REPUBLIQUE FRANCAISE
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE
POLE SOCIAL
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 1]
JUGEMENT N°24/03268 du 10 Juillet 2024
Numéro de recours: N° RG 19/01783 - N° Portalis DBW3-W-B7D-WBGI
AFFAIRE :
DEMANDERESSE
S.A.S.U. [4]
[Adresse 7]
[Adresse 7]
[Localité 2]
Représentée par la SELARL R£K Avocats au barreau de LYON
c/ DEFENDERESSE
Organisme URSSAF PACA
[Adresse 6]
[Localité 3]
Représenté par [R] [G] munie d’un pouvoir régulier
Appelé(s) en la cause:
DÉBATS : À l'audience publique du 15 Mai 2024
COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré :
Président : BOUAFFASSA Myriam, Juge
Assesseurs : VESPA Serge
AGGAL AIi
L’agent du greffe lors des débats : DESCOMBAS Pierre, Greffier
À l'issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 10 Juillet 2024
NATURE DU JUGEMENT
contradictoire et en premier ressort
N° RG 19/01783
EXPOSE DU LITIGE :
Par requête expédiée le 21 janvier 2019 la SASU [4], représentée par son conseil, a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Marseille d’un recours à l’encontre de la décision de rejet explicite de la commission de recours amiable de l’URSSAF PACA en date du 6 décembre 2018 relative à une demande de remboursement de la réduction générale des cotisations patronales dite « réduction Fillon » concernant les années 2014, 2015 et 2016.
L’affaire a été appelée à l’audience du 15 mai 2024.
La SASU [4], représentée par son conseil soutenant oralement ses conclusions, demande au tribunal de :
Juger que les dispositions des articles L243-12-4 et R243-59 du Code de la sécurité sociale sont inopposables à la demande de remboursement de la société [4],Juger que l’URSSAF n’a réalisé aucune vérification sur les années 2014 et 2015 des éléments justifiant le remboursement sollicité par la société [4]Juger que l’URSSAF ne peut opposer aucun accord tacite à la société [4] ;Juger que l’URSSAF ne conteste pas sur le fond, la demande de remboursement de la société [4],En conséquence,
Juger que le refus de remboursement opposé par l’URSSAF est infondé,Condamner l’URSSAF au versement de la somme de 53.159 € au titre du remboursement des cotisations sociales versées indument au cours des années 2014 et 2015 outre les intérêts moratoires devant courir à compter du 5 mai 2018,Condamner l’URSSAF au paiement de la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
Au soutien de sa demande de remboursement qu’elle explique par un paramétrage de paie erronée , la SASU [4] fait valoir que les dispositions des articles L.243-12-4 et R.243-59 du Code de la sécurité sociale ne s’appliquent pas à l’hypothèse d’une demande de remboursement mais ont uniquement vocation à faire échec à un nouveau contrôle et redressement opéré par l’URSSAF, que les points non redressés précédemment peuvent faire l’objet d’une demande de crédit par le cotisant - ce qui est le cas en l’espèce, le précédent contrôle n’ayant donné lieu qu’à un seul chef de redressement relatif au comité d’entreprise bon d’achat et cadeaux en nature – et que, sur le fond, la demande de remboursement n’a fait l’objet d’aucune contestation de l’URSSAF.
L’URSSAF PACA, représentée par une inspectrice juridique, sollicite pour sa part du tribunal de :
Juger que les dispositions de l’article L.242-12-4 du Code de la sécurité sociale sont opposables à la demande de remboursement de la SASU [4],Constater que l’URSSAF a réalisé une opération de vérification sur les années 2014 – 2015,Juger que la SASU [4] n’a pas contesté le contrôle comptable d’assiette antérieure portant sur les années 2014-2015,Par conséquent,
Juger que l’URSSAF peut opposer un accord tacite à la SASU [4],
En conséquence de quoi,
Débouter la SASU [4] de l’ensemble de ses demandes et prétentions,Confirmer le bien fondé de la décision rendue par la Commission de recours amiable le 6 décembre 2018 en ce qu’elle a rejeté la demande en remboursement d’un montant de 53.159€ portant sur les années 2014 et 2015,Condamner la SASU [4] au paiement de la somme de 1.000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,S’opposer à toute autre demande.
Au soutien de ses prétentions, l’URSSAF PACA se prévaut des dispositions de l’article L.143-12-4 du Code de la sécurité sociale et fait valoir que l’existence d’un précédent contrôle pour la même période fait obstacle à la demande de remboursement, les états justificatifs de la réduction générale de cotisations et les fiches de paie ayant été contrôlés et n’ayant fait apparaitre aucune anomalie et la société n’ayant formé aucune contestation à l’encontre de ce redressement devenu définitif.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux conclusions déposées par les parties à l’audience, reprenant l’exposé complet de leurs moyens et prétentions.
L’affaire a été mise en délibéré au 10 juillet 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la recevabilité de la demande de remboursement
L’article L.243-6 du code de la sécurité sociale prévoit que la demande de remboursement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales indûment versées se prescrit par trois ans à compter de la date à laquelle lesdites cotisations ont été acquittées.
L’article R.243-59 du même code, dans sa version applicable au litige, dispose qu’à l'issue du contrôle, les inspecteurs du recouvrement communiquent à l'employeur ou au travailleur indépendant un document daté et signé par eux mentionnant l'objet du contrôle, les documents consultés, la période vérifiée et la date de la fin du contrôle. Ce document mentionne, s'il y a lieu, les observations faites au cours du contrôle, assorties de l'indication de la nature, du mode de calcul et du montant des redressements envisagés.
L'absence d'observation vaut accord tacite concernant les pratiques ayant donné lieu à vérification, dès lors que l'organisme de recouvrement a eu les moyens de se prononcer en toute connaissance de cause. Le redressement ne peut porter sur des éléments qui, ayant fait l'objet d'un précédent contrôle dans la même entreprise ou le même établissement, n'ont pas donné lieu à observations de la part de cet organisme.
En l’espèce, des inspecteurs du recouvrement de l’URSSAF ont procédé à un contrôle comptable d’assiette de la société pour la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015, et ayant donné lieu à une lettre d’observations en date du 25 mai 2016 portant sur un unique chef de redressement relatif au comité d’entreprise, bons d’achats et cadeaux en nature
L’URSSAF invoque l’absence de régularisation créditrice opérée par les inspecteurs, dans le cadre du contrôle, au titre de la réduction générale des cotisations patronales pour soutenir que la demande de remboursement de cotisations pour la période contrôlée est irrecevable.
Toutefois, s’il est acquis que les inspecteurs du recouvrement ont consulté les livres et fiches de paie, DADS et tableaux récapitulatifs annuels, ainsi que les états justificatifs de la réduction générale de cotisations, aucun redressement et aucune observation n’ont été portés à la connaissance de l’employeur relativement au calcul de la réduction générale des cotisations, de sorte qu’il ne peut être déduit avec certitude que les inspecteurs ont vérifié les conditions d’application de ce calcul en vue de sa correction.
L’absence d’observation des inspecteurs quant au bien-fondé ou non des modalités de calcul des réductions générales de cotisations ne saurait en l’espèce revêtir l’autorité de la chose décidée.
Les dispositions de l’article R.243-59 précitées ont été édictées en faveur des droits du cotisant et pour lui permettre, sous certaines conditions, de faire valoir un accord tacite de l’inspecteur sur une pratique déjà vérifiée et qui aurait pu donner lieu à redressement.
Elles n’ont pas pour objet de limiter le droit à remboursement du cotisant prévu à l’article L.243-6 du code de la sécurité sociale.
L’existence d’un contrôle de l’URSSAF pour les années 2013 à 2015 n’est pas en soi un motif d’irrecevabilité de la demande de remboursement de cotisations indûment versées dès lors qu’il n’est pas établi que le bien-fondé des cotisations en cause acquittées par l’employeur a été expressément examiné par l’inspecteur du recouvrement.
Si l’employeur ignorait au moment du contrôle le motif de contestation qui s’offrait à lui, il demeure recevable à former une demande de remboursement dans le délai prévu par l’article L.243-6 du code de la sécurité sociale.
L’irrecevabilité soutenue à ce titre par l’URSSAF PACA sera donc rejetée.
En application de l’article L.243-6 III du code de la sécurité sociale, l’organisme est tenu de procéder au remboursement des cotisations indues dans un délai de quatre mois à compter de la demande.
Une demande de remboursement de cotisations de sécurité sociale, créant ainsi une obligation à la charge de l’organisme de recouvrement, celle-ci n’est interruptive de prescription et n’a d’effet que si elle permet de déterminer une créance certaine, liquide et exigible.
L’employeur ne peut se prévaloir de sa demande que si celle-ci présente un chiffrage de la somme indue dont le remboursement est réclamé ou, à tout le moins, des éléments comptables et financiers permettant, avec les points de législation invoqués, de procéder à un calcul de la demande.
En l’espèce, la SASU [4] a adressé à l’URSSAF le 5 décembre 2017 un courrier dans lequel elle a chiffré sa demande de remboursement pour les années 2014, 2015 et 2016, en invoquant le fondement juridique et les modalités de calcul à l’appui de sa demande, ainsi que les tableaux rectifiés des allègements Fillon.
En conséquence, la demande de remboursement de cotisations de sécurité sociale a valablement et régulièrement été formée pour les cotisations acquittées au titre de l’année 2014 et 2015.
Sur le bien-fondé de la demande de remboursement
La SASU [4] expose qu’une erreur de paramétrage de son logiciel de paie a conduit à un calcul erroné de la réduction Fillon et donc à un paiement erroné de ses cotisations 2014 à 2016.
Dans le cadre de la présente instance, la SASU [4] produit un tableau faisant apparaitre la réduction Fillon applicable, celle qui aurait dû être appliquée et la différence entre les deux, et ce pour l’année 2014 et pour l’année 2015. Elle produit également un bulletin de paie d’un salarié cadre de janvier 2014.
Il sera relevé que l’URSSAF PACA, par courrier du 27 décembre 2017, a fait droit à la demande de la SASU [4] pour l’année 2016, évaluant l’avoir à la somme de 31.277 €.
Cette régularisation pour l’année 2016, conforme à la demande et au calcul de la société cotisante, est de nature à établir que, sur le fond, l’URSSAF PACA ne présente aucun motif d’opposition au calcul rectifié proposé par la SASU [4].
Il convient en conséquence de faire droit à la demande de remboursement des cotisations indûment versées pour la période de l’année 2014 et de l’année 2015.
Sur les demandes accessoires
L’URSSAF PACA, succombant à ses prétentions, supportera la charge des dépens de l’instance.
Faisant également application de l’article 700 du code de procédure civile, il y a lieu de condamner l’URSSAF PACA à payer à la SASU [4] la somme de 1.000 € au titre des frais irrépétibles que la cotisante a dû exposer pour soutenir sa demande.
Compte tenu de la nature et de l’ancienneté du litige, la présente décision sera assortie de l’exécution provisoire.
PAR CES MOTIFS,
Le tribunal, statuant par jugement contradictoire et en premier ressort,
Déclare recevable la demande de remboursement de cotisations de la SASU [4] au titre de la réduction générale des cotisations patronales acquittées pour la période des années 2014 et 2015,
Fait droit à la demande de remboursement de cotisations sociales de la SASU [4] au titre de la réduction générale des cotisations patronales acquittées pour la période des années 2014 et 2015,
Condamne l’URSSAF PACA à verser à la société SASU [4] la somme de 53.159 € au titre du remboursement de cotisations sociales de la SASU [4] pour la réduction générale des cotisations patronales acquittées pour la période des années 2014 et 2015,
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
Condamne l’URSSAF PACA à payer à la SASU [4] la somme de 1.000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne l’URSSAF PACA aux dépens de l’instance ;
Ordonne l’exécution provisoire de la présente décision ;
Dit que tout appel de la présente décision doit être formé, sous peine de forclusion, dans le délai d’un mois à compter de la réception de sa notification, conformément aux dispositions de l’article 538 du code de procédure civile.
Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe le 10 juillet 2024.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT