indexation sur l’évolution de l’indice BT01 entre le 26 mars 2022, date de dépôt du rapport d'expertise, et celle du jugement à intervenir ;
- 18.135 euros au titre du préjudice de jouissance arrêté au 31 décembre 2023, et sauf à parfaire pour la période postérieure ;
- 3.960 euros au titre du préjudice de jouissance pendant la durée des travaux de reprise ;
- 20.000 euros au titre du préjudice moral ;
- 1.579,76 euros en remboursement des frais divers exposés ;
- 8.000 euros au titre de l’Article 700 du CPC.
2/ Subsidiairement,
CONDAMNER in solidum la Société BATI BAT SIMAO et son assureur, la Société MILLENIUM INSURANCE COMPANY LIMITED (MIC), à payer à Mme [D] :
- 120.000 euros au titre des travaux de reprise, augmentée des coûts relatifs à l’intervention d’un maître d’œuvre et à la souscription d’une assurance dommages ouvrage, avec indexation sur l’évolution de l’indice BT01 entre le 26 mars 2022, date de dépôt du rapport d'expertise, et celle du jugement à intervenir ;
- 21.840 euros au titre de la souscription d’une assurance dommage ouvrage, avec indexation sur l’évolution de l’indice BT01 entre le 26 mars 2022, date de dépôt du rapport d'expertise, et celle du jugement à intervenir ;
- 3.717,90 euros au titre de l’intervention d’un maître d’œuvre, avec indexation sur l’évolution de l’indice BT01 entre le 26 mars 2022, date de dépôt du rapport d'expertise, et celle du jugement à intervenir ;
- 18.135 euros au titre du préjudice de jouissance arrêté au 31 décembre 2023, et sauf à parfaire pour la période postérieure ;
- 3.960 euros au titre du préjudice de jouissance pendant la durée des travaux de reprise ;
- 20.000 euros au titre du préjudice moral ;
- 1.579,76 euros en remboursement des frais divers exposés ;
- 8.000 euros au titre de l’Article 700 du CPC.
3/ CONDAMNER in solidum la Société BATI BAT SIMAO et son assureur, la Société SMA.SA, ou subsidiairement in solidum la Société BATI BAT SIMAO et la Société MILLENIUM INSURANCE COMPANY LIMITED (MIC) aux entiers dépens lesquels comprendront les frais de l’expertise judiciaire ordonnée en référé.
ORDONNER l’exécution provisoire du jugement à intervenir ».
Mme [D] engage la responsabilité de la Société BATI BAT SIMAO sur le fondement de la garantie décennale visée aux articles 1792 et suivant du Code civil.
Elle fait valoir que l’expert a constaté la matérialité des désordres affectant le garage en considérant qu’il présente un affaissement côté voisin de type évolutif, qui s’est ensuite aggravé et a entraîné notamment un jour très important entre le garage et la maison, un déboitement de tuiles du garage, de multiples fissures et des désencastrements de poutres en bois et qu’il estime que lesdits désordres trouvent leur origine à titre principal, dans le non-respect des règles de l’art et à titre secondaire, dans la mauvaise qualité du sol.
Mme [D] indique que l’expert a estimé qu’à terme il y a une impropriété à destination de l’ensemble des locaux nouvellement créés et que si l’affaissement se poursuit, un écroulement de l’extension reste envisageable.
Elle fait valoir que les désordres s’étant aggravés depuis l’expertise il y a lieu de retenir la deuxième solution de l’expert, à savoir la démolition reconstruction de l’extension moyennant la somme de 120 000 euros.
Mme [D] indique subir un préjudice de jouissance caractérisé par l’impossibilité d’utiliser la chambre située au-dessus du garage qui est inhabitable compte tenu des risques majeurs existants et qui est effectivement inhabitée depuis avril 2016, qu’elle évalue à la somme de 18 135 euros (195 euros x 93 mois - du 1/4/2016 au 31/12/2023) et les troubles qui seront causés lors de la réalisation des travaux d’une durée minimale de 8 mois qui rendront impossible l’usage de la chambre, buanderie et garage, qu’elle évalue à la somme de 3 960 euros ((8 mois x 195 euros/mois) + (8 mois x 300 euros )).
Elle soutient subir également un préjudice moral induit par la peur et l’inquiétude que lui causent les désordres eu égard son âge qu’elle évalue à la somme de 20 000 euros.
Elle demande également le remboursement des frais d’expertise d’un montant de 15 500 euros, des honoraires de son conseil ainsi que les frais divers pour la somme globale de 1 579,76 dont :
- Honoraires d’ECOBAT, Expert amiable : 650 euros ;
- Entreprise [Localité 6] BTP, pour pose de jauges : 780 euros ;
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- Achat des jauges : 149,76 euros.
Elle demande également la condamnation de la société SMA SA au titre de la garantie décennale due à son assuré ou subsidiairement de la société MIC. Elle soutient qu’aux termes d’un contrat n° 8631000/003 115909 intitulé « Protection Professionnelle des Artisans du Bâtiment » souscrit le 25 septembre 2009, la société SAGENA, nouvellement dénommée SMA SA, assurait la Société BATI BAT SIMAO au titre de la garantie de responsabilité décennale et de bon fonctionnement, ainsi que de la garantie de responsabilité civile professionnelle.
