TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE
ORDONNANCE DE REFERE N° 24/
Référés Cabinet 1
ORDONNANCE DU : 15 Juillet 2024
Président : Madame DEPRE, Juge
Greffier : Madame LAFONT, Greffier
Débats en audience publique le : 10 Juin 2024
GROSSE :
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EXPEDITION :
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N° RG 23/04833 - N° Portalis DBW3-W-B7H-36ZJ
PARTIES :
DEMANDEURS
Monsieur [A] [M], [H] [V], demeurant [Adresse 1]
Madame [L] [C] [Z] épouse [V]
née le 12 Juin 1935 à [Localité 4], demeurant [Adresse 1]
Madame [X] [Z] épouse [P]
née le 04 Mai 1982 à [Localité 4], domiciliée chez son administrateur et gestionnaire de biens, le cabinet LAUGIER FINE, [Adresse 2]
Madame [J] [Z]
née le 19 Août 1975 à [Localité 4], domiciliée chez son administrateur et gestionnaire de biens, le cabinet LAUGIER FINE, [Adresse 2]
Madame [O] [Z] épouse [K]
née le 07 Août 1971 à [Localité 4], domiciliée chez son administrateur et gestionnaire de biens, le cabinet LAUGIER FINE, [Adresse 2]
Tous représentés par Maître Olivier BLANC de la SELARL PACTA JURIS, avocats au barreau de MARSEILLE
DEFENDERESSE
S.A.R.L. DES NEGOCIANTS LE SOUK
dont le siège social est sis [Adresse 3], prise en la personne de son représentant légal
représentée par Me Fabrice LABI, avocat au barreau de MARSEILLE
EXPOSE DU LITIGE
Par exploit de commissaire de justice du 24 octobre 2023, Madame [O] [Z] épouse [K], Madame [J] [Z], Madame [X] [Z] épouse [P], Madame [L] [Z] épouse [V] et Monsieur [A] [M] [H] [V] ont fait assigner en référé la SARL DES NEGOCIANTS LE SOUK aux fins d’obtenir :
« DECLARER la demande de Mesdames [O] [Z], [J] [Z], [X] [Z], [L] [C] [Z] et Monsieur [F] [V] recevable et bien fondée,
CONSTATER que la clause résolutoire contenue au bail en date des 11 février 1998 et 28 septembre 1998, consenti par Madame [L] [Z] et par Monsieur [F] [Z], aux droits desquels sont venus Mesdames [O] [Z], [J] [Z], [X] [Z], [L] [C] [Z] et Monsieur [F] [V], à la société SARL DES NEGOCIANTS LE SOUK pour les locaux sis [Adresse 3], est acquise,
CONSTATER en conséquence, la résiliation du bail,
ORDONNER l’expulsion de la SARL LES NEGOCIANTS LE SOUK et de tous occupants de son chef, des locaux en cause, dans le mois de la décision à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et si besoin avec le concours de la force publique,
ORDONNER l'enlèvement des biens et facultés mobilières se trouvant dans les lieux en un lieu approprié aux frais, risques et périls du défendeur qui disposera d'un délai d'un mois pour les retirer à compter de la sommation qui sera délivrée par le Commissaire chargé de l'exécution ;
CONDAMNER la SARL LES NEGOCIANTS LE SOUK, à titre provisionnel, au paiement de la somme de 61.382,52 € au titre des loyers et charges dus, outre les intérêts au taux légaux à compter du commandement de payer,
CONDAMNER la SARL LES NEGOCIANTS LE SOUK, à titre provisionnel, au paiement d’une indemnité d’occupation mensuelle de 2.898,04 € (loyers, taxes de droit au bail et provision pour charges), à compter de la résiliation du bail jusqu’à justification de la libération totale des lieux et la remise des clés ;
CONDAMNER la SARL LES NEGOCIANTS LE SOUK à payer la somme de 1.500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNER la SARL LES NEGOCIANTS LE SOUK aux entiers dépens”.
L’affaire est évoquée à l’audience du 31 janvier 2024.
A cette date, Madame [O] [Z] épouse [K], Madame [J] [Z], Madame [X] [Z] épouse [P], Madame [L] [Z] épouse [V] et Monsieur [A] [M] [H] [V], par l’intermédiaire de leur conseil, réitèrent leurs demandes, sollicitent le rejet des demandes adverses et s’opposent à tout délai de paiement.
En réponse, par conclusions auxquelles il est expressément renvoyé pour l’exposé des moyens, la SARL DES NEGOCIANTS LE SOUK demande au tribunal de :
« JUGER que l’action en déplafonnement s’oppose à une prescription biennale,JUGER que le congé avec offre de renouvellement a été formalisé en date du 1er avril 2017,JUGER que les consorts [Z] avaient un délai de 2 ans, soit au 30 mars 2019 pour pouvoir rester devant la juridiction judiciaire, JUGER que le jugement du 17 janvier 2023 ne vient consacrer que le bénéfice d’un accord,JUGER que jamais une rétroactivité au 1er avril 2017 n’emportait l’accord entre les parties. En conséquence
DEBOUTER les consorts [Z] de leurs revendications,JUGER que le montant de la dette revendiquée ne relève que de la rétroactivité du loyer déplafonné, En conséquence
JUGER l’existence d’une contestation sérieuse,DEBOUTER les consorts [Z] de l’ensemble de leurs demandes et prétentions,A titre subsidiaire
Vu l’article 1244 du code civil : - ACCORDER à la DES NEGOCIANTS LE SOUK, 24 mois de délai pour s’acquitter du montant de leur dette,- REJETER le surplus des demandes ».
L’affaire a été mise en délibéré au 20 mars 2024.
Par ordonnance du 20 mars 2024, le juge des référés a ordonné la réouverture des débats et a invité les demandeurs à justifier de leur qualité et de leur intérêt à agir en qualité d’héritiers de feu [F] [Z], signataire du bail, et/ou de [S] [Z], demandeur au congé.
L’affaire a été renvoyé à l’audience du 10 juin 2024.
A cette date et par de nouvelles conclusions, Madame [O] [Z] épouse [K], Madame [J] [Z], Madame [X] [Z] épouse [P], Madame [L] [Z] épouse [V] et Monsieur [A] [M] [H] [V], par l’intermédiaire de leur conseil, réitèrent leurs demandes.
Les demandeurs produisent les actes de décès de [F] [Z] et de [S] [Z], l’acte de liquidation et partage de [F] [Z] et l’attestation immobilière après décès de [S] [Z], justifiant de leur qualité et de leur intérêt à agir.
La défenderesse n’a pas pris de nouvelles écritures.
L’affaire a été mise en délibéré au 15 juillet 2024.
SUR QUOI, NOUS, JUGE DES REFERES,
A titre préliminaire, il convient de préciser que les demandes visant à « dire », à « Juger » ou « dire et juger », tout comme les demandes de « donner acte », ne sont pas des prétentions au sens des articles 4, 5, 31 et 768 du code de procédure civile, mais des moyens ou arguments au soutien des véritables prétentions, de sorte que cette juridiction n’est pas nécessairement tenue d’y répondre.
Sur la résiliation du bail commercial
L’article 1103 du code civil prévoit que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.
L’article L 145-41 du code de commerce dispose que toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu’un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.
En l’espèce, il résulte des stipulations du bail commercial qu'à défaut de paiement d'un terme du loyer à son échéance, le contrat est résilié de plein droit un mois après la délivrance d'un commandement de payer demeuré infructueux.
Les parties sont en l’état d’un jugement en date du 17 janvier 2023 rendu par Madame le Juge des loyers commerciaux qui a fixé le loyer annuel du bail commercial renouvelé à la somme de 29.955 € hors charges et hors taxes, étant précisé que ce montant a été fixé rétroactivement à la date du 1er avril 2017 ; ce jugement a été signifié le 26 avril 2023 à la SARL DES NEGOCIANTS LE SOUK et n’a pas été frappé d’appel, de sorte qu’il est aujourd’hui définitif.
En conséquence, les pièces fournies par les demandeurs font état de loyers demeurés impayés selon décompte arrêté au 1er septembre 2023 inclus. Un commandement de payer visant la clause résolutoire a été délivré le 31 juillet 2023.
La société défenderesse ne peut plus valablement, pour contester la rétroactivité du loyer, s’appuyer sur une éventuelle prescription de l’action en déplafonnement, laquelle aurait due être évoquée devant le juge du fond ; pas plus que de contester le jugement du 17 janvier 2023 entaché, selon elle, d’une erreur de droit dans la mesure où elle n’a pas interjeté appel.
Ainsi, le bail s'est trouvé résilié de plein droit le 31 août 2023.
L'obligation de la SARL DES NEGOCIANTS LE SOUK de quitter les lieux n'étant dès lors pas contestable, il convient d'accueillir la demande d'expulsion, outre l’enlèvement et la disposition des meubles et objets mobiliers garnissant les lieux à ses frais, risques et périls conformément aux dispositions de l’article R 433–1 du code des procédures civiles d’exécution.
Il y a lieu d’ordonner la libération du local commercial situé [Adresse 3], à compter de la signification de la présente décision, sans qu’il soit nécessaire d’assortir cette mesure d’une astreinte que les circonstances de fait n’exigent pas.
Sur l’indemnité d’occupation
Les bailleurs sont fondés à obtenir, à titre provisionnel une indemnité d'occupation mensuelle, à compter du 31 août 2023, égale au montant du loyer qu’ils auraient perçu si le bail ne s'était pas trouvé résilié, soit le montant du dernier loyer mensuel augmenté des charges, soit la somme de 2.898,04 €, et jusqu'à la libération effective des lieux.
En conclusion, la demande d’indemnité d’occupation sera accordée à hauteur de 2.898,04 € par mois.
Sur les loyers et charges impayés
Les bailleurs justifient par la production du bail, du commandement de payer, du jugement du 17 janvier 2023 et de sa signification du 26 avril 2023 et d'un décompte que la SARL DES NEGOCIANTS LE SOUK a cessé de payer ses loyers de manière régulière et restait leur devoir une somme de 61.382,52 €, arrêtée au mois de septembre 2023 inclus.
L'obligation de la locataire de payer la somme de 61.382,52 € au titre des loyers et charges échus, arrêtés au mois de septembre 2023 inclus, n’est pas sérieusement contestable.
En conséquence, la demande de provision sera accordée et la SARL DES NEGOCIANTS LE SOUK sera condamnée à payer cette somme.
Sur la demande de délais de paiement et de suspension des effets de la clause résolutoire
Selon l’alinéa 1 de l’article 1343-5 du code civil, le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.
Le second alinéa de l’article L.145-41 du code de commerce dispose que « les juges saisis d’une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l’article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n’est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l’autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge ».
En l’espèce, il apparaît que la totalité de la dette est exclusivement constituée par la rétroactivité du loyer déplafonné.
Cependant, il ressort du décompte produit par les bailleurs que les loyers courants sont régulièrement honorés, tandis qu’il n’est pas fait état d’une dette antérieure ayant eu une autre origine que les conséquences du jugement du 17 janvier 2023.
Ces éléments justifient d’accorder des délais de paiement, comme détaillé au dispositif de la présente ordonnance, et d’ordonner, en cas de défaut de paiement d’une mensualité d’apurement de la dette ou d’un loyer échu, que le solde de la dette deviendra immédiatement exigible.
En cet état, il convient de suspendre les effets de la clause résolutoire et de ne prévoir la déchéance de la suspension de ladite clause et le retour du plein effet de celle-ci qu’en cas de non-respect des délais de paiement et de l’échéancier prévu.
Sur la demande relative aux intérêts
L’article 1231-6 énonce que les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d'une obligation de somme d'argent consistent dans l'intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure.
L’article 1231-7 du Code civil dispose qu’en toute matière, la condamnation à une indemnité emporte intérêts au taux légal même en l’absence de demande ou de disposition spéciale du jugement. Ces intérêts courent à compter du prononcé du jugement.
Au terme de leurs écritures, les demandeurs sollicitent que la somme de 61.382,52 € porte intérêts à compter du commandement de payer du 31 juillet 2023.
L’alinéa 2 de l’article 1343-5 du Code civil dispose que « Par décision spéciale et motivée, il peut ordonner que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit au moins égal au taux légal, ou que les paiements s'imputeront d'abord sur le capital ».
Compte tenu du contexte, de la particularité de la dette, constituée exclusivement de la rétroactivité du loyer judiciairement ordonné, et des efforts faits par la défenderesse pour honorer le règlement régulier des loyers, la somme de 61.382,52 € portera intérêts au taux légal à compter de la décision.
Sur les demandes accessoires
Il serait inéquitable de laisser à la charge des bailleurs les frais de procédure non compris dans les dépens. A ce titre, la SARL DES NEGOCIANTS LE SOUK sera condamnée à payer aux Consorts [E] la somme de 1.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
La SARL DES NEGOCIANTS LE SOUK, qui succombe, supportera les dépens.
PAR CES MOTIFS, JUGEANT PAR ORDONNANCE PRONONCÉE PAR MISE A DISPOSITION AU GREFFE, CONTRADICTOIRE ET EN PREMIER RESSORT,
CONSTATONS la résiliation du bail commercial au 31 août 2023 ;
SUSPENDONS les effets de la clause résolutoire ;
DISONS que cette clause sera réputée n’avoir jamais joué si l’échéancier ci-après accordé est respecté ;
CONDAMNONS la SARL DES NEGOCIANTS LE SOUK à payer à titre provisionnel à Madame [O] [Z] épouse [K], Madame [J] [Z], Madame [X] [Z] épouse [P], Madame [L] [Z] épouse [V] et Monsieur [A] [M] [H] [V] la somme de 61.382,52 € au titre des loyers et charges au mois de septembre 2023 inclus ;
DISONS que cette somme portera intérêts au taux légal à compter de la décision ;
AUTORISONS la SARL DES NEGOCIANTS LE SOUK à se libérer de cette condamnation en 23 versements d’un montant de 2.550 € et d’un 24ème versement d’un montant de 2.732,52 € avant le 5 de chaque mois à compter de la signification de la présente décision, en sus des loyers et charges en cours ;
RAPPELONS qu’en application de l’article 1343-5 du code civil, les procédures d’exécution doivent être suspendues pendant toute la durée du délai de grâce ;
DISONS qu’à défaut de paiement d’une seule échéance ou d’un terme de loyer courant à son échéance :
la totalité de la dette redeviendra immédiatement exigible ;la clause résolutoire reprendra ses effets ; il pourra être procédé, à défaut de départ volontaire ou de meilleur accord entre les parties, à l’expulsion du locataire ainsi qu’à celle de tous occupants de son chef, avec l’assistance de la force publique, si besoin est, et au transport des meubles laissés dans les lieux aux frais de l’expulsé dans tel garde-meuble désigné par l’expulsé ou à défaut par le bailleur, aux risque et périls de la SARL DES NEGOCIANTS LE SOUK ;la SARL DES NEGOCIANTS LE SOUK sera redevable d’une indemnité d’occupation mensuelle égale au montant du dernier loyer pratiqué majoré des charges à compter de la date de résiliation du bail soit la somme de 2.898,04 € et jusqu’à libération définitive des lieux ;REJETONS toute autre demande ;
CONDAMNONS la SARL DES NEGOCIANTS LE SOUK à payer à Madame [O] [Z] épouse [K], Madame [J] [Z], Madame [X] [Z] épouse [P], Madame [L] [Z] épouse [V] et Monsieur [A] [M] [H] [V] la somme de 1.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNONS la SARL DES NEGOCIANTS LE SOUK aux dépens du référé ;
RAPPELONS que la présente ordonnance de référé est exécutoire de droit.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT