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17/07/2024 | FRANCE | N°21/00701

France | France, Tribunal judiciaire de Marseille, Gnal sec soc: cpam, 17 juillet 2024, 21/00701


REPUBLIQUE FRANCAISE
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

POLE SOCIAL
[Adresse 9]
[Adresse 9]
[Localité 4]


JUGEMENT N°24/03315 du 17 Juillet 2024

Numéro de recours: N° RG 21/00701 - N° Portalis DBW3-W-B7F-YSTS

AFFAIRE :
DEMANDEUR
Monsieur [P] [A] [J]
né le 01 Juin 1984 à [Localité 11] (BOUCHES-DU-RHONE)
[Adresse 12]
[Adresse 12]
[Localité 3]
représenté par Me Sophie PANAIAS, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Barbara SOUDER-VIGNEAU, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

c/ DEFENDERESSE r>S.N.C. [10]
[Adresse 7]
[Localité 8]
représentée par Me Brigitte BEAUMONT, avocat au barreau de PARIS substitué par
Me Audrey BEAUMO...

REPUBLIQUE FRANCAISE
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

POLE SOCIAL
[Adresse 9]
[Adresse 9]
[Localité 4]

JUGEMENT N°24/03315 du 17 Juillet 2024

Numéro de recours: N° RG 21/00701 - N° Portalis DBW3-W-B7F-YSTS

AFFAIRE :
DEMANDEUR
Monsieur [P] [A] [J]
né le 01 Juin 1984 à [Localité 11] (BOUCHES-DU-RHONE)
[Adresse 12]
[Adresse 12]
[Localité 3]
représenté par Me Sophie PANAIAS, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Barbara SOUDER-VIGNEAU, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

c/ DEFENDERESSE
S.N.C. [10]
[Adresse 7]
[Localité 8]
représentée par Me Brigitte BEAUMONT, avocat au barreau de PARIS substitué par
Me Audrey BEAUMONT, avocat au barreau de PARIS

Appelée en la cause:
Organisme CPCAM DES BOUCHES-DU-RHONE
[Localité 5]
dispensée de comparaître

DÉBATS : À l'audience publique du 15 Mai 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré :

Président : MEO Hélène, Première Vice-Présidente

Assesseurs : COMPTE Geoffrey
ZERGUA Malek

L’agent du greffe lors des débats : MULLERI Cindy

À l'issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 17 Juillet 2024

NATURE DU JUGEMENT

contradictoire et en premier ressort
EXPOSÉ DU LITIGE

Monsieur [P] [A] [J], salarié de la société [10] en qualité de préparateur de commandes selon contrat de travail à durée indéterminée à compter du 11 juin 2018, a été victime d'un accident le 13 novembre 2018.

La déclaration d'accident du travail établie le 14 novembre 2018 par l'employeur mentionne les circonstances suivantes : " Selon les dires de la victime, elle aurait ressenti une douleur à l'abdomen en soulevant un colis de javel ".

Le certificat médical initial établi le 13 novembre 2018 par le Docteur [Z] [O] fait état des lésions suivantes : " douleurs sus ombicales après effort de soulèvement - hernie sus-ombicale clinique - avis chirugical ".

Par courrier en date du 23 novembre 2018, l'employeur a émis des réserves quant à la matérialité de l'accident du 13 novembre 2018 évoquant l'absence de témoin.

Par courriers en date du 14 décembre 2018, la caisse primaire centrale d'assurance maladie (ci-après la CPAM ou la caisse) des Bouches-du-Rhône a notifié à Monsieur [P] [A] [J] et à la société [10] sa décision de prise en charge de l'accident du 13 novembre 2018 au titre de la législation sur les risques professionnels, puis a déclaré Monsieur [P] [A] [J] guéri à la date du 26 avril 2019 suivant courrier du 25 juin 2019.

Par lettre recommandée avec accusé de réception reçue le 10 mars 2021, Monsieur [P] [A] [J], par l'intermédiaire de son avocate, a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Marseille d'un recours en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur.

Le 20 mai 2022, Monsieur [P] [A] [J] a été victime d'une rechute de l'accident du travail du 13 novembre 2018 au titre de laquelle son état de santé a été déclaré consolidé à la date du 29 février 2024 sans séquelles indemnisables.

Après une phase de mise en état clôturée le 17 janvier 2014, avec effet différé au 30 avril 2024, l'affaire a été appelée à l'audience de plaidoirie du 15 mai 2024.

Monsieur [P] [A] [J], représenté par son conseil, soutenant oralement ses conclusions récapitulatives et responsives n° 2, demande au tribunal de :
ordonner le rabat de l'ordonnance de clôture de la mise en état ; constater que la société [10] a manqué à son obligation de sécurité de résultat ;juger que la société [10] a commis une faute inexcusable ;lui accorder la majoration au taux maximum de ses rentes et dire qu'elle suivra l'éventuelle augmentation du taux de son déficit fonctionnel ;si le tribunal l'estime nécessaire, surseoir à statuer sur la majoration de la rente ; se voir allouer une indemnité provisionnelle d'un montant de 10.000 € au titre des préjudices subis ;déclarer le jugement opposable à la CPAM des Bouches-du-Rhône et à la société [10] ; juger en conséquence que la CPAM des Bouches-du-Rhône devra lui verser directement la majoration de la rente et l'indemnité provisionnelle auxquelles sera condamné la société [10] ; ordonner une expertise médicale afin d'évaluer ses préjudices avec mission telle que décrite dans le dispositif des conclusions.
En réponse à la contestation de la société [10], il fait valoir que toutes les conditions de reconnaissance du caractère professionnel de l'accident du 13 novembre 2018 sont réunies dans la mesure où l'accident constitue un fait précis et soudain, est survenu au temps et a entraîné des lésions.

Il soutient ensuite que la société [10] a commis des manquements à son obligation de sécurité, qu'elle avait ou aurait dû avoir conscience des risques encourus par la charge excessive de travail et la manutention manuelle de charges lourdes et qu'elle n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver en ne procédant pas à l'évaluation des risques, en ne lui dispensant pas de formation adaptée et en ne mettant pas en place des mesures de préventions.

La société [10], représentée par son conseil à l'audience, reprend oralement ses conclusions en défense n° 2 aux termes desquelles elle demande au tribunal de:
À titre principal :
déclarer que Monsieur [P] [A] [J] ne rapporte pas la preuve de la matérialité de l'accident allégué ; déclarer que Monsieur [P] [A] [J] ne rapporte pas la preuve du caractère professionnel de son accident ; En conséquence :
débouter Monsieur [P] [A] [J] de ses demandes, fins et conclusions formulées à son encontre ; débouter toutes autres parties de ses demandes, fins et conclusions ; condamner Monsieur [P] [A] [J] au paiement de la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de l'instance ;À titre subsidiaire :
juger que Monsieur [P] [A] [J] ne rapporte pas la preuve d'une faute inexcusable de l'employeur ; déclarer que les circonstances de l'accident sont indéterminées ; déclarer qu'elle n'a commis aucune faute inexcusable ; En conséquence :
débouter Monsieur [P] [A] [J] de ses demandes, fins et conclusions formulées à son encontre ;débouter toutes autres parties de ses demandes, fins et conclusions ;condamner Monsieur [P] [A] [J] au paiement de la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de l'instance ;À titre encore plus subsidiaire, si la faute inexcusable était reconnue :
ordonner que la CPAM des Bouches-du-Rhône fasse l'avance de toute somme qui serait accordée à Monsieur [P] [A] [J] en réparation de ses préjudices ainsi que les frais d'expertises et les sommes qui ne seraient pas comprises dans la liste des préjudices de l'article L. 452-2 et L. 452-3 du code de la sécurité sociale ; débouter Monsieur [P] [A] [J] de sa demande de fixation du taux de majoration de la rente ou du capital représentatif ;débouter Monsieur [P] [A] [J] de sa demande de provision ou la réduire à de plus notables proportions ;limiter la mission d'expertise aux postes de préjudices afférents au déficit fonctionnel temporaire et aux souffrances physiques et morales ; dire ne pas avoir lieu à l'exécution provisoire ; débouter Monsieur [P] [A] [J] de sa demande tendant à voir assortir les condamnations des intérêts de droit à compter de la demande en justice avec capitalisation ; débouter toutes autres parties de ses demandes, fins et conclusions.
À l'appui de ses écritures, elle soutient que Monsieur [P] [A] [J] ne justifie pas de la matérialité de l'accident du 13 novembre 2018 dont les circonstances demeurent indéterminées, ce qui justifie de le débouter de sa demande en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur.
Elle considère par ailleurs que Monsieur [P] [A] [J] échoue à établir l'existence d'un manquement à l'obligation de sécurité, et la conscience du danger de l'employeur, alors qu'elle rapporte la preuve d'avoir satisfait à son obligation de prévention et de formation en matière de manutention manuelle et du port de gants de manutention.

En dernier lieu, elle soutient que la demande de majoration de la rente ou du capital de Monsieur [P] [A] [J] doit être rejetée dans la mesure où il a été déclaré guéri le 26 avril 2019 sans taux d'incapacité permanente partielle.

La CPCAM des Bouches-du-Rhône, dispensée de comparaître, a régulièrement communiquée aux parties ses écritures aux termes desquelles elle demande au tribunal de constater qu'elle s'en remet à la sagesse du tribunal sur la matérialité de l'accident, sur l'existence de la faute inexcusable de l'employeur et sur la demande d'expertise.

En cas de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, elle demande au tribunal de :
reconnaître et fixer les indemnisations conformément aux articles L. 542-1 et suivants du code de la sécurité sociale et à la décision 2010-8 QPC du Conseil constitutionnel du 18 juin 2010 ; débouter Monsieur [P] [A] [J] de toute majoration de rente ou capital ; minorer le montant de la provision éventuellement allouée à Monsieur [P] [A] [J] ; condamner la société [10] à lui rembourser la totalité des sommes dont elle sera tenue d'assurer par avance le paiement ; dire que les éventuelles sommes allouées au titre de l'article 700 du code de procédure civile ne seront pas mises à sa charge.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un exposé plus ample de leurs prétentions et leurs moyens.

L'affaire a été mise en délibéré au 17 juillet 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

À titre liminaire, il sera rappelé que les demandes de " déclarer " formulées par la société [10] ne sont pas des prétentions mais des rappels des moyens invoqués à l'appui des demandes ne conférant pas, hormis les cas prévus par la loi, de droit à la partie qui les requiert, de sorte qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ces points conformément à l'article 4 du code de procédure civile.

Sur la demande de report de l'ordonnance de clôture de la mise en état

Monsieur [P] [A] [J] sollicite le rabat de l'ordonnance de clôture dans la mesure où il a conclu et produit des pièces complémentaires au-delà des délais prévus par le calendrier de procédure, demande à laquelle ne s'oppose pas les autres parties.

Il sera rappelé qu'en application de l'article R. 142-10-5-1 du code de la sécurité sociale, le président de la formation de jugement dispose des pouvoirs reconnus au juge de la mise en état par les articles 780 à 801 du code de procédure civile, ce qui n'inclut donc pas les dispositions relatives à l'irrecevabilité prononcée d'office et aux conditions de la révocation de l'ordonnance de clôture prévues aux articles 802 et 803, lesquelles ne sont pas compatibles avec le principe de l'oralité des débats présidant à la procédure suivie devant le pôle social.

Par conséquent, le tribunal doit s'assurer que le principe du contradictoire a été respecté en application de l'article 16 du code de procédure civile, ce qui est le cas en l'espèce, les parties ayant pu prendre connaissance dans un temps suffisant avant l'audience des conclusions et pièces produites par chacune des autres parties, même après les délais fixés par le calendrier de procédure.

Dès lors, l'ensemble des écritures et pièces de Monsieur [P] [A] [J] seront admises aux débats.

Sur le caractère professionnel de l'accident du 13 novembre 2018

Il ressort des articles L. 452-1 et L. 461-1 du code de la sécurité sociale que pour engager la responsabilité de l'employeur, la faute inexcusable doit être la cause nécessaire de la maladie professionnelle dont est atteint le salarié ou de l'accident dont il a été la victime.

Il résulte des articles L. 411-1 et L. 452-1 du code de la sécurité sociale que les rapports entre l'employeur et la caisse primaire d'assurance maladie étant indépendants de ceux entre l'employeur et le salarié, le fait que le caractère professionnel de l'accident ait été reconnu par l'organisme ne prive pas l'employeur du droit de contester le caractère professionnel de l'accident ou de la pathologie dont a été victime son salarié en défense à l'action en reconnaissance de faute inexcusable de l'employeur engagée par ce dernier à son égard.

Il est par ailleurs constant que la détermination objective des circonstances d'un accident du travail est un préalable nécessaire à la démonstration de l'existence d'une faute inexcusable de l'employeur, de sorte que si ces circonstances demeurent indéterminées aucune responsabilité de l'employeur ne saurait être recherchée.

L'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au litige, dispose qu'est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise.

Il s'ensuit que l'accident du travail se définit comme un événement soudain, survenu au temps et au lieu de travail, ce qui s'entend par un événement ou une série d'événements survenus à des dates certaines par le fait ou à l'occasion du travail, dont il est résulté une lésion corporelle quelle que soit la date d'apparition de celle-ci.

L'accident survenu pendant le temps et sur le lieu de travail est présumé être un accident du travail.

Il appartient toutefois au salarié d'établir les circonstances et les causes de l'accident étant précisé que la preuve de la matérialité de l'accident du travail peut être rapportée par tous moyens, mais ne peut résulter des seules affirmations du salarié.

En l'espèce, la société [10] soutient l'absence de caractère professionnel de l'accident du 13 novembre 2018 au motif que :
Monsieur [P] [A] [J] n'établit pas la surcharge de poids alléguée ;les sapeurs-pompiers qui se sont déplacés sur le lieu de l'accident ont refusé de le prendre en charge considérant que son état de santé ne le nécessitait pas ;Monsieur [P] [A] [J] a continué sa journée de travail ;la douleur exprimée par Monsieur [P] [A] [J] n'est pas une lésion mais une manifestation symptomatique de cette dernière ;rien ne permet d'établir la matérialité des faits ;l'attestation de Monsieur [D] ne respecte pas les conditions de l'article 202 du code de procédure civile ;il n'existe aucun témoin du prétendu accident ;l'existence d'un fait accidentel n'est pas établie.
Sur le temps et le lieu du travail

Il ressort de la déclaration d'accident du travail établie par l'employeur que l'accident s'est bien produit au temps et au lieu du travail. En effet, il y est mentionné que l'accident s'est produit le 13 novembre 2018 à 16h00 sur le lieu de travail habituel de la victime et alors que ses horaires de travail étaient de 13h00 à 20h21.

Monsieur [P] [A] [J] bénéficie donc de la présomption d'imputabilité de l'accident au travail.

Sur la matérialité du fait accidentel et des lésions

Si la déclaration d'accident du travail ne mentionne aucun témoin, il ressort de l'attestation de Monsieur [F] [D], qui est conforme aux dispositions de l'article 202 du code de procédure civile, qu'il était présent lors de l'accident de Monsieur [P] [A] [J] le 13 novembre 2018. Il précise ainsi que Monsieur [P] [A] [J] " recevait des commande en sur charges à l'allée des lessives on lui demandé de porter le double de ce qu'un préparateur doit porter il a reçu une douleur énorme au niveau de l'abdomaine et il c écroulé par terre. ".

La matérialité du fait accidentel ainsi que le siège des lésions consécutives à ce fait accidentel et le lien de causalité entre l'accident et les lésions sont donc établis autrement que par les seules affirmations de la victime.

En outre, le lien entre l'accident et les lésions est suffisamment démontré par le certificat médical initial établi le jour même de l'accident par le Docteur [Z] [O] qui mentionne des "douleurs sus ombicales après effort de soulèvement" et une " hernie susombicale clinique ".

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que les circonstances et le caractère professionnel de l'accident dont a été victime Monsieur [P] [A] [J] le 13 novembre 2018 sont établis.

Sur la faute inexcusable de l'employeur

En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat ; le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable, au sens de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

L'employeur a, en particulier, l'obligation de veiller à l'adaptation de ces mesures de sécurité pour tenir compte des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes. Il doit éviter les risques et évaluer ceux qui ne peuvent pas l'être, combattre les risques à la source, adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail, planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions du travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants.

Il est de jurisprudence constante, qu'il appartient au salarié qui souhaite voir reconnaître la faute inexcusable de son employeur ou de ceux qu'il s'est substitué dans la direction dans la survenance de son accident d'établir que l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel il était exposé, et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

Il est indifférent que la faute inexcusable commise par l'employeur ait été la cause déterminante de l'accident du travail ou de la maladie professionnelle du salarié. Il suffit qu'elle en soit la cause nécessaire pour que la responsabilité de l'employeur soit engagée, alors même que d'autres fautes auraient concouru au dommage.

Enfin, la conscience du danger exigée de l'employeur est analysée in abstracto et ne vise pas une connaissance effective de celui-ci. En d'autres termes, il suffit de constater que l'auteur " ne pouvait ignorer " celui-ci ou " ne pouvait pas ne pas [en] avoir conscience " ou encore qu'il aurait dû en avoir conscience. La conscience du danger s'apprécie au moment où pendant la période de l'exposition au risque.

En l'espèce, Monsieur [P] [A] [J] reproche à son employeur de lui avoir demandé de soulever des charges lourdes en quantité excessive, sans dispositif d'aide à la manutention, au mépris des dispositions afférentes à la manutention manuelle de charge prévue par le code du travail et sans avoir pu bénéficier de la polyvalence des tâches prévue par la convention collective applicable au sein de la société [10] alors que l'avis d'aptitude du 5 septembre 2018 du médecin du travail indiquait qu'il ne devait pas faire de préparation de commande pendant 1 mois mais qu'il pouvait occuper tous les postes de la polyvalence. Il soutient que l'employeur avait conscience du danger du port de charges lourdes lors de manutentions manuelles puisqu'il produit deux " flash sécurité " rappelant les risques encourus et les mesures de prévention qu'il n'a pas mise en œuvre.

En défense, la société [10] soutient que Monsieur [P] [A] [J] ne rapporte pas la preuve de la conscience d'un quelconque danger auquel il aurait été exposé et qu'en revanche elle rapporte la preuve qu'elle a satisfait à son obligation de prévention et de formation.

Sur la conscience du danger

Le code du travail comporte une quatrième partie entièrement consacrée à la santé et à la sécurité au travail laquelle comprend des dispositions afférentes à la manutention manuelle de charges que la société [10], en sa qualité d'employeur, ne peut ignorer.

En outre, l'article 4.5 de la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001 applicable à la société [10] dispose que les entreprises sont incitées à organiser et développer la polyactivité des salariés.

Ainsi, au titre de son obligation de sécurité :
l'employeur doit prendre les mesures d'organisation appropriées ou utiliser les moyens appropriés, et notamment les équipements mécaniques, afin d'éviter le recours à la manutention manuelle de charges par les travailleurs (article R. 4541-3 du code du travail) ; lorsque la nécessité d'une manutention manuelle de charges ne peut être évitée, l'employeur prend les mesures d'organisation appropriées ou met à la disposition des travailleurs les moyens adaptés, si nécessaire en combinant leurs effets, de façon à limiter l'effort physique et à réduire le risque encouru lors de cette opération (article R. 4541-4 du code du travail) ; lorsque la manutention manuelle ne peut pas être évitée, l'employeur organise les postes de travail de façon à éviter ou à réduire les risques, notamment dorso-lombaires, en mettant en particulier à la disposition des travailleurs des aides mécaniques ou, à défaut de pouvoir les mettre en œuvre, les accessoires de préhension propres à rendre leur tâche plus sûre et moins pénible (article R. 4541-5 du code du travail).
En l'espèce, il ressort de l'attestation de Monsieur [F] [D] qu'au moment où Monsieur [P] [A] [J] a été victime de son accident du travail, il a dû porter une charge deux à trois fois supérieures à la charge normale d'un préparateur de commandes.

La société [10] verse aux débats deux " flash sécurité " dont l'un est afférent à la manutention manuelle qui énonce les situations à risques, les effets sur la santé et les mesures de prévention.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que la société [10] avait ou aurait dû avoir conscience du danger que représente la manutention manuelle de charges.

Sur l'absence de mesures de prévention prises par l'employeur

Bien que la preuve de la faute inexcusable soit à la charge du salarié, le tribunal rappelle que les employeurs sont tenus d'évaluer et de prévenir les risques professionnels auxquels sont exposés leurs salariés, ce qui implique de rechercher, à chaque étape, les risques potentiels auxquels ils peuvent être exposés, puis, sur la base de cette évaluation, de rechercher des mesures de protection individuelles et/ou collectives pour, chaque fois que cela est possible, éviter ou, à défaut, limiter les risques d'atteintes à la santé et la sécurité.

Il se doivent également de respecter et d'appliquer les dispositions du code du travail et les préconisations de la médecine du travail.

L'article R. 4541-6 du code du travail afférent à la manutention de charges dispose que " Pour l'évaluation des risques et l'organisation des postes de travail, l'employeur tient compte :
1° Des caractéristiques de la charge, de l'effort physique requis, des caractéristiques du milieu de travail et des exigences de l'activité ;
2° Des facteurs individuels de risque, définis par arrêté conjoint des ministres chargés du travail et de l'agriculture ".

L'article R. 4541-8 du code du travail dispose que " L'employeur fait bénéficier les travailleurs dont l'activité comporte des manutentions manuelles :
1° D'une information sur les risques qu'ils encourent lorsque les activités ne sont pas exécutées d'une manière techniquement correcte, en tenant compte des facteurs individuels de risque définis par l'arrêté prévu à l'article R. 4541-6 ;
2° D'une formation adéquate à la sécurité relative à l'exécution de ces opérations. Au cours de cette formation, essentiellement à caractère pratique, les travailleurs sont informés sur les gestes et postures à adopter pour accomplir en sécurité les manutentions manuelles ".

En l'espèce, Monsieur [P] [A] [J] soutient que son employeur n'a pas satisfait pas à son obligation d'évaluation des risques puisqu'il ne produit pas le document unique d'évaluation des risques (DUER), ni les résultats de la concertation qui aurait dû être menée avec la médecine du travail. Il lui reproche également de ne pas justifier de la formation dont il aurait dû bénéficier pour prévenir la survenance des risques liés à la manutention manuelle ni des mesures de préventions à mettre en place pour préserver la sécurité des salariés et le respect de la réglementation.

La société [10], quant à elle, affirme avoir satisfait à ses obligations en matière de prévention des risques et de formation aux risques liée à la manutention manuelle de charges en versant aux débats deux " flash sécurité " l'un afférent à la manutention manuelle et l'autre au port de gants de manutention.

Cependant, aucun élément ne permet de s'assurer que Monsieur [P] [A] [J] a été destinataire de ces informations puisque la société [10] ne verse aux débats aucune feuille d'émargement signée de ce dernier qui en attesterait ou ne précise ses modalités de diffusion.

En outre, ces documents ne constituent que de simples informations insusceptibles d'être assimilées à des formations à la sécurité sur la manutention manuelle de charges notamment la formation " PRMM ".

Par ailleurs, aucun élément ne permet non plus de vérifier que Monsieur [P] [A] [J] a bénéficié d'un transpalette à hauteur variable, mesure de prévention pourtant visée par le " flash sécurité " relatif à la manutention manuelle.

Plus généralement, l'absence de versement par l'employeur du DUER prévu aux articles R. 4121-1 et suivants du code du travail ne permet pas au tribunal de vérifier si les mesures adéquates été prises afin de protéger les salariés du risque lié au travail de manutention de charges.

En outre, il ressort des pièces versées aux débats que la société [10] n'a pas fait bénéficier Monsieur [P] [A] [J] de la polyvalence contrairement aux autres salariés du magasin dans lequel il travaillait.

En effet, dans son attestation, Monsieur [R] [T], délégué du personnel, indique que tous les préparateurs de commandes chez [10] doivent bénéficier de la polyvalence, soit 67 % de préparation de commandes et 33 % de polyactivité.

Il ressort pourtant des attestations concordantes de Messieurs [L] [X] et [B] [H] que Monsieur [P] [A] [J] était le seul salarié à ne pas bénéficier de la polyvalence.
Or, lors de la visite médicale du 5 septembre 2018, le médecin du travail a préconisé pour Monsieur [J] l'absence de préparation de commande pendant 1 mois en soulignant qu'il pouvait cependant occuper tous les postes de la polyvalence.

Il résulte dès lors de l'ensemble de ces éléments que la société [10] n'a pas pris les mesures nécessaires et suffisantes pour préserver Monsieur [P] [A] [J] du risque de blessure musculaire inhérent à son activité professionnelle de préparateur de commande.

Il s'ensuit que la faute inexcusable de l'employeur est pleinement caractérisée.

Sur les conséquences de la faute inexcusable de l'employeur

Sur la majoration de le capital ou la rente versé(e) par la CPCAM des Bouches-du-Rhône

L'article L. 452-2 du code de la sécurité sociale dispose que la victime d'une faute inexcusable reçoit une majoration des indemnités qui lui sont dues.

En l'espèce, Monsieur [P] [A] [J] a été déclaré guéri de l'accident du travail du 13 novembre 2018 à la date du 26 avril 2019 et consolidé de la rechute du 20 mai 2022 à la date du 29 février 2024.

La CPCAM des Bouches-du-Rhône estimant qu'il n'avait aucunes séquelles indemnisables du fait du retour à l'état antérieur, aucun taux d'IPP ne lui a été attribué.

Cependant, par courrier en date du 25 avril 2024, Monsieur [P] [A] [J] a saisi la commission médicale de recours amiable d'une contestation de la décision de la caisse fixant au 29 février 2024 la date de consolidation des lésions consécutive à la rechute de l'accident du travail ainsi que contre l'absence de fixation d'un taux d'IPP.

Si à l'heure actuelle, aucune indemnité en capital ni aucune rente n'est servie à Monsieur [P] [A] [J] du fait de l'absence de détermination d'un taux d'IPP, il pourra en être autrement en fonction de l'issue de son recours amiable ou de son éventuel recours judiciaire.

En conséquence, il convient d'ordonner, à titre conditionnel, la majoration au taux maximal légal de la rente servie en application de l'article L. 452-2 du code de la sécurité sociale.

Cette majoration suivra l'évolution éventuelle du taux d'IPP reconnu à la victime.

Sur la demande d'expertise

Conformément à l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l'accident est dû à la faute inexcusable de l'employeur, la victime ou ses ayants droit ont droit à une indemnisation complémentaire.

Aux termes de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, " indépendamment de la majoration de rente qu'elle reçoit en vertu de l'article précédent, la victime a le droit de demander à l'employeur devant la juridiction de sécurité sociale la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses préjudices esthétique et d'agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle ".

Selon la décision du Conseil constitutionnel en date du 18 juin 2010, en cas de faute inexcusable de l'employeur, la victime peut demander à celui-ci réparation de l'ensemble des dommages non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale.

En outre, par quatre arrêts rendus le 4 avril 2012, la Cour de cassation a précisé l'étendue de la réparation des préjudices due à la victime d'un accident du travail en cas de faute inexcusable de son employeur.

Il en résultait que la victime ne peut pas prétendre à la réparation des chefs de préjudices suivants déjà couverts :
le déficit fonctionnel permanent (couvert par L. 431-1, L. 434-1 et L. 452-2) ;les pertes de gains professionnels actuelles et futures (couvertes par les articles L. 431 1 et suivants, et L. 434-2 et suivants) ;l'incidence professionnelle indemnisée de façon forfaitaire par l'allocation d'un capital ou d'une rente d'accident du travail (L. 431-1 et L. 434-1) et par sa majoration (L. 452-2) ;l'assistance d'une tierce personne après consolidation (couverte par l'article L. 434 2 alinéa 3) ;les frais médicaux et assimilés, normalement pris en charge au titre des prestations légales.
En revanche, la victime peut notamment prétendre à l'indemnisation, outre celle des chefs de préjudice expressément visés à l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale :
du déficit fonctionnel temporaire, non couvert par les indemnités journalières qui se rapportent exclusivement à la perte de salaire ;des dépenses liées à la réduction de l'autonomie, y compris les frais de logement ou de véhicule adapté, et le coût de l'assistance d'une tierce personne avant consolidation :du préjudice sexuel, indépendamment du préjudice d'agrément.
Jusqu'en 2023, la Cour de cassation jugeait de manière constante que la rente prévue par le code de la sécurité sociale versée aux victimes de maladie professionnelle ou d'accident du travail en cas de faute inexcusable de l'employeur, indemnisait tout à la fois la perte de gain professionnel, l'incapacité professionnelle et le déficit fonctionnel permanent (le handicap dont vont souffrir les victimes dans le déroulement de leur vie quotidienne). Pour obtenir de façon distincte une réparation de leurs souffrances physiques et morales, ces victimes devaient rapporter la preuve que leur préjudice n'était pas déjà indemnisé au titre de ce déficit fonctionnel permanent

Par deux arrêts du 20 janvier 2023, la Cour de cassation, réunie en assemblée plénière, a opéré un revirement de jurisprudence en décidant non seulement que les souffrances physiques et morales endurées après consolidation pourront dorénavant faire l'objet d'une réparation complémentaire, mais également que la rente versée par la caisse de sécurité sociale aux victimes d'accident du travail ou de maladie professionnelle n'indemnise pas leur déficit fonctionnel permanent.

Dès lors que le déficit fonctionnel permanent n'est plus susceptible d'être couvert en tout ou partie par la rente et donc par le livre IV du code de sécurité sociale, il peut faire l'objet d'une indemnisation, compte-tenu de la réserve d'interprétation posée par le Conseil constitutionnel et rappelée ci-dessus, selon les conditions de droit commun.

Eu égard à sa finalité de réparation d'une incapacité permanente de travail, qui lui est assignée à l'article L. 431-1 du code de la sécurité sociale, et à son mode de calcul, appliquant au salaire de référence de la victime le taux d'incapacité permanente défini à l'article L. 434-2 du même code, la rente d'accident du travail doit être regardée comme ayant pour objet exclusif de réparer, sur une base forfaitaire, les préjudices subis par la victime dans sa vie professionnelle en conséquence de l'accident, c'est-à-dire ses pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle de l'incapacité, et non le poste de préjudice personnel.

Par conséquent, le taux d'IPP qui pourrait éventuellement être fixé par la caisse après décision de la commission médicale de recours amiable ou décision judiciaire, sert pour la majoration de la rente en application de l'article L. 452-2 du code de la sécurité sociale et le déficit fonctionnel permanent ainsi que le taux retenu pour l'évaluer relèvent désormais de l'application du droit commun, étant rappelé que ce poste de préjudice répare les incidences du dommage qui touchent exclusivement la sphère personnelle de la victime.

Ainsi, Monsieur [P] [A] [J] est bien-fondé à solliciter l'indemnisation de son déficit fonctionnel permanent.

Ce poste de préjudice permet d'indemniser non seulement le déficit fonctionnel au sens strict, c'est-à-dire la réduction du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel définitive, après consolidation, mais également les douleurs physiques et psychologiques, et notamment le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence.

Il convient donc de compléter la mission d'expertise aux fins de faire évaluer par l'expert le déficit fonctionnel permanent en tenant compte de la réduction du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel définitive, après consolidation, mais également les douleurs physiques et psychologiques, et notamment le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence.

Il convient de rappeler, s'agissant du préjudice d'agrément, que l'expert pourra caractériser l'impossibilité de pratiquer de manière régulière une activité sportive ou de loisir du fait de l'accident, et il appartiendra le cas échéant à Monsieur [P] [A] [J] de rapporter la preuve de la pratique régulière de cette activité avant la survenance de son accident.

Par ailleurs, la preuve d'un préjudice lié à la perte de chance de promotion professionnelle et aux frais divers ne relève pas quant à elle d'investigation médicale.

L'évaluation des préjudices nécessitant dans le cas d'espèce une expertise médicale, elle sera ordonnée en application de l'article R. 142-16 du code de la sécurité sociale, selon les modalités précisées dans le dispositif du présent jugement.

La CPCAM des Bouches-du-Rhône fera l'avance des frais d'expertise, en application des dispositions de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale.

Sur la demande de provision

Monsieur [P] [A] [J] formule une demande provisionnelle à hauteur de 10.000 € et verse aux débats son dossier médical qui fait état des examens médicaux et du traitement médicamenteux consécutif à l'accident du travail dont il a été victime ainsi que d'une intervention chirurgicale pour une hernie de la ligne blanche le 8 janvier 2019.

Il a été déclaré guéri de l'accident du travail du 13 novembre 2018 à la date du 26 avril 2019 et consolidé de la rechute du 20 mai 2022 à la date du 29 février 2024 sans séquelles indemnisables.

Ces éléments justifient d'allouer à Monsieur [P] [A] [J] une provision d'un montant de 2.000 € dont la CPCAM des Bouches-du-Rhône assurera l'avance en application de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale.

Sur l'action récursoire de la CPCAM des Bouches-du-Rhône

En application des dispositions de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale qui dispose que la réparation des préjudices est versée directement aux bénéficiaires par la caisse qui en récupère le montant auprès de l'employeur, la CPCAM des Bouches-du-Rhône, dans le cadre de son action récursoire, sera habilitée à récupérer auprès de la société [10] les sommes dont elle sera tenue de faire l'avance au titre de la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur.

Sur les demandes accessoires

L'équité commande de condamner la société [10] à verser à Monsieur [P] [A] [J] la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

S'agissant des décisions rendues en matière de sécurité sociale, l'exécution provisoire est facultative, en application de l'article R. 142-10-6 du code de la sécurité sociale.

Compte-tenu des circonstances de l'espèce et de l'ancienneté de l'accident, le tribunal ordonne l'exécution provisoire du présent jugement.

La société [10], qui succombe, supportera les dépens de l'instance.

PAR CES MOTIFS

Le pôle social du tribunal judiciaire de Marseille, statuant après débats publics, par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort :

ACCUEILLE l'ensemble des écritures et pièces de Monsieur [P] [A] [J] ;

DIT que l'accident du travail dont Monsieur [P] [A] [J] a été victime le 13 novembre 2018 est dû à la faute inexcusable de son employeur, la société [10] ;

DIT que, en cas de succès du recours amiable et de l'éventuel recours judiciaire de Monsieur [P] [A] [J] contre la décision de consolidation de son état de santé à la date du 29 février 2024 à la suite de la rechute de l'accident du travail dont il a été victime et la détermination d'un taux d'incapacité permanente partielle y afférent, la CPCAM des Bouches du Rhône devra majorer au montant maximum, en application de l'article L. 452 2 du code de la sécurité sociale, l'indemnité en capital ou la rente qui pourra lui être versé ;

DIT que la majoration du capital servi en application de l'article L. 452-2 du code de la sécurité sociale suivra l'évolution éventuelle du taux d'incapacité attribué ;

Avant-dire droit sur la liquidation des préjudices subis par Monsieur [P] [A] [J] :

ORDONNE une expertise judiciaire aux frais avancés de la CPCAM des Bouches-du-Rhône et commet pour y procéder le Docteur [U] [W] ([Adresse 6] - Tél : [XXXXXXXX02] - Fax : [XXXXXXXX01]), Expert judiciaire inscrit sur la liste établie près la cour d'appel d'Aix-en-Provence, qui pourra s'adjoindre tout sapiteur de son choix, avec mission de :

Convoquer les parties et recueillir leurs observations ;
Se faire communiquer par les parties tous documents médicaux relatifs aux lésions subies, en particulier le certificat médical initial ;
Fournir le maximum de renseignements sur l'identité de la victime et sa situation familiale, son niveau d'études ou de formation, sa situation professionnelle antérieure et postérieure à l'accident ;
Procéder dans le respect du contradictoire à un examen clinique détaillé de Monsieur [P] [A] [J] en fonction des lésions initiales et des doléances exprimées par la victime en décrivant un éventuel état antérieur en interrogeant la victime et en citant les seuls antécédents qui peuvent avoir une incidence sur les lésions ou leurs séquelles ;
Déterminer la durée du déficit fonctionnel temporaire, période pendant laquelle, pour des raisons médicales en relation certaine et directe avec les lésions occasionnées par l'accident, la victime a dû interrompre totalement ses activités professionnelles ou habituelles ; si l'incapacité fonctionnelle n'a été que partielle, en préciser le taux ;
Décrire les souffrances physiques, psychiques ou morales endurées pendant la maladie traumatique (avant consolidation), du fait des lésions, de leur traitement, de leur évolution et des séquelles ; les évaluer selon l'échelle de sept degrés ;
Donner un avis sur l'existence, la nature et l'importance du préjudice esthétique temporaire (avant consolidation), le décrire précisément et l'évaluer selon l'échelle habituelle de sept degrés ;
Décrire, en cas de difficultés particulières éprouvées par la victime, les conditions de reprise de l'autonomie et, lorsque la nécessité d'une aide temporaire avant consolidation est alléguée, indiquer si l'assistance constante ou occasionnelle d'une tierce personne (étrangère ou non à la famille) a été nécessaire en décrivant avec précision les besoins (nature de l'aide apportée, niveau de compétence technique, durée d'intervention quotidienne ou hebdomadaire) ;
Indiquer si, après la consolidation, la victime subit un déficit fonctionnel permanent :dans l'affirmative chiffrer, par référence au " Barème indicatif des déficits fonctionnels séquellaires en droit commun " le taux éventuel de déficit fonctionnel permanent (état antérieur inclus) imputable à l'accident ou la maladie, résultant de l'atteinte permanente d'une ou plusieurs fonctions persistant au moment de la consolidation, le taux de déficit fonctionnel devant prendre en compte, non seulement les atteintes aux fonctions physiologiques de la victime mais aussi les douleurs physiques et morales permanentes qu'elle ressent, la perte de qualité de vie et les troubles dans les conditions d'existence qu'elle rencontre au quotidien après consolidation ;dans l'hypothèse d'un état antérieur, préciser en quoi l'accident a eu une incidence sur celui-ci et décrire les conséquences de cette situation ;dire si des douleurs permanentes existent et comment elles ont été prises en compte dans le taux retenu ;décrire les conséquences de ces altérations permanentes et de ces douleurs sur la qualité de vie de la victime.
Lorsque la victime allègue un préjudice d'agrément, à savoir l'impossibilité de se livrer à des activités spécifiques sportives ou de loisir, ou une limitation de la pratique de ces activités, donner un avis médical sur cette impossibilité ou cette limitation et son caractère définitif, sans prendre position sur l'existence ou non d'un préjudice afférent à cette allégation ;
Donner un avis sur l'existence, la nature et l'importance du préjudice esthétique permanent ; le décrire précisément et l'évaluer selon l'échelle habituelle de sept degrés, indépendamment de l'éventuelle atteinte fonctionnelle prise en compte au titre du déficit ;
Dire s'il existe un préjudice sexuel ; le décrire en précisant s'il recouvre l'un ou plusieurs des trois aspects pouvant être altérés séparément ou cumulativement, partiellement ou totalement : la morphologie, l'acte sexuel proprement dit (difficultés, perte de libido, impuissance ou frigidité) et la fertilité (fonction de reproduction) ;
Lorsque la victime allègue une répercussion dans l'exercice de ses activités professionnelles, recueillir les doléances et les analyser ; Étant rappelé que pour obtenir l'indemnisation du préjudice résultant de la perte ou de la diminution des possibilités de promotion professionnelle, la victime devra rapporter la preuve que de telles possibilités préexistaient;
Lorsque la victime allègue une impossibilité de réaliser un projet de vie familiale " normale " en raison de la gravité du handicap permanent dont elle reste atteinte après sa consolidation, donner un avis médical sur cette impossibilité et son caractère définitif, sans prendre position sur l'existence ou non d'un préjudice afférent à cette allégation ;
Établir un état récapitulatif de l'ensemble des postes énumérés dans la mission ;
Rappelle que la guérison de l'état de santé de Monsieur [P] [A] [J] résultant de l'accident du travail du 13 novembre 2018 a été fixée par la CPCAM des Bouches-du-Rhône à la date du 26 avril 2019 et que la consolidation de son état de santé résultant de la rechute du 20 mai 2022 a été fixée par la CPCAM des Bouches-du-Rhône à la date du 29 février 2024, et qu'il n'appartient pas à l'expert de se prononcer sur ces points ;

Rappelle que la CPCAM des Bouches-du-Rhône devra faire l'avance des frais d'expertise ;

Dit que l'expert fera connaître sans délai son acceptation, qu'en cas de refus ou d'empêchement légitime il sera pourvu aussitôt à son remplacement ;

Dit que l'expert pourra s'entourer de tous renseignements utiles auprès notamment de tout établissement hospitalier où la victime a été traitée sans que le secret médical ne puisse lui être opposé ;

Dit que l'expert rédigera, au terme de ses opérations, un pré-rapport qu'il communiquera aux parties en les invitant à présenter leurs observations dans un délai maximum d'un mois ;

Dit qu'après avoir répondu de façon appropriée aux éventuelles observations formulées dans le délai imparti ci-dessus, l'expert devra déposer au greffe du pôle social du tribunal judiciaire un rapport définitif en double exemplaire dans le délai de huit mois à compter de sa saisine ;

Dit que l'expert en adressera directement copie aux parties ou à leurs conseils ;

FIXE à la somme de 2.000 € la provision qui sera versée à Monsieur [P] [A] [J] par la CPCAM des Bouches-du-Rhône ;

DIT que la CPCAM des Bouches-du-Rhône versera directement à Monsieur [P] [A] [J] les sommes dues au titre de la majoration de la rente, de la provision et de l'indemnisation complémentaire ;

DIT que la CPCAM des Bouches-du-Rhône pourra recouvrer le montant des indemnisations à venir, provision et majoration accordées à Monsieur [P] [A] [J] à l'encontre de la société [10] et condamne cette dernière à ce titre, ainsi qu'au remboursement du coût de l'expertise ;

CONDAMNE la société [10] au paiement de la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE les parties de leurs plus amples demandes ;

ORDONNE l'exécution provisoire de la présente décision ;

CONDAMNE la société [10] aux dépens de l'instance ;

DIT que tout appel de la présente décision doit, à peine de forclusion, être formé dans le mois de la réception de sa notification.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Marseille
Formation : Gnal sec soc: cpam
Numéro d'arrêt : 21/00701
Date de la décision : 17/07/2024
Sens de l'arrêt : Expertise

Origine de la décision
Date de l'import : 23/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-17;21.00701 ?
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