TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE
DEUXIEME CHAMBRE CIVILE
JUGEMENT N°
Enrôlement : N° RG 22/02499 - N° Portalis DBW3-W-B7G-ZZJQ
AFFAIRE : M. [V] [X] [T] (Maître Alban BORGEL de la SELARL SELARL CABINET BORGEL & ASSOCIES)
C/ Compagnie d’assurance AXA (la SARL ATORI AVOCATS)
DÉBATS : A l'audience Publique du 07 Juin 2024
COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats
Président : Madame Stéphanie BERTHELOT
Greffier : Madame WANDA FLOC’H, lors des débats
A l'issue de laquelle, la date du délibéré a été fixée au : 12 Juillet 2024
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 12 Juillet 2024
PRONONCE par mise à disposition le 12 Juillet 2024
Par Madame Stéphanie BERTHELOT,
Assistée de Célia SANDJIVY, Greffier
NATURE DU JUGEMENT
réputée contradictoire et en premier ressort
NOM DES PARTIES
DEMANDEUR
Monsieur [V] [X] [T]
né le [Date naissance 2] 1999 à [Localité 7], demeurant [Adresse 8],
Immatriculé à la sécurité sociale sous le N° [Numéro identifiant 1]
représenté par Maître Alban BORGEL de la SELARL SELARL CABINET BORGEL & ASSOCIES, avocats au barreau de MARSEILLE
C O N T R E
DEFENDERESSES
Compagnie d’assurance AXA, dont le siège social est sis [Adresse 4], pris en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège.
représentée par Maître Yves SOULAS de la SARL ATORI AVOCATS, avocats au barreau de MARSEILLE
Organisme CPAM DES BOUCHES-DU-RHONE, dont le siège social est sis [Adresse 3], pris en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège.
défaillant
EXPOSE DU LITIGE :
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :
Le 14 mai 2019, Monsieur [V] [X] [T] a été victime d’un accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule assuré auprès de la compagnie d’assurances AXA France IARD.
Le Docteur [H] [C], désigné par ordonnance de référé du président du tribunal judiciaire de Marseille en date du 9 décembre 2020, a déposé son rapport le 27 décembre 2021.
Par acte d’huissier signifié le 14 mars 2022, Monsieur [V] [X] [T] a fait assigner la compagnie d’assurances AXA devant le tribunal judiciaire de Marseille en indemnisation de ses préjudices, ainsi que la CPAM des Bouches-du-Rhône.
La CPAM DES BOUCHES DU RHONE n’a pas comparu.
La clôture de la procédure a été fixée au 10 mai 2024 par ordonnance du même jour, et l’affaire a été renvoyée pour plaidoirie devant le tribunal judiciaire de Marseille.
Lors de l’audience du 7 juin 2024, les conseils des parties entendus en leurs observations, l’affaire a été mise en délibéré au 12 juillet 2024.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 18 novembre 2022, Monsieur [V] [X] [T] sollicite que lui soient accordées, en réparation de son préjudice corporel, les sommes suivantes :
I) Préjudices Patrimoniaux temporaires
- Dépenses de santé actuelles................................................558,49 euros
- Frais divers ...............................................................................710 euros
Dont il convient de déduire la somme de 528,99 euros correspondant à la créance définitive de la CPAM des Bouches du Rhône.
II) Préjudices extra-patrimoniaux
II-A) Préjudices extra-patrimoniaux temporaires
- Déficit fonctionnel temporaire partiel à 25 %..............................330 euros
- Déficit fonctionnel temporaire partiel à 10 %..............................768 euros
- Les souffrances endurées......................................................4.400 euros
II-B) Préjudices extra-patrimoniaux permanents
- Déficit fonctionnel permanent...............................................6.000 euros
SOIT AU TOTAL 12.234,50 euros
Monsieur [V] [X] [T] demande en outre au tribunal de :
Condamner la compagnie d’assurances AXA aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Alban BORGEL ;Condamner la compagnie d’assurances AXA à lui payer la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civileOrdonner l’exécution provisoire du jugement.
Au soutien de sa demande d’indemnisation formée contre la compagnie d’assurances AXA, Monsieur [V] [X] [T] expose, au visa des articles 1 et 2 de la loi du 5 juillet 1985, qu’il a subi un accident de la circulation qui a impliqué un véhicule RENAULT CLIO conduit par une personne assurée auprès de cette compagnie d’assurances.