Elle fait valoir que l’assureur SMA SA couvre également les dommage immatériels dès lors que la police souscrite par la Société BATI BAT SIMAO auprès de la Société SMA SA précise bien que sont couverts « les chantiers ouverts entre le 1/01/2011 et le 31/12/2011 », période durant laquelle les travaux litigieux ont été réalisés et que «ce contrat garantit la responsabilité encourue vis-à-vis des tiers par le souscripteur, du fait de ses activités professionnelles mentionnées ci-avant, que ce soit en cours ou après exécution de ses travaux », pour les « dommages corporels, dommages matériels, dommages immatériels ».
Dans leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 28 février 2024, la SMA SA et la société BATI BAT SIMAO demandent au tribunal de bien vouloir :
« Juger que la Cie MIC doit engager sa garantie d’assurance vis-à-vis de la société BATI BAT SIMAO à l’égard des sommes alléguées par Madame [D] concernant la responsabilité civile (RC) de ladite société,
Juger que les motifs en non-garantie évolutifs et parcellaires allégués par la Cie MIC sur la base d’une police d’assurance inopposable et entachée de nullité, n’ont aucune justification et engagent sa responsabilité contractuelle pour faute dans l’exécution de son contrat d’assurance,
Juger que la Cie MIC est infondée à dénier sa garantie (RC) vis-à-vis de BATI BAT SIMAO et devra être condamnée pour faute contractuelle à une somme de 10.000 € au profit de cette société et de la SMA SA, la position dilatoire et erronée de la Cie MIC étant à l’origine de la présente procédure au fond et a fait obstacle à toute discussion amiable,
Condamner la Cie MIC à garantir la société BATI BAT SIMAO de toutes condamnations, en particulier les sommes sollicitées par Madame [D] au titre des préjudices de jouissance, d’un préjudice moral et des frais exposés, et à payer une somme de 10.000 € sur le fondement de l’article 1231-1 du Code civil, à la société BATI BAT SIMAO et à la SMA SA,
Condamner la Cie MIC aux entiers dépens et à payer à la société BATI BAT SIMAO et la SMA SA, une somme de 5.000 € par application de l’article 700 du Code de procédure civile »
La SMA SA et la Société BATI BAT SIMAO indiquent que jusqu’à l’année 2013, la SMA SA était l’assureur de la société BATI BAT SIMAO, mais qu’entre les années 2019 et 2021, la Cie MIC était son assureur.
La SMA SA ne conteste pas sa garantie en responsabilité civile décennale (RCD) pour la reprise de l’ouvrage, mais elle conteste sa garantie au titre de la responsabilité civile professionnelle au motif qu’au moment de la réclamation (assignation en référé expertise de Mme [D] du 26 novembre 2020), la société BATI BAT SIMAO avait pour assureur la Cie MIC qui selon elle ne conteste pas être bien l’assureur en responsabilité civile concerné (RCP).
Elle conteste le refus de garantie opposé par la société MIC, à savoir que la privation de jouissance doit revêtir un caractère économique en application des conditions générales, indiquant qu’elle n’a jamais invoqué un tel motif au cours des opérations d’expertise et soutient qu’elle doit prendre en charge les sommes dues au titre du préjudice de jouissance et du préjudice moral.
La SMA SA indique que la police d’assurance alléguée par la société MIC est inopposable dès lors que conditions générales ne sont pas produites en totalité et ne peuvent être utilisées partiellement et que les conditions particulières évoquées prévoient bien une garantie de MIC en responsabilité civile vis-à-vis de BATI BAT SIMAO pour les dommages matériels et immatériels consécutifs au titre de la responsabilité civile après réception-livraison.
Elle conteste l’interprétation de la clause d’exclusion de garantie par la société MIC indiquant qu’elle méconnait les dispositions de l’article L. 113-1 du code des assurances et que le préjudice de jouissance constitue un préjudice économique. Elle indique que la société MIC doit prendre en charge le préjudice moral qu’elle ne conteste pas.
La SMA SA soutient que la société MIC a commis une faute contractuelle dans la mobilisation de sa garantie due à la société BATI BAT SIMAO en ce qu’elle allègue des motifs artificiels pour ne pas prendre en charges les sommes entrant dans le champ de la garantie et qu’elle a changé à plusieurs reprises de motifs de non garantie et que sa police est entachée de nullité justifiant qu’il lui soit alloué ainsi qu’à son assuré la société BATI BAT SIMAO et à elle-même la somme de 10 000 euros.
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 2 février 2024, la société MIC demande au tribunal de bien vouloir :
« A TITRE PRINCIPAL,
DEBOUTER Mme [U] [D], la société Bati Bat Simao et la SMA SA de l’ensemble de leurs demandes à l’encontre de la société MIC Insurance Company dès lors que :
-La garantie Responsabilité Civile Décennale n’est pas mobilisable ;
-Les préjudices revendiqués ne sont pas pris en charge par la société MIC Insurance Company dans le cadre de la garantie Responsabilité Civile Professionnelle ;
CONDAMNER in solidum la société Bati Bat Simao et la SMA SA à verser à la société MIC Insurance Company la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNER in solidum la société Bati Bat Simao et la SMA SA aux entiers dépens de l’instance.
A titre subsidiaire,
DEBOUTER Mme [U] [D], la société Bati Bat Simao et la SMA SA de leurs demandes à l’encontre de la société MIC Insurance Company au titre de la garantie Responsabilité Civile Décennale ;
LIMITER toute condamnation de MIC Insurance Company au titre de la garantie Responsabilité Civile Professionnelle à hauteur de 195 euros par mois depuis avril 2016 et jusqu’au jugement à intervenir et de 195 euros par mois pendant 5 mois au titre des travaux de reprise ;
DEBOUTER Mme [U] [D], la société Bati Bat Simao et la SMA SA de leur demande au titre de l’indemnisation par MIC Insurance Company d’un préjudice moral ;
DEBOUTER Mme [U] [D], la société Bati Bat Simao et la SMA SA du surplus de leurs demandes ;
JUGER qu’il n’y a pas lieu à application de l’exécution provisoire de droit du jugement à intervenir, tel que prévue par les dispositions de l’article 514 du Code de procédure civile, dès lors que la nature de l’affaire n’exige pas une exécution immédiate dudit jugement »
Elle soutient que sa garantie décennale n’est pas mobilisable et que c’est celle de la SMA SA qui doit garantir les dommages.
Concernant les demandes de Mme [D] au titre de la garantie responsabilité civile professionnelle, à titre principal, elle fait valoir qu’elles ne sont pas justifiées en ce que le préjudice de jouissance revendiqué par Mme [D], ne relève pas des dommages immatériels non consécutifs indemnisés au titre du contrat dès lors qu’il ne s’agit pas d’un préjudice économique au sens des Conditions Générales du contrat d’assurance n° 181152504S, aucune perte pécuniaire ne résultant du préjudice allégué.
La société MIC indique que sa clause est conforme à l’article L. 113-1 du code des assurances.
Elle se fonde sur les mêmes motifs pour refuser de garantir le préjudice moral invoqué par Mme [D].
A titre subsidiaire, elle demande de réduire la durée du trouble de jouissance à cinq mois comme l’a estimé l’expert et non huit comme le prétend Mme [D]. Elle refuse de prendre en charge l’indemnisation au titre du préjudice moral en ce qu’il a vocation à réparer le même préjudice que le trouble de jouissance. Elle demande également que l’indemnisation soit limitée au plafond de la garantie à hauteur de 50 000 euros et que la franchise de 3000 euros soit déduite.
La clôture de l’instruction a été fixée au 6 mai 2024 par ordonnance du même jour.
L’affaire a été révoquée à l’audience de plaidoiries du 16 mai 2024 et mise en délibéré au 22 juillet 2024.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur les demandes d’indemnisation de Mme [D] fondées sur la garantie décennale
Sur la matérialité des désordres
Dans son rapport du 26 mars 2022, l’expert rappelle que des témoins ont été installés dès les premières constatations de désordres par la Société BATI BAT SIMAO en 2013 lesquels se sont dégradés. Il indique qu’en 2016, la société ECOBAT a fixé des jauges de type [R] au droit du joint de dilatation entre les deux constructions (maison originelle/extension garage) et qu’il a été constaté un affaissement du garage côté voisin, de sorte que cet affaissement est de type évolutif. Il précise qu’en 2016, l’expert de l’assureur SMA SA a également constaté les mêmes pathologies.
L’expert relève que lors de sa visite du 17 mars 2021, il a constaté des pathologies anciennes au droit du pavillon originel mais pas au niveau de l’extension récente. Il indique toutefois constater la présence de pathologies affectant le raccord entre les deux constructions, caractérisées par un affaissement de l’extension (défaut de verticalité et un jour biais). Sur l’extension au niveau de la façade donnant côté jardin, il constate que le pavage sur terrain est affaissé, qu’il y a un jour entre les deux constructions très important, un affaissement de l’extension et que les tuiles de l’extension son déboîtées sur toute la longueur du versant. Il relève les mesures sur les jauges [R].
A l’intérieur au rez-de-chaussée, il relève que la poutre en bois principal ancrée dans le pignon du pavillon est désencastrée sur quatre centimètres, que le doublage placo est décollé et cintré côté pavillon, que le dallage béton comporte des fissures, que l’accès au vide sanitaire du pavillon par le mur de refend du garage en soubassement comporte des fissures de dilatation au niveau du pignon du pavillon. A l’étage, il remarque la présence d’un jour important au niveau de la jonction du pignon du pavillon, que les pannes en bois ancrées dans le pavillon sont désemboîtées sur huit millimètres ainsi que la présence de colmatage réalisés par Mme [D].
Sur la façade donnant côté rue, il indique qu’il n’y a pas de fissures en superstructure mais constate une ouverture entre les deux constructions sur laquelle sont présentes trois jauges [R], ainsi qu’un désemboîtement des tuiles de l’extension par rapport à celle du pavillon.
Sur le pavillon originel au niveau de la façade véranda, il constate de nombreuses fissures anciennes, rebouchées et repeintes par la propriétaire et quelques-unes plus récentes. Il indique constater d’anciennes pathologies colmatées sur la façade du pavillon côté rue.
Au cours de sa visite du 1er septembre 2021, l’expert indique constater un affaissement côté voisin des pavés au droit du garage sur le côté jardin. Il relève les mesures au droit des jauges en place et constate une légère aggravation des désordres malgré une période sèche.
En conséquence, la matérialité des désordres affectant l’extension du pavillon est établie.
Sur le caractère décennal des désordres
Aux termes de l’article 1792 du code civil, tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination. Une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère.
En application de cette disposition la garantie décennale des constructeurs d’un ouvrage est engagée de plein droit en présence d'un dommage qui porte atteinte à la solidité de l’ouvrage ou qui le rend impropre à sa destination.
De même, les désordres futurs sont couverts par la garantie décennale si la survenance d'une atteinte à la solidité ou d'une impropriété à destination de l'ouvrage est certaine avant expiration du délai décennal.
Dans son rapport, l’expert considère que la chambre à l’étage de l’extension n’est plus utilisable et habitable contrairement au garage et à la buanderie attenante au rez-de-chaussée au jour du rapport d’expertise. Il considère toutefois qu’une évolution même réduite de l’affaissement non stabilisé de l’extension crée des risques réels et importants pour les personnes et les biens. Il en déduit qu’à terme l’impropriété à destination de l’ensemble des locaux nouvellement créés est donc possible si l’affaissement se poursuit et qu’un écroulement de l’extension reste envisageable. Il considère que cette hypothèse doit être privilégiée dès lors que les superstructures de l’extension, contrairement aux règles de l’art, sont ancrées dans les structures du pavillon originel.
Mme [D] verse aux débats en pièce n°20 des photographies de relevés des jauges qu’elle indique être datées des 28 mars 2022 et 29 septembre 2022.
Les relevés du 29 septembre 2022 sont seuls identifiables dès lors qu’ils figurent sur la jauge au moment de la photographie.
S’ils n’ont pas été réalisés par un huissier, il apparaît que la Société BATI BAT SIMAO et la SMA SA ne les contestent pas.
Visite du 17 mars 2021
Visite du 1er septembre 2021
Relevé de
Mme [D]
29 septembre 2022
Façade côté jardin
Jauge 1 haute 7,9 °
Jauge 2 intermédiaire 6,5 °
Jauge 3 basse 4,7 °
Jauge 1 haute 8,10 °
Jauge 2 intermédiaire 6,70 °
Jauge 3 basse 4,8 °
x
Jauge 2 intermédiaire 9,1
Jauge 3 basse 6,8 °
Façade rue
Jauge 4 haute 7,5 °
Jauge 5 intermédiaire 4,4 °
Jauge 6 basse 3,2 °
Jauge 4 haute 7,5 °
Jauge 5 intermédiaire 4,7 °
Jauge 6 basse 3,3 °
Jauge 4 haute 9,1 °
Jauge 5 intermédiaire 6,1
Jauge 6 basse 4,1 °
Il ressort des derniers relevés effectués par Mme [D] le 29 septembre 2022, soit un an après ceux de l’expert, que les fissures se sont aggravées de manière importante. Elle indique même que l’affaissement du garage fait avancer la pointe du mur pignon de ce dernier sur la propriété voisine et est à l’origine d’un empiètement.
Il en résulte que l’accroissement de l’affaissement du terrain est important et donc de nature à créer des risques réels et graves pour les personnes et les biens, comme l’expert l’avait indiqué dans son rapport. L’expert indique que le risque peut aller jusqu’à l’écroulement de l’extension, or les nouveaux relevés communiqués par Mme [D] révèlent une importante aggravation des fissures et comme les superstructures de l’extension sont ancrées dans les structures du pavillon originel, ce qui accroît le risque d’écroulement selon l’expert, il y a lieu de considérer que l’atteinte à la solidité de l’ouvrage est certaine.
D’ailleurs, la nature décennale des désordres n’est pas contestée par la Société BATI BAT SIMAO et la SMA SA.
En conséquence, les désordres affectant l’extension sont de nature décennale au sens de l’article 1792 du code civil dès lors qu’ils portent atteinte à la solidité de l’ouvrage.
Sur l’imputabilité des désordres à la Société BATI BAT SIMAO
Dans son rapport, l’expert a considéré que la cause principale des désordres résidait dans la réalisation des travaux en l’absence de respect des règles de l’art par la Société BATI BAT SIMAO. Il a indiqué que la Société BATI BAT SIMAO n’a pas assumé son devoir de conseil comme son obligation de résultat en ce qu’il a constaté plusieurs défauts de conception-exécution tels que l’ancrage de l’extension (superstructure) avec le pavillon, l’absence de fondation au droit du pignon/pavillon et la réalisation de fondations de type superficiel non adaptées au terrain d’assise.
En cause secondaire, il impute les désordres à la mauvaise qualité du sol en ce que le terrain sous le garage est de trop faible compacité (remblais) et de trop grandes disparités (matériaux hétérogènes) pour reprendre les charges et surcharges dudit garage.
Il apparaît donc que la Société BATI BAT SIMAO a manqué à son devoir de conseil en ne préconisant pas de fondations correspondant à la qualité du sol, qualifiée de mauvaise, ainsi qu’en procédant à l’ancrage de l’extension avec le pavillon et en ne prévoyant pas de fondations au droit du pignon/pavillon.
Il est relevé que la Société BATI BAT SIMAO et la SMA SA ne contestent pas l’imputabilité des désordres.
Il résulte de ce qui précède que les désordres sont entièrement imputables à la Société BATI BAT SIMAO, de sorte que sa garantie décennale est engagée.
Sur la réparation des préjudices
Sur les travaux de reprise Dans son rapport, l’expert préconise deux solutions selon l’évolution des désordres. En cas de pathologie stabilisée, à savoir dans l’hypothèse où les fissures sous surveillance seraient non évolutives, il préconise une solution de « renfort des fondations » du garage qui permettrait de stabiliser l’extension. Il indique que cette solution est également préconisée par son sapiteur FONDASOL qui a réalisé des études de sol au cours de l’expertise et constaté la mauvaise qualité du remblai sous le garage.
En revanche, en cas d’aggravation des pathologies, à savoir dans l’hypothèse où il y aurait une aggravation significative des désordres, et que l’affaissement de l’extension serait encore plus important, il indique que les locaux ne pourraient plus être occupés et que les jonctions en toiture ne pourraient plus assurer une étanchéité. Il en déduit que la seule solution est celle de la « démolition reconstruction » de l’extension qui serait envisageable.
Il a ainsi préconisé une surveillance des jauges en place y compris après l’expertise, ce que Mme [D] a effectué en versant aux débats de nouveaux relevés.
Il indique que le coût global des travaux de reprise de réfection est estimé à la somme de 86 000 euros TTC et que des devis restaient à communiquer, mais que cette estimation n’est pas contestée par les parties. Concernant la démolition/reconstruction de l’extension il agrée le coût des travaux à la somme de 120 000 euros TTC.
En l’espèce, comme démontré précédemment, il apparaît qu’un an après les derniers relevés effectués par l’expert, les fissures et l’affaissement du terrain se sont considérablement aggravés, de sorte qu’il y a lieu de faire droit à la demande de Mme [D] de démolition et reconstruction comme préconisé par l’expert et non contesté par la Société BATI BAT SIMAO et la SMA SA.
Dès lors il y a lieu d’évaluer les travaux de réparation des désordres, consistant en une démolition reconstruction de l’extension à la somme totale de 120 000 euros TTC.
Sur la demande de paiement de la somme de 3717,90 euros au titre des frais de maîtrise d’œuvre et de la somme de 21 840 euros au titre de la souscription à une assurance dommages ouvrageLa réparation doit couvrir l'intégralité du préjudice subi par le maître de l'ouvrage du fait des désordres dont les constructeurs sont reconnus responsables. Le maître de l'ouvrage est donc en droit d'obtenir non seulement la réparation des désordres affectant l'ouvrage, mais également l'indemnisation des préjudices annexes.
Toutefois, le maître d’ouvrage victime d'un dommage ne saurait s'enrichir au détriment du constructeur dont la garantie décennale est actionnée.
En l’espèce, la réalisation et le suivi des travaux par un maître d’œuvre n’est pas obligatoire et résulte de la seule volonté du maître de l’ouvrage. Il est relevé que Mme [D] ne s’était pas adjointe le concours d’un maître d’œuvre lors de la réalisation des travaux de l’extension en 2011 par la Société BATI BAT SIMAO à l’origine des désordres.
Il apparaît également que Mme [D] n’avait pas souscrit une assurance dommages-ouvrage lors de la réalisation des premiers travaux, pourtant obligatoire en application de la ligne de L. 242-1 et suivants du code des assurances.
Il en résulte que Mme [D] ne rapporte pas la preuve d’un préjudice indemnisable en ce qu’elle ne démontre pas avoir exposé des sommes au titre des frais de maitrise d’œuvre et des frais de d’assurance dommages-ouvrage lors de de la réalisation des travaux de l’extension en 2011 par la Société BATI BAT SIMAO.
En conséquence, Mme [D] sera déboutée de sa demande de condamnation in solidum de la Société BATI BAT SIMAO et la Société SMA SA à lui payer la somme de 3717,90 euros au titre des frais de maîtrise d’œuvre.
Mme [D] sera déboutée de sa demande de condamnation in solidum de la Société BATI BAT SIMAO et la Société SMA SA à lui payer la somme de 21 840 euros au titre de la souscription d’une assurance dommages ouvrage.
Sur le préjudice de jouissanceL’expert indique dans son rapport avoir constaté une perte d’habitabilité de la chambre au-dessus du garage en raison des risques majeurs d’effondrement depuis avril 2016.
Il a évalué le préjudice de jouissance à la somme de 195 euros/mois en retenant une valeur locative mensuelle de 15 % de 1300 euros, soit depuis avril 2016 sur 100 mois à la date du présent jugement, la somme totale de 19 500 euros.
L’expert retient également un préjudice de jouissance durant les travaux réparatoires à hauteur de 195 euros/mois sur une durée de cinq mois soit la somme de 975 euros.
Mme [D] reprend l’évaluation de l’expert dans ses demandes concernant le préjudice de jouissance avant la réalisation des travaux réparatoires. En revanche, elle estime que les travaux de reprise vont au moins durer huit mois et non cinq comme l’indique l’expert dans son rapport en versant aux débats une attestation de la société LBL.
La Société BATI BAT SIMAO et la SMA SA ne contestent pas la matérialité du préjudice, la SMA SA se limitant à contester le refus de garantie opposé par la société MIC concernant la prise en charge de ce préjudice.
La société MIC dénie sa garantie à titre principal mais à titre subsidiaire elle demande de retenir une durée des travaux de cinq mois faisant valoir qu’elle n’a pas participé à l’expertise judiciaire.
Il en résulte que la matérialité du préjudice de jouissance avant les travaux réparatoires n’est pas contestée, de sorte qu’il y a lieu d’évaluer le préjudice de jouissance avant les travaux à la somme de 19 500 euros (195 euros x 100 mois).
Concernant le préjudice de jouissance pendant la réalisation des travaux réparatoires, il y a lieu de retenir la durée de travaux évalué par l’expert dès lors que l’attestation produite par Mme [D] est postérieure au rapport d’expertise, en étant datée du 31 janvier 2022, et que l’expert n’a pas pu se prononcer sur cette durée.
Dès lors, il y a lieu d’évaluer le préjudice de jouissance subi pendant la réalisation des travaux réparatoires à la somme de 975 euros.
Sur le préjudice moralDans son rapport, l’expert indique que le préjudice moral subi par Mme [D] est réel et important en raison du risque pour les personnes et les biens depuis 2012.
Mme [D] fait valoir qu’elle vit toujours dans l’inquiétude et la peur qui s’est accrue du fait de l’aggravation des dégâts. Elle indique que la dangerosité de la construction et la nécessité d’engager la présente instance lui causent un préjudice moral distinct de celui lié à la privation de pouvoir jouir pleinement et librement de son bien qu’elle évalue à la somme de 20 000 euros.
La Société BATI BAT SIMAO et la SMA SA ne contestent pas la matérialité de ce préjudice.
A titre subsidiaire, la société MIC soutient que l’indemnisation du préjudice moral invoqué par Mme [D] ainsi que l’indemnisation du préjudice de jouissance conduirait à une double indemnisation du même préjudice.
Il ressort des éléments du dossier que Mme [D] a nécessairement subi un préjudice moral indépendant de la privation de jouissance de l’extension litigieuse caractérisée par la crainte et l’inquiétude d’occuper une habitation dont une partie s’affaisse régulièrement et pourrait s’effondrer comme l’a indiqué l’expert dans son rapport.
Dès lors, Mme [D] démontre la matérialité du préjudice moral dont elle demande l’indemnisation. Toutefois, elle ne verse aux débats aucun élément justifiant la somme demandée.
En conséquence, il y a lieu d’évaluer le préjudice moral subi par Mme [D] à la somme de 10 000 euros.
Sur les dépenses diversesMme [D] demande la prise en charge de l’expert amiable ECOBAT à hauteur de 650 euros, de l’entreprise [Localité 6] BTP chargée de la pose des jauges pour la somme de 780 euros outre le prix des jauges à hauteur de 149,76 euros.
Toutefois, ces frais dont ceux de l'expertise amiable constituent des frais irrépétibles et ne peuvent ouvrir droit à l'allocation de dommages intérêts distincts.
Sur la garantie des assureurs
Sur la garantie au titre des travaux de réparation des désordres de nature décennale Aux termes de l’article L. 124-1 du code des assurances, l’assureur est tenu à garantie si, à la suite du fait dommageable prévu au contrat, une réclamation amiable ou judiciaire est faite à l’assuré par le tiers lésé.
En l’espèce, Mme [D] verse aux débats une attestation émise par la SAGENA en date du 18 décembre 2010 certifiant que la Société BATI BAT SIMAO était titulaire d’un contrat d’assurance professionnelle « protection professionnelle des artisans du bâtiment-activité » n° 8631000/003 115909 souscrit le 25 septembre 2009 garantissant son activité en matière de responsabilité décennale pour les ouvrages soumis à obligation d’assurance.
La SMA SA ne conteste pas sa garantie en responsabilité civile décennale pour la reprise de l’ouvrage.
Dès lors, la garantie de la SMA SA en sa qualité d’assureur décennal est due concernant le montant des travaux réparatoires de 120 000 euros TTC.
Sur la garantie au titre du préjudice de jouissance et du préjudice moral Aux termes de l’article L. 124-5 du code des assurances, la garantie est, selon le choix des parties, déclenchée soit par le fait dommageable, soit par la réclamation. Toutefois, lorsqu'elle couvre la responsabilité des personnes physiques en dehors de leur activité professionnelle, la garantie est déclenchée par le fait dommageable. Un décret en Conseil d'Etat peut également imposer l'un de ces modes de déclenchement pour d'autres garanties.
Le contrat doit, selon les cas, reproduire le texte du troisième ou du quatrième alinéa du présent article.
La garantie déclenchée par le fait dommageable couvre l'assuré contre les conséquences pécuniaires des sinistres, dès lors que le fait dommageable survient entre la prise d'effet initiale de la garantie et sa date de résiliation ou d'expiration, quelle que soit la date des autres éléments constitutifs du sinistre.
La garantie déclenchée par la réclamation couvre l'assuré contre les conséquences pécuniaires des sinistres, dès lors que le fait dommageable est antérieur à la date de résiliation ou d'expiration de la garantie, et que la première réclamation est adressée à l'assuré ou à son assureur entre la prise d'effet initiale de la garantie et l'expiration d'un délai subséquent à sa date de résiliation ou d'expiration mentionné par le contrat, quelle que soit la date des autres éléments constitutifs des sinistres. Toutefois, la garantie ne couvre les sinistres dont le fait dommageable a été connu de l'assuré postérieurement à la date de résiliation ou d'expiration que si, au moment où l'assuré a eu connaissance de ce fait dommageable, cette garantie n'a pas été resouscrite ou l'a été sur la base du déclenchement par le fait dommageable. L'assureur ne couvre pas l'assuré contre les conséquences pécuniaires des sinistres s'il établit que l'assuré avait connaissance du fait dommageable à la date de la souscription de la garantie.
Le délai subséquent des garanties déclenchées par la réclamation ne peut être inférieur à cinq ans. Le plafond de la garantie déclenchée pendant le délai subséquent ne peut être inférieur à celui de la garantie déclenchée pendant l'année précédant la date de la résiliation du contrat. Un délai plus long et un niveau plus élevé de garantie subséquente peuvent être fixés dans les conditions définies par décret.
Lorsqu'un même sinistre est susceptible de mettre en jeu les garanties apportées par plusieurs contrats successifs, la garantie déclenchée par le fait dommageable ayant pris effet postérieurement à la prise d'effet de la loi n° 2003-706 du 1er août 2003 de sécurité financière est appelée en priorité, sans qu'il soit fait application des quatrième et cinquième alinéas de l'article L. 121-4.
Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux garanties d'assurance pour lesquelles la loi dispose d'autres conditions d'application de la garantie dans le temps.
En l’espèce, il ressort de l’attestation d’assurance émise par la SAGENA en date du 18 décembre 2010, certifiant que la Société BATI BAT SIMAO était titulaire d’un contrat d’assurances professionnelles « protection professionnelle des artisans du bâtiment-activité » n° 8631000/003 115909 souscrit le 25 septembre 2009, que la Société BATI BAT SIMAO était également garantie au titre de la responsabilité civile en cours ou après travaux au titre des dommages corporels, matériels, immatériels et des objets mobiliers confiés.
La SMA SA dénie sa garantie au motif qu’à la date de la réclamation la Société BATI BAT SIMAO avait pour assurance la société MIC.
Il apparait en effet que la Société BATI BAT SIMAO a souscrit un contrat d’assurance le 15 janvier 2019 avec effet au 1er janvier 2019 « construct’or -serenité » en vertu duquel elle bénéficie d’une garantie après réception livraison pour tous les dommages corporels, matériels, incendies, immatériels consécutifs et immatériels non consécutifs.
La société MIC produit les conditions générales de ce contrat desquelles il ressort que la garantie après réception livraison est déclenchée par la réclamation du tiers pendant la période de validité de la garantie dès lors que le fait dommageable est antérieur à la date de résiliation ou d’expiration de la garantie, quelle que soit la date du sinistre.
Il en résulte que la garantie de la société MIC a été souscrite en base réclamation.
En revanche, la SMA SA ne produit pas les conditions particulières et générales du contrat souscrit par la Société BATI BAT SIMAO auprès de la SAGENA permettant de déterminer si la garantie de la Société BATI BAT SIMAO a été souscrite en base fait dommageable ou réclamation.
Il est de jurisprudence constante que si la victime, maitre de l’ouvrage, doit établir l’existence d’un contrat d’assurance, la charge de la preuve du contenu appartient à l’assureur.
Il y a donc lieu de considérer que la Société BATI BAT SIMAO était garantie par la SMA SA au titre des dommage immatériels dès lors que les pièces versées aux débats ne subordonnent pas le déclenchement de cette garantie à la réclamation, comme celle de la société MIC. Il convient donc de prendre comme base la date du fait dommageable, soit en l’espèce, la date à laquelle la Société BATI BAT SIMAO était assurée auprès de la SMA SA.
Concernant la société MIC, et sans qu’il soit besoin de rentrer dans le détail de l’argumentation des parties sur la définition d’un préjudice immatériel dans les conditions générales de l’assurance « construct’or -serenité » de MIC, il est relevé que conformément à l’article L. 124-5 du code des assurances lorsqu'un même sinistre est susceptible de mettre en jeu les garanties apportées par plusieurs contrats successifs, la garantie déclenchée par le fait dommageable est appelée en priorité.
Il en résulte que la SMA SA doit sa garantie à la Société BATI BAT SIMAO en priorité par rapport à la société MIC au titre des préjudices de jouissance et du préjudice moral subi par Mme [D].
En conséquence, la SMA SA sera condamnée à garantir la Société BATI BAT SIMAO au titre du préjudice de jouissance avant et après réalisation des travaux réparatoires et du préjudice moral subi par Mme [D] pendant les travaux réparatoires.
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Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que la Société BATI BAT SIMAO et la SMA SA seront condamnées in solidum à payer à Mme [D] la somme de 120 000 euros TTC au titre des travaux de réparation des désordres, consistant en une démolition reconstruction de l’extension, avec indexation sur l’évolution de l’indice BT01entre le 26 mars 2022, date de dépôt du rapport d'expertise, et la date du présent jugement.
Mme [D] sera déboutée de sa demande de condamnation in solidum de la Société BATI BAT SIMAO et la SMA SA à lui payer la somme de 3717,90 euros au titre des frais de maîtrise d’œuvre pour les travaux de démolition reconstruction de l’extension.
Mme [D] sera déboutée de sa demande de condamnation in solidum de la Société BATI BAT SIMAO et la SMA SA à lui payer la somme de 21 840 euros au titre de la souscription à une assurance dommages ouvrage en vue de l’exécution des travaux de démolition reconstruction de l’extension.
La Société BATI BAT SIMAO et la SMA SA seront condamnées in solidum à payer à Mme [D] la somme de 19 500 euros en réparation du préjudice de jouissance subi avant les travaux réparatoires.
La Société BATI BAT SIMAO et la SMA SA seront condamnées in solidum à payer à Mme [D] la somme de 975 euros au titre du préjudice de jouissance subi pendant la réalisation des travaux réparatoires.
La Société BATI BAT SIMAO et la SMA SA seront condamnées in solidum à payer à Mme [D] la somme de 10 000 euros au titre de son préjudice moral.
Sur la demande indemnitaire de la Société BATI BAT SIMAO et de la SMA SA
La Société BATI BAT SIMAO et la SMA SA soutiennent qu’en refusant sa garantie pour des motifs artificiels, erronés et dilatoires la société MIC a commis une faute contractuelle à l’origine d’un préjudice qu’elle évalue à la somme de 10 000 euros.
En l’espèce, la Société BATI BAT SIMAO et la SMA SA échouent à démontrer l’existence d’une faute imputable à la société MIC et la réalité du préjudice dont ils réclament l’indemnisation.
En conséquence, la Société BATI BAT SIMAO et la SMA SA seront déboutés de leur demande de condamnation de la société MIC à leur verser la somme de 10 000 euros.
Sur les demandes accessoires
La Société BATI BAT SIMAO et la SMA SA qui succombent à l’instance, seront tenus d’en supporter les dépens in solidum en ce inclus les frais d’expertise judicaire.
Il serait par ailleurs particulièrement inéquitable de laisser à la charge de la société MIC et de Mme [D] les sommes qu’ils ont été contraints d’exposer en justice pour la défense de leurs intérêts.
Il conviendra, ainsi, de condamner in solidum la Société BATI BAT SIMAO et la SMA SA à payer à Mme [D] la somme de 3579, 76 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, en ce compris la somme de 1579,76 euros au titre de l’expert amiable ECOBAT à hauteur de 650 euros, de l’entreprise [Localité 6] BTP chargée de la pose des jauges pour la somme de 780 euros et du prix des jauges à hauteur de 149,76 euros.
Il conviendra, ainsi, de condamner in solidum la Société BATI BAT SIMAO et la SMA SA à payer à la société MIC la somme de 2000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
La Société BATI BAT SIMAO et la SMA SA seront déboutées de leur demande de condamnation de la société MIC à leur verser la somme de 5000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Enfin, il sera rappelé qu’en application des dispositions de l'article 514 du code de procédure civile, la présente décision est exécutoire par provision.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal statuant après débats en audience publique, par jugement contradictoire, rendu en premier ressort et prononcé par mise à disposition au greffe,
CONDAMNE IN SOLIDUM la Société BATI BAT SIMAO et la SMA SA à payer à Mme [U] [D] la somme de 120 000 euros TTC au titre des travaux de réparation des désordres, consistant en une démolition reconstruction de l’extension, avec indexation sur l’évolution de l’indice BT01 entre le 26 mars 2022, date de dépôt du rapport d'expertise, et la date du présent jugement ;
DEBOUTE Mme [D] de sa demande de condamnation in solidum de la Société BATI BAT SIMAO et la SMA SA à lui payer la somme de 3717,90 euros au titre des frais de maîtrise d’œuvre pour les travaux de démolition reconstruction de l’extension ;
DEBOUTE Mme [D] de sa demande de condamnation in solidum de la Société BATI BAT SIMAO et la SMA SA à lui payer la somme de 21 840 euros au titre de la souscription à une assurance dommages ouvrage en vue de l’exécution des travaux de démolition reconstruction de l’extension ;
CONDAMNE IN SOLIDUM la Société BATI BAT SIMAO et la SMA SA à payer à Mme [U] [D] la somme de 19 500 euros au titre du préjudice de jouissance subi avant les travaux réparatoires ;
CONDAMNE IN SOLIDUM la Société BATI BAT SIMAO et la SMA SA à payer à Mme [U] [D] la somme de 975 euros au titre du préjudice de jouissance subi pendant la réalisation des travaux réparatoires ;
CONDAMNE IN SOLIDUM la Société BATI BAT SIMAO et la SMA SA à payer à Mme [U] [D] la somme de 10 000 euros au titre de son préjudice moral ;
DEBOUTE la Société BATI BAT SIMAO et la SMA SA de leur demande de condamnation de la société MIC INSURANCE COMPANY à leur verser la somme de 10 000 euros ;
CONDAMNE IN SOLIDUM la Société BATI BAT SIMAO et la SMA SA aux dépens en ce inclus les frais d’expertise judicaire ;
CONDAMNE IN SOLIDUM la Société BATI BAT SIMAO et la SMA SA à payer à Mme [U] [D] la somme de 3579, 76 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, en ce compris la somme de 1579,76 euros au titre de l’expert amiable ECOBAT à hauteur de 650 euros, de l’entreprise NEUILLY BTP chargée de la pose des jauges pour la somme de 780 euros et du prix des jauges à hauteur de 149,76 euros ;
CONDAMNE IN SOLIDUM la Société BATI BAT SIMAO et la SMA SA à payer à la société MIC INSURANCE COMPANY la somme de 2000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
DEBOUTE la Société BATI BAT SIMAO et la SMA SA de leur demande de condamnation de la société MIC INSURANCE COMPANY à leur verser la somme de 5000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
RAPPELLE que l’exécution provisoire est de droit.
LA GREFFIERE LE PRESIDENT