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11/07/2024 | FRANCE | N°20/00123

France | France, Tribunal judiciaire de Marseille, 3ème chbre cab b4, 11 juillet 2024, 20/00123


TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

TROISIEME CHAMBRE CIVILE - SECTION B


JUGEMENT N°


Enrôlement : N° RG 20/00123 - N° Portalis DBW3-W-B7D-XDQS

AFFAIRE :

Mme [V] [R] (Me Aurélie SOPHIE)
C/
S.A.R.L. EF INTERNATIONAL (la SELARL RINGLE ROY & ASSOCIES)


Rapport oral préalablement fait


DÉBATS : A l'audience Publique du 16 Mai 2024


COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré

Président : Monsieur Alexandre BERBIEC, Juge

Greffier : Madame Sylvie PLAZA, lors des débats

A

l'issue de laquelle, la date du délibéré a été fixée au : 27 Juin 2024, puis prorogée au 11 Juillet 2024

Les parties ont été avisées que le prononcé ...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

TROISIEME CHAMBRE CIVILE - SECTION B

JUGEMENT N°

Enrôlement : N° RG 20/00123 - N° Portalis DBW3-W-B7D-XDQS

AFFAIRE :

Mme [V] [R] (Me Aurélie SOPHIE)
C/
S.A.R.L. EF INTERNATIONAL (la SELARL RINGLE ROY & ASSOCIES)

Rapport oral préalablement fait

DÉBATS : A l'audience Publique du 16 Mai 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré

Président : Monsieur Alexandre BERBIEC, Juge

Greffier : Madame Sylvie PLAZA, lors des débats

A l'issue de laquelle, la date du délibéré a été fixée au : 27 Juin 2024, puis prorogée au 11 Juillet 2024

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 11 Juillet 2024

PRONONCE en audience publique par mise à disposition au greffe le 11 Juillet 2024

Par Monsieur Alexandre BERBIEC, Juge

Assisté de Madame Sylvie PLAZA, Greffier

NATURE DU JUGEMENT

contradictoire et en premier ressort

NOM DES PARTIES

DEMANDERESSES

Madame [V] [R]
née le 10 Janvier 2000 à [Localité 5], de nationalité française
demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Aurélie SOPHIE, avocat au barreau de MARSEILLE

Madame [N] [S]
née le 27 Février 1971 à [Localité 3], de nationalité française
demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Aurélie SOPHIE, avocat au barreau de MARSEILLE

C O N T R E

DEFENDERESSE

La société EF INTERNATIONAL (S.A.R.L.)
Immatriculée au RCS de PARIS sous le N° 495 123 275
dont le siège social est sis [Adresse 2], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Ayant pour avocat postulant Maître Caroline RANIERI de la SELARL RINGLE ROY & ASSOCIES, avocats au barreau de MARSEILLE
Ayant pour avocat plaidant Maître Didier DALIN, membre de la société DALIN GIE PUYLAGARDE, barreau de PARIS

EXPOSE DU LITIGE :

La société EF INTERNATIONAL organise des séjours linguistiques à l’étranger pour l’apprentissage de langues.

Madame [V] [R] a réservé auprès d’EF INTERNATIONAL un séjour scolaire linguistique qui devait se dérouler du 17 septembre 2018 au 24 mai 2019 dans la ville de [Localité 6], aux Etats-Unis d'Amérique. Le contrat a été souscrit pour un montant de 18.485 €.

Madame [N] [S] est la mère de Madame [V] [R].

Le voyage et le séjour de Madame [V] [R] ont eu lieu pour la période prévue.

Toutefois, Madame [V] [R] et sa mère ont estimé que les conditions dans lesquelles ce voyage s'est déroulé ont été contraires, quant aux modalités, à ce qui avait été contractuellement stipulé. Elles ont sollicité auprès de la société à responsabilité limitée EF INTERNATIONAL un remboursement des sommes versées.

Par acte d’huissier en date du 20 décembre 2019, Madame [V] [R] et Madame [N] [S] ont assigné la société à responsabilité limitée EF INTERNATIONAL devant le Tribunal judiciaire de MARSEILLE, aux fins notamment de la voir condamner à leur rembourser la somme de 18.485 €, au titre des sommes versées pour le séjour linguistique.

Aux termes de leurs conclusions communiquées par le réseau privé virtuel des avocats le 26 décembre 2022, au visa des articles 1217, 1231 et suivants du code civil, R211-4, R211-6 et R211-9 du code du tourisme, Madame [V] [R] et Madame [N] [S] sollicite de voir :

- écarter des débats et déclarer irrecevables les pièces produites par EF INTERNATIONAL non traduites en français ;
- condamner la Société EF INTERNATIONAL au paiement de la somme de 18.485 € à titre de dommages et intérêts au bénéfice de Madame [S] et Mademoiselle [R], en remboursement des sommes payées pour le séjour linguistique ;
- condamner la société EF INTERNATIONAL au paiement de la somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts au bénéfice de Madame [N] [S], au titre de son préjudice moral ;
- condamner la Société EF INTERNATIONAL au paiement de la somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts au bénéfice de Mademoiselle [V] [R], au titre de son préjudice moral ;
- condamner la Société EF INTERNATIONAL au paiement de la somme de 456 € à titre de dommages et intérêts en remboursement des frais de traduction ;
- débouter la Société EF INTERNATIONAL de toutes demandes contraires ;
- condamner la Société EF INTERNATIONAL au paiement de la somme de 3.000 €, au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance ;
- ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir.

Au soutien de leurs prétentions, Madame [V] [R] et Madame [N] [S] affirment qu'il avait été contractuellement convenu que Madame [R] serait logée dans une famille d'accueil soigneusement sélectionnée aux Etats-Unis, avec son petit ami Monsieur [J] [Z].
Or, la demanderesse et Monsieur [Z] ont finalement été logés séparément ; la société à responsabilité limitée EF INTERNATIONAL a prétendu que la famille d'accueil proposant un hébergement mixte n'avait plus de place, mais sur place, Madame [V] [R] a finalement été logée avec des hommes (mais pas avec son petit ami Monsieur [J] [Z]) ; Madame [V] [R] a été logée dans un logement insalubre ; alors que la famille d'accueil devait jouer un rôle important auprès de Madame [R] pour son apprentissage de l'anglais, cette famille s'est révélée très peu présente ; Madame [R] a été hébergée en compagnie de quinze autres français, alors que l'objectif contractuel du séjour était l'immersion ; lorsque la demanderesse a sollicité un changement de lieu d'hébergement, il lui a été proposé une seconde famille d'accueil dont d'autres étudiants français attestent que celle-ci hébergeait également les étudiants dans des conditions insalubres ; la demanderesse a finalement du accepter un hébergement à [Localité 4], alors que le séjour aurait dû se dérouler à [Localité 6], selon le contrat.
La défenderesse a donc amplement violé ses obligations contractuelles.
Contrairement à ce qu'elle affirme, la défenderesse n'a consenti aucune réduction à la demanderesse : elle s'est bornée à augmenter le prix convenu, puis à pratiquer une remise sur l'augmentation.
Outre le remboursement de la totalité des sommes versées au regard des manquements de la défenderesse à ses engagements contractuels, les demanderesses ont, chacune, subi un préjudice moral : Madame [V] [R] en devant faire face, à dix-huit ans, à un logement insalubre, une famille d'accueil peu présente, des négociations avec un organisme taisant, son relogement, et le tout dans un pays étranger ; Madame [N] [S], sa mère, en devant alerter, depuis [Localité 5], la société à responsabilité limitée EF INTERNATIONAL sur la situation de sa fille, avec toute l'angoisse que cela a pu générer.

Aux termes de leurs conclusions communiquées par le réseau privé virtuel des avocats le 13 juin 2023, la société à responsabilité limitée EF INTERNATIONAL sollicite de voir :

- débouter les requérantes de toutes leurs demandes.

A titre infiniment subsidiaire :

- les ramener à de plus justes proportions ;

Et en tout état de cause :

- condamner in solidum Madame [S] et Mademoiselle [R] à verser à la société EF INTERNATIONAL la somme de 3 000 €, au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de ses prétentions, la société à responsabilité limitée EF INTERNATIONAL fait valoir que le séjour prévu au contrat est un séjour d'amélioration linguistique. Tel est le cas : à l'issue de son séjour, le niveau d'anglais de Madame [V] [R] est passé de la notation B1 à la notation C1. Mademoiselle [R], à l'issue du séjour, a évalué de manière très favorable sur lui, indiquant qu'elle le reconseillerait à un ami avec la valeur de 9/10. La demande d'être logée avec son petit ami n'est pas entrée dans le champ contractuel. Au surplus, la défenderesse avait trouvé une solution afin que la demanderesse puisse être logée avec son petit ami dans une autre famille d'accueil mais Madame [V] [R] l'a refusé au motif de la longueur du temps de trajet.
Madame [R] a été surclassée dans de très bonnes conditions sur le campus EF de [Localité 7], [Localité 6]. Elle a bénéficié d’un accès illimité et facile à toutes les installations d’un campus américain. Elle a terminé son séjour à [Localité 4], ce qui constitue une destination avantageuse. En réalité, les demanderesses sont procédurières et, après avoir bénéficié du séjour, elles cherchent à en obtenir le remboursement.
Subsidiairement, la défenderesse fait valoir que, le séjour ayant eu lieu, solliciter le remboursement de l'intégralité est excessif : le remboursement ne pourrait éventuellement porter que sur la prestation d'hébergement, soit 20 % du coût.

Dans un souci de lisibilité du jugement, les mentions du dispositif des conclusions demandant au tribunal de donner acte, constater, dire, dire et juger, rappeler qui ne s'analyseraient pas comme des demandes au sens de l'article 4 du code de procédure civile mais comme des moyens n'appelant pas de décision spécifique n'ont pas été rappelées dans l'exposé des demandes des parties.

Au-delà de ce qui a été repris pour les besoins de la discussion et faisant application en l'espèce des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, le Tribunal entend se référer pour l'exposé plus ample des moyens et prétentions des parties aux dernières de leurs écritures visées ci-dessus.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur les pièces en langue anglaise :

L'ordonnance du 25 août 1539 sur le fait de la justice (dite « ordonnance de [Localité 8] »), dont les articles 110 et 111 sont en vigueur continue depuis son édiction et jusqu'au jour du présent jugement, dispose en son article 111 que « (…) tous arrests, ensemble toutes autres procédures, soient de nos cours souveraines et autres subalternes et inférieures, soient de registres, enquestes, contrats, commissions, sentences testaments, et autres quelconques, actes et exploicts de justice, ou qui en dépendent, soient prononcés, enregistrés et délivrés aux parties en langage maternel françois et non autrement. »

Il est constant en jurisprudence que si l'ordonnance de [Localité 8] d'août 1539 ne vise que les actes de procédure, le juge est fondé, dans l'exercice de son pouvoir souverain, à écarter comme élément de preuve un document écrit en langue étrangère, faute de production d'une traduction en langue française (voir par exemple en ce sens C. cass., ch. soc., 10 février 2021, n°19-13.454).

En l'espèce, les pièces n°2 (Eval 3 report), n°3 (your study goal) et n°7 (échanges d'e-mels entre les parties) de la société à responsabilité limitée EF INTERNATIONAL sont produites en langue anglaise. Elles ne sont accompagnées d'aucune traduction en langue française.
Le juge français n'est ni tenu de lire en langue étrangère les pièces qui sont versées en procédure, ni d'en assurer lui-même la traduction.

Au surplus, la société à responsabilité limitée EF INTERNATIONAL est une association permettant à des Français d'apprendre la langue anglaise au moyen de séjour linguistiques en immersion. Son objectif est donc précisément l'acquisition du bilinguisme anglo-français, de sorte que la défenderesse n'explique pas en quoi elle aurait eu des difficultés à faire traduire en français des documents qu'elle détenait en anglais.

Par suite, il convient d'écarter des débats les pièces n°2 (Eval 3 report), n°3 (your study goal) et n°7 (échanges d'e-mels entre les parties) de la société à responsabilité limitée EF INTERNATIONAL.

Sur les parties au contrat :

En l'espèce, l'ensemble des parties s'accorde sur l'existence d'un contrat d'organisation de voyage linguistique aux Etats-Unis d'Amérique. Toutefois, il y a lieu de relever qu'aucun document formel prévoyant les obligations réciproques des parties n'est versé aux débats.

Seuls apparaissent donc avoir valeur de contrat les conditions générales, dont les parties ne contestent pas l'applicabilité, ainsi que des factures du 22 mars 2019 et 11 juillet 2018, récapitulant les prestations de la société à responsabilité limitée EF INTERNATIONAL, ainsi que les coûts correspondants.

Il apparaît que ces factures sont émises exclusivement au nom de Madame [V] [R].

Toutefois, la société à responsabilité limitée EF INTERNATIONAL ne conteste pas être contractuellement liée tant à Madame [V] [R] qu'à Madame [N] [S]. Les moyens en défense reposent exclusivement sur la bonne exécution du contrat par la défenderesse.

Il y a donc lieu de retenir que les deux demanderesses sont liées par contrat à la société à responsabilité limitée EF INTERNATIONAL, puisque celle-ci ne le conteste pas.

Sur le remboursement des sommes versées :

Madame [V] [R] et Madame [N] [S] allèguent plusieurs manquements de la société à responsabilité limitée EF INTERNATIONAL à ses obligations contractuelles.

D'abord, l'absence de logement en commun de Madame [V] [R] et son petit ami Monsieur [J] [Z].

Dans le cadre de la conclusion dudit contrat, Madame [V] [R] et Madame [N] [S] ont effectivement exprimé expressément leur volonté que Madame [V] [R] et Monsieur [J] [H] puissent être hébergés dans la même famille d’accueil, comme le témoigne un mail adressé par Madame [N] [S] à un employé de la société EF INTERNATIONAL, en date du 15 décembre 2017.
Il a été relevé plus haut qu'aucun document n'a formalisé le contrat unissant les parties, sinon des factures. Toutefois, la société à responsabilité limitée EF INTERNATIONAL, par mél du 15 décembre 2015, a indiqué : « je vous confirme que votre fille [V] sera en famille d'accueil et sous réserve d'acceptation de l'école de [Localité 6], elle pourra être logée avec son ami [J] [H] ».
Contrairement à ce qu'affirme la défenderesse, il convient donc de retenir que cette exigence est entrée dans le champ contractuel par l'accord de volonté entre les parties.

Comme il ressort néanmoins de la réponse de la société à responsabilité limitée EF INTERNATIONAL, celle-ci a émis une réserve à l’accomplissement de cette condition, précisant que Madame [V] [R] pourra être logée avec son ami [J] [Z] « sous réserve d’acceptation de l’école de [Localité 6] ».
L'obligation contractuelle de la défenderesse de faire héberger Madame [V] [R] aux Etats-Unis avec son petit ami a donc été stipulée, sous condition au sens de l'article 1304 du code civil.

Les demanderesses n’ont pas mis fin à la conclusion du contrat et n'ont pas refusé cette condition.

Or, il est constant que la société défenderesse a informé quelques jours avant leur départ les intéressées de la survenance de la réserve, à savoir de l’absence d’acceptation de l’école et l’impossibilité d’une telle cohabitation.

Aussi, l'absence d'hébergement en commun avec Monsieur [J] [H] ne saurait être considérée comme un manquement de la défenderesse à son obligation contractuelle : l'obligation était conditionnelle, sous condition suspensive, et la condition a défailli.

L'acceptation ou le refus par Madame [V] [R] de solutions alternatives pour le logement commun avec Monsieur [H] est sans incidence : il n'a pas été convenu entre les parties que la société à responsabilité limitée EF INTERNATIONAL s'engageait à proposer diverses solutions d'hébergement, mais uniquement que Madame [R] serait logée avec son petit ami sous réserve de l'acceptation de l'école de [Localité 6]. L'école new-yorkaise ayant refusé cet hébergement, la société à responsabilité limitée EF INTERNATIONAL n'était tenue à aucune obligation supplémentaire.

Les demanderesses font aussi valoir que la défenderesse a manqué à son obligation de les informer avec célérité d'un changement. Elles invoquent l'article R211-9 du code du tourisme.

Ce texte dispose : « lorsque, avant le départ du voyageur, l'organisateur ou le détaillant se trouve contraint d'apporter une modification à l'un des éléments essentiels du contrat, s'il ne peut pas satisfaire aux exigences particulières mentionnées au 1° de l'article R. 211-6 (…), il informe le voyageur dans les meilleurs délais (…) ».

En l'espèce, la société à responsabilité limitée EF INTERNATIONAL a informé Madame [S] cinq jours avant le départ du refus de l'école new-yorkaise de l'hébergement en commun de Madame [R] et de Monsieur [H].
Cette information est, matériellement et factuellement, tardive. Il incombe donc à la société à responsabilité limitée EF INTERNATIONAL, débitrice de l'obligation d'information « dans les meilleurs délais », de rapporter la preuve qu'il lui était matériellement impossible d'informer avant les demanderesses du refus de l'école new-yorkaise. Or, la défenderesse ne verse aux débats aucun élément de preuve quant à la date du refus par l'école de [Localité 6].

Il y a donc manquement de la part de la société à responsabilité limitée EF INTERNATIONAL à son obligation, non pas d'hébergement en commun de Madame [R] et Monsieur [H] (la défenderesse en a été déliée par la non réalisation de la condition suspensive), mais à son obligation de célérité quant à l'information de sa cocontractante sur un changement concernant un exigence particulière formée à l'avance par sa cliente, Madame [V] [R].

Ensuite, les demanderesses font état de ce que Madame [V] [R] a été hébergée dans un logement insalubre. Elles se prévalent d'une brochure publicitaire (pièce n°15 en demande) évoquant des familles « soigneusement sélectionnées ». Toutefois, les demanderesses n'indiquent pas à quel titre ce document publicitaire, non signé par les parties, serait entré dans le champ contractuel.

Mais en tout état de cause, la société à responsabilité limitée EF INTERNATIONAL s'étant engagée à organiser l'hébergement de Madame [V] [R] aux Etats-Unis, il est dans la nature même de cette obligation contractuelle que cet hébergement se fasse dans des conditions décentes. Or, il ressort des pièces produites, notamment des photographies prises de l’hébergement dans lequel Madame [V] [R] a été affectée, que le logement était sale et vétuste et n’assurait pas de garanties d’hygiènes suffisantes, ce qui constitue un manquement par la société défenderesse à son obligation contractuelle d’hébergement. En outre, si la société défenderesse a assuré l’accueil provisoire de la demanderesse dans son campus à titre gratuit, c’est à juste titre que les demanderesses affirment que la société EF INTERNATIONAL n’a proposé aucune alternative satisfaisante pour garantir l’hébergement de Madame [V] [R]. En effet, il ressort des éléments produits aux débats qu’un seul autre hébergement a de manière certaine été proposé à la demanderesse et que celui-ci ne satisfaisait pas non plus aux conditions d’hygiène attendues, comme le démontre une attestation d’un précédent étudiant hébergé dans les lieux.

Toutefois, contrairement à ce que soutiennent les demanderesses, aucun élément ne permet de démontrer que la famille d’accueil initiale ne partageait rien avec ses étudiants et aucun manquement contractuel fondé sur l’absence d’immersion dans les coutumes locales ne peut dès lors être établi.

Contrairement à ce que soutient la défenderesse, l’évaluation finale ne suffit pas à démontrer la satisfaction des prestations par Madame [V] [R], aucun barème quant aux notes n’étant précisé, et n’enlève en tout état de cause rien à l’existence du manquement contractuel.

La société EF INTERNATIONAL a donc manqué à son obligation d’hébergement.

Si Madame [V] [R] et Madame [N] [S] demandent le remboursement de l’intégralité du séjour linguistique, c’est à juste titre que la société défenderesse affirme que Madame [V] [R] est toutefois restée pendant l’intégralité du séjour et a décidé de son plein gré de partir finir son séjour linguistique à [Localité 4], celle-ci s’étant d’ailleurs déjà renseigné sur la possibilité de changer de destination en cours de séjour dans un mail de 2017. Ainsi, elle a pu bénéficier d’une grande partie des services proposés par la société défenderesse et ne pourrait solliciter le remboursement intégral d’un contrat qui a été partiellement exécuté.

La société défenderesse a manqué à ses obligations de célérité quant à l'information sur les changements dans l'exécution du contrat et, surtout, à son obligation d’hébergement.

Le remboursement de la partie de la facture correspondant à l’hébergement apparaît justifié par ce manquement. Madame [V] [R] et Madame [N] [S] ont par ailleurs dû engager des frais imprévus en raison de ce manquement, la société EF INTERNATIONAL ayant effectivement augmenté la facture initiale en ajoutant les frais de séjour sur le campus universitaire de [Localité 6] alors qu’elles n’auraient pas dû supporter de tels coûts, si l’hébergement en famille d’accueil avait été assuré.

A l'inverse, rien n’imposait à Madame [V] [R] de se déplacer à [Localité 4] et aucune raison ne justifie qu’un tel choix personnel soit supporté par la société défenderesse.
 
Par conséquent, la société défenderesse ayant manqué à son obligation d’hébergement lors du séjour de Madame [V] [R] à [Localité 6], seuls les frais d’hébergement lors de son séjour effectif à [Localité 6] seront remboursés parmi les 18.485 euros initialement déboursés. La société défenderesse soutient que cela représente 20 % de la somme totale : elle n’apporte aucun élément au soutien de ses dires. A l’inverse, l’article 3 des conditions stipule que le prix du séjour est composé à 60 % des frais de séjour dont les frais d’hébergement. A défaut d’informations complémentaires, Madame [V] [R] et Madame [N] [S] seront donc remboursés à hauteur de 60 % des frais déboursés pour le séjour à [Localité 6], soit 60 % de 14.525 euros déboursés pour le séjour à [Localité 6], selon la facture en date du 22 mars 2019.

En outre, c’est à juste titre que les demanderesses soutiennent avoir déboursé 2.280 euros en plus pour l’hébergement dans le campus de [Localité 6], somme qui n’a été remboursée qu’à hauteur de 1.097,94 euros par la société défenderesse. Cette somme ayant été subie en raison du manquement de la société défenderesse à son obligation d’hébergement, elle sera dès lors intégralement remboursée par la société défenderesse sans qu’il soit tenue compte des bonnes conditions d’hébergement dans le campus ou de l’absence de frais de transport en découlant.

Enfin, si la société EF INTERNATIONAL soutient avoir déjà dédommagé les demanderesses à hauteur de 1.401 euros lors de la facture initiale et à hauteur de 50 % des frais de séjour à [Localité 4], ces dédommagements n’ont pas d’incidence sur la présente procédure dans la mesure où la remise de 1.401 euros est antérieure à la survenance du manquement et est donc sans lien avec celui-ci et que le dédommagement de 50 % est un geste commercial qui n’incombait pas nécessairement à la société défenderesse et n’offre pas droit à répétition.
 
Par conséquent, la société EF INTERNATIONAL sera condamnée à payer à Madame [V] [R] et à Madame [N] [S] la somme de 9.897, 06 €.

Sur les préjudices moraux :

Les manquements contractuels de la défenderesse ont nécessairement perturbé le séjour linguistique de Madame [V] [R] qui a dû changer d’hébergement en cours de séjour, a dû se constituer des preuves pour démontrer le manquement contractuel et a été contrainte d’échanger fréquemment avec le personnel de la société défenderesse pour tenter de résoudre la situation. C’est ainsi? à juste titre? que la demanderesse soutient que le manquement contractuel de la SARL EF INTERNATIONAL l’a empêché de bénéficier sereinement des enseignements et de profiter de son séjour linguistique. En outre, elle a effectivement dû faire face seule à ces difficultés à plusieurs milliers de kilomètres de son domicile. Ces éléments lui causent ainsi un préjudice moral qui est engendré de manière directe et certaine par le manquement contractuel de la société défenderesse.
 
Ainsi, la SARL EF INTERNATIONAL sera condamnée à verser la somme de 2.000 euros à Madame [V] [R], en réparation de son préjudice moral.

De même, Madame [N] [S] a dû envoyer de nombreux mails et contacter à de multiples reprises le personnel de la société pendant toute la durée du séjour pour les alerter de la gravité de situation que subissait sa fille et tenter de trouver une solution. Elle a ainsi été particulièrement inquiète pour sa fille qui n’avait pas d’hébergement et ce, à plusieurs milliers de kilomètres de là où se trouvait sa fille. Ces éléments lui causent ainsi un préjudice moral qui est engendré de manière directe et certaine par le manquement contractuel de la société défenderesse.
 
Ainsi, la SARL EF INTERNATIONAL sera condamnée à verser la somme de 2.000 euros à Madame [N] [S] en réparation de son préjudice moral.

Sur les frais de traduction :

Au titre de l'article 12 du code de procédure civile, il incombe au juge de restituer aux prétentions des parties leur exacte qualification.

La prétention au titre des frais de traduction, en ce qu'elle concerne des sommes exposées par les demanderesses pour la présente instance sans qu'elles ne soient prévues par l'article 695 du code de procédure civile, s'analyse en réalité comme une demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Les demanderesses forment donc une demande globale au titre de l'article 700 à hauteur de 3.456 €.

S'agissant de la partie de cette demande liée aux frais de traduction, il y sera fait droit à hauteur de 456 €.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

Il y a lieu de condamner la société à responsabilité limitée EF INTERNATIONAL, qui succombe aux demandes de Madame [V] [R] et Madame [N] [S], aux entiers dépens.

Il y a lieu de condamner la société à responsabilité limitée EF INTERNATIONAL à verser à Madame [V] [R] et Madame [N] [S] ensembles la somme de 3.456 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, comprenant les frais de traduction exposé par les demanderesses.

Sur l’exécution provisoire :

L'article 515 du code de procédure civile, applicable aux instances introduites avant le 1er janvier 2020, disposait qu' « hors les cas où elle est de droit, l'exécution provisoire peut être ordonnée, à la demande des parties ou d'office, chaque fois que le juge l'estime nécessaire et compatible avec la nature de l'affaire, à condition qu'elle ne soit pas interdite par la loi. Elle peut être ordonnée pour tout ou partie de la condamnation. »

En l'espèce, l'exécution provisoire, qui n'est pas interdite par la loi et est compatible avec la nature de l'affaire, est rendue nécessaire par l'ancienneté de la créance.

PAR CES MOTIFS :

Le Tribunal, statuant publiquement par mise à disposition de la décision au greffe après débats en audience publique, par jugement contradictoire, rendu en premier ressort :

ECARTE des débats les pièces n°2 (Eval 3 report), n°3 (your study goal) et n°7 (échanges d'e-mels entre les parties) de la société à responsabilité limitée EF INTERNATIONAL ;

CONDAMNE la société à responsabilité limitée EF INTERNATIONAL à verser à Madame [V] [R] et Madame [N] [S] ensembles la somme de neuf mille huit cent quatre-vingt-dix sept euros et six centimes (9.897,06 €) à titre de dommages-et-intérêts au titre des inexécutions partielles par la société à responsabilité limitée EF INTERNATIONAL de ses obligations contractuelles ;

CONDAMNE la société à responsabilité limitée EF INTERNATIONAL à verser à Madame [V] [R] et Madame [N] [S] la somme de deux mille euros (2.000 €) chacune au titre de leurs préjudices moraux ;

CONDAMNE la société à responsabilité limitée EF INTERNATIONAL aux entiers dépens ;

CONDAMNE la société à responsabilité limitée EF INTERNATIONAL à verser à Madame [V] [R] et Madame [N] [S] ensembles la somme de trois mille quatre cent cinquante-six euros (3.456 €) au titre de l’article 700 du code de procédure civile, en ce compris les frais de traduction exposés par les demanderesses en raison de la présente procédure ;

ORDONNE l'exécution provisoire de la présente décision ;

REJETTE les prétentions pour le surplus ;

Ainsi jugé et prononcé les jour, mois et an susdits.

LA GREFFIERE LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Marseille
Formation : 3ème chbre cab b4
Numéro d'arrêt : 20/00123
Date de la décision : 11/07/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 21/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-11;20.00123 ?
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