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12/07/2024 | FRANCE | N°21/07436

France | France, Tribunal judiciaire de Marseille, 2ème chambre cab2, 12 juillet 2024, 21/07436


TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE


JUGEMENT N°


Enrôlement N° RG 21/07436 - N° Portalis DBW3-W-B7F-ZAY3

AFFAIRE : M. [A] [V] (Me Karine TOUBOUL-ELBEZ)
C/ Compagnie d’assurance GMF (Me Henri LABI)
- CPAM DES BOUCHES DU RHONE ( )


DÉBATS : A l'audience Publique du 25 Juin 2024


COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats

Président : VIGNON Cyrille, Vice-Président
VALENTINI Elsa, Juge


Greffier : SANDJIVY Célia,
FLOC’H Wanda, présente uniquement lors des débats

A l

'issue de laquelle, la date du délibéré a été fixée au : 12 Juillet 2024


PRONONCE : le 12 Juillet 2024


Par VIGNON Cyrille, Vice-Président

Ass...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT N°

Enrôlement N° RG 21/07436 - N° Portalis DBW3-W-B7F-ZAY3

AFFAIRE : M. [A] [V] (Me Karine TOUBOUL-ELBEZ)
C/ Compagnie d’assurance GMF (Me Henri LABI)
- CPAM DES BOUCHES DU RHONE ( )

DÉBATS : A l'audience Publique du 25 Juin 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats

Président : VIGNON Cyrille, Vice-Président
VALENTINI Elsa, Juge

Greffier : SANDJIVY Célia,
FLOC’H Wanda, présente uniquement lors des débats

A l'issue de laquelle, la date du délibéré a été fixée au : 12 Juillet 2024

PRONONCE : le 12 Juillet 2024

Par VIGNON Cyrille, Vice-Président

Assistée de SANDJIVY Célia, Greffier

NATURE DU JUGEMENT

réputée contradictoire et en premier ressort

NOM DES PARTIES

DEMANDEUR

Monsieur [A] [V]
né le [Date naissance 1] 1980 à [Localité 8], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Karine TOUBOUL-ELBEZ, avocat au barreau de MARSEILLE

C O N T R E

DEFENDERESSES

Compagnie d’assurance GMF, immatriculée au RCS de PARIS sous le n° B 398 972 901 dont le siège social est sis [Adresse 4] prise en la personne de son représentant légal en exercice

représentée par Me Henri LABI, avocat au barreau de MARSEILLE

CPAM DES BOUCHES DU RHONE, dont le siège social est sis [Adresse 3], prise en la personne de son représentant légal en exercice

défaillant

***********

Le 20 janvier 2017 à [Localité 6], Monsieur [A] [V], né le [Date naissance 1] 1980, a été blessé, alors qu’il était piéton, par un véhicule conduit par son conjoint Monsieur [L] [C] [M] et assuré auprès de la société GMF.

Par ordonnance du 22 décembre 2017, le juge des référés du tribunal de grande instance de MARSEILLE a ordonné une mesure d’expertise confiée au docteur [W] et a rejeté la demande de provision considérant que celle-ci se heurtait à une contestation sérieuse.

L’expert a procédé à sa mission et a déposé son rapport définitif le 31 janvier 2020.

Sur la base de ce rapport, Monsieur [V] a sollicité auprès de la GMF une offre d’indemnisation. Celle-ci a refusé de formuler une offre considérant que les conséquences médico-légales retenues par le docteur [W] n’étaient pas imputables aux faits allégués par Monsieur [V].

Par actes des 30 juillet et 16 août 2020, Monsieur [A] [V] a assigné devant le tribunal de céans la société GMF ASSURANCES et la CPAM des Bouches du Rhône, sur le fondement de la loi du 5 juillet 1985.

Par conclusions d’incident du 21 septembre 2021, Monsieur [V] a sollicité la production sous astreinte du rapport d’enquête initial de Monsieur [D], enquéteur privé mandaté par l’assureur.

La société GMF a conclu, à titre principal, à l’incompétence du tribunal de MARSEILLE au profit de celui de TOULON, et à titre subsidiaire, au sursis à statuer dans l’attente de la mise en cause de l’AJE et, à titre plus subsidiaire, à la communication de l’adresse postale et domiciliaire de Madame [K] [O] [B], passagère du véhicule au moment des faits.

Par ordonnance en date du 29 novembre 2021, le juge de la mise en état a :
- REJETÉ l’exception d’incompétence territoriale soulevée ;
- REJETÉ la demande de communication sous astreinte du rapport d’enquête de Monsieur [D] ;
- REJETÉ la demande de communication sous astreinte de l’adresse de Madame [K] [O] [B] ;
- DIT n’y avoir lieu de surseoir à statuer pour mise en cause de l’Agent Judiciaire de l’Etat ;
- ENJOINT à Monsieur [A] [V] de produire la créance définitive de la CPAM des Bouches du Rhône et tout justificatif de son affiliation à un organisme de sécurité sociale ;
- RÉSERVÉ les dépens et la demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
- RAPPELÉ que l’ordonnance est exécutoire à titre provisoire ;
- RENVOYÉ l’affaire à la mise en état pour conclusions au fond.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 13 octobre 2023, Monsieur [V] demande au tribunal de :
- lui ALLOUER au titre de la liquidation de son préjudice consécutivement à l’accident dont il a été victime le 20 janvier 2017, les sommes suivantes :
• Dépenses de santé actuelles : 481,77 €
• Frais d’assistance à expertise : 1 080 €
• Assistance temporaire par tierce personne : 17 582,60 €
• Perte de gains professionnels actuels : 4 366,85 €
• Dépenses de santé futures : MEMOIRE
• Assistance viagère par tierce personne : 19 960,49 €
• Incidence professionnelle : 150 000 €
• Frais de véhicule adapté : MEMOIRE
Préjudices extrapatrimoniaux temporaires :
• Déficit fonctionnel temporaire : 9 346,90 €
• Pretium doloris : 35 000 €
• Préjudice esthétique temporaire : 3 000 €
Préjudices extrapatrimoniaux permanents :
• Déficit fonctionnel permanent : 46 800 €
• Préjudice d’agrément : 10 000 €
• Préjudice esthétique permanent : 6 000 €
Soit un total de 303 618,64 euros (hors postes laissés en mémoire)
- CONDAMNER la Compagnie GMF à lui payer, en deniers ou quittances, cette somme de
303 618,64 euros,
- JUGER que le paiement de cette somme sera assorti des intérêts au double du taux légal, à compter du 20 septembre 2017 et ce jusqu’au jugement définitif
- ÉCARTER des débats l’attestation de Madame [K] [O] [B], établie en violation des dispositions de l’article 202 du code de procédure civile,
- DÉBOUTER la compagnie GMF de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- CONDAMNER que la compagnie GMF pour résistance abusive à la somme de 30 000 euros,
- CONDAMNER la Compagnie GMF à payer à Monsieur [V] une somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
- CONDAMNER la Compagnie GMF qui succombe, aux entiers dépens de l’instance, dont distraction au profit de Maître Karine TOUBOUL-ELBEZ.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 30 octobre 2023, la société GMF demande au tribunal de :
- CONSTATER la non-application de la Loi du 5 juillet 1985 et la non-garantie de l’assuré [L] [C] [M] sur des faits volontaires
- CONSTATER la fausse déclaration de Monsieur [A] [V] et de Monsieur [L] [C] [M], assuré GMF,
- DÉBOUTER Monsieur [A] [V] de l’ensemble de ses demandes
A titre reconventionnel
- CONDAMNER Monsieur [A] [V] pour procédure abusive, à la somme de 30.000 euros, outre 10.000 euros au titre de l’article 700 du CPC, ainsi qu’aux entiers dépens
- ORDONNER l’exécution provisoire du jugement à venir.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions quant à l’exposé détaillé des prétentions et moyens.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 11 décembre 2023.

L’affaire a été retenue à l’audience du 25 juin 2024, la décision a été mise en délibéré au
12 juillet 2024.

La CPAM des Bouches du Rhône, régulièrement assignée, n’ayant pas constitué avocat ; le présent jugement sera réputé contradictoire à l’égard de l’ensemble des parties.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l’applicabilité de la loi du 5 juillet 1985

En vertu de l’article 3 de la loi du 5 juillet 1985, les victimes, hormis les conducteurs des véhicules terrestres à moteur, sont indemnisées des dommages résultant des atteintes à leur personne qu’elles ont subis, sans que puisse leur être opposée leur propre faute à l’exception de leur faute inexcusable si elle a été la cause exclusive de l’accident.
Ne constitue pas un accident au sens de ce texte, celui qui, volontairement provoqué par le conducteur ou un tiers, ne présente pas, de ce fait, un caractère fortuit.

En l’espèce, Monsieur [V] expose qu’il conduisait un véhicule où se trouvaient Monsieur [C] [M], son compagnon, Madame [K] [O] [B] et le fils de cette dernière, âgé de 12 ans ; qu’ils revenaient de l’institut Saint Joseph la Navarre où l’enfant avait eu un entretien ; qu’étant fatigué, il avait arrêté le véhicule pour se dégourdir les jambes et laisser Monsieur [C] [M] conduire pour le trajet restant ; que ce dernier avait enclenché une vitesse au lieu de la marche arrière et l’avait percuté violemment au niveau de ses membres inférieurs ; que les pompiers sont intervenus sur les lieux de l’accident et l’ont transporté à l’hôpital.

Monsieur [V] considère qu’en sa qualité de piéton il bénéficie d’un droit à indemnisation intégral, en application de l’article 3 alinéa 1 de la loi du 5 juillet 1985.

Il produit au débat une attestation de lui-même et de Monsieur [C] [M], rédigées toutes deux par lui en présence de l’enquêteur de l’assureur, ainsi qu’une attestation itérative de ce dernier précisant :
“J’ai pris le volant car Mr [V] qui conduisait jusqu’ici était fatigué. Il se sentait pas de conduire les 100 km restant environ. Il est descendu de la voiture. Après quelques minutes, j’ai voulu faire marche arrière pour reprendre la route, au même moment j’ai tourné la tête vers l’arrière et la voiture est partie vers l’avant quand j’ai débrayé. Ce n’est pas une voiture automatique et la marche arrière et la 1e se distingue en enfonçant la boîte de vitesse. J’ai du mal le faire et la voiture est partie car la 1e s’est enclenchée au lieu de la marche arrière. C’est à ce moment-là que j’ai percuté Mr [V] [A] lequel a été gravement blessé”.

Il verse au débat les références du véhicule concerné et une photographie du levier de vitesse afin de montrer que la marche arrière se situe juste à côté de la 1ère vitesse.

Il souligne que ces attestations ne sont pas contradictoires avec les précédentes déclarations mais sont seulement plus précises, précisions apportées à la demande de l’enquêteur désigné par la GMF.

Monsieur [V] fait valoir que le compte-rendu de sortie secours et l’appel aux pompiers passé par Madame [O] [B] corroborent qu’il a bien été blessé dans un accident de voiture, comme les pièces médicales qui mentionnent un accident de voie publique. Il indique que le conseil de la GMF a adressé un dire à l’expert concernant l’imputabilité de ses blessures à l’impact du pare-choc avant sur la possibilité de se déplacer à pieds dans les suites immédiates de l’accident. Il souligne que l’expert a indiqué : “Cette cicatrice sur la jambe droite, est située à la même hauteur que la zone fracturée sur la jambe gauche, et peut correspondre, compte tenu de la localisation, à l’impact du pare-chocs sur les membres inférieurs de la victime. Les lésions initiales présentées par Monsieur [V] : fracture ouverte tibia-péroné, ne permettent pas à la victime de se déplacer à pieds dans les suites immédiates de l’accident, si ce n’est à cloche pieds avec aide sur une très courte distance”.
En réponse aux arguments de l’assureur, Monsieur [V] explique que la mention erronée de la date du 20 février 2017 comme date de l’accident dans l’assignation en référé n’est qu’une erreur de plume de son précédant conseil. Sur le véhicule accidenté, Monsieur [V] considère que l’absence de trace de choc sur l’avant n’est pas déterminant puisque l’impact d’un tibia n’est pas de nature à en laisser. Il estime que le choc arrière visible n’a pas été déclaré à la GMF vraisemblablement car il résultait d’un sinistre antérieur ou postérieur et que le véhicule est assuré au tiers. Monsieur [V] conteste le caractère tardif de la déclaration de sinistre faite par Monsieur [C] faisant valoir qu’elle a été faite par écrit le 23 janvier 2017, soit le lundi suivant l’accident, et qu’elle mentionnait un numéro de sinistre ce qui implique que le dossier était déjà ouvert.

Sur l’absence de précision initialement sur le lieu de l’accident, Monsieur [V] fait valoir qu’il s’est produit en rase campagne sur un chemin ne comportant aucun numéro ou nom de voie de sorte qu’il n’était pas possible de fournir de plus amples renseignements.

Par ailleurs, Monsieur [V] relève que les attestations de Madame [X], directrice de l’établissement [9], et de Madame [Y], secrétaire de direction de l’établissement, produites par la GMF, ne répondent pas aux conditions de l’article 202 du code de procédure civile et qu’elles ont été établies en présence de l’enquêteur privé. Il soutient qu’elles établissent qu’il est reparti des lieux non blessé et dans le calme. Il considère que les termes utilisés pour décrire la dispute sont contradictoires puisqu’il est mentionné tantôt de la violence tantôt l’absence d’ “éclat de voix”.

S’agissant de la présence de Madame [O] [B], Monsieur [V] fait valoir que c’est lui et son compagnon qui l’ont mentionné à l’enquêteur GMF et qui ont communiqué à ce dernier les coordonnées téléphoniques de cette passagère. Il souligne que c’est d’ailleurs via le numéro de téléphone communiqué que le nouvel enquêteur mandaté par la GMF est parvenu à la joindre. Il explique avoir essayé lui-même d’obtenir son témoignage mais que cela n’a pas été possible car son compagnon s’est fâché avec Madame [O] [B] pour un motif extérieur à l’accident. Monsieur [V] demande que l’attestation de Madame [O] [B], produite par la GMF, soit écartée des débats faisant valoir que la signature n’est pas la même que celle de la carte d’identité ce qui démontrerait qu’elle n’en est pas rédactrice. Il souligne la ressemblance entre la signature de l’attestation et celle de l’enquêteur. Il relève également que Madame [O] [B] a raturé à plusieurs reprises son attestation. Sur le fond, il note que celle-ci prétend que c’est Monsieur [C] qui a pris le volant après le départ de l’établissement scolaire alors qu’il est établi que c’est lui qui conduisant à ce moment-là. Il conteste avoir eu le moindre différent avec son compagnon dans le véhicule. Il fait valoir que l’attestation ne fait que reprendre l’interprétation de Madame [O] [B] sur l’attitude de Monsieur [C] alors qu’en tant que passagère arrière elle n’a pas pu voir les gestes de celui-ci. Il relève qu’elle ne dit pas que Monsieur [C] avait verbalisé son intention de le percuter. Il souligne que dans son appel aux pompiers elle a utilisé le mot “accident”. Il produit au débat une nouvelle attestation de son compagnon réagissant à la communication de cette pièce dans laquelle il est indiqué que c’est Madame [O] [B] qui criait dans le véhicule à l’encontre de son fils et que c’est la raison pour laquelle Monsieur [V] est sorti du véhicule. Dans cette dernière attestation, Monsieur [C] a contesté le caractère volontaire des faits.

La société GMF conclut au débouté considérant que Monsieur [V] a fait une fausse déclaration dans la mesure où les faits du 20 janvier 2017 constituent des violences volontaires avec arme par destination et non un accident de la circulation indemnisable sur le fondement de la loi du 5 juillet 1985.

La société GMF expose que dans sa déclaration de sinistre du 23 janvier 2017 et dans le constat amiable initial de Monsieur [C], ce dernier s’est contenté de mentionner la France comme lieu de l’accident, s’est désigné comme conducteur et Monsieur [V] comme piéton et n’a fait état d’aucun témoin ; qu’elle a mandaté un enquêteur pour vérifier les circonstances de l’accident ; que Monsieur [C] a indiqué à l’enquéteur que Monsieur [V], qui conduisait, s’était arrêté en rase campagne pour satisfaire un besoin naturel et qu’il avait un témoin en la personne de Madame [O] [B] ; que les attestations de Messieurs [C] et [V] ont été rédigées par ce dernier, en présence de leur conseil qui les a cosignées, au domicile du couple, conformément à leurs exigences ; que dans l’ assignation en référé Monsieur [V] a mentionné une date erronée pour le jour de l’accident ainsi que pour son jour de naissance, a précisé pour la première fois s’être rendu à l’internat de [7] à [Localité 6] et a réitéré qu’il s’était arrêté pour uriner ; qu’après avoir pris attache avec la directrice de l’établissement, l’enquêteur a appris la présence d’un nouveau témoin, à savoir le fils de Madame [O] [B], et qu’une bagarre avait eu lieu sur le parking.

La société GMF verse aux débats l’attestation de la directrice d’établissement qui indique ;
“Le vendredi 20 janvier 2017, en milieu d’après-midi, la secrétaire de direction m’interpelle ; près d’une voiture stationnée, non sur une place, mais dans une allée du parking, face à nos bureaux, un homme en frappe un autre et le pousse violemment dans la voiture. La « victime» ressort du véhicule cherchant manifestement quelque chose tout autour . Enfin il reprend place côté passager avec le conducteur. Tout cela sans un éclat de voix. La situation s’étant clamée, nous n’appelons pas la gendarmerie. Je demande ce que ces deux hommes font sur le parking - ils ont accompagné une maman d’élève et l’attendent. Il s’agissait de Madame [O] [B] qui, m’a-t-on dit ; est repartie avec son fils dans cette fameuse voiture”.

Ainsi que celle de la secrétaire de l’établissement, selon laquelle :
“Le vendredi 20 janvier 2017, alors que je faisais des photocopies, j’ai pu voir par la fenêtre une dispute entre deux hommes près d’une voiture dans le parking de l’établissement. L’un des deux hommes a poussé l’autre violemment à l’arrière du véhicule en lui donnant des coups. J’ai prévenu ma chef d’établissement mais nous n’avons pas prévenu la gendarmerie car l’homme ayant reçu les coups est revenu s’installer à l’avant de ce véhicule à côté de l’autre personne. Ils sont ensuite repartis calmement avec Madame [O] [B] et son fils quand elle a eu fini son entretien avec la responsable de niveaux”.
La société GMF fait valoir que ces éléments ont conduit le juge des référés a rejeté la demande de provision qui se heurtait à une contestation sérieuse en précisant qu’il appartiendra au requérant de produire une “attestation circonstanciée d’un témoin extérieur à son cercle de famille, par exemple celui de Madame [K] [E]”.

Par ailleurs, la société GMF relève que les attestations de Messieurs [V] et [C] font état d’un choc avant alors qu’il est produit un photographie d’une trace de choc arrière sur le véhicule.
La défenderesse indique que le deuxième enquéteur désigné a finalement retrouvé Madame [O] [B] et verse au débat une attestation aux termes de laquelle celle-ci relate les faits suivants :
“... Le 20 janvier 2017, je devais récupérer mon fils [N] à l’internat au [Adresse 5] et M. [V] m’a proposé de m’accompagner...J’ai récupéré mon fils alors que les 2 étaient restés dans la voiture sur le parking. Lorsque je suis montée dans la voiture avec mon fils c’est M. [C] qui était au volant et qui a conduit pour partir. Nous avons roulé environ 300 mètres sur un chemin qui emmène à la nationale. Ils ont commencé à se disputer dans la voiture et M. [V] est descendu du véhicule car la dispute allait devenir violente. Alors que M. [V] marchait le long de la route M. [C] a enclenché la 1ère a braqué le volant et a foncé sur M. [V]. La voiture a heurté M. [V] qui est tombé au sol. Je suis sortie de la voiture et me suis dirigée vers M. [V] qui était au sol et qui saignait de la jambe. J’ai appelé les secours entre temps une personne s’est arrêtée pour lui porter secours. Je précise que M. [C] a foncé volontairement sur M. [V]”.
Suite aux dernières conclusions de Monsieur [V], la société GMF produit une copie de la carte nationale d’identité de Madame [O] [B] ainsi qu’une nouvelle attestation dans laquelle elle explique la différence de signatures, à savoir le fait qu’elle signe souvent avec seulement ses initiales.

Il est désormais constant que, le 20 janvier 2017 à [Localité 6], Monsieur [V], qui était à pied, a été blessé en ayant été percuté par un véhicule conduit par Monsieur [C] [M], dans lequel se trouvait également Madame [O] [B] et le fils de celle-ci.

Afin d’établir le caractère accidentel de ces faits, le demandeur se prévaut du constat amiable d’accident, et des attestations de lui-même et de Monsieur [C] [M].

Il sera observé que le constat est très lacunaire puisqu’il ne précise pas le lieu précis des faits mais seulement le pays et ne mentionne pas l’existence de témoin, ni a fortiori de passagers présents dans le véhicule.
Ensuite, les attestations de Monsieur [V] ne sont pas probantes, nul ne pouvant se constituer de preuve à soi-même. Celles de Monsieur [C] [M] doivent être prises avec la plus grande circonspection, d’une part, parce qu’elles émanent du compagnon du demandeur et, d’autre part, parce celui-ci n’a aucun intérêt à ce que la version soutenue par l’assureur soit retenue puisqu’elle implique qu’il serait l’auteur de l’infraction de violences avec arme commise sur son concubin.
Les pièces médicales ne peuvent servir à corroborer la version de Monsieur [V] puisque la mention de l’origine des blessures découle directement des déclarations de celui-ci et que les blessures constatées peuvent autant provenir d’un fait volontaire qu’involontaire.

Le caractère involontaire des blessures est contredit par l’attestation de Madame [O] [B] dans laquelle elle affirme que Monsieur [C] [M] a volontairement foncé sur Monsieur [V]. Cette attestation est précise, circonstanciée et accompagnée d’une copie de pièce d’identité. Ce témoignage a été obtenu par le second enquêteur mandaté par l’assureur qui est parvenu à retrouver ce témoin et s’est rendu à son domicile. Madame [O] [B] fournit, dans une seconde attestation, une explication crédible sur la différence de signature entre sa première attestation et sa pièce d’identité. Par ailleurs, le positionnement de Madame [O] [B] exclut une erreur d’interprétation sur le mouvement du conducteur. Ainsi aucun élément de fond ou formel ne permet d’écarter cette pièce dont la force probante est déterminante s’agissant du seul témoin adulte présent au moment des faits.
L’enregistrement de l’appel aux pompiers où on entend Madame [O] [B] utiliser le mot “accident” pour décrire les faits n’est pas en contradiction avec son attestation car il s’agit d’un mot générique qui n’implique pas dans le langage courant une qualification juridique certaine et qui n’exclut pas un “accident” provoqué volontairement.

A cet égard, les attestations des membres de l’institut corroborent l’existence d’un climat de violence dans le couple [V]/[C] [M] au jour des faits.

Au regard de l’ensemble de ces éléments, il y a lieu de dire que Monsieur [C] [M] a volontairement percuté Monsieur [V] avec son véhicule. Les faits ne constituent donc pas un accident de circulation au sens de la loi du 5 juillet 1985.

Par conséquent, Monsieur [V] sera débouté de l’intégralité de ses demandes tant celle concernant la liquidation de son préjudice corporel que celle relative à la prétendue résistance abusive de la GMF.

Sur la demande de dommages et intérêts de la GMF

L’article 1240 du code civil dispose que :
“Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer”.

La société GMF fait valoir que l’enquête qu’elle a diligentée a mis en lumière une infraction pénale, une fausse déclaration et une démarche malveillante et mensongère. Elle sollicite la somme de 30.000 euros au titre de la procédure abusive.

Monsieur [V] s’oppose à cette demande, celui-ci contestant le caractère mensonger de sa déclaration.

Comme il a été précédemment développé, il est établi que Monsieur [V] a fait une fausse présentation des faits du 20 janvier 2017 afin d’obtenir auprès de la GMF l’indemnisation de son préjudice sur un fondement erroné. La réitération de cette fausse déclaration a causé un préjudice à l’assureur puisqu’elle l’a contraint à mandater plusieurs enquêteurs privés afin de la révéler et à multiplier les diligences et écritures devant les différentes juridictions saisies du litige. Ainsi, le caractère abusif de la présente procédure est caractérisée.
Monsieur [V] sera condamné à payer à la société GMF la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts.

Sur les demandes accessoires

Conformément à l’article 696 du code de procédure civile, Monsieur [V], succombant, sera condamné aux entiers dépens de la présente procédure.

Il devra en outre verser à la société GMF une somme qu’il est équitable de fixer à hauteur de 1.800 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Il n’y a pas lieu d’écarter l’exécution provisoire de droit.

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL,

Statuant publiquement, par jugement mis à disposition au greffe, réputé contradictoire et en premier ressort,

DÉBOUTE Monsieur [A] [V] de l’intégralité de ses demandes ;

CONDAMNE Monsieur [A] [V] à payer à la société GMF ASSURANCES la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

DIT le jugement commun à la CPAM des Bouches du Rhône ;

CONDAMNE Monsieur [A] [V] à payer à la société GMF ASSURANCES la somme de 1.800 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

DIT n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire ;

CONDAMNE Monsieur [A] [V] aux dépens.

AINSI JUGE ET PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION AU GREFFE DE LA DEUXIEME CHAMBRE DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE LE 12 JUILLET 2024

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Marseille
Formation : 2ème chambre cab2
Numéro d'arrêt : 21/07436
Date de la décision : 12/07/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 21/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-12;21.07436 ?
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