Min N° 24/00568
N° RG 24/00744 - N° Portalis DB2Y-W-B7I-CDNPM
S.A. COFIDIS
C/
Mme [X] [B] épouse [S]
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MEAUX
JUGE DES CONTENTIEUX DE LA PROTECTION
JUGEMENT DU 17 juillet 2024
DEMANDERESSE :
S.A. COFIDIS
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 1]
représentée par Maître Olivier HASCOET de la SELARL HKH AVOCATS, avocats au barreau d’ESSONNE, avocats plaidant
DÉFENDERESSE :
Madame [X] [B] épouse [S]
[Adresse 4]
[Localité 3] (77)
représentée par Maître Guillaume PIERRE, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Président : Madame CART Magalie, Juge
Greffier : Madame DE PINHO Maria, Greffière
DÉBATS :
Audience publique du : 22 mai 2024
Copie exécutoire délivrée
le :
à : Maître Olivier HASCOET
Copie délivrée
le :
à : Maître Guillaume PIERRE
EXPOSÉ DU LITIGE
Suivant offre préalable acceptée le 14 avril 2022, la S.A. COFIDIS a consenti à Madame [X] [B] épouse [S], un prêt personnel consistant à un regroupement de crédits, d'un montant en principal de 20.500 euros, d'une durée de 84 mois remboursable en 83 mensualités de 287,82 euros et une dernière de 287,56 euros (hors assurance), incluant les intérêts au taux débiteur fixe de 4,80 % l'an et au taux annuel effectif global de 4,67 %.
Plusieurs échéances n'ayant pas été honorées, la S.A. COFIDIS a entendu se prévaloir de la déchéance du terme.
Par acte de commissaire de justice en date du 6 février 2024, la S.A. COFIDIS a fait assigner Madame [X] [B] épouse [S] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Meaux, aux fins d'obtenir sous le bénéfice de l'exécution provisoire, sa condamnation à lui payer les sommes de :
o à titre principal, au titre du prêt n°28900001336281, compte tenu de la déchéance du terme du crédit, 21.515,10 euros, avec intérêts au taux contractuel de 4,80 % l'an à compter de la mise en demeure du 15 octobre 2023 ; et, à titre subsidiaire, à compter de l'assignation, avec capitalisation annuelle des intérêts conformément à l'article 1343-2 du code civil ;
o à titre subsidiaire, le prononcé de la résiliation judiciaire du contrat et la somme de 21.515,10 euros, au taux légal à compter du jugement à intervenir ;
o un montant de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
L'affaire a été appelée à l'audience du 13 mars 2024, renvoyée à la demande des parties.
L'affaire a été appelée et retenue à l'audience du 22 mai 2024.
La S.A. COFIDIS, représentée par son conseil, demande le bénéfice de son acte introductif d'instance. Sur les moyens relevés d'office par le juge sur le respect des diverses obligations édictées par le code de la consommation et annexés à la note d'audience, elle indique que son action n'est pas forclose, et qu'elle est en mesure de justifier de la régularité du contrat.
Madame [X] [B] épouse [S] représentée par son conseil à l'audience, se réfère à ses conclusions en réponse déposées à l'audience, et sollicite de :
o prononcer la déchéance totale du droit des intérêts de la S.A. COFIDIS au titre du prêt souscrit pour non respect des formalités d'ordre public prescrites par le code de la consommation ;
o dire et juger qu'en cas de condamnation, la somme portera intérêts au taux légal sans majoration de plein droit de cinq points de l'intérêt légal et lui accorder les plus larges délais pour régler sa dette avec réduction de l'indemnité conventionnelle à la somme de 1 euros ;
o en tout état de cause, débouter la S.A. COFIDIS de sa demande de capitalisation des intérêts ;
o écarter l'exécution provisoire de la décision à intervenir ;
o condamner la S.A. COFIDIS à la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
L'affaire a été mise en délibéré au 17 juillet 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la procédure
Il convient de rappeler à titre préliminaire que le contrat liant les parties est soumis aux dispositions d'ordre public des articles L. 311-1 et suivants du code de la consommation auxquelles les parties ne peuvent déroger.
Sur l'office du juge
En application de l'article 12 du code de procédure civile, le juge tranche le litige conformément aux règles du droit qui lui sont applicables, en vertu de l'article 16 du même code, il ne peut fonder sa décision sur des moyens de droit qu'il a relevé d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations.
Conformément aux dispositions de l'article R. 632-1 du code de la consommation, le juge peut soulever d'office toutes les dispositions de ce code dans les litiges nés de son application.
I - SUR LA DEMANDE PRINCIPALE EN PAIEMENT
Sur la recevabilité
Conformément aux dispositions de l'article 125 du code de procédure civile, la forclusion de l'action en paiement est une fin de non-recevoir qui doit être relevée d'office par le juge.
Aux termes de l'article R. 312-35 du code de la consommation dans sa version applicable au jour des débats, les actions en paiement à l'occasion de la défaillance de l'emprunteur dans le cadre d'un crédit à la consommation, doivent être engagées dans les deux ans de l'événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion.
En l'espèce, au regard des pièces produites aux débats et notamment de l'historique de compte, il apparaît que le premier incident de paiement non régularisé date de janvier 2023.
L'action ayant été engagée le 6 février 2024, soit avant l'expiration du délai de deux années à compter du premier incident de paiement non régularisé, elle n'est pas forclose.
Par conséquent, l'action intentée par la S.A. COFIDIS est recevable.
Sur la déchéance du terme
Il résulte des articles 1103 et 1224 du code civil et L.312-39 du code de la consommation que lorsqu'une mise demeure, adressée par la banque à l'emprunteur et précisant qu'en l'absence de reprise du paiement des échéances dans un certain délai la déchéance du terme serait prononcée, est demeurée sans effet, la déchéance du terme est acquise à l'expiration de ce délai.
En l'espèce, il ressort des pièces communiquées que Madame [X] [B] épouse [S] a cessé de régler les échéances du prêt, et que la S.A. COFIDIS lui a fait parvenir une demande de règlement des échéances impayées sous huit jours par courrier recommandé du 5 octobre 2023, ayant été distribué le 7 octobre 2023 ; cette mise en demeure étant restée sans effet.
Ainsi, l'absence de règlement dans les délais impartis par le prêteur a entraîné la déchéance du terme du prêt si bien que la S.A. COFIDIS est bien fondée à demander le remboursement immédiat des sommes exigibles selon les termes du contrat.
Sur la déchéance des intérêts contractuels
Les parties s'opposent sur le caractère obligatoire de mentionner le montant des échéances avec intégration du coût de l'assurance facultative dans l'encadré de l'offre prévu aux articles R. 312-10 et L. 312-28 du code de la consommation et sur le respect de la consultation du fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers (FICP) avant la délivrance des fonds.
*Sur l'absence de mention de l'assurance facultative dans l'encadré de l'offre
L'article L. 312-28 du code de la consommation dispose qu'un encadré, inséré au début du contrat, informe l'emprunteur des caractéristiques essentielles du crédit et selon l'article L. 341-1 du code de la consommation lorsque le prêteur n'a pas respecté les obligations fixées à l'article L. 312-28, il est déchu du droit aux intérêts.
La jurisprudence de la Cour de cassation pose comme principe que le montant de l'échéance qui figure dans l'encadré au titre des informations sur les caractéristiques essentielles du contrat de crédit n'inclut pas le coût mensuel de l'assurance souscrite par l'emprunteur accessoirement à ce contrat.
En conséquence, la déchéance du droit aux intérêts n'est pas encourue pour ce motif.
*Sur le respect de la consultation du fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers (FICP) avant la délivrance des fonds.
Aux termes de l'article L.312-16 du code de la consommation, le prêteur vérifie la solvabilité de l'emprunteur, avant de conclure le contrat de crédit, à partir d'un nombre suffisant d'informations, y compris des informations fournies par ce dernier à la demande du prêteur. Il consulte le fichier prévu à l'article L. 751-1, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné à l'article L. 751-6.
Selon les dispositions de l'article L. 311-13 du code de la consommation, le contrat accepté par l'emprunteur ne devient parfait qu'à la double condition que ledit emprunteur n'ait pas usé de sa faculté de rétractation et que le prêteur ait fait connaître à l'emprunteur sa décision d'accorder le crédit, dans un délai de sept jours. L'agrément de la personne de l'emprunteur est réputé refusé si, à l'expiration de ce délai, la décision d'accorder le crédit n'a pas été portée à la connaissance de l'intéressé. L'agrément de la personne de l'emprunteur parvenu à sa connaissance après l'expiration de ce délai reste néanmoins valable si celui-ci entend toujours bénéficier du crédit. La mise à disposition des fonds au-delà du délai de sept jours mentionné à l'article L. 311-14 vaut agrément de l'emprunteur par le prêteur.
En l'espèce, il ressort des pièces versées aux débats que Madame [X] [B] épouse [S] a souscrit le contrat de regroupement de crédits en date du 14 avril 2022 avec demande de mise à disposition des fonds par l'emprunteur dès le 8ème jour suivant l'acceptation de l'offre. Le prêteur justifie avoir consulté le fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers (FICP) en date du 28 avril 2022 puis procédé au déblocage des fonds aux fins de remboursements anticipés des crédits objets du regroupement. Enfin, la S.A. COFIDIS a envoyé à l'emprunteur l'échéancier du prêt postérieurement par courrier du 29 avril 2022.
Il y a lieu de rappeler que l'agrément de la banque doit être considéré comme acquis et le contrat définitivement formé uniquement à la date du déblocage des fonds au 28 avril 2022, manifestant la volonté de l'emprunteur de bénéficier du crédit.
Néanmoins, le prêteur n'a pas procédé à la consultation du fichier des incidents de remboursement des crédits avant cette date, de sorte que la consultation doit être considérée régulière comme non tardive.
Cependant les articles L. 312-16 du code de la consommation et 13 de l'arrêté du 26 octobre 2010, obligent les prêteurs à conserver des preuves de la consultation du fichier FICP, de son motif et de son résultat sur un support durable, en vue de pouvoir justifier de cette consultation.
L'article L. 341-2 du code de la consommation prévoit que le prêteur qui n'a pas respecté cette obligation de consultation est déchu du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge.
En l'espèce, il convient de constater que le résultat de cette consultation n'y figure pas de sorte que ce document ne répond pas aux prescriptions de l'article susvisé. Sans mention du résultat, le document versé aux débats ne garantit pas que la demanderesse a satisfait à son obligation.
Le tribunal observe également que l'offre de prêt mentionne un taux débiteur de 4,80 % et un taux effectif global de 4,67 %, lesquels sont repris dans la fiche d'informations pré-contractuelles, et qu'il y a donc une incohérence s'agissant d'un taux débiteur plus élevé que le taux effectif global annoncé. De plus, le tableau d'amortissement du prêt mentionne un taux effectif global de 4,76 %, ce qui apparaît en contradiction avec les autres documents contractuels, compromettant ainsi la bonne compréhension de l'engagement souscrit par l'emprunteur.
De fait, le créancier ne démontre pas avoir respecté ses obligations légales, privant ainsi l'emprunteur de la possibilité de comparer l'offre souscrite avec les autres crédits. Par ailleurs, le débiteur n'a pas non plus été mis en capacité de comprendre le renchérissement du crédit ainsi conclu.
En conséquence, la déchéance du droit aux intérêts contractuels du prêteur sera être ordonnée.
Sur les sommes dues
Conformément à l'article L.341-8 du code de la consommation, en cas de déchéance du droit aux intérêts, le débiteur n'est tenu qu'au remboursement du seul capital. Cette déchéance s'étend donc aux intérêts et à tous leurs accessoires et exclut que le prêteur puisse prétendre au paiement de l'indemnité de 8%.
En l'espèce, il ressort des pièces produites par la S.A. COFIDIS que sa créance s'établit comme suit :
- capital emprunté depuis l'origine (soit 20.500 euros),
- diminué des versements intervenus depuis l'origine avant la déchéance du terme (2.029,85 euros),
- diminué des versements intervenus après la déchéance du terme (0 euro),
Soit un montant total restant dû de 18.470,15 euros, sous réserve des versements postérieurs et/ou non pris en compte dans le décompte.
En conséquence, elle sera donc condamnée à payer à la S.A. COFIDIS la somme de 18.470,15 euros, avec intérêts au taux légal non majoré à compter de la signification de la présente décision.
En effet, il convient d'assurer le caractère effectif et dissuasif de la déchéance du droit aux intérêts, dans la mesure où il résulte des pièces du dossier que les montants susceptibles d'être effectivement perçus par le prêteur au titre des intérêts au taux légal majoré de cinq points, nonobstant la déchéance du droit aux intérêts, ne sont pas significativement inférieurs à ceux dont il aurait pu bénéficier s'il avait respecté ses obligations (cf. CJUE, 27 mars 2014, C-565/12).
Sur la demande de capitalisation des intérêts
La société créancière sollicite le bénéfice de la capitalisation des intérêts en vertu de l'article 1343-2 du code civil.
Cependant l'article L. 312-38 du code de la consommation dispose qu'aucun coût autre que ceux prévus aux articles L 312-39 et L 312-40 du même code, et à l'exception des frais taxables, ne peut être mis à la charge de l'emprunteur. Les coûts ainsi visés ne comportent pas la capitalisation des intérêts.
Ce texte, d'ordre public, conduit donc au rejet de la demande de capitalisation des intérêts.
II- SUR LA DEMANDE DE DELAIS DE PAIEMENT
En application de l'article 1343-5 du code civil, le juge peut, dans la limite de deux années, reporter ou échelonner le paiement des sommes dues, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier.
En l'espèce, compte-tenu du montant important du regroupement de crédits restant à rembourser, soit la somme de 18.470,15 euros, dans le respect des délais de paiement de droit commun de 24 mois impartis par les textes, le tribunal observe que cela aboutirait au versement de mensualités de 769,59 euros par mois à la charge de la débitrice pour apurer la dette.
En l'absence d'éléments apportés par Madame [X] [B] épouse [S] sur sa situation financière, il ne sera donc pas fait droit à la demande de délais de paiement formulée.
En conséquence, Madame [X] [B] épouse [S], sera déboutée de sa demande de délais de paiement.
III - SUR LES MESURES ACCESSOIRES
En application de l'article 696 du code de procédure civile, Madame [X] [B] épouse [S], partie perdante, sera condamnée aux dépens.
Aux termes de l'article 700 du code de procédure civile, le juge peut condamner la partie perdante à payer une somme au titre des frais de justice exposés et non compris dans les dépens. Cependant, pour des raisons d'équité tirées de la situation des parties, il peut, même d'office, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation.
En l'espèce, l'équité et la situation économique respective des parties commandent d'écarter toute condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile. La société demanderesse sera donc déboutée de sa demande à ce titre.
Enfin, selon l'article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement. Toutefois, selon l'article 514-1 du même code, le juge peut écarter l'exécution provisoire de droit, en tout ou partie, s'il estime qu'elle est incompatible avec la nature de l'affaire. Il statue, d'office ou à la demande d'une partie, par décision spécialement motivée.
En l'espèce, l'exécution provisoire n'étant pas incompatible avec la nature de l'affaire, il n'y a pas lieu d'écarter l'exécution provisoire de droit de la présente décision.
PAR CES MOTIFS,
La juge des contentieux de la protection, statuant après débats publics, par jugement contradictoire, mis à disposition au greffe et rendu en premier ressort,
Déclare recevable la demande formée par la S.A. COFIDIS au titre prêt personnel n°28900001336281 consenti le 14 avril 2022 à Madame [X] [B] épouse [S] ;
Constate la déchéance du terme de ce prêt ;
Prononce la déchéance totale du droit aux intérêts de la S.A. COFIDIS au titre de ce prêt ;
Écarte l'application des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil et L.313-3 du code monétaire et financier ;
Condamne Madame [X] [B] épouse [S] à payer à la S.A. COFIDIS la somme de 18.470,15 euros au titre du contrat de prêt précité, avec intérêts au taux légal non majoré à compter de la signification de la présente décision ;
Déboute la S.A. COFIDIS de sa demande portant sur la capitalisation des intérêts ;
Déboute Madame [X] [B] épouse [S] de sa demande de délais de paiement ;
Condamne Madame [X] [B] épouse [S] aux dépens de l'instance ;
Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;
Rappelle l'exécution provisoire de droit de la présente décision.
La Greffière La Juge des contentieux de la protection