REPUBLIQUE FRANCAISE
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE
POLE SOCIAL
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 1]
JUGEMENT N° 24/1296 du 10 Juillet 2024
Numéro de recours: N° RG 11/03719 - N° Portalis DBW3-W-B63-V5GS
AFFAIRE :
DEMANDERESSE
Société [10]
M, [K] [B] - Députy Director of Personnel
[Adresse 3]
IRLANDE
représentée par Me Nathalie YOUNAN avocat au barreau de PARIS substitué par Me Bénédicte GIARD avocat au barreau de PARIS
c/ DEFENDERESSE
Organisme URSSAF PACA
[Adresse 11]
[Localité 2]
représentée par la SELARL BOREL DEL PRETE ET ASSOCIES avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
DÉBATS : À l'audience publique du 07 Décembre 2023
COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré :
Président : MOLCO Karine, Vice-Présidente
Assesseurs : COMPTE Geoffrey
OUDANE Radia
Lors des débats : FANGET Maëva, Greffier et de Christine ELGUER, greffière présente au délibéré
À l'issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 10 Juillet 2024
NATURE DU JUGEMENT
contradictoire et en premier ressort
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
1) La procédure pénale
Le 16 octobre 2009, l’Office central de lutte contre le travail illégal (OCLTI) adressait au Procureur de la république du Tribunal de grande instance d’Aix-en-Provence un procès-verbal de renseignements signalant que la compagnie aérienne irlandaise [9] avait installé un établissement dans les locaux du site MP2 de l’aéroport [Localité 8] à [Localité 6] sans procéder à l’immatriculation de cet établissement au registre du commerce et des sociétés ni à la déclaration des salariés employés.
Par soit transmis des 5 novembre 2009 et 25 février 2010, le Procureur de la république du Tribunal de grande instance d’Aix-en-Provence ouvrait une enquête préliminaire pour des faits de travail dissimulé qu’il confiait à l’OCLTI.
À la suite de cette enquête préliminaire,l’OCLTI dressait un procès-verbal en date du 6 avril 2010 concluant à l’encontre de la société [9] à la commission de faits constitutifs d’infractions de travail dissimulé par :
– dissimulation d’activité (défaut d’immatriculation d’un établissement)
– dissimulation de salariés (défaut de déclaration du personnel navigant)
faits prévus et réprimés par les dispositions des articles L8221 – 1 et L 8221 – 2 du Code du travail.
Sur la base de ce procès-verbal, le Procureur de la république du Tribunal de grande instance d’Aix-en-Provence requérait, le 8 avril 2010, l’ouverture d’une information judiciaire à l’encontre de la société [9].
L’URSSAF se constituait partie civile par courrier en date du 27 mai 2010 dans le cadre de cette procédure.
Le 27 septembre 2010, la société [9] était mise en examen pour des faits de :
– travail dissimulé (activité dissimulée et salariés dissimulés),
– prêt illicite de main-d’œuvre,
– entrave au fonctionnement du comité d’entreprise, au fonctionnement des délégués du personnel, à l’exercice du droit syndical et au fonctionnement du CHSCT,
– emploi illicite de personnel navigant en confiant des emplois de personnel navigant professionnel de l’aéronautique civile à des personnes ne remplissant pas les conditions pour ne pas être affiliée au régime complémentaire obligatoire de retraite
faits commis à [Localité 6] courant 2007, 2008, 2009 et 2010.
Au terme de la procédure d’instruction, la société [9] était renvoyée par ordonnance du 20 août 2012 devant le Tribunal correctionnel d’Aix-en-Provence des chefs suivants:
– d’avoir à [Localité 6], courant 2007, 2008, 2009 et 2010 commis le délit de travail dissimulé par dissimulation d’activité et d’emplois salariés en omettant de solliciter son inscription au registre du commerce et des sociétés et en omettant de procéder à une déclaration préalable à l’embauche de 137 salariés,
– d’avoir à [Localité 6] courant 2007, 2008, 2009 et 2010 commis le délit de prêt illicite de main-d’œuvre en concluant avec les sociétés [12] et [4] un contrat ayant pour seul objet la mise à disposition de salariés qui sont totalement subordonnés à [9], n’ont aucune compétence distincte des salariés de [9], portent le même uniforme et effectuent les mêmes tâches que les salariés [9],
– d’avoir à [Localité 6], courant 2007, 2008, 2009 et 2010 commis le délit d’entrave au fonctionnement du comité d’entreprise de son établissement [Localité 7] Provence en n’immatriculant pas ce dernier en France et, partant, en ne procédant pas à la constitution dudit comité d’entreprise,
– d’avoir à [Localité 6] courant 2007, 2008, 2009 et 2010, commis le délit d’entrave aux fonctions de délégué du personnel en n’immatriculant pas son établissement [Localité 8] en France et, partant, en ne procédant pas à la libre désignation desdits délégués
– d’avoir à [Localité 6], courant 2007, 2008, 2009 et 2010 commis le délit d’entrave au fonctionnement du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) de son établissement [Localité 8] en n’immatriculant pas ce dernier en France et, partant, en ne procédant pas à la constitution dudit comité
– d’avoir à [Localité 6] courant 2007, 2008, 2009 et 2010 commis le délit d’emploi illicite de personnels navigants non affiliés à un régime de retraite complémentaire obligatoire.
Par jugement en date du 2 octobre 2013, le Tribunal correctionnel d’Aix-en-Provence, sur l’action publique, déclarait la société [9] coupable des faits qui lui étaient reprochés et la condamnait au paiement d’une amende de 200 000 €.
Sur l’action civile, le tribunal déclarait la société [9] responsable des préjudices subis par les parties civiles et notamment l’URSSAF des Bouches-du-Rhône et la condamnait à verser à cette dernière la somme de 4 500 000 € en réparation de son préjudice financier, la somme de 13 875,75 € en réparation de son préjudice matériel, la somme de 1 euro en réparation de son préjudice moral et la somme de 10 000 € au titre de l’article 475-1 du Code de procédure pénale.
Le tribunal ordonnait en outre l’exécution provisoire des dispositions civiles du jugement.
Le 4 octobre 2013, la société [9] interjetait appel des dispositions pénales et civiles de ce jugement.
Elle saisissait également le Premier Président de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence aux fins d’obtenir la suspension de l’exécution provisoire du jugement correctionnel du 2 octobre 2013.
Par ordonnance en date du 4 avril 2014, le Premier Président de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence rejetait la demande principale de la société [9] mais autorisait cette dernière à consigner les sommes mises à sa charge par le Tribunal correctionnel au profit des parties civiles auprès de la caisse des dépôts et consignations.
La société [9] procédait au virement de la somme de 9 millions d’euros sur le compte séquestre de la caisse des dépôts et consignations le 2 mai 2014.
Par arrêt en date du 28 octobre 2014, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence :
*sur l’action publique, confirmait le jugement sur la déclaration de culpabilité en toutes ses dispositions, étant précisé que le délit de travail dissimulé par dissimulation de salariés concernait 127 personnes et non 137 et confirmait le jugement en toutes ses dispositions sur la peine,
*sur l’action civile, confirmait le jugement sur la recevabilité des parties civiles,
et sur les demandes,
- confirmait le jugement sur la somme allouée en réparation du préjudice financier résultant du non paiement des cotisations,
- infirmait le jugement sur les sommes accordées sur les frais de gestion et pour atteinte portée aux finances publiques et déboutait l’URSSAF de ces chefs de demande,
- confirmait le jugement sur les sommes allouées par application de l’article 475 -1 du Code de procédure pénale et condamnait la société [9] à payer à l’URSSAF la somme de 7000 € sur le même fondement en cause d’appel.
Suite à cet arrêt, l’URSSAF obtenait de la Caisse des dépôts et consignations le déblocage de la somme de 4 500 000 euros à son profit.
La société [9] formait un pourvoi en cassation le 31 octobre 2014 à l’encontre de l’arrêt de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence tant sur les dispositions pénales que sur les dispositions civiles.
Par arrêt en date du 18 septembre 2018, la chambre criminelle de la Cour de cassation cassait et annulait l’arrêt de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence du 28 octobre 2014 en ses seules dispositions relatives à la déclaration de culpabilité prononcée pour l’ensemble des infractions, aux peines et aux dispositions civiles, toute autre disposition étant expressément maintenue et renvoyait la cause et les parties devant la Cour d’appel de Paris pour qu’il soit à nouveau statué.
La Cour de cassation retenait en effet que la Cour d’appel « ne pouvait écarter les certificats E101 sans avoir, au préalable, recherché si l’institution émettrice desdits certificats avait été saisie d’une demande de réexamen et de retrait de ceux-ci sur la base des éléments concrets recueillis dans le cadre de l’enquête judiciaire permettant, le cas échéant, de constater que ces certificats avaient été obtenus ou invoqués de manière frauduleuse et que l’institution émettrice s’était abstenue, dans un délai raisonnable, de les prendre en considération aux fins de réexamen du bien-fondé de la délivrance desdits certificats et, dans l’affirmative, sans établir sur la base de l’examen des éléments concrets et dans le respect des garanties inhérentes au droit à un procès équitable, l’existence d’une fraude de la part de la société [9], constituée dans son élément matériel, par le défaut dans les faits de la cause des conditions prévues à l’article 14 § 2 sous a) aux fins d’obtention ou d’invocation des certificats E101 en cause et dans son élément moral, par l’intention de ladite société de contourner ou d’éluder les conditions de délivrance dudit certificat pour obtenir l’avantage qui est attaché ».
Par arrêt en date du 13 mai 2022, la Cour d’appel de Paris, sur l’action publique, confirmait le jugement du Tribunal correctionnel d’Aix-en-Provence en date du 2 octobre 2013 sur la déclaration de culpabilité en toutes ses dispositions, précisant que le délit de travail dissimulé par dissimulation de salariés concernait 127 personnes et non 137.
Elle confirmait également le jugement en toutes ses dispositions sur la peine.
Sur l’action civile, la Cour confirmait le jugement sur la recevabilité de toutes les parties civiles.
Sur les demandes de l’URSSAF,
- elle confirmait le jugement sur la somme allouée en réparation du préjudice financier résultant du non paiement des cotisations
-infirmait le jugement sur les sommes accordées sur les frais de gestion et pour atteinte portée aux finances publiques et déboutait l’URSSAF de ces chefs de demande
-confirmait le jugement sur les sommes allouées par application de l’article 475 – 1 du Code de procédure pénale et condamnait la société [9] à payer à l’URSSAF la somme de 10 000 € sur le même fondement en cause d’appel.
La société [9] formait un nouveau pourvoi en cassation à l’encontre de cet arrêt.
La chambre criminelle de la Cour de cassation, par arrêt du 17 octobre 2023, rejetait le pourvoi de la société [9] et fixait à 2500 € la somme que la société [9] devra payer à l’URSSAF en application de l’article 618 – 1 du Code de procédure pénale.
2) La procédure civile
Les éléments recueillis par les enquêteurs de l’OCLTI dans le cadre de la procédure pénale étaient transmis à l’URSSAF qui procédait à des opérations de contrôle et de vérification auprès de la société [9].
L’URSSAF adressait à la société [9] le 6 octobre 2010 une lettre d’observations aux termes de laquelle elle l’informait qu’était envisagé un redressement de cotisations et de contributions sociales portant sur la période courant du 1er janvier 2007 au 31 mars 2010 à hauteur de 3 963 671 € en principal.
La société [9] contestait le redressement ainsi envisagé par courrier en date du 5 novembre 2010.
Dans sa lettre de réponse à contestation en date du 29 novembre 2010, l’URSSAF maintenait le redressement envisagé à hauteur de la somme de 3 963 671 €.
L’URSSAF délivrait à la société [9] une mise en demeure en date du 6 décembre 2010 d’avoir à verser la somme totale de 4 738 569 € portant sur les cotisations éludées résultant du travail dissimulé, 3 963 671 € en principal et 774 898 € au titre des majorations afférentes.
Par courrier en date du 10 janvier 2011, la société [9] saisissait la commission de recours amiable aux fins d’annulation de la mise en demeure.
Par lettre recommandée avec avis de réception reçue le 28 mars 2011 au greffe du tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches-du-Rhône, le conseil de la société [9] contestait la mise en demeure du 6 décembre 2010 d’un montant de 4 738 569 portée le 10 janvier 2011 devant la commission de recours amiable de l’organisme de recouvrement dont le rejet implicite était querellé en l’état d’avancement du litige.
Ce recours était enregistré sous la référence RG n° 21/ 03719.
Par lettre recommandée avec avis de réception reçue le 3 novembre 2011 au greffe du tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches-du-Rhône, le conseil de la société [9] contestait la décision de la commission de recours amiable de l’URSSAF des Bouches-du-Rhône du 27 avril 2011 sur contestation de la mise en demeure du 6 décembre 2010 à hauteur de 4 738 569 € faisant suite à la procédure de contrôle diligentée par l’URSSAF Bouches-du-Rhône ayant donné lieu à lettre d’observations en date du 6 octobre 2010.
Ce recours était enregistré sous la référence RG n° 11/08184.
Par ailleurs, trois jugements en date du 23 janvier 2020 du pôle social du tribunal de grande instance de Marseille constataient le désistement de la société [9] au sujet de quatre instances en contestation des mises en demeure des 18 octobre 2010 ainsi que des 2 et 26 novembre 2010.
De sorte que la juridiction du contentieux de la sécurité sociale n’était plus saisie que des deux instances référencées 11/103719 et 11/08184.
L’affaire a fait l’objet, par voie de mention au dossier, d’un dessaisissement au profit du pôle social du tribunal judiciaire de Marseille, en vertu de la loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIème siècle.
Après de très nombreux renvois ordonnés aux audiences d’appel en examen desdits litiges tenues depuis 2014, l’affaire était finalement retenue à l’audience du 7 décembre 2023.
La société [9], représentée par son conseil, soutient à l’audience ses conclusions écrites et sollicite du tribunal de :
– déclarer le recours de la société [9] recevable et bien fondé
à titre principal,
– annuler la procédure de contrôle, le redressement notifié par lettre d’observations ainsi que la mise en demeure en date du 6 décembre 2010 ;
– assortir toute somme dont le remboursement est ordonné des intérêts au taux légal à compter de la saisine de la commission de recours amiable effectué le 10 janvier 2011 ;
– condamner l’URSSAF au paiement de la somme de 10 000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens ;
à titre subsidiaire,
– déduire du montant des cotisations de sécurité sociale mentionné dans la mise en demeure du 6 décembre 2010 le montant des cotisations versées auprès des organismes de protection sociale irlandaise soit, outre les montants versés par les sociétés [4] et [12], la somme de 1 744 500 €.
L’URSSAF, représentée par son conseil, soutient à l’audience ses conclusions écrites et sollicite pour sa part du tribunal de :
– dire et juger régulier et fondé le redressement contesté ;
– rejeter l’ensemble des moyens fins et prétentions de la société [9] ;
à titre reconventionnel,
– condamner la société [9] à payer à l’URSSAF la somme de 238 569 € correspondant au différentiel entre la somme de 4 500 000 €qu’elle a perçue à ce jour de la part de la société [9] à titre de dommages-intérêts et la somme due par la société [9] au titre du redressement ;
en tout état de cause,
– condamner la société [9] à payer à l’URSSAF la somme de 30 000 €
sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux éventuels dépens.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du Code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un exposé plus ample de leurs prétentions et moyens.
L’affaire a été mise en délibéré au 10 juillet 2024, après deux prorogations.
MOTIFS :
Les dossiers enregistrés sous les numéros RG 11/ 03719 et RG 11/ 08184 concernent la même mise en demeure.
Il apparaît en conséquence d’une bonne administration de la justice, suivant les dispositions de l’article 367 du Code de procédure civile, d’en ordonner la jonction.
I/ Sur la régularité du redressement
La société [9] met en cause le caractère de l’ensemble de la procédure et le non respect des droits de la défense et des textes spécifiques du code de la sécurité sociale aux différentes étapes du contrôle.
Elle fait valoir notamment que selon la jurisprudence constante de la Cour de cassation, les observations doivent, à peine de nullité, permettre à la société contrôlée d’avoir une connaissance précise et exacte des erreurs et des omissions qui lui sont reprochées.
1. Sur la base de redressement retenue de la taxation au forfait
La société [9] allègue que l’URSSAF s’est fondée sur une base erronée pour calculer le montant de la taxation au forfait sur la base de quatre avions sur l’aéroport de [Localité 7] dès l’année 2007 alors qu’elle n’utilisait que deux avions à compter du 1er janvier 2007 puis trois avions à compter du 1er mai 2008 puis quatre avions à compter du 1er janvier 2009.
Elle prétend que la conséquence de cette erreur dans le montant de l’assiette doit entraîner la nullité de l’entier redressement.
Il convient cependant de constater dans un premier temps que la question de la base de redressement retenue par l’URSSAF est une question de fond et non de procédure.
En conséquence, il sera statué sur ce point ultérieurement dans la partie concernant le bien-fondé du redressement en son montant.
En tout état de cause, si la base de redressement retenue par l’URSSAF était jugée erronée ou excessive, cela ne saurait constituer un motif pouvant entraîner l’annulation du redressement.
En conséquence, il convient d’écarter ce moyen tiré de l’inexactitude et du caractère excessif de l’évaluation forfaitaire faite par URSSAF.
2/Sur l’absence de signature de la lettre d’observations par le directeur de l’organisme de recouvrement
La société [9] soulève la nullité du contrôle au motif de l’absence de signature de la lettre d’observations par le directeur de l’URSSAF au visa de l’article R 133 – 8 du Code de la sécurité sociale.
Elle souligne que la lettre d’observations porte une signature qui n’est pas celle de Monsieur [E] [Z], directeur.
Elle ajoute que le nom et la qualité du signataire ne sont même pas mentionnés, contrairement aux dispositions de l’article 4 alinéa 2 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations.
Elle souligne également qu’ aucune délégation de signature n’a été produite par l’URSSAF avant la veille de l’audience et que la délégation produite ne vise qu’une délégation concernant le plan de contrôle.
Il ressort des dispositions de l’article R 133-8 du Code de la sécurité sociale dans sa version applicable au présent litige que :
«Lorsqu'il ne résulte pas d'un contrôle effectué en application de l'article L. 243-7 du présent code ou de l'article L. 724-7 du code rural, tout redressement consécutif au constat d'un délit de travail dissimulé est porté à la connaissance de l'employeur ou du travailleur indépendant par un document daté et signé par le directeur de l'organisme de recouvrement, transmis par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.
Ce document rappelle les références du procès-verbal pour travail dissimulé établi par un des agents mentionnés à l'article L. 8271-7 du Code du travail et précise la nature, le mode de calcul et le montant des redressements envisagés. Il informe l'employeur ou le travailleur indépendant qu'il a la faculté de présenter ses observations dans un délai de trente jours et de se faire assister par une personne ou un conseil de son choix.
A l'expiration de ce délai et, en cas d'observations de l'employeur ou du travailleur indépendant, après lui avoir confirmé le montant des sommes à recouvrer, le directeur de l'organisme de recouvrement met en recouvrement les sommes dues selon les règles et sous les garanties et sanctions applicables au recouvrement des cotisations de sécurité sociale»
L’article L212-1 du Code des relations entre le public et l’administration précise que toute décision prise par une administration comporte la signature de son auteur ainsi que la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci.
En l’espèce, il convient de relever que la lettre d’observations du 6 octobre 2010 a bien été signée pour ordre de Monsieur [E] [Z], directeur de L’URSSAF et non par l’inspecteur du recouvrement.
La lettre d’observations litigieuse mentionne bien les nom, prénom et qualité du signataire de l’acte, à savoir : « le directeur, Monsieur [E] [Z] ».
En tout état de cause, l’article L212-1 du Code des relations entre le public et l’administration n’exige nullement, à peine de nullité, que la lettre d’observations et la mise en demeure soient signées par le directeur ou par un agent de l’organisme muni d’une délégation de pouvoir ou de signature de celui-ci.
Selon la jurisprudence de la Cour de cassation, l’omission des mentions prévues à l’article L212-1 n’est pas de nature à justifier l’annulation d’un acte administratif par les juridictions statuant en matière de contentieux général de la sécurité sociale.
La Cour de cassation a précisé que ces mentions n’ayant pas de caractère substantiel ne sont pas prescrites à peine de nullité. L’omission de la signature de l’auteur d’une décision administrative, de son prénom, de son nom et de sa qualité, n’affecte pas la validité de l’acte, dès lors que celui-ci précise la dénomination de l’organisme qui l’a émise.
En l’espèce, conformément à la jurisprudence susvisée, la lettre d’observations du 6 octobre 2010 identifie bien de façon claire l’union de recouvrement de la sécurité sociale des Bouches-du-Rhône en tant qu’organisme émetteur.
En outre, l’URSSAF produit à la procédure une délégation de signature en date du 30 novembre 2009 de Monsieur [E] [Z], directeur, à Monsieur [Y] [L], sous-directeur, signataire de la lettre d’observations.
Cette délégation précise dans son paragraphe intitulé « description de la mission/nature des opérations confiées » notamment :
– représenter le directeur dans les contentieux entre les cotisant et l’URSSAF
– validation juridique de lettre au cotisant.
En conséquence, le moyen tiré de l’absence de signature par le directeur de l’URSSAF de la lettre d’observations du 6 octobre 2010 doit être écarté.
3/Sur la validité de la mise en demeure
* En premier lieu, la société [9] fait valoir que la mise en demeure qui lui a été notifiée le 6 octobre 2010 ne mentionne ni la nature, ni la cause des cotisations réclamées et ne permet pas en conséquence de connaître l’étendue de sa prétendue obligation quant au montant des sommes réclamées et à la période concernée.
Elle ajoute qu’une simple référence au régime général est insuffisante pour établir la cause de la dette de la société [9].
Il convient cependant de rappeler que l’article L244 – 1 du Code de la sécurité sociale applicable au présent litige disposait que : « l’avertissement ou la mise en demeure précise la cause, la nature et le montant des sommes réclamées ainsi que la période à laquelle elle se rapporte ».
Il n’était donc pas exigé par les dispositions du code de la sécurité sociale de précision et de motivation de la mise en demeure.
Ce n’est qu’à compter du 1er janvier 2017 que l’article susvisé a été modifié en ce sens que dorénavant :
“L'avertissement ou la mise en demeure précise la cause, la nature et le montant des sommes réclamées, les majorations et pénalités qui s'y appliquent ainsi que la période à laquelle elles se rapportent.
Lorsque la mise en demeure ou l'avertissement est établi en application des dispositions de l'article L. 243-7, le document mentionne au titre des différentes périodes annuelles contrôlées les montants notifiés par la lettre d'observations corrigés le cas échéant à la suite des échanges entre la personne contrôlée et l'agent chargé du contrôle. La référence et les dates de la lettre d'observations et le cas échéant du dernier courrier établi par l'agent en charge du contrôle lors des échanges mentionnés au III de l'article R. 243-59 figurent sur le document. Les montants indiqués tiennent compte des sommes déjà réglées par la personne contrôlée.
Lorsque l'employeur ou le travailleur indépendant qui fait l'objet de l'avertissement ou de la mise en demeure prévus à l'article L. 244-2, saisit la juridiction compétente dans les conditions prévues à l'article R. 133-2, la prescription des actions mentionnées aux articles L. 244-7 et L. 244-11 est interrompue et de nouveaux délais recommencent à courir à compter du jour où le jugement est devenu définitif.”
Il est également exigé depuis janvier 2017 par l’article L244 – 2 du Code de la sécurité sociale que le contenu de l’avertissement ou de la mise en demeure soit précis et motivé.
En l’espèce, la mise en demeure en date du 6 décembre 2010 notifiée à l’URSSAF indique:
– le numéro de compte du cotisant,
– le régime général auquel se rattache la créance réclamée.
Elle fait en outre référence aux chefs de redressement contenus dans la lettre d’observations notifiée le 6 octobre 2010 qui précisait :
– l’objet du contrôle,
– les documents consultés,
– la période vérifiée,
– la date de la fin du contrôle,
– les observations faites au cours du contrôle,
– le mode de calcul et le montant des redressements envisagés.
Enfin la mise en demeure précise également le fondement juridique du redressement, à savoir l’article L8221 – 1 du Code du travail concernant le travail dissimulé.
Il est de jurisprudence constante que la mise en demeure qui renvoie à des documents autres dont il résulte la motivation du redressement est régulière.
En outre, contrairement à ce qui est allégué par la société [9], il est également de jurisprudence constante que la mention régime général est suffisante pour connaître la nature de la dette réclamée.
Cette mention renvoie effectivement aux quatre branches de l’assurance sociale : la maladie- maternité - invalidité - décès, les accidents de travail - maladie professionnelle, la vieillesse et veuvage, et la famille.
La mise en demeure du 6 décembre 2010 répond en conséquence aux exigences des dispositions légales applicables au présent litige et de la jurisprudence constante en la matière.
*En second lieu, la société [9] allègue que la mise en demeure se contente de mentionner le montant des cotisations dues et des majorations de retard sans pour autant indiquer les modalités de calcul, ce qui est d’ailleurs également le cas pour la lettre d’observations . L’URSSAF n’aurait ainsi pas respecté les dispositions de l’article R243 – 59 du Code de la sécurité sociale.
La société [9] prétend en outre n’avoir jamais eu d’information complète et qu’à ce jour elle ne sait toujours pas quels sont les salariés concernés par le redressement et en tout état de cause elle n’a pas pu vérifier les calculs effectués par l’URSSAF comprenant ceux conduisant à un montant de majorations de retard de 774 898 €.
Il convient cependant de rappeler encore une fois les dispositions de l’article R244- 1 du Code de la sécurité sociale dans sa version applicable au présent litige suivant lesquelles l’avertissement ou la mise en demeure doit préciser la cause, la nature et le montant des sommes réclamées.
Il n’est donc pas exigé par le texte susvisé que l’URSSAF transmette le calcul détaillé du montant des cotisations dues.
En l’espèce, la mise en demeure du 6 décembre 2010 indique bien le montant des cotisations réclamées et précise en outre le montant des majorations et pénalités dues au titre du redressement.
Quant à la lettre d’observation, l’article R243 – 59 du Code de la sécurité sociale dans sa version applicable au présent litige disposait que :
« à l’issue du contrôle, les inspecteurs du recouvrement communiquent à l’employeur ou au travailleur indépendant un document daté et signé par eux mentionnant l’objet du contrôle, les documents consultés, la période vérifiée et la date de la fin du contrôle. Ce document mentionne, s’il y a lieu, les observations faites au cours du contrôle, assorties de l’indication de la nature, du mode de calcul et du montant des redressements envisagés. Le cas échéant, il mentionne les motifs qui conduisent à ne pas retenir la bonne foi de l’employeur ou du travailleur indépendant. Ce constat d’absence de bonne foi est contresigné par le directeur de l’organisme chargé du recouvrement. Il indique également au cotisant qu’il dispose d’un délai de 30 jours pour répondre par lettre recommandée avec accusé de réception à ses observations et qu’il a, pour ce faire, la faculté de se faire assister d’un conseil de son choix ».
Il n’est donc pas prévu par les dispositions légales susvisées d’obligation pour l’URSSAF de communiquer le détail des calculs effectués pour chaque chef de redressement.
La lettre d’observations doit simplement préciser le mode de calcul, à savoir les bases retenues pour chaque redressement, les taux de cotisation, le montant des cotisations et contributions chiffrées année par année.
En l’espèce, la lettre d’observations du 6 octobre 2010 comporte bien les indications suivantes :
– le texte applicable et la méthode de calcul retenue : la taxation forfaitaire,
– les éléments pris en compte pour le chiffrage,
– la méthode utilisée pour déterminer les bases de redressement : l’évaluation du coût salarial par avion et par mois en fonction des éléments de rémunération et en fonction du SMIC applicable à la période d’activité (détail des calculs annexés),
– le montant des bases forfaitaires retenues année après année au titre du redressement,
– le montant des cotisations dues année par année,
– le montant total des sommes réclamées en précisant les sommes dues au titre de la sécurité sociale et celles dues au titre de l’assurance chômage et des majorations de retard.
Il convient en outre de souligner que la mise en demeure du 6 décembre 2010 renvoie expressément à la lettre d’observations du 6 octobre 2010 comportant toutes les précisions susvisées, à savoir le mode de calcul et le montant des redressements envisagés, année par année ainsi que le montant global dû.
Or, selon la jurisprudence constante, il est admis que la mise en demeure qui se réfère à des documents, notamment la lettre d’observations, dont il résulte la motivation du redressement est régulière, le cotisant ayant ainsi bénéficié d’une information suffisante.
Enfin, contrairement à ce qui est allégué par la société [9], l’URSSAF n’avait pas d’obligation de communiquer précisément quels étaient les salariés concernés.
À ce titre, il convient de rappeler que l’URSSAF a dû opérer une taxation forfaitaire compte tenu de l’absence d’éléments produits par la société [9] au moment du contrôle.
Tant la mise en demeure que la lettre d’observations sont donc conformes aux exigences posées par les dispositions du code de la sécurité sociale susvisées et par la jurisprudence aux fins d’une information complète du cotisant.
* La société [9] allègue que la mise en demeure fait référence à deux années redressées, soit 2007 et 2008 avec un même montant de redressement que celui indiqué dans la lettre d’observations qui vise pourtant quatre années, à savoir 2007,2008, 2009 et 2010.
Or, il est du jurisprudence constante qu’une simple erreur matérielle n’est pas de nature à entraîner l’annulation de la mise en demeure dès lors que la société est en mesure de connaître la nature, la cause et l’étendue de son obligation.
Plus précisément, la Cour de cassation (cassation civile 2ème 2 mai 2009- 08 – 12. 069) dans une affaire similaire au présent litige, a estimé qu’une erreur matérielle relative à la période concernée n’était pas de nature à entraîner l’annulation de la mise en demeure dès lors que la mise en demeure litigieuse mentionnait que les cotisations étaient réclamées au titre du régime général et ce, pour une somme d’un montant identique à celui figurant dans la lettre d’observations.
Après avoir relevé que la période mentionnée sur la mise en demeure était différente de celle mentionnée sur la lettre d’observations, elle jugeait qu’il ne pouvait y avoir eu aucune méprise du cotisant.
En l’espèce, l’URSSAF admet l’erreur relative à la période concernée indiquée dans la mise en demeure mais soutient qu’il ne s’agit que d’une simple erreur matérielle qui n’a pu entraîner aucune méprise de la part de la société [9] et que cette dernière n’a en conséquence subi aucun grief.
Force est de constater effectivement que la mise en demeure du 6 décembre 2010 indique que les cotisations sont réclamées au titre du régime général.
En outre la mise en demeure renvoie expressément aux chefs de redressement qui ont été notifiés dans la lettre d’observations du 6 octobre 2010.
Enfin le montant de la mise en demeure est identique à celui figurant dans la lettre d’observations du 6 octobre 2010 ainsi que dans la lettre de réponse à contestation de l’URSSAF du 29 novembre 2010.
Quant au fait que la mise en demeure ne mentionne pas les cotisations dues au titre de l’assurance chômage, il convient de souligner qu’elle ne concerne que les cotisations du régime général et porte sur un montant de cotisations sociales de 3 963 671 €.
Il n’existe ainsi aucun doute pour la société [9]. La mise en demeure se rapporte aux cotisations de sécurité sociale redressées à hauteur de 3 963 671 €, montant identique à celui visé dans la lettre d’observations et aux périodes afférentes visées dans cette dernière, à savoir les années 2007, 2008, 2009 et 2010.
Le moyen tiré de ce chef par la société [9] pour solliciter l’annulation de la mise en demeure sera en conséquence écarté.
* la société [9] prétend que la mise en demeure fait état d’un montant global de majorations de retard sans ventiler en fonction des périodes concernées.
Il convient cependant de rappeler ici encore les dispositions applicables au présent litige de l’article R2 44 – 1 du Code de la sécurité sociale : « l’avertissement ou la mise en demeure précise la cause, la nature et le montant des sommes réclamées ainsi que la période à laquelle elle se rapportent ».
Ce n’est qu’à compter du 1er janvier 2017 que l’article R2 44 – 1 du Code de la sécurité sociale a ajouté que la mise en demeure doit également mentionner les majorations et pénalités qui s’appliquent.
Il n’est donc nullement exigé par les textes que les majorations de retard soient ventilées année par année.
En l’espèce, la mise en demeure du 6 décembre 2010 mentionne le montant des majorations de retard, répondant ainsi aux dispositions légales telles que prévues par l’article R244 -1 du Code de la sécurité sociale modifié le 1er janvier 2017.
En conséquence, ce moyen de nullité ne saurait être retenu.
* La société [9] allègue que la mise en demeure du 6 décembre 2010 est irrégulière au motif qu’elle a été adressée à l’aéroport de [Localité 7] alors que les installations dont elle dispose à [Localité 7] ne peuvent être assimilées à un établissement au regard du droit français ou au regard du droit communautaire.
Cependant, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence dans son arrêt en date du 28 octobre 2014 ainsi que la Cour d’appel de Paris dans son arrêt en date du 13 mai 2022 ont jugé que la base de la société [9] sur le site de l’aéroport de [Localité 7] remplit les conditions factuelles et légales pour être qualifiée de base d’exploitation.
En outre, il est de jurisprudence constante que la mise en demeure peut-être adressée à l’établissement figurant sur la lettre d’observations, ce qui est précisément le cas en l’espèce.
L’URSSAF a donc répondu aux exigences légales en notifiant la mise en demeure au débiteur des cotisations au sens de l’article R244 – 1 du Code de la sécurité sociale.
En tout état de cause la mise en demeure du 6 décembre 2010 a été adressée également au siège social de la société [9].
En conséquence il convient de retenir que la mise en demeure du 6 décembre 2010 a été régulièrement notifiée par l’URSSAF.
II/ Sur le bien-fondé du redressement
A titre liminaire, il sera rappelé que la décision de la Cour d’appel de Paris du 13 mai 2022 a acquis l’autorité de la chose jugée. Elle a retenu l’applicabilité du droit français à l’établissement de la société [9] sis à [Localité 7] et à ses salariés et condamné la société [9] pour travail dissimulé.
En l’état de cette décision pénale devenue définitive, il ne peut plus être débattu devant la présente juridiction de l’inapplicabilité du droit français de la sécurité sociale.
Au regard de la jurisprudence constante en la matière, s’il procède du constat d’infraction de travail dissimulé, le redressement a pour objet exclusif le recouvrement des cotisations afférentes à cet emploi et il n’est pas nécessaire d’établir l’intention frauduleuse de l’employeur.
Suivant les dispositions de l’article L 111 – 2 – 2 du Code de la sécurité sociale :
“Sous réserve des traités et accords internationaux régulièrement ratifiés ou approuvés, sont affiliées à un régime obligatoire de sécurité sociale dans le cadre du présent code, quel que soit leur âge, leur sexe, leur nationalité ou leur lieu de résidence, toutes les personnes exerçant sur le territoire français, à titre temporaire ou permanent, à temps plein ou à temps partiel une activité pour le compte d'un ou de plusieurs employeurs, ayant ou non un établissement en France, et quels que soient le montant et la nature de leur rémunération, la forme, la nature ou la validité de leur contrat (...)”
L’article 1er de l’arrêté du 11 juillet 1950 dispose que :
« tout employeur de personnel salarié relevant, à quelque titre que ce soit, du régime général de la sécurité sociale, est tenu, dans le délai de huitaine à compter soit de l’ouverture de l’acquisition de l’entreprise si celle-ci comporte l’emploi de salariés, soit du premier embauchage d’un salarié dans le cas contraire, de demander son immatriculation à la sécurité sociale ».
Et suivant les dispositions de l’article L311 – 2 du Code de la sécurité sociale :
« Sont affiliées obligatoirement aux assurances sociales du régime général (…) toutes les personnes (…) salariées travaillant à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit pour un ou plusieurs employeurs et quelques soit le montant et la nature de la rémunération, la forme, la nature ou l’invalidité de leur contrat ».
En conséquence, en application des dispositions de la législation française susvisées, la société [9] avait l’obligation de procéder à son immatriculation et à la déclaration de ses salariés auprès de l’URSSAF, organisme de sécurité sociale français.
La société [9] conteste le montant des cotisations et contributions dues à l’URSSAF.
L’URSSAF précise dans ses dernières conclusions (conclusions responsives numéro 3) qu’elle estime avoir été définitivement désintéressée à hauteur de la somme de 4 500 000 € en principal correspondant aux dommages et intérêts perçus par elle de la part de la société [9] et ne réclame plus cette somme dans le cadre de la présente instance.
Elle indique limiter ses demandes à l’encontre de la société [9] à hauteur de la différence entre le montant redressé qui s’élève au total à la somme de 4 738 569 € et le montant des dommages et intérêts qu’elle a perçus de la société [9] à hauteur de 4 500 000 €, soit la somme de 238 569 €.
L’article R242 – 5 du Code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au présent litige dispose que :
« lorsque la comptabilité d’un employeur ne permet pas d’établir le chiffre exact des rémunérations servant de base de calcul des cotisations dues, le montant des cotisations est fixé forfaitairement.
Ce forfait est établi compte tenu des conventions collectives en vigueur, ou, à défaut, des salaires pratiqués dans la profession ou la région considérée.
La durée de l’emploi est déterminée d’après les déclarations des intéressés ou par tout autre moyen de preuve ».
En l’espèce, en l’absence de documents comptables pour l’établissement de la société [9] situé sur l’aéroport de [Localité 7] qui aurait permis un chiffrage sur une base réelle, l’URSSAF a dû opérer une taxation forfaitaire conformément aux dispositions légales susvisées.
Il appartenait à la société [9] de rapporter la preuve au cours des opérations de contrôle de la réalité de son effectif durant la période du redressement.
Or la société [9] n’a produit aucun document tendant à établir la preuve que les bases du redressement retenues par l’URSSAF sont erronées, notamment quant au nombre de salariés concernés durant chaque période.
L’URSSAF a procédé aux opérations de contrôle en exploitant les éléments de la procédure pénale aux fins de déterminer le nombre de salariés concernés.
Elle s’est donc basée sur la liste de 127 salariés communiquée par la société [9] elle-même au magistrat instructeur.
L’URSSAF produit les bases précises de calcul du redressement opéré.
Elle a évalué le coût salarial par avion et par mois en fonction des éléments de rémunération du personnel navigant et du montant du SMIC applicable sur la période concernée.
Elle a ensuite multiplié le coût salarial par le nombre d’avions dont la société disposait sur la période concernée.
Elle a ainsi opéré une taxation forfaitaire sur la base de :
– deux avions en 2007,
– trois avions à compter du 1er mai 2008,
– quatre avions à compter du 1er janvier 2009.
Elle a retenu ces éléments suivant l’exploitation des pièces de la procédure pénale.
Force est de constater que la société [9] ne communique aucune pièce à la présente procédure de nature à remettre en cause les bases de calcul de la taxation forfaitaire opérée par l’organisme de recouvrement.
En conséquence, il convient de retenir que la somme réclamée par l’URSSAF de 3 963 671 € en principal au titre des cotisations et contributions sociales portant sur la période du 1er janvier 2007 au 31 mars 2010 est justifiée.
Le calcul du montant dû au titre des majorations de retard n’est par ailleurs pas contesté par la société [9].
Le tribunal ne saurait prendre en compte les cotisations sociales que la société [9] allègue avoir versées auprès des autorités de sécurité sociale Irlandaises puisque la société a précisément été condamnée pour travail dissimulé notamment en ne procédant pas aux déclarations fiscales et sociales en tant qu’employeur de ses salariés.
III/ Sur les demandes accessoires
Les dépens, en ce compris les frais de signification de la contrainte, sont à la charge de la partie qui succombe, conformément aux dispositions des articles 696 du Code de procédure civile et R.133-6 du Code de la sécurité sociale.
En conséquence, les dépens sont laissés à la charge de la société [9].
Compte tenu de la longueur de la procédure tenant notamment aux multiples recours engagés par la requérante, il paraît équitable de condamner la société [9] au paiement au profit de l’URSSAF de la somme de 10 000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal, statuant par jugement contradictoire et en premier ressort,
ORDONNE la jonction des dossiers enregistrés sous les numéros RG 11/ 03719 et RG 11/ 08184 sous le seul numéro RG 11/ 03719 ;
DÉCLARE recevables mais mal fondés les recours des 28 mars 2011 et 3 novembre 2011 de la société [9] à l’encontre de la mise en demeure du 6 décembre 2010 d’un montant de 4 738 569 € de l’URSSAF des Bouches-du-Rhône et de la décision de la commission de recours amiable de l’URSSAF du 27 avril 2011 ;
REJETTE les moyens de nullité soulevés par la Société [9] à l’encontre de la procédure de contrôle et de redressement notifiés par lettre d’observation du 6 octobre 2010 et de la mise en demeure du 6 décembre 2010 ;
DÉBOUTE la société [9] de l’ensemble de ses demandes fins et prétentions ;
CONDAMNE la société [9] à payer à l’URSSAF PACA la somme de 238 569 € correspondant à la différence entre la somme de 4 500 000 € perçue par l’URSSAF à titre de dommages-intérêts et la somme réclamée au titre du redressement concernant les cotisations sociales dues pour la période du 1er janvier 2007 au 31 mars 2010 ;
CONDAMNE la société [9] aux dépens de l’instance, en ce compris les frais de signification de la contrainte, en application des dispositions des articles 696 du Code de procédure civile et R.133-6 du Code de la sécurité sociale ;
CONDAMNE la société [9] à verser à l’URSSAF PACA la somme de 10 000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
DIT que tout appel de la présente décision doit être formé, sous peine de forclusion, dans le délai d’un mois à compter de sa notification, conformément aux dispositions de l'article 538 du code de procédure civile.
Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe le 10 juillet 2024.
Notifié le :
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE