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05/07/2024 | FRANCE | N°21/02619

France | France, Tribunal judiciaire de Marseille, 2ème chambre cab1, 05 juillet 2024, 21/02619


TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE


JUGEMENT N°


Enrôlement : N° RG 21/02619 - N° Portalis DBW3-W-B7F-YRNM

AFFAIRE : Mme [I] [N] [Y] [Z]-[E] et consorts [Z]-[E]; Madame [U] [H] [S] [L] [Z](Me Sarah ZENOU)
C/ M. [P] [T] (Maître Etienne ABEILLE de la SELARL ABEILLE & ASSOCIES); Organisme CPAM DES BOUCHES-DU-RHONE ()


DÉBATS : A l'audience Publique du 17 Mai 2024


COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré

Président : Madame Stéphanie BERTHELOT
Greffier : Madame WANDA FLOC’H,

lors des débats

A l'issue de laquelle, la date du délibéré a été fixée au : 05 Juillet 2024

Les parties ont été avisées qu...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT N°

Enrôlement : N° RG 21/02619 - N° Portalis DBW3-W-B7F-YRNM

AFFAIRE : Mme [I] [N] [Y] [Z]-[E] et consorts [Z]-[E]; Madame [U] [H] [S] [L] [Z](Me Sarah ZENOU)
C/ M. [P] [T] (Maître Etienne ABEILLE de la SELARL ABEILLE & ASSOCIES); Organisme CPAM DES BOUCHES-DU-RHONE ()

DÉBATS : A l'audience Publique du 17 Mai 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré

Président : Madame Stéphanie BERTHELOT
Greffier : Madame WANDA FLOC’H, lors des débats

A l'issue de laquelle, la date du délibéré a été fixée au : 05 Juillet 2024

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 05 Juillet 2024

PRONONCE par mise à disposition le 05 Juillet 2024

Madame Stéphanie BERTHELOT,
Assistée de Madame WANDA FLOC’H, Greffier

NATURE DU JUGEMENT

réputée contradictoire et en premier ressort

NOM DES PARTIES

DEMANDEURS

Madame [I] [N] [Y] [Z]-[E]
née le [Date naissance 1] 1977 à [Localité 10], demeurant [Adresse 7]

représentée par Me Sarah ZENOU, avocat au barreau de MARSEILLE

Monsieur [D] [B] [E]
né le [Date naissance 3] 1973 à [Localité 9], demeurant [Adresse 7]

représenté par Me Sarah ZENOU, avocat au barreau de MARSEILLE

Madame [U] [H] [S] [L] [Z]
née le [Date naissance 2] 2000 à [Localité 8], demeurant [Adresse 7]

représentée par Me Sarah ZENOU, avocat au barreau de MARSEILLE

Madame [I] [Z]-[E], en sa qualité de représentant légal de sa fille [O], [M], [Y], née le [Date naissance 4]/2005 à [Localité 10]
née le [Date naissance 1] 1977 à [Localité 10], demeurant [Adresse 7]

représentée par Me Sarah ZENOU, avocat au barreau de MARSEILLE

Madame [I] [Z]-[E], en sa qualité de représentant légal de son fils [R], [K], [V], [C], [W] [Z]-[E], née le [Date naissance 5]/2014 à [Localité 10]
née le [Date naissance 1] 1977 à [Localité 10], demeurant [Adresse 7]

représentée par Me Sarah ZENOU, avocat au barreau de MARSEILLE

C O N T R E

DEFENDEURS

Monsieur [P] [T], demeurant [Adresse 11], pris en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège.

représenté par Maître Etienne ABEILLE de la SELARL ABEILLE & ASSOCIES, avocats au barreau de MARSEILLE

Organisme CPAM DES BOUCHES-DU-RHONE, dont le siège social est sis [Adresse 6], pris en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège.

défaillant

EXPOSE DU LITIGE

Le 7 novembre 2020, le chien de Monsieur [P] [T] a attaqué celui de Madame [Z]-[E] [I], promené par son époux Monsieur [D] [E], qui a été blessé en intervenant.

L’animal de Madame [Z]-[E] est décédé de ses blessures chez le vétérinaire deux jours plus tard.

Par actes d’huissier de justice signifiés le 3 mars 2021, Madame [I] [Z]-[E], Monsieur [D] [E], leurs filles Madame [U] [L] [Z] et Madame [O] [Z]-[E] (représentée par sa mère) et Monsieur [R] [Z]-[E] ( représenté par sa mère) ont fait citer Monsieur [P] [T], sollicitant, au visa de l’article 1243 du code civil, la réparation des préjudices qu’ils estiment avoir subi suite au décès de leur chien.

La CPAM DES BOUCHES DU RHONE a également été citée, mais n’a pas comparu.

Par conclusions signifiées le 19 mai 2022, les demandeurs demandent au tribunal de juger Monsieur [T] responsable des dommages causés à leur chien, et de le condamner à payer à Monsieur [D] [E] la somme de 6 000 euros, à Madame [I] [Z]-[E] la somme de 597,30 euros au titre des frais vétérinaires et 5 000 euros en réparation de son préjudice moral, aux deux enfants mineurs la somme de 2 500 euros chacun en réparation de leur préjudice moral, et à Madame [U] [Z] la somme de 1 500 euros en réparation de son préjudice moral.

Ils sollicitent le rejet de la demande reconventionnelle de Monsieur [T].

Au titre des frais irrépétibles, les époux [E] demandent l’allocation de la somme de 2 000 euros, et Madame [U] [Z] celle de 1 000 euros, ainsi que les entiers dépens, le tout au bénéfice de l’exécution provisoire.

Au soutien de leurs prétentions, ils avancent que :

- la version des faits présentée par Monsieur [T] n’est corroborée par aucun élément objectif et matériel.

- Monsieur [T] tenait son chien en laisse et exerçait sur lui des pouvoirs de direction, de contrôle et d’usage.

- des témoins attestent que le chien de Monsieur [T] se montre souvent très agressif.

- l’article 1243 du code civil n’exclut pas la responsabilité du gardien en fonction de l’existence ou non d’une laisse sur l’autre animal.

- même si l’enquête pénale a été classée, cela n’a aucune incidence sur la faute civile de Monsieur [T].

- le chien de la famille [E] n’a commis aucune faute.

- Monsieur [T] savait que son chien était dangereux, et n’a rien fait.

- le chien de Monsieur [T] est de grande taille, alors que le leur était tout petit.

En défense et par conclusions signifiées le 7 mars 2022, Monsieur [T] demande au tribunal, à titre principal, de dire que la responsabilité du sinistre incombe entièrement à Monsieur [E] et de rejeter les demandes formées à son encontre.

À titre subsidiaire, il demande la réduction des prétentions adverses et le rejet de la demande formée au titre des frais irrépétibles, et que l’exécution provisoire soit écartée.

A titre reconventionnel, il réclame la condamnation in solidum des demandeurs à lui rembourser la somme de 76,50 euros exposée au titre de l’évaluation comportementale de son chien.

Monsieur [T] fait valoir que :

- le chien de Monsieur [E] n’était pas tenu en laisse, et, par précaution, Monsieur [T] a préféré traverser la rue pour éviter que les chiens se croisent.

- le chien de Monsieur [E] a traversé la rue et s’est dirigé vers Monsieur [T] en courant.

- il a été blessé en essayant de dégager le petit chien.

- le chien de Monsieur [T] a échappé à son maître, a traversé la rue, et est venu agresser son chien, qui n’a fait que se défendre.

- ce n’est que parce que Monsieur [E] ne tenait pas son chien en laisse que le sinistre a pu se produire.

- la responsabilité du sinistre incombe entièrement à Monsieur [E] qui a commis une faute au sens de l’article 1240 du code civil.

La clôture a été prononcée le 12 avril 2024.

Il est expressément référé, en application de l'article 455 du Code de procédure civile, à l’exploit introductif d’instance et aux conclusions pour connaître des faits, moyens et prétentions des parties.
Lors de l’audience du 17 mai 2024, les conseils des parties entendus en leurs plaidoiries, l’affaire a été mise en délibéré au 5 juillet 2024.

MOTIFS

Sur la responsabilité

L’article 1243 du code civil dispose que le propriétaire d'un animal, ou celui qui s'en sert, pendant qu'il est à son usage, est responsable du dommage que l'animal a causé, soit que l'animal fût sous sa garde, soit qu'il fût égaré ou échappé.

En l’occurrence, les parties s’accordent à reconnaître que le 7 novembre 2020, sur la voie publique, le chien de Monsieur [T] a mordu celui de Madame [Z]-[E], promené par Monsieur [E].

Le chien de Madame [Z]-[E] est décédé de ses blessures, chez le vétérinaire, deux jours plus tard.

Les deux chiens étaient chacun sous la garde de la personne qui les promenaient.

Le fait pour un chien domestique de mordre violemment un autre chien, dans un espace public, constitue un comportement anormal.

Ce comportement anormal engage la responsabilité du gardien de l’animal, en l’espèce Monsieur [T], son propriétaire, sans qu’il soit besoin de démontrer la commission d’une faute.

En l’état des éléments produits au débat, il n’est pas établi que Monsieur [E] ait commis une faute de nature à exonérer Monsieur [T] de sa responsabilité.

En effet, le fait de croiser dans la rue un autre chien domestique n’est ni imprévisible, ni irrésistible.

Aucun des documents communiqués ne fait mention d’une attitude agressive du chien de Madame [Z]-[E] au moment des faits.

Monsieur [T] ne démontre pas non plus que Monsieur [E] n’aurait pas tenu son chien en laisse, le texte dactylographié accompagné d’une copie du passeport de Madame [A] [F] étant dépourvu de force probante pour ne pas répondre aux exigences de l’article 202 du code de procédure civile.

Dès lors, Monsieur [T] sera tenu de réparer les préjudices découlant de la mort de l’animal de Madame [Z]-[E].

Sur les préjudices

Sur les préjudices de Monsieur [D] [E]

Monsieur [E] avait au moment des faits la garde du chien de son épouse.

La violence de la scène lui a indéniablement causé un préjudice moral causé par le choc psychologique au moment de l’agression, puis par l’angoisse du sort de l’animal domestique de la famille, et enfin par le décès dans des circonstances douloureuses du chien.

Les documents médicaux produits démontrent la réalité et l’ampleur de ce préjudice.

Ce préjudice moral sera compensé par l’allocation d’une somme de 4 000 euros.

En outre, Madame [G], témoin direct des faits, atteste que Monsieur [E] a dû ouvrir la gueule du chien de Monsieur [T] (dont le certificat du vétérinaire révèle le poids de 46 kg) pour tenter de libérer le sien.

Monsieur [T] n’est donc pas fondé à contester que Monsieur [E] a été blessé du fait de son chien, dont il est responsable.

Afin de réparer les souffrances physiques endurées par Monsieur [E], il convient de condamner Monsieur [T] à lui payer la somme de 1 000 euros.

Sur les préjudices de Madame [Z]-[E]

Il n’est pas contesté que Madame [Z]-[E] était propriétaire du chien mortellement blessé.

Elle justifie par les documents médicaux versés