Min N° 24/00469
N° RG 24/01141 - N° Portalis DB2Y-W-B7I-CDOSQ
S.A. LA CAISSE D’EPARGNE ILE DE FRANCE
C/
M. [V] [P]
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MEAUX
JUGE DES CONTENTIEUX DE LA PROTECTION
JUGEMENT DU 12 juin 2024
DEMANDERESSE :
S.A. LA CAISSE D’EPARGNE ILE DE FRANCE
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Emmanuel RABIER, avocat au barreau de MEAUX, avocat plaidant
DÉFENDEUR :
Monsieur [V] [P]
[Adresse 1]
[Localité 4]
non comparant
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Président : Madame COLLANGE Elisabeth, Juge
Greffier : Madame DUMAY Nathalie, faisant fonction de Greffière, lors des débats et Madame DE PINHO Maria, Greffière, lors de la mise à disposition
DÉBATS :
Audience publique du : 10 avril 2024
Copie exécutoire délivrée
le :
à : Me Emmanuel RABIER
Copie délivrée
le :
à : Monsieur [V] [P]
EXPOSE DU LITIGE
Suivant offre préalable acceptée électroniquement le 6 février 2021, la S.A Caisse d'Epargne Ile de France a consenti à M. [V] [P] un prêt personnel d'un montant de 11.000 euros, portant intérêt au taux contractuel de 4,61 % l'an, remboursable en 72 échéances de 175,18 euros (hors assurance).
Plusieurs échéances n'ayant pas été honorées, la S.A Caisse d'Epargne Ile de France a entendu se prévaloir de la déchéance du terme.
Par acte de commissaire de justice du 8 février 2024, la S.A Caisse d'Epargne Ile de France a fait assigner M. [V] [P] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Meaux aux fins de voir condamner ce dernier au paiement des sommes suivantes :
- 10.526,94 euros, avec les intérêts au taux contractuel à compter du 9 octobre 2023, et le bénéfice de la capitalisation des intérêts ;
- 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
L’affaire a été appelée et retenue à l’audience du 10 avril 2024.
La S.A Caisse d'Epargne Ile de France, représentée par son conseil, demande le bénéfice de son acte introductif d'instance et, sur les moyens relevés d'office par le juge sur le respect des diverses obligations édictées par le code de la consommation et annexés à la note d'audience, indique que son action n'est pas forclose et qu'elle est en mesure de justifier de la régularité du contrat.
M. [V] [P], cité selon les modalités de l’article 659 du code de procédure civile, n’est ni présent ni représenté à l’audience.
La décision était mise en délibéré au 12 juin 2024.
MOTIFS DE LA DECISION
En application de l'article 472 du code de procédure civile, si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l'estime régulière, recevable et bien fondée.
I - SUR LA DEMANDE PRINCIPALE EN PAIEMENT
Sur la recevabilité de l'action
Aux termes des dispositions de l'article R.312-35 du code de la consommation, les actions en paiement engagées à la suite de la défaillance de l'emprunteur doivent être formées dans les deux ans de l'événement qui leur a donné naissance, à peine de forclusion.
L'action de la S.A Caisse d'Epargne Ile de France, introduite par assignation du 8 février 2024, alors que le premier incident de paiement non régularisé date du 4 mars 2022, est recevable.
Sur la déchéance du terme
Il résulte des articles 1103 et 1224 du code civil et L.312-39 du code de la consommation que lorsqu’une mise demeure, adressée par la banque à l’emprunteur et précisant qu’en l’absence de reprise du paiement des échéances dans un certain délai la déchéance du terme serait prononcée, est demeurée sans effet, la déchéance du terme est acquise à l’expiration de ce délai.
En l'espèce, il ressort des pièces communiquées que M. [V] [P] a cessé de régler les échéances du prêt, que la S.A Caisse d'Epargne Ile de France a fait parvenir une demande de règlement des échéances impayées sous huit jours par courrier recommandé du 3 octobre 2022, et que cette mise en demeure est restée sans effet.
Ainsi, l'absence de règlement dans les délais impartis par le prêteur a entraîné la déchéance du terme du prêt si bien que la S.A Caisse d'Epargne Ile de France est bien fondée à demander le remboursement immédiat des sommes exigibles selon les termes du contrat.
Sur le droit du prêteur aux intérêts
La S.A Caisse d'Epargne Ile de France demande à bénéficier des intérêts au taux contractuel.
Il lui appartient donc de démontrer, conformément aux dispositions de l'article 1353 du code civil, que la formation du contrat du 6 février 2021 et son exécution sont conformes aux dispositions d'ordre public du code de la consommation.
Sur la consultation du fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers (FICP)
En application de l'articleL.312-16 et de l'article L.312-57 du code de la consommation, avant de conclure le contrat de crédit, le prêteur doit vérifier la solvabilité de l'emprunteur à partir d'un nombre suffisant d'informations. Celles-ci sont fournies par l'emprunteur lui-même et par les éléments tirés du fichier des incidents de paiement (FICP), lequel doit être consulté par l'organisme de crédit, selon les modalités prescrites par l'arrêté du 26 octobre 2010. Cet arrêté précise en son article 2 que le FICP doit obligatoirement être consulté par l'organisme de crédit avant toute décision effective d'octroyer un crédit à la consommation.
L'article 13 de l'arrêté du 26 octobre 2010 oblige les prêteurs à conserver des preuves de la consultation du fichier, de son motif et de son résultat sur un support durable, en vue de pouvoir justifier de cette consultation.
L'article L.341-2 du code de la consommation prévoit que le prêteur qui n'a pas respecté cette obligation de consultation est déchu du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge.
En l'espèce, la pièce versée à la procédure par le préteur ne mentionne pas le motif de la consultation et ne contient pas la clé Banque de France nécessaire pour s’assurer de la réalité de cette consultation et de l’exactitude de la réponse apportée par cette institution.
En conséquence, il y a lieu de prononcer la déchéance totale du droit du prêteur aux intérêts pour ce motif.
Sur les sommes dues
Conformément à l'article L.341-1 du code de la consommation, le débiteur n'est tenu qu'au remboursement du seul capital restant dû, après déduction des intérêts réglés à tort.
Cette limitation légale de la créance du prêteur exclut qu'il puisse prétendre au paiement de l'indemnité prévue par les articles L.312-39 et D.312-16 du code de la consommation.
La créance de la S.A Caisse d'Epargne Ile de France s'établit donc comme suit :
- capital emprunté depuis l'origine : 11.000 €
- sous déduction des versements antérieurs à la déchéance du terme, suivant l'historique de compte (2.052,95 €) et postérieurs à la déchéance du terme suivant décompte au 09/10/2023 (0,00 €)
Soit un montant total de créance de 8.947,05 euros, sous réserve des versements postérieurs et/ou non pris en compte dans le décompte.
Il y a donc lieu de condamner M. [V] [P] au paiement de cette somme, laquelle produira intérêt à taux légal non majoré à compter du prononcé de la présente décision afin d'assurer le caractère effectif et dissuasif de la déchéance du droit aux intérêts.
Enfin, la société créancière sollicite le bénéfice de la capitalisation des intérêts en vertu de l'article 1343-2 du code civil.
Cependant l'article L.312-38 du code de la consommation dispose qu'aucun coût autre que ceux prévus aux articles L.312-39 et L.312-40 du même code, et à l'exception des frais taxables, ne peut être mis à la charge de l'emprunteur. Or, les coûts ainsi visés ne comportent pas la capitalisation des intérêts.
Ce texte, d'ordre public, conduit donc au rejet de la demande de capitalisation des intérêts.
En conséquence, M. [V] [P] sera condamné à payer à la S.A Caisse d'Epargne Ile de France la somme de 8.947,05 euros pour solde du prêt, outre les intérêts au taux légal non majoré à compter de la présente décision.
II - SUR LES MESURES ACCESSOIRES
En application de l'article 696 du code de procédure civile, M. [V] [P], qui succombe à l'intance, supportera la charge des dépens.
Il n’apparaît pas inéquitable de laisser à la S.A Caisse d'Epargne Ile de France le montant de ses frais irrépétibles, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La présente décision est exécutoire à titre provisoire, conformément aux articles 514 et 515 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Le juge des contentieux de la protection, statuant après débats publics, par jugement mis à disposition au greffe, réputé contradictoire et en premier ressort,
Déclare l'action de la S.A Caisse d'Epargne Ile de France recevable ;
Constate la déchéance du terme du prêt consenti le 6 février 2021 à M. [V] [P] ;
Prononce la déchéance totale du droit aux intérêts contractuels ;
Écarte l'application des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil et L.313-3 du code monétaire et financier ;
Condamne M. [V] [P] à payer à la S.A Caisse d'Epargne Ile de France la somme de 8.947,05 euros pour solde dudit prêt, avec les intérêts au taux légal non majoré à compter du prononcé de la présente décision ;
Déboute la S.A Caisse d'Epargne Ile de France de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute la S.A Caisse d'Epargne Ile de France du surplus de ses demandes ;
Condamne M. [V] [P] aux dépens ;
Dit n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire de la présente décision.
LE GREFFIER LE JUGE