En réponse aux moyens de la défenderesse, Monsieur [V] [X] [T] soutient, au visa de l’article 4 de la loi du 5 juillet 1985, qu’il incombe à la compagnie d’assurances de démontrer l’existence d’une faute de la victime pour que son droit à indemnisation soit exclu ou réduit, ce qu’elle ne fait pas en l’espèce. En effet, le demandeur précise qu’elle n’apporte aucun élément objectif et extérieur aux parties pour caractériser une faute dans la mesure où elle ne se fonde que sur les déclarations de son assuré pour la démontrer.
Contrairement à ce que soutient la compagnie d’assurances, Monsieur [V] [X] [T] affirme que ni lui ni le conducteur du véhicule tiers n’ont indiqué que le demandeur avait réalisé un dépassement par la droite. En effet, le demandeur expose s’être déporté sur la voie de gauche après avoir procédé à toutes les mesures de sécurité nécessaires et s’être arrêté au feu rouge avant d’être percuté à l’arrière par le véhicule de l’assuré en raison d’un défaut de maîtrise.
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 13 octobre 2022, la compagnie d’assurances AXA France IARD demande au tribunal de :
Débouter Monsieur [V] [X] [T] de sa demande d’indemnisation de ses préjudices formée à son encontre ;Condamner Monsieur [V] [X] [T] aux entiers dépens, dont distraction faite au profit de Maître Yves SOULAS ;Condamner Monsieur [V] [X] [T] à lui verser la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de sa demande d’exclusion du droit à indemnisation de Monsieur [V] [X] [T], la compagnie d’assurances AXA explique, au visa de l’article 4 de la loi du 5 juillet 1985 et des articles R.412-6, R412-24, R.414-4 et R.414-6 du code de la route, qu’il ressort des constatations des services de police et des déclarations du demandeur que ce dernier roulait sur la voie de gauche avant de se déporter brusquement sur la voie de droite sur laquelle était le véhicule de son assuré, ce qui a provoqué le choc.
La société défenderesse considère donc que le demandeur a méconnu les dispositions du code de la route en procédant à un dépassement par la droite sans s’assurer qu’aucun véhicule ne se trouvait sur la voie concernée et que ce manquement est la cause de l’accident et des dommages subis par Monsieur [V] [X] [T].
MOTIFS
Sur le droit à indemnisation
Aux termes de l’article premier de la loi du 5 juillet 1985, les victimes d’un accident de la circulation dans lequel est impliqué un ou plusieurs véhicules terrestres à moteur ont droit à indemnisation des dommages subis à la suite de l’accident.
Il ressort de l’article 4 de la loi du 5 juillet 1985 que la faute commise par le conducteur du véhicule terrestre à moteur a toutefois pour effet de limiter ou d'exclure l'indemnisation des dommages qu'il a subis.
Il incombe alors à celui qui invoque la faute du conducteur victime de démontrer l’existence d’une faute et apporter la preuve que cette faute a eu une influence directe et certaine sur la réalisation de l’accident de la circulation et sur le préjudice en découlant.
En l’espèce, il n’est nullement contesté que Monsieur [V] [X] [T] a été victime d’un accident de la circulation le 14 mai 2019 impliquant deux véhicules terrestres à moteur, à savoir le véhicule de marque VOLKSWAGEN modèle Polo immatriculé [Immatriculation 6] conduit par Monsieur [V] [X] [T] et le véhicule de marque RENAULT modèle Clio immatriculé [Immatriculation 5] conduit par Monsieur [N] [K], ce dernier étant assuré par la compagnie d’assurances AXA.
Il ressort par ailleurs tant du certificat médical de première constatation établi le 15 mai 2019 par le docteur [L] [B] que du rapport d’expertise médicale du Docteur [H] [C] que Monsieur [V] [X] [T] a subi directement après l’accident des dommages corporels, notamment une douleur cervicale gauche, une douleur lombaire et paravertébrale droite, des contusions en regard du trajet de la ceinture et de la face externe du mollet droite ainsi qu’une douleur en fosse iliaque droite.
Ainsi, la loi du 5 juillet 1985 est applicable et lui ouvre par principe droit à indemnisation auprès de l’assurance du véhicule responsable de l’accident.
Toutefois, Monsieur [V] [X] [T] est une victime conductrice et son indemnisation peut donc être réduite ou exclue si la compagnie d’assurances rapporte la preuve qu’il a commis une faute qui a eu une influence sur la réalisation du dommage.
Or, si la compagnie d’assurances soutient que Monsieur [V] [X] [T] a commis une faute en se déportant brusquement sur la voie de droite où se trouvait son assuré sans s’assurer qu’un véhicule ne s’y trouvait pas, cette version n’est corroborée par aucun élément objectif.
En effet, contrairement à ce que soutient la défenderesse, Monsieur [V] [X] [T] ne rapporte pas la même version des faits, celui-ci expliquant qu’il roulait sur la file de droite avant de basculer sur la file d’à côté, soit celle de gauche, en ayant procédé aux vérifications nécessaires, et a ensuite été percuté par le véhicule de l’assuré.
Les constatations de police ne permettent pas davantage d’établir l’existence d’une faute, celles-ci établissant simplement que les véhicules se trouvaient tous deux sur la même voie lorsque le véhicule conduit par l’assuré a percuté l’arrière du véhicule de Monsieur [V] [X] [T].
Ainsi, la société d’assurances ayant la charge de la preuve de l’existence de la faute, l’absence d’éléments objectifs permettant de corroborer les dires de son assuré et d’établir le manquement de Monsieur [V] [X] [T] aux dispositions du code de la route empêche de caractériser une faute à l’origine des dommages qui serait imputable au demandeur.
Par conséquent, aucune faute n’excluant le droit à indemnisation de Monsieur [V] [X] [T], la société AXA sera condamnée à l’indemnisation intégrale des préjudices subis suite à l’accident de circulation litigieux.
Sur le montant de l’indemnisation
Aux termes non contestés du rapport d’expertise, l’accident a entraîné pour la victime, les conséquences médico-légales suivantes :
- un arrêt de travail imputable du 14 mai 2019 au 2 juillet 2019 ;
- un déficit fonctionnel temporaire partiel à 25 % du 14 mai 2019 au 15 juin 2019 ;
- un déficit fonctionnel temporaire partiel à 10 % du 16 juin 2019 au 24 décembre 2019 ;
- une consolidation au 24 décembre 2019 ;
- un déficit fonctionnel permanent de 3% ;
- des souffrances endurées qualifiées de 2/7.
Sur la base de ce rapport d’expertise, contre lequel aucune critique médicalement fondée n’est formée, et compte tenu des conclusions et des pièces produites, le préjudice corporel de Monsieur [V] [X] [T], âgé de 20 ans au moment de sa consolidation, doit être évalué ainsi qu’il suit :
I) Les Préjudices Patrimoniaux Temporaires
Les dépenses de santé :
Les frais médicaux se sont élevés à la somme de 509,96 euros et les frais pharmaceutiques à la somme de 22,03 euros, soit la somme totale de 531,99 euros.
Ces frais ont été pris en charge par la CPAM des Bouches du Rhône, à l’exception d’une franchise d’un montant de 26,50 euros restée à la charge de la victime.
La victime n’a pas justifié d’autres dépenses restées à charge.
Les frais divers :
Les frais divers sont représentés par les honoraires d’assistance à l’expertise du médecin conseil, soit 710 euros, au vu des éléments produits.
II) Les Préjudices Extra Patrimoniaux
II-A) Les Préjudices Extra-Patrimoniaux Temporaires
Le déficit fonctionnel temporaire :
Ce poste de préjudice est destiné à indemniser l’incapacité fonctionnelle totale ou partielle que subit la victime jusqu’à sa consolidation et correspond à une perte de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante incluant le préjudice d’agrément temporaire pendant cette période.
Compte tenu de la nature des lésions subies par Monsieur [V] [X] [T] et de la gêne qu’elles ont entraînée sur sa vie quotidienne, il y a lieu d’indemniser ce poste de préjudice sur la base de 30 euros par jour.
S’agissant du déficit fonctionnel temporaire partiel à 25%, celui-ci se calcule sur la base de 33 jours.
S’agissant du déficit fonctionnel temporaire partiel à 10%, celui-ci se calcule sur la base de 193 jours.
- déficit fonctionnel temporaire partiel à 25 % : 247,50 euros
- déficit fonctionnel temporaire partiel à 10 % :579 euros
Total 826,50 euros
Les souffrances endurées :
Les souffrances endurées fixées par l’expert à 2/7 seront indemnisées par le versement de la somme de 4.000 euros.
II-B) Les Préjudices Extra-Patrimoniaux Permanents
Le déficit fonctionnel permanent :
Ce poste de préjudice est destiné à indemniser le préjudice extra-patrimonial découlant de l’incapacité médicalement constatée et à réparer ses incidences touchant exclusivement la sphère personnelle de la victime, soit non seulement les atteintes aux fonctions physiologiques de celle-ci mais aussi la douleur permanente qu’elle ressent, la perte de la qualité de vie et les troubles dans ses conditions d’existence après consolidation.
Compte tenu des séquelles conservées par la victime, il a été estimé par l’expert à 3%.
Il y a donc lieu de l’indemniser par l’allocation de la somme de 6.000 euros, le juge ne pouvant allouer une somme supérieure aux prétentions des demandeurs.
RÉCAPITULATIF
- dépenses de santé actuelles..............................................531,99 euros
- frais divers...............................................................................710 euros
- déficit fonctionnel temporaire...............................................826,50 euros
- souffrances endurées...........................................................4.000 euros
- déficit fonctionnel permanent...............................................6.000 euros
TOTAL..............................................................................12 068,49 euros
Dont il convient de déduire 505,49 euros correspondant à la créance définitive de la CPAM des Bouches du Rhône
RESTE DU 11 563 euros
En application de l’article 1231-7 du code civil, cette somme portera intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement.
Sur les frais du procès et l’exécution provisoire
Sur les dépens
Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.
Par ailleurs, il ressort de l’article 699 du code de procédure civile que les avocats peuvent, dans les matières où leur ministère est obligatoire, demander que la condamnation aux dépens soit assortie à leur profit du droit de recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont ils ont fait l'avance sans avoir reçu provision.
En l’espèce, la compagnie d’assurances AXA, qui succombe à l’instance, sera condamnée aux dépens, dont distraction sera faite au profit de Maître Alban BORGEL de la SELARL BORGEL & ASSOCIES.
Sur les demandes au titre des frais irrépétibles
Aux termes de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer 1° à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations.
La compagnie d’assurances AXA, condamné aux dépens, devra verser à Monsieur [V] [X] [T] une somme qu’il est équitable de fixer à 1.300 euros.
La compagnie d’assurances AXA sera en revanche déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Sur l’exécution provisoire
Aux termes de l’article 514 du code de procédure civile, « Les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi (1) ou la décision rendue (2) n’en dispose autrement »
La présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire.
PAR CES MOTIFS,
Le tribunal, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement par jugement mis à disposition au greffe, réputé contradictoire et en premier ressort,
Evalue le préjudice corporel de Monsieur [V] [X] [T], après déduction des débours de la CPAM des Bouches du Rhône ainsi que suit :
- dépenses de santé actuelles.................................................531,99 euros
- frais divers................................................................................710 euros
- déficit fonctionnel temporaire.................................................826,50 euros
- souffrances endurées..........................................................4.000 euros
- déficit fonctionnel permanent..................................................6.000 euros
TOTAL..............................................................................12 068,49 euros
Dont il convient de déduire 505,49 euros correspondant à la créance définitive de la CPAM des Bouches du Rhône
RESTE DU 11 563 euros
EN CONSÉQUENCE :
Condamne la société anonyme AXA France IARD à payer avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement à Monsieur [V] [X] [T] la somme de 11 563 euros en réparation de son préjudice corporel ;
Condamne la société anonyme AXA France IARD aux entiers dépens, avec distraction au profit de Maître Alban BORGEL ;
Condamne la société anonyme AXA France IARD à payer à Monsieur [V] [X] [T] la somme de 1.300 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Rejette la demande formulée par la société anonyme AXA France IARD vertu de l’article 700 du CPC ;
Déclare le présent jugement commun et opposable à la CPAM des Bouches du Rhône ;
Rappelle que la présente décision est exécutoire à titre provisoire ;
AINSI JUGE ET PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION AU GREFFE DE LA DEUXIÈME CHAMBRE DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE LE DOUZE JUILLET DEUX MILLE VINGT-QUATRE.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE