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11/07/2024 | FRANCE | N°21/00975

France | France, Tribunal judiciaire de Marseille, 2ème chambre cab3, 11 juillet 2024, 21/00975


TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE


JUGEMENT N°24/1003


Enrôlement : N° RG 21/00975 - N° Portalis DBW3-W-B7F-YLPP

AFFAIRE : M. [X] [S] (Me Virginie ROSSI)
C/ ALGERIE FERRIES (la SELARL RENARD& ASSOCIES) ; CPAM DU PUY-DE-DOME ( )


DÉBATS : A l'audience Publique du 23 Mai 2024


COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré

Président : Madame Anne-Claire HOURTANE
Greffier : Madame Elisa ADELAIDE, lors des débats

A l'issue de laquelle, la date du délibéré a été fixée a

u : 11 Juillet 2024

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le ...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT N°24/1003

Enrôlement : N° RG 21/00975 - N° Portalis DBW3-W-B7F-YLPP

AFFAIRE : M. [X] [S] (Me Virginie ROSSI)
C/ ALGERIE FERRIES (la SELARL RENARD& ASSOCIES) ; CPAM DU PUY-DE-DOME ( )

DÉBATS : A l'audience Publique du 23 Mai 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré

Président : Madame Anne-Claire HOURTANE
Greffier : Madame Elisa ADELAIDE, lors des débats

A l'issue de laquelle, la date du délibéré a été fixée au : 11 Juillet 2024

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 11 Juillet 2024

PRONONCE en audience publique par mise à disposition le 11 Juillet 2024

Par Madame Anne-Claire HOURTANE, Juge
Assistée de Madame Taklite BENMAMAS, Greffier

NATURE DU JUGEMENT

contradictoire et en premier ressort

NOM DES PARTIES

DEMANDEUR

Monsieur [X] [S]
né le [Date naissance 2] 1977 à [Localité 10], demeurant [Adresse 4] - [Localité 5]
Immatriculé à la sécurité sociale sous le numéro [Numéro identifiant 1]
représenté par Me Virginie ROSSI, avocat au barreau de MARSEILLE

C O N T R E

DEFENDERESSES

ALGERIE FERRIES, prise en la personne de son représentant légal en exercice, dont le siège social est sis [Adresse 7] - [Localité 3]

représentée par Maître Léopold RENARD de la SELARL RENARD & ASSOCIES, avocats au barreau de MARSEILLE

CPAM DU PUY-DE-DOME, prise en la personne de son représentant légal en exercice, dont le siège social est sis [Adresse 6] - [Localité 8]

représentée par Maître Gilles MARTHA de la SCP BBLM, avocats au barreau de MARSEILLE

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 07 janvier 2019, Monsieur [X] [S] a été victime d’un accident au sein du garage de la soute d’un navire appartenant à la société ALGÉRIE FERRIES lors du débarquement des véhicules sur le port de [Localité 9].

Il soutient qu’alors qu’il souhaitait rejoindre son véhicule, trois agents d’équipage lui ont demandé de se décaler pour les laisser passer, lui indiquant de se positionner sur un escalier situé proche d’une passerelle dont l’un des éléments lui aurait happé la jambe droite. Ne parvenant pas à se dégager, il aurait été soulevé avec elle jusqu’à se retrouver suspendu au plafond avant l’intervention d’autres passsagers et membres de l’équipage, puis des secours.

Blessé, il a été transporté par les marins pompiers à l’Hôpital européen où ont été relevées les lésions suivantes :

- oedème et ecchymose au regard de la malléole externe de la cheville droite, sans déformation des reliefs osseux,
- dermabrasion de la face antérieure de la cheville droite ainsi que de la face antérieure de la jambe droite ainsi que de la face médiale de la jambe droite et de la face postérieure du genou droit,
- dermabrasion de la face médiale de la jambe gauche.

La plainte déposée à l’encontre de la compagnie maritime des chefs de blessures involontaires a fait l’objet d’un classement sans suite notifié à la victime le 13 janvier 2020.

Par ordonnance de référé du 11 septembre 2019, une expertise médicale a été confiée au Docteur [I] [D]. En revanche, la demande de provision de Monsieur [X] [S] a été rejetée en l’état d’une contestation sérieuse sur son droit à indemnisation, la société ALGÉRIE FERRIES soutenant que l’accident aurait été causé par l’imprudence de la victime, laquelle n’aurait pas respecté les règles d’usage des voies de circulation du navire.

L’expert a déposé son rapport définitif le 10 octobre 2020.

Par actes d’huissier de justice signifiés les 22 et 25 janvier 2021, Monsieur [X] [S] a fait assigner devant ce tribunal la société ALGÉRIE FERRIES afin d’obtenir sa condamnation, sur le fondement de l’article L5421-2 du code des transports, à réparer les préjudices consécutifs à l’accident, ainsi que la CPAM du Puy-de-Dôme en qualité de tiers payeur.

1. Dans ses conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 09 novembre 2021, Monsieur [X] [S] sollicite du tribunal, au visa de l’article L5421-2 du code des transports, et sous le bénéfice de l’exécution provisoire, de :

- dire que son droit à indemnisation est entier,

- condamner la société ALGÉRIE FERRIES à lui payer la somme de 67.252,69 euros, hors créance de la CPAM, au titre de la réparation de son préjudice corporel,
- condamner la société ALGÉRIE FERRIES au paiement de la somme de 4.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de référé et de première instance, distraits au profit de Maître Laura WITZ.

2. Dans ses conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 18 novembre 2022, la société ALGÉRIE FERRIES demande au tribunal, au visa de la convention d’Athènes du 13 décembre 1973 amendée et du code des transports, de :

A titre principal,
- débouter Monsieur [X] [S] de toutes ses prétentions,
A titre subsidiaire, si par extraordinaire le tribunal retenait la responsabilité de la société ALGÉRIE FERRIES dans l’accident,
- juger qu’il n’y a aucun préjudice patrimonial temporaire avant consolidation et débouter le requérant de toutes ses demandes,
- juger qu’il n’y a aucun préjudice patrimonial permanent après consolidation et débouter le requérant de toutes ses demandes,
- réduire l’indemnisation du déficit fonctionnel temporaire total à 1.361,50 euros,
- réduire l’indemnisation des souffrances endurées à 3.500 euros,
- réduire l’indemnisation du préjudice esthétique temporaire à 2.000 euros,
- réduire l’indemnisation du déficit fonctionnel permanent à 7.620 euros,
- juger que le montant total de l’indemnisation ne saurait excéder 16.481,50 euros,
- débouter le requérant du surplus de ses demandes,
- statuer ce que de droit sur les demandes de la CPAM,
En tout état de cause,
- condamner Monsieur [X] [S] à lui payer la somme de 6.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens, distraits au profit de Maître Léopold RENARD,
- ne pas faire droit à l’exécution provisoire de la décision à intervenir et à défaut, subordonner l’éventuelle exécution provisoire à la constitution d’une garantie bancaire émise par une banque Française par le créancier exécutant au profit du représentant légal de la société ALGÉRIE FERRIES ou ordonner une consignation des condamnations pécuniaires sur un compte séquestre pour répondre de toute restitution en cas d’infirmation du jugement à venir.

3. Dans ses conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 29 avril 2021, la CPAM du Puy-de-Dôme sollicite du tribunal, au visa de l’article L376-1 du code de la sécurité sociale, de :

- fixer sa créance définitive à la somme de 6.861,60 euros décomposée comme suit :
- dépenses de santé actuelles : 2.197,16 euros
- perte de gains professionnels actuels : 4.664,44 euros
- condamner la société ALGÉRIE FERRIES à lui payer la somme de 6.861,60 euros avec intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir,

- condamner la société ALGÉRIE FERRIES à lui payer la somme de 1.098 euros au titre de l’indemnité forfaitaire de gestion de l’article L376-1, alinéa 9 du code de la sécurité sociale,
- condamner la société ALGÉRIE FERRIES à lui payer la somme de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens d’instance.

Il est expressément référé, en application de l'article 455 du Code de procédure civile, à l’acte introductif d’instance et aux conclusions en défense pour plus ample exposé des faits, ainsi que des moyens et prétentions des parties.

La clôture de l’instruction de l’affaire a été prononcée par ordonnance du 19 avril 2024.

Lors de l'audience du 23 mai 2024, les conseils des parties ont été entendus en leurs observations, et l'affaire mise en délibéré au 11 juillet 2024.

MOTIFS DU JUGEMENT

Sur le droit à indemnisation

Sur la responsabilité du transporteur maritime de passagers

Il résulte de l’article L 5421-2 du code des transports que le transporteur de passagers est tenu de mettre et conserver le navire en état de navigabilité, convenablement armé, équipé et approvisionné pour le voyage considéré et de faire toute diligence pour assurer la sécurité des passagers.

L’article L5421-3 suivant dispose que l'accident corporel survenu en cours de voyage, ou pendant les opérations d'embarquement ou de débarquement, soit aux ports de départ ou de destination, soit aux ports d'escale, donne lieu à réparation de la part du transporteur, s'il est établi qu'il a contrevenu aux obligations prescrites par les dispositions de l'article L. 5421-2 ou qu'une faute a été commise par lui-même ou un de ses préposés.

Il incombe à la victime d’établir la faute du transporteur, s’agissant d’une obligation de sécurité de moyens.

En l’espèce, il appartient donc à Monsieur [X] [S] de démontrer la faute de la société ALGÉRIE FERRIES, et non pas à la société de démontrer son absence de faute.

A titre liminaire, il y a lieu de relever qu’ainsi que l’ont constaté les enquêteurs de la gendarmerie maritime, et sans que cela soit aujourd’hui contesté entre les parties, le mouvement de la passerelle qui a happé la jambe de la victime ne correspond pas à un décrochement d’élément mais bien au mouvement normal d’inclinaison effectué pour assurer le débarquement des véhicules.

Il n’est pas contesté entre les parties qu’au moment de l’accident dont il a été victime, Monsieur [X] [S] était positionné sur un emplacement dangereux sur lequel il n’aurait pas dû se trouver.

Les parties s’opposent sur l’origine de ce positionnement.

Monsieur [X] [S], pour corroborer ses dires suivants lesquels trois membres de l’équipage lui auraient demandé de se positionner sur cet escalier sans lui signaler la dangerosité de l’emplacement, communique une attestation de Madame [V] en date du 24 novembre 2019. Il est justifié de ce que celle-ci était passagère du même navire ce jour-là ; cependant, il doit être noté que cette attestation a été réalisée de nombreux mois après l’accident, alors que Madame [V] aurait découvert fortuitement lors d’une conversation avec l’épouse de la victime que l’accident auquel elle avait assisté en janvier avait concerné Monsieur [X] [S]. Les liens qui se seraient ainsi noués postérieurement à l’accident entre la victime et l’attestante restent flous. Surtout, Madame [V] affirme avoir assisté à l’accident tout en ayant assisté à la manoeuvre de déclenchement du système d’inclinaison de la passerelle, alors même qu’il résulte des investigations réalisées par les gendarmes que l’action est commandée depuis le pont principal.

Monsieur [X] [S] fait état de ce que l’accident s’est déroulé en présence de nombreux passagers, sans avoir pour autant pu fournir de témoignages des faits, y compris de la part des membres de sa famille qui participaient au voyage.

Il résulte du procès-verbal de planche photographique élaboré par la gendarmerie maritime de [Localité 9] que l’accès n’était pas autorisé à l’emplacement sur lequel se trouvait la victime. La société ALGÉRIE FERRIES justifie par ailleurs de l’affichage des accès autorisés au garage du navire.

Le rapport circonstancié du commandant de bord, établi le lendemain des faits sur la base des informations transmises par les membres de l’équipage, fait état de ce qu’outre les annonces de sécurité faites en amont du débarquement des véhicules, Monsieur [X] [S] a été individuellement alerté par trois membres d’équipage du danger encouru quant à la position occupée dans le garage.

Ce rapport confirme le rapport circonstanciel du second capitaine en date du jour des faits, lequel précise que Monsieur [X] [S] a ignoré les consignes de sécurité qui lui ont été données par les matelots présents.

L’audition du commandant de bord par les gendarmes maritimes confirmera et précisera ces rapports, ainsi que les règles de sécurité mises en oeuvre dans le navire.

C’est d’ailleurs après avoir constaté le respect par la compagnie de ses obligations en matière de sécurité des passagers et l’imprudence du comportement de la victime que le Procureur de la République a été conduit à classer sans suite la plainte déposée par Monsieur [X] [S] des chefs de blessures involontaires par violation manifestement délibérée d’une obligation de sécurité ou de prudence, au motif que les preuves étaient insuffisantes à établir cette infraction pénale.

Si cette décision n’emporte pas nécessairement absence de faute civile, il doit être constaté que Monsieur [X] [S] défaille dans cette démonstration.

En conséquence, il sera débouté de l’intégralité de ses demandes.

Sur le recours subrogatoire de la CPAM

En l’état de l’absence de responsabilité de la société ALGÉRIE FERRIES, la CPAM du Puy-de-Dôme ne pourra exercer son recours du chef des débours exposés suite à l’accident.

Elle sera également déboutée de toutes ses demandes.

Sur les autres demandes
Monsieur [X] [S], qui succombe en ses prétentions, sera tenu aux dépens par application de l’article 696 du code de procédure civile, distraits au profit de son conseil Maître Léopold RENARD.

Il sera condamné à verser à la société ALGÉRIE FERRIES la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Il sera débouté de sa propre demande de ce chef, à l’instar de la CPAM du Puy-de-Dôme.

Enfin, il sera rappelé que par application de l’article 514 du code de procédure civile, la présente décision bénéficie de l’exécution provisoire de droit.

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL,

Statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire, en matière civile ordinaire, en premier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Déboute Monsieur [X] [S] de l’intégralité de ses demandes, y compris au titre des frais irrépétibles et dépens,

Déboute la CPAM du Puy-de-Dôme de l’intégralité de ses demandes, y compris au titre des frais irrépétibles et dépens,

Condamne Monsieur [X] [S] à payer à la société ALGÉRIE FERRIES la somme totale de 1.500 euros (mille cinq cent euros) au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne Monsieur [X] [S] aux entiers dépens d’instance, distraits au profit de Maître Léopold RENARD,

Rappelle que la présente décision bénéficie de l’exécution provisoire de droit.

AINSI JUGÉ ET PRONONCÉ PAR MISE À DISPOSITION AU GREFFE DE LA DEUXIÈME CHAMBRE DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE LE ONZE JUILLET DEUX MILLE VINGT-QUATRE.

LA GREFFIRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Marseille
Formation : 2ème chambre cab3
Numéro d'arrêt : 21/00975
Date de la décision : 11/07/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 22/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-11;21.00975 ?
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