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11/07/2024 | FRANCE | N°19/13855

France | France, Tribunal judiciaire de Marseille, 3ème chbre cab b4, 11 juillet 2024, 19/13855


TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

TROISIEME CHAMBRE CIVILE - SECTION B


JUGEMENT N°


Enrôlement : N° RG 19/13855 - N° Portalis DBW3-W-B7D-XCSE

AFFAIRE :

M. [Y] [G] (Me Alain CHETRIT)
C/
Mme [X] [Z] (la SELARL CARINE NAHON)


Rapport oral préalablement fait


DÉBATS : A l'audience Publique du 18 Avril 2024


COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré

Président : Monsieur Alexandre BERBIEC, Juge

Greffier : Madame Sylvie PLAZA, lors des débats

A l'issue de laquelle, la

date du délibéré a été fixée au : 20 Juin 2024, puis prorogée au 04 Juillet 2024, puis prorogée au 11 Juillet 2024

Les parties ont été avisées que l...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

TROISIEME CHAMBRE CIVILE - SECTION B

JUGEMENT N°

Enrôlement : N° RG 19/13855 - N° Portalis DBW3-W-B7D-XCSE

AFFAIRE :

M. [Y] [G] (Me Alain CHETRIT)
C/
Mme [X] [Z] (la SELARL CARINE NAHON)

Rapport oral préalablement fait

DÉBATS : A l'audience Publique du 18 Avril 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré

Président : Monsieur Alexandre BERBIEC, Juge

Greffier : Madame Sylvie PLAZA, lors des débats

A l'issue de laquelle, la date du délibéré a été fixée au : 20 Juin 2024, puis prorogée au 04 Juillet 2024, puis prorogée au 11 Juillet 2024

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 11 Juillet 2024

PRONONCE en audience publique par mise à disposition au greffe le 11 Juillet 2024

Par Monsieur Alexandre BERBIEC, Juge

Assisté de Madame Sylvie PLAZA, Greffier

NATURE DU JUGEMENT

contradictoire et en premier ressort

NOM DES PARTIES

DEMANDEUR

Monsieur [Y] [G], commerçant
né le 24 Décembre 1967 à [Localité 2] (RÉPUBLIQUE POPULAIRE DE CHINE), de nationalité chinoise
demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Alain CHETRIT, avocat au barreau de MARSEILLE

C O N T R E

DEFENDERESSE

Madame [X] [Z]
née le 19 Novembre 1981 à [Localité 3], de nationalité française
demeurant [Adresse 4]

représentée par Maître Carine NAHON de la SELARL CARINE NAHON, avocats au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

EXPOSE DU LITIGE :

Monsieur [Y] [G] est propriétaire d'un local sis [Adresse 4].

Le 6 mai 2016, Madame [X] [Z] et Monsieur [Y] [G] ont souscrit sur ce local un contrat de bail commercial d’une durée de neuf ans, expirant le 6 mai 2025.

Le loyer a été convenu au prix mensuel et principal de 400 €, hors charges et hors impôt foncier (forfaitisé à 1.000 € par an), le tout payable d’avance.

Le 20 février 2019, Monsieur [Y] [G] a fait délivrer à Madame [X] [Z] un commandement par acte d'huissier visant la clause résolutoire insérée au bail, pour les somme de :

- loyer impayés avril 2018 à janvier 2019 : 4.000 € ;
- charges eau et électricité : 800 € ;
- taxe foncière 2017 et 2018 : 2.000 € ;
- pénalité légale 10 % : 680 €.

Une procédure en référé a été initiée par Monsieur [Y] [G] tendant à la résiliation du bail et la condamnation aux arriérés. Par ordonnance du 17 juillet 2019, le juge des référés du Tribunal judiciaire de MARSEILLE a renvoyé les parties à mieux se pourvoir devant la juridiction du fond.

Par acte d’huissier en date du 16 décembre 2019, Monsieur [Y] [G] a assigné Madame [X] [Z] devant le Tribunal judiciaire de MARSEILLE, aux fins notamment de voir constater la résiliation du bail commercial entre les parties.

Cette procédure a été enregistrée sous le numéro de rôle RG 19/13855.

La même assignation a également été transmise une seconde fois au Tribunal judiciaire de MARSEILLE et a été enregistrée comme procédure distincte sous le numéro de rôle RG 20/1517.

Par ordonnance du juge de la mise en l'état du 22 octobre 2020, la procédure RG 20/1517 a été jointe à la procédure RG 19/13855.

Aux termes de ses conclusions communiquées par le réseau privé virtuel des avocats le 30 janvier 2024, au visa des articles L.145-41 du code de commerce, 1343-5 du code civil et 700 du code de procédure civile, Madame [X] [Z] sollicite de voir :

A titre principal :

- dire et juger la clause résolutoire sans effet ;
- dire et juger ne pas y avoir lieu à l’expulsion de Madame [Z] du local sis [Adresse 4] ;
- dire et juger qu’aucune indemnité d’occupation ne sera mise à la charge de Madame [Z] ;
- débouter Monsieur [G] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

Ou subsidiairement, de :

- ordonner l’octroi de délais de paiement au bénéfice de Madame [X] [Z] sans que ceux-là ne soient inférieurs à un an ;
- suspendre les effets de la clause résolutoire insérée au sein du bail commercial souscrit le 6 mai 2016 ;
- dire et juger que la clause résolutoire sera dépourvue d’effets à la condition que le preneur se libère de ses obligations dans les conditions fixées au sein du jugement à intervenir ;

Et en tout état de cause :

- condamner Monsieur [G] à verser à Madame [Z] une somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
- condamner Monsieur [G] aux entiers dépens.

Au soutien de ses prétentions, Madame [X] [Z] affirme qu'elle a réglé les loyers commerciaux jusqu'au mois de mars 2018 inclus. Avant l'entrée en vigueur du bail, elle a réalisé dans les lieux des travaux de réfection d'importance pour un montant de 1.975,61 €. Il était convenu entre les parties que cette somme vaudrait dispense équivalente de payer les loyers, ce que le demandeur cache.
Par ailleurs, la défenderesse a exposé 2.400 € de travaux dans le bien, ce qui couvre les mensualités de janvier à juin 2018. Les loyers de juillet et août 2018 ont été réglés en espèces, mais le demandeur a refusé de délivrer les quittances de loyer. Enfin, jusqu'en décembre 2018, la défenderesse a payé par virements.
Plus largement, pour les années 2019 à 2022, la défenderesse s'est acquittée de l'ensemble de ses obligations financières. En 2023, elle s'est abstenue de régler les trois derniers mois de l'année. Toutefois, c'est en raison d'un sinistre non pris en charge par le bailleur que la locataire a été empêchée d'exercer son activité, de sorte que c'est à bon droit que ces loyers n'ont pas été payés.

S'agissant des prétentions du demandeur sur la taxe foncière, celle-ci ne peut être mise à la charge du locataire que s'il y a contractuellement consenti. Tel n'est pas le cas dans le contrat entre les parties. A défaut, au titre du code de commerce, cette taxe est à la charge du bailleur. La seule observation «  Tax foncière 1000 e par ans » dans la catégorie « divers ou obligations » du bail ne permet pas de faire peser sur Madame [X] [Z] la charge du règlement de cette taxe.

Aussi, Madame [X] [Z] n'a pas manqué à ses obligations et il n'y a lieu, ni à résiliation du bail, ni à expulsion de la défenderesse. Toutefois, si subsidiairement le Tribunal venait à retenir que la défenderesse ne s'est pas acquittée de ses obligations, il est sollicité, sur le fondement des articles L.145-41 du code de commerce et 1343-5 du Code civil, la suspension de la réalisation et des effets de la clause de résiliation, ainsi que l’octroi de délais de paiement.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 1er février 2024.

Aux termes de ses conclusions communiquées par le réseau privé virtuel des avocats le 1er février 2024, au visa des articles 1103 et suivants du code civil, 1353 du même code et L145-41 du code de commerce, Monsieur [Y] [G] sollicite de voir :

- constater la résiliation du bail commercial liant les parties ;
- ordonner en conséquence l’expulsion de Mme [Z] [X] et de tous occupants de son chef, du local commercial situé à [Adresse 4] ;
- condamner Mme [Z] [X] :
* au paiement de la somme actualisée de 13.800 €, correspondant aux loyers impayés jusqu’au 1er février 2024, somme à parfaire ;
* au paiement d’une indemnité d’occupation égale à deux fois le montant du loyer trimestriel, charges en sus, soit la somme mensuelle de 800 €, jusqu’à la libération effective des lieux ;
* au paiement de la somme de 2.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance, en ce compris le coût du commandement de payer en date du 20 février 2019 ;
- dire et juger que dans l’hypothèse où, à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées dans le jugement, l’exécution forcée devait être réalisée par l’intermédiaire d’un Huissier de Justice, le montant des sommes retenues par l’huissier, par application de l’article 10 du décret du 8 mars 2001 portant modification du décret du 12 décembre 1996 n° 96/1080 (tarif des huissiers), devra être supporté par les débiteurs en sus de l’application de l’article 700 du code de procédure civile ;
- ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir.

Au soutien de ses prétentions, Monsieur [Y] [G] fait valoir qu'au titre de l'article 1353 du code civil, c'est à la défenderesse, qui allègue avoir réglé les loyers litigieux, de le démontrer : le demandeur, quant à lui, produit un décompte dont il résulte que 13.800 € d'arriérés restent dus.
Les prétendus travaux réalisés avant la date de prise d'effet du bail ne sont pas démontrés, pas davantage que l'accord du bailleur pour que des sommes quelconques viennent en déduction des loyers.

Le demandeur opère le récapitulatif des paiements allégués par la défenderesse, lesquels ont soit été pris en compte, ou ne sont en réalité pas établis.

L'impôt foncier est à la charge du preneur et a été forfaitisé à la somme de 1.000 € par an entre les parties. La défenderesse est donc tenue à la somme de 7.000 € pour les années 2017 à 2023.

Au regard des arriérés, la clause résolutoire est acquise et l'expulsion sera ordonnée.

Le sinistre de dégât des eaux allégué n'est pas justifié, sinon par un procès-verbal dressé à la demande de l'association [6], alors que le bail commercial a été consenti pour une activité de restauration. Le bailleur n'a jamais consenti de cession du bail au bénéfice d'une association d'aide aux jeunes femmes seules. Le devis de remise en état de l'installation électrique est quant à lui dressé au nom de l'association [5], qui n'est pas non plus la locataire commerciale de Monsieur [Y] [G].
L'expertise versée aux débats, à laquelle Monsieur [Y] [G] est convoqué à la mauvaise adresse, mentionne que « l’ASSOCIATION [6] est locataire d’un local professionnel situé dans un immeuble locatif au [Adresse 4] », alors que cette association n'est titulaire d'aucun bail.

A l'audience du 18 avril 2024, les parties, représentées par leurs avocats, se sont accordées pour que toutes leurs dernières conclusions, qu'elles aient été notifiées peu de temps après la clôture annoncée, ou après l'ordonnance de clôture, soient admises aux débats. Il en a été pris acte à la note d'audience tenue par le Greffe.

Dans un souci de lisibilité du jugement, les mentions du dispositif des conclusions demandant au tribunal de donner acte, constater, dire, dire et juger, rappeler qui ne s'analyseraient pas comme des demandes au sens de l'article 4 du code de procédure civile mais comme des moyens n'appelant pas de décision spécifique n'ont pas été rappelées dans l'exposé des demandes des parties.

Au-delà de ce qui a été repris pour les besoins de la discussion et faisant application en l'espèce des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, le Tribunal entend se référer pour l'exposé plus ample des moyens et prétentions des parties aux dernières de leurs écritures visées ci-dessus.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur l'admission aux débats des conclusions tardives :

En l'espèce, les parties se sont accordées pour l'admission aux débats de leurs dernières conclusions, telles que reprises plus haut.

La nécessité de respecter le débat contradictoire entre les parties, ainsi que leur accord pour l'admission aux débats des dernières conclusions, étant relevé que les deux parties ont conclu tardivement (deux jours après l'ordonnance de clôture, puis le jour même de cette ordonnance), constituent des motifs grave justifiant la révocation de l'ordonnance de clôture à la date, l'admission aux débats des dernières conclusions des parties ainsi que la clôture de la mise en l'état à la date de l'audience du 18 avril 2024.

Sur les arriérés locatifs :

Les parties sont en désaccord sur les sommes réglées par Madame [X] [Z]. Au titre de l'article 1353 du code civil, c'est sur elle que repose la charge de la preuve.
Il y a lieu de rappeler que le paiement constitue un fait juridique, lequel est susceptible d'une preuve par tout moyen. L'aveu du créancier quant à l'absence de dette constitue une preuve valable.

Concernant les années 2016 et 2017, la défenderesse fait valoir à juste titre que, par courrier du conseil de Monsieur [Y] [G] du 21 janvier 2019, il est indiqué que la défenderesse ne règle plus ses loyers « depuis le mois d'avril 2018 ». A la date du courrier du 21 janvier 2019, le demandeur réclame 4.000 €, « soit 10 mois de location ».

Monsieur [Y] [G] ne peut donc pas valablement prétendre a posteriori que Madame [X] [Z] n'a pas réglé certains loyers en 2016 et 2017, alors qu'il a reconnu par courrier de janvier 2019 qu'à cette date, seuls demeuraient à régler dix mois de loyers, correspondant à l'année 2018.

Au surplus, alors que le demandeur prétend avoir intégré à ses décomptes les preuves de paiement de Madame [X] [Z], et indique néanmoins, dans ces mêmes décomptes, des impayés notamment pour les mois d'octobre et décembre 2016, Madame [X] [Z] verse aux débats, concernant l'année 2016, des quittances signées de la main même de Monsieur [Y] [G] pour les mois d'octobre et décembre 2016.
Monsieur [Y] [G] n'allègue pas que ces documents, signés de sa main, seraient des faux.
Au surplus, d'ailleurs, le demandeur indique dans son décompte, au mois de novembre 2017, un solde global de la dette locative à hauteur de 400 €, c'est-à-dire le montant d'une mensualité.

En tout état de cause, le demandeur ne saurait donc valablement réclamer aucun arriéré à la défenderesse au titre des années 2016 et 2017, puisqu'il ressort de son propre décompte et des déclarations de son propre avocat que ces années ont été réglées.

Au titre de l'année 2018, la défenderesse fait valoir qu'elle a réalisé 2.400 € de travaux, lesquels auraient fait l'objet d'un accord avec Monsieur [Y] [G] pour imputation sur les loyers dus.
Cet accord n'est pas prouvé par Madame [X] [Z], qui a la charge de la preuve. Or, pour les mois de janvier à juin 2018, la défenderesse se borne à considérer que les 2.400 € de travaux doivent venir en déduction. Il sera donc retenu que la défenderesse ne prouve pas le paiement des loyers de janvier à juin 2018.

Le conseil de Monsieur [Y] [G] a admis implicitement dans le courrier du 21 janvier 2019 que les mois de janvier à mars 2018 ont été payés, puisqu'il indique que le loyer n'est plus réglé « depuis avril ». Madame [X] [Z] est donc redevable des mois d'avril à juin 2018.

Concernant les mois de juillet et août 2018, la demanderesse affirme les avoir payés, mais ne verse aucune preuve aux débats.

Concernant les mois de septembre et octobre 2018, la défenderesse produit aux débats un relevé de compte indiquant des chèques : rien ne vient attester du bénéficiaire de ces chèques.

Concernant les mois de novembre et décembre 2018, la défenderesse prouve avoir fait des virements à « [N] [M] ». Monsieur [Y] [G], dans ses conclusions, ne conteste pas que les deux virements litigieux lui aient été adressés et il reconnaît les avoir reçus. Toutefois, le demandeur indique que ces virements ont été « affectés » aux mois de novembre et décembre 2017. Comme indiqué plus haut, aucune somme n'était due pour les années 2016 et 2017 : il n'y a donc pas lieu à imputation sur l'année 2017. Les virements litigieux de 300 et 400 € des 8 et 15 décembre 2018 seront donc imputés aux premiers loyers impayés, soit avril et mai 2018. Le mois d'avril 2018 est donc réglé et le mois de mai 2018 demeure débiteur à hauteur de 100 €.

A ce stade de la décision, demeurent donc impayés :
- mai 2018 : 100 €
- juin à décembre 2018 : impayés en intégralités, les virements de décembre 2018 étant affectés au solde débiteur des mois d'avril et mai 2018.

La dette locative était donc à cette date de 2.900 €.

Concernant l'année 2019, Madame [X] [Z] verse aux débats des photographies de chèques pour les mois de janvier à février 2019. Monsieur [Y] [G] conteste que ces chèques aient été encaissés à son bénéfice. La défenderesse ne le démontre pas. Ces photographies sont donc dépourvues de force probante. Le paiement des mois de janvier et février 2019 n'est pas démontré.

Monsieur [Y] [G] reconnaît les virements de mars à juin 2019 opérés par Madame [X] [Z]. Les règles d'imputation importent peu à ce stade : il sera, temporairement, retenu que les mois de mars à juin 2019 ont été payés.

Le paiement du mois de juillet 2019 n'est pas justifié.

Le virement de 300 € d'août 2019, justifié par un simple texto reçu par Madame [X] [Z], n'est pas contesté par Monsieur [Y] [G] : il en sera tenu compte, le mois d'août 2019 est donc débiteur de la somme de 100 €.

Au surplus, Madame [X] [Z] justifie des virements suivants :
- 600 € le 2 septembre 2019 vers « [N] [M] » (dont il n'est pas contesté par Monsieur [Y] [G] qu'il s'agit d'un compte dont il bénéficie) ;
- 650 € le 8 novembre 2019 vers « [N] [M] »
- 400 € le 16 décembre 2019 vers « [N] [M] »

La défenderesse indique également qu'un virement du 7 octobre 2019 de 450 € aurait été adressé à Monsieur [Y] [G], mais le nom du bénéficiaire n'apparaît pas sur le document produit.

Le paiement total de la somme de 1650 € pour la période de septembre à décembre 2019 (sommes dues sur la même période : 1.600 €) couvre donc non seulement ces mensualités, mais permet au surplus une imputation sur les mois antérieurs.

Il convient donc de récapituler. Les mois incontestablement réglés en 2019 sont les mois de mars à juin, ainsi que de septembre à décembre. Janvier, février et juillet n'ont pas été payés, et août n'a été payé que partiellement, laissant un solde à hauteur de 100 €. Soit, pour janvier, février, juillet et août 2019, un solde débiteur de 1300 €. Néanmoins, entre septembre et décembre 2019, Madame [X] [Z] a réglé les sommes de 1650 €, alors que ses mensualités s'élevaient à 1.600 €. Un solde créancier de 50 € doit donc s'imputer sur le solde débiteur.

Au titre de l'année 2019, Madame [X] [Z] est donc demeurée débitrice de la somme de 1.250 €. La dette de 2018 était de 2.900 €. Au 31 décembre 2019, le solde, au regard des preuves respectives des parties, doit être établi à hauteur de 4.150 €, au débit de Madame [X] [Z].

Concernant l'année 2020, Monsieur [Y] [G] ne conteste pas les paiements entre janvier et août 2020. Son décompte ne mentionne toutefois pas de paiement en avril 2020, mais la défenderesse en rapporte la preuve, par un virement de 400 €. Ces paiements intégraux des loyers sont donc établis sur cette période.

La défenderesse prétend justifier des paiements des autres mois de l'année, mais les versements qu'elle indique ont été faits en 2021. Les parties, sur ce point, procèdent à des imputations de paiement sur les sommes les plus anciennes : le Tribunal retiendra, au moins à titre temporaire, les paiements mois à mois afin de déterminer les impayés pour chaque année. Les règles d'imputation des paiements sont en effet sans importance pour la détermination de l'arriéré global à la date de l'année 2024, date à laquelle le Tribunal statue.

Dès lors, les mois de septembre à décembre 2020 n'ont pas été réglés, du moins au cours de l'année 2020. La somme de 1.600 € n'a donc pas été réglée en 2020. Au 31 décembre 2020, la dette locative était donc de 5.750 €.

Concernant l'année 2021, la défenderesse verse aux débats la preuve de versements à hauteur de 4350 €. Sur la même période, 4800 € de loyers ont été exigibles. L'arriéré locatif a donc été de 450 €.
Au 31 décembre 2021, l'arriéré était donc de 6.200 €.

Concernant l'année 2022, la défenderesse verse aux débats la preuve de versements à hauteur de 5.600 €. Il n'y a donc eu aucun arriéré en 2022 et, au contraire, un apurement du solde antérieur, puisque les versements correspondent à un « trop-versé » sur l'année de 800 €. Au 31 décembre 2022, l'arriéré était donc 5.600 €.

En 2023, la défenderesse prouve des virements à hauteur de 3.200 €. L'arriéré annuel s'est donc élevé à 1.600 €. Au 31 décembre 2023, l'arriéré total était donc de 7.200 €.

Pour les sommes impayées en 2023, et l'absence de tout paiement en 2024, la défenderesse se prévaut d'un sinistre dans le local, au titre duquel elle invoque, sans la qualifier juridiquement, l'exception d'inexécution.

Sur ce point toutefois, le Tribunal relève que la défenderesse ne verse aux débats aucune preuve d'avoir alerté le demandeur de l'existence de ce sinistre en 2023. Elle verse uniquement aux débats un mail du 22 février 2021. La défenderesse ne peut donc pas se prévaloir de ce que Monsieur [Y] [G] n'aurait pas exécuté ses obligations, alors qu'elle ne prouve pas même lui avoir signalé un dégât des eaux en 2023.

Au surplus, les expertises et constats qu'elle verse aux débats mentionnent comme personne présente dans les locaux « l'association [6] », ou un devis au nom d'une association « [5] », alors que le bail commercial est au nom de Madame [X] [Z] et qu'il n'est pas établi qu'une cession du bail commercial aurait été consentie entre les parties.

Il sera donc retenu que c'est sans motif juridique que Madame [X] [Z] s'est abstenue de régler ses loyers sur une partie de l'année 2023 et jusqu'au 1er février 2024, date de l'arrêt du décompte de Monsieur [Y] [G].
En 2024, deux mensualités impayées apparaissent au décompte à hauteur de 800 €.

La dette locative totale au 1er février 2024 est donc de 8.000 € hors taxe foncière.

Sur la taxe foncière :

Madame [X] [Z] ne conteste pas qu'elle n'a jamais réglé le montant de la taxe foncière, puisqu'elle fait valoir que le bail n'en met pas le paiement à sa charge.

Le bail litigieux, s'agissant de la taxe foncière, comporte une case « divers ou observations » dans laquelle les parties ont porté, de manière manuscrite, les mentions suivantes : « TAX foncière 1000 € par ans » (sic).

La défenderesse indique que, par principe, sur le fondement de l'article R144-35 du code de commerce, l'impôt foncier est à la charge du bailleur, sauf à ce qu'une clause du bail le prévoie. La défenderesse fait valoir que la mention rappelée plus haut ne saurait constituer une mise à sa charge de la taxe foncière.

Monsieur [Y] [G], à l'inverse, fait valoir que cette mention a mis la taxe foncière à la charge de la locataire.

L'article 1157 du code civil dans sa rédaction applicable à la date du 6 mai 2016 disposait que « lorsqu'une clause est susceptible de deux sens, on doit plutôt l'entendre dans celui avec lequel elle peut avoir quelque effet, que dans le sens avec lequel elle n'en pourrait produire aucun. »

Il existe deux interprétations possibles de la clause « TAX foncière 1000 € par ans » : soit elle laisse la taxe foncière à la charge du bailleur, soit elle la place à la charge de la locataire.

Toutefois, puisque la loi prévoit, en principe, que la taxe foncière est la charge du bailleur, il n'y aurait aucun sens à en spécifier le montant dans un contrat de bail commercial, pour le faire connaître à Madame [X] [Z], si les parties n'avaient pas eu l'intention que la locataire paye cette somme. Il n'y a de sens à faire figurer cette stipulation dans un bail commercial que si le bailleur entend faire payer la taxe foncière à son locataire.
A contrario, si le Tribunal retenait que la clause n'a pas mis à la charge de Madame [X] [Z] le paiement de la taxe foncière, il faudrait alors considérer que les parties ont, d'un commun accord, souhaité faire figurer dans le bail un montant annuel de taxe, alors qu'aucune d'elles ne devait verser ce montant à l'autre... Cette interprétation conduirait donc à ce que la stipulation n'ait aucun effet entre les parties : l'article 1157 du code civil conduit donc à écarter une telle interprétation.

La taxe foncière est donc à la charge de Madame [X] [Z].

Monsieur [Y] [G] réclame les arriérés de taxe foncière sur la période 2017 - 2020, à hauteur de 1.000 € par an.

Toutefois, le bailleur forme une prétention unique au titre des arriérés locatifs, 13.800 €, en ce compris les loyers, les charges et la taxe foncière. Or, au titre de l'article 5 du code de procédure civile, le juge ne peut statuer au delà de ce qui est demandé par les parties.

Il convient donc de constater qu'en présence de 8.000 € d'arriérés locatifs et de 7.000 € d'arriérés de taxe foncière, Monsieur [Y] [G] est donc, a minima, bien fondé dans sa prétention à la somme de 13.800 €, montant qui limite la saisine du Tribunal.

Madame [X] [Z] sera condamnée à régler cette somme.

Sur la résiliation du bail :

Le bail litigieux comporte une clause résolutoire prévoyant la résiliation de plein droit un mois après commandement d'avoir à régler un arriéré demeuré infructueux.

Par acte du 20 février 2019, Monsieur [Y] [G] a fait commandement à Madame [X] [Z] d'avoir à lui régler la somme de 4.000 € au principal, outre 800 € de charges, de la taxe foncière, ainsi qu'une pénalité.
Même en retranchant de ce décompte la taxe foncière ou encore les charges, les arriérés de loyers existaient bien à la date du commandement. Ils ont été évalués, plus haut, à la somme de 2.900 € à la date du 31 décembre 2018. Il n'est pas rapporté la preuve que Madame [X] [Z] aurait apuré les causes du commandement dans le délai d'un mois.

Le bail a donc été résilié de plein droit à la date du 21 mars 2019. Il n'y a pas lieu de suspendre les effets de cette clause résolutoire sur le fondement de l'article L145-41 du code de commerce en ce que la dette locative, déjà de 2.900 € en fin d'année 2018, n'a fait que s'aggraver, sauf en 2022, et est désormais de 8.000 €.

La résiliation du bail est donc constatée et l'expulsion de Madame [X] [Z] des lieux loués ordonnée.

Sur l'indemnité d'occupation :

Monsieur [Y] [G] sollicite la condamnation de la défenderesse à lui payer une somme égale à « deux fois le montant du loyer » au titre de la mauvaise foi de celle-ci.

D'une part, Monsieur [Y] [G] ne démontre pas ladite mauvaise foi, sinon par le paiement insuffisant des loyers.

D'autre part et surtout, Monsieur [Y] [G] ne vise aucun fondement juridique autorisant le juge à hausser le montant de l'indemnité d'occupation, en fonction de l'attitude réelle ou prétendue des parties.

L'article 1760 du code civil dispose qu' « en cas de résiliation par la faute du locataire, celui-ci est tenu de payer le prix du bail pendant le temps nécessaire à la relocation, sans préjudice des dommages et intérêts qui ont pu résulter de l'abus. »

Madame [X] [Z] sera condamnée à verser à Monsieur [Y] [G] la somme mensuelle de 400 € au titre de l'indemnité d'occupation et ce, jusqu'à libération effective des lieux.

Sur les délais de paiement :

La dette n'ayant fait que s'aggraver depuis les impayés de l'année 2018, des délais de paiement apparaissent inopportuns en ce que la défenderesse ne démontre aucune capacité d'échelonner les paiements afin d'apurer son endettement.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

Il y a lieu de condamner Madame [X] [Z], qui succombe aux demandes de Monsieur [Y] [G], aux entiers dépens, lesquels comprendront les coûts des actes de procédure nécessaires au sens des articles L111-7 et L111-8 du code des procédures civiles d’exécution et du commandement du 20 février 2019.

Il y a lieu de condamner Madame [X] [Z] à verser à Monsieur [Y] [G] la somme de 2.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Sur les décrets des 12 décembre 1996 et 8 mars 2001 :

Les décrets sus-cités sont abrogés depuis 2016. Monsieur [Y] [G] a assigné Madame [X] [Z] par acte du 16 décembre 2019. Le demandeur sera donc débouté de cette prétention.

Sur l’exécution provisoire :

Il y a lieu d'ordonner l'exécution provisoire de la présente décision.

PAR CES MOTIFS :

Le Tribunal, statuant publiquement par mise à disposition de la décision au greffe après débats en audience publique, par jugement contradictoire, rendu en premier ressort :

ORDONNE la révocation de l'ordonnance de clôture du 1er février 2024 ;

ADMET aux débats les derniers jeux de conclusions des parties visés à l'exposé du litige de la présente décision ;

ORDONNE la clôture de la mise en l'état à la date du 18 avril 2024 ;

CONDAMNE Madame [X] [Z] à verser à Monsieur [Y] [G] la somme de treize mille huit cents euros (13.800 €) au titre des arriérés de loyers, de charges, de taxe foncière et d'indemnité d'occupation du bail litigieux, arrêtés au 1er février 2024 ;

CONSTATE, à la date du 21 mars 2019, la résiliation de plein droit du bail du 6 mai 2016 existant entre les parties ;

DEBOUTE Madame [X] [Z] de sa prétention tendant à voir suspendre la clause résolutoire ;

ORDONNE l’expulsion de Madame [X] [Z] et de tous occupants de son chef, du local commercial situé à [Adresse 4] ;

DEBOUTE Madame [X] [Z] de sa prétention tendant à des délais de paiement ;

CONDAMNE Madame [X] [Z] à verser à Monsieur [Y] [G], en deniers ou quittance, la somme mensuelle de quatre cent euros (400€) à compter du mois de mars 2024 et jusqu'à libération effective des lieux occupés, à titre d'indemnité d'occupation ;

CONDAMNE Madame [X] [Z] aux entiers dépens, lesquels comprendront les coûts des actes de procédure nécessaires au sens des articles L111-7 et L111-8 du code des procédures civiles d’exécution et du commandement du 20 février 2019 ;

DEBOUTE Monsieur [Y] [G] de sa prétention sur le fondement des décrets abrogés des 12 décembre 1996 et 8 mars 2001 ;

CONDAMNE Madame [X] [Z] à verser à Monsieur [Y] [G] la somme de deux mille cinq cents euros (2.500 €) au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

ORDONNE l'exécution provisoire de la présente décision ;

REJETTE les prétentions pour le surplus ;

Ainsi jugé et prononcé les jour, mois et an susdits.

LA GREFFIERE LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Marseille
Formation : 3ème chbre cab b4
Numéro d'arrêt : 19/13855
Date de la décision : 11/07/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 21/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-11;19.13855 ?
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