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30/05/2024 | FRANCE | N°23/04452

France | France, Tribunal judiciaire de Meaux, 1ère ch. - sect. 1, 30 mai 2024, 23/04452


- N° RG 23/04452 - N° Portalis DB2Y-W-B7H-CDGGY
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MEAUX
1ERE CHAMBRE

Date de l'ordonnance de
clôture : 04 mars 2024

Minute n°24/514
N° RG 23/04452 - N° Portalis DB2Y-W-B7H-CDGGY







Le

CCC : dossier

FE :
Me MONEYRON-LEVEILLARD,
Me MEURIN



RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


JUGEMENT DU TRENTE MAI DEUX MIL VINGT QUATRE


PARTIES EN CAUSE

DEMANDEURS


Monsieur [S] [M]
Madame [B] [C] épouse [M]
domiciliés [Adresse 3],>[Localité 5] (EMIRATS ARABES UNIS)
représentés par Maître Thierry MONEYRON de la SCP MONEYRON-LEVEILLARD, avocats au barreau de MEAUX, avocats postulant, Me Gwenahel THIREL, avocat...

- N° RG 23/04452 - N° Portalis DB2Y-W-B7H-CDGGY
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MEAUX
1ERE CHAMBRE

Date de l'ordonnance de
clôture : 04 mars 2024

Minute n°24/514
N° RG 23/04452 - N° Portalis DB2Y-W-B7H-CDGGY

Le

CCC : dossier

FE :
Me MONEYRON-LEVEILLARD,
Me MEURIN

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

JUGEMENT DU TRENTE MAI DEUX MIL VINGT QUATRE

PARTIES EN CAUSE

DEMANDEURS

Monsieur [S] [M]
Madame [B] [C] épouse [M]
domiciliés [Adresse 3],
[Localité 5] (EMIRATS ARABES UNIS)
représentés par Maître Thierry MONEYRON de la SCP MONEYRON-LEVEILLARD, avocats au barreau de MEAUX, avocats postulant, Me Gwenahel THIREL, avocat au barreau de ROUEN, avocat plaidant

DEFENDERESSE

AREAS DOMMAGES
[Adresse 2]
représentée par Maître François MEURIN de la SELARL TOURAUT AVOCATS, avocats au barreau de MEAUX, avocats plaidant

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Lors des débats et du délibéré :
Président : M. BATIONO, Premier Vice-Président
Assesseurs: M. NOIROT, Juge
Mme BASCIAK, Juge

Jugement rédigé par : M. BATIONO, Premier Vice-Président

DEBATS

A l'audience publique du 25 Avril 2024
GREFFIER

Lors des débats et du délibéré : Mme BOUBEKER, Greffière

JUGEMENT

contradictoire, mis à disposition du public par le greffe le jour du délibéré, et après prorogation du délibéré initialement prévu au 23 mai 2024, M. BATIONO, Président, ayant signé la minute avec Mme BOUBEKER, Greffière ;

- N° RG 23/04452 - N° Portalis DB2Y-W-B7H-CDGGY
EXPOSÉ DES FAITS, DE LA PROCÉDURE ET DES PRÉTENTIONS DES PARTIES

M. [S] [M] et Mme [B] [C], épouse [M], sont propriétaires d’une maison d’habitation située [Adresse 1].

Ils ont souscrit auprès de la société Areas Assurances une police d’assurance habitation.

Le 25 novembre 2018, les époux [M] ont adressé à leur assureur une déclaration de sinistre concernant l’apparition de fissures sur les façades et à l’intérieur de leur maison.

Un arrêté portant reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle a été publié au JORF du 17 juillet 2019. La commune de [Localité 4] est concerné par cet arrêté pour des mouvements de terrain différentiels consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols du 1er octobre 2018 au 31 décembre 2018.

La société Areas Assurances a confié à la société Elex France une mission d’expertise amiable concernant le sinistre déclaré par M. et Mme [M].

Cette société a rendu son rapport d’expertise sécheresse le 19 février 2020 dans lequel elle conclut que “la sécheresse ne jouant aucun rôle dans l’existence des désordres, nous donnons un avis défavorable à la mobilisation de la garantie sécheresse et vous invitons à classer sans suite ce dossier.”

Ensuite de ce rapport, la société Areas Assurances a pris une position de non garantie.

A la demande des époux [M], le juge des référés du tribunal judiciaire de Meaux a, suivant décision en date du 7 avril 2021, ordonné une mesure d’expertise et désigné Mme [N] [V] en qualité d’expert.

M. [W] [Z] a été désigné en remplacement de Mme [N] [V].

L’expert judiciaire a rendu son rapport en l’état le 3 février 2022, notamment pour défaut de diligences de la partie demanderesse.

M. et Mme [M] ont saisi le juge des référés du tribunal judiciaire d’une nouvelle demande d’expertise.

Par ordonnance du 7 septembre 2022, le juge des référés a déclaré la demande irrecevable, au motif que seul le juge du fond est compétent pour ordonner une contre-expertise.

Suivant acte de commissaire de justice en date du 28 juillet 2023, M. [S] [M] et Mme [B] [C], épouse [M], ont fait assigner la société Areas Dommages devant le présent tribunal pour voir ordonner une mesure d’expertise.

Ils ont réitéré leur demande par des conclusions notifiées par voie électronique le 5 janvier 2024.

Les époux [M] exposent à l’appui de leurs prétentions que :
- aucune étude de sol G5 n’a été réalisée par le cabinet Elex, qui a prétendu que la cause des désordres résidait dans une dilatation thermique, ce qui ne serait possible que dans une zone désertique, ce qui n’est pas la Seine-et-Marne;
- l’expert judiciaire n’a pas non plus cru bon de devoir mettre en oeuvre une étude de sol G5, alors que celle-ci est pourtant indispensable pour déterminer la cause déterminante des désordres, la présence d’argile et la solution réparatoire à envisager;
- l’expert s’est mépris en soutenant que les travaux sur le réseau d’évacuation des eaux pluviales devaient être réalisés avant qu’une étude de sol puisse être diligentée;
- en effet, l’un n’empêche pas l’autre et l’étude de sol est, en tout état de cause, un élément incontournable de l’expertise judiciaire en matière de catastrophe naturelle sécheresse;
- N° RG 23/04452 - N° Portalis DB2Y-W-B7H-CDGGY
- ainsi, nul besoin que les réseaux d’évacuation des eaux soient réparés pour pouvoir déterminer la nature du sous-sol et le rôle de la sécheresse dans l’apparition des désordres;
- conformément à la jurisprudence, la casse des réseaux d’eaux pluviales ne peut être considérée que comme un facteur aggravant des désordres et en aucun cas comme le facteur déterminant de ceux-ci;
- ils ont d’ailleurs produit plusieurs éléments démontrant que la casse des réseaux a eu lieu après l’apparition des désordres liés à la sécheresse;
- les travaux sur les réseaux ont été réalisés par un ami de M. [M], ce dernier ne disposant dès lors d’aucune facture mais seulement d’un devis, communiqué à l’expert par courrier du 7 décembre 2021;
- les désordres ne sont pas purement esthétiques, comme soutenu par Areas;
- bien au contraire, il s’agit bien de désordres évolutifs caractéristiques du phénomène de retrait gonflement des argiles puisqu’après un ravalement de façade fin 2022, les fissures se sont réactivées, ce qui prouve qu’elles sont toujours actives et liées aux mouvements du sol;
- M. [Z] a préféré déposer son rapport après une courte réunion, n’a pas tenu compte des pièces adressées par les parties et n’a pas daigné réaliser d’étude de sol;
- le rapport d’expertise judiciaire déposé par M. [Z] est donc totalement insuffisant, et ce d’autant plus que l’étude de sol précise que “le phénomène de sécheresse et de réhydratation des sols est [le] facteur déterminant des désordres”;
- les conclusions de l’expert judiciaire auraient donc nécessairement été différentes si ce dernier avait ordonné une étude de sol;
- ils n’ont pas à être victimes à la fois du réchauffement climatique, de leur assureur et d’un expert incompétent, voire raciste;
- ils bénéficient d’un fait nouveau, à savoir d’une étude de sol G5, qui corrobore que la cause déterminante des désordres est liée à la sécheresse de 2018;
- dès lors, ils s’estiment bien fondés à solliciter une contre expertise judiciaire.

Dans des conclusions notifiées par voie électronique le 26 décembre 2023, la société Areas Assurances demande au tribunal de :
Vu les pièces versées aux débats,
Vu l’article 700 du code de procédure civile,
Débouter les époux [M] de leur demande de contre-expertise;
Homologuer purement et simplement le rapport d’expertise judiciaire de Monsieur [Z] du 3 février 2022;
Condamner solidairement les époux [M] à verser à Areas Assurance la somme de 2 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile;
Condamner les époux [M] aux entiers dépens.

Elle fait valoir que :
- les époux [M] ont fait obstacle au bon déroulement des opérations d’expertise;
- il apparaît que les époux [M] ont, tout au long de la procédure d’expertise, méprisé la méthode définie par l’expert judiciaire en s’évertuant, malgré les nombreuses relances, à ne pas répondre à ses attentes, empêchant ainsi la réalisation de la mission ordonnée à l’expert;
- surtout, par la chronologie rappelée ci-dessus, il est aisé de se rendre compte que contrairement à ce qu’ils allèguent, les époux ont disposé de tout le temps nécessaire pour produire les documents demandés;
- de surcroît, l’expert n’a jamais refusé de mettre en œuvre une étude de sol, bien au contraire, cette dernière était envisagée mais à la condition d’écarter dans un premier temps les facteurs anthropiques;
- l’expert n’était pas tenu d’effectuer une étude de sol, ce d’autant plus que les époux [M] n’ont pas tenu compte de ses préconisations dans la réalisation de sa mission et surtout parce que le phénomène de fissuration n’est pas nouveau;
- l’expert judiciaire a donc correctement accompli sa mission et a retenu à juste titre que la sécheresse n’est pas la cause déterminante des désordres;
- il est remarquable que l’expert judiciaire a abondé dans le même sens que l’expert amiable qu’elle mandaté, lequel avait retenu que la sécheresse n’a joué aucun rôle dans l’existence des désordres;
- l’expert judiciaire a d’ailleurs regretté dans son rapport que l’origine des fissures n’ait pas été recherchée à l’époque de leur apparition;
- une contre-expertise n’est donc pas justifiée;
- les époux [M] tentent de démontrer un motif légitime en arguant de l’étude de sol G5 réalisée unilatéralement et qui constituerait selon eux un fait nouveau;
- il ne s’agit pas des motifs habituellement retenus par la jurisprudence qui désigne une nouvelle expertise judiciaire lorsque la première est annulée ou si l’expert n’a pas répondu aux questions posées;
- cependant, l’expert a expressément répondu à la mission qui lui a été confiée par la première ordonnance : “La totale non-conformité du réseau de collecte des eaux pluviales génère des apports d’eau le long des maçonneries enterrées jusqu’au sol de fondation, entraînant incontestablement un gonflement des terres et ou argiles en infrastructure. À la suite de ces gonflements, inévitablement, un retrait se produit. Dans notre cas, ce principe a été rencontré au minimum du côté gauche de la maison, ce qui explique, au premier chef, la cassure de la partie médiane des deux façades, et [ce] de façon totalement indépendante des épisodes de sécheresse”;
- il est ainsi avéré que la sécheresse n’est pas l’élément déterminant des désordres subis par les demandeurs;
- il s’agit de désordres purement esthétiques selon les conclusions de l’expert judiciaire.

Le juge de la mise en état a ordonné la clôture de l’instruction le 4 mars 2024.

MOTIVATION

L’article 143 du code de procédure civile dispose que “les faits dont dépend la solution du litige peuvent, à la demande des parties ou d'office, être l'objet de toute mesure d'instruction légalement admissible.”

Aux termes de l’article 146 du même code, “une mesure d'instruction ne peut être ordonnée sur un fait que si la partie qui l'allègue ne dispose pas d'éléments suffisants pour le prouver.

En aucun cas une mesure d'instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence de la partie dans l'administration de la preuve.”

En application de ces dispositions, le juge du fond ne peut être saisi à titre principal d’une demande d’expertise.

Il convient de rappeler que par ordonnance du 7 avril 2021, le juge des référés a, à la demande de M. et Mme [M], ordonné une mesure d’expertise.

L’expert judiciaire a rendu son rapport le 3 février 2022.

Les époux [M] sont insatisfaits des conclusions de ce rapport.

Dès lors qu’un rapport d’expertise judiciaire a été rendu, l’appréciation de la nécessité d’une nouvelle mesure d’instruction relève du pouvoir souverain du juge du fond.

Cette appréciation se fait au regard des faits litigieux.

Or en l’espèce, M. et Mme [M] n’ont saisi le tribunal d’aucun litige.

Il suit de là que leur demande d’une nouvelle expertise sera rejetée.

Les époux [M] sont les parties perdantes et seront condamnées solidairement aux dépens.

L’équité commande de les condamner solidairement à payer à la société Areas Assurances la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant par jugement contradictoire, mis à disposition au greffe et en premier ressort,

Rejette la demande d’expertise de M. [S] [M] et de Mme [B] [M];

Condamne solidairement M. [S] [M] et Mme [B] [M] aux dépens;

Condamne solidairement M. [S] [M] et Mme [B] [M] à payer à la société Areas Assurances la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Meaux
Formation : 1ère ch. - sect. 1
Numéro d'arrêt : 23/04452
Date de la décision : 30/05/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 08/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-30;23.04452 ?
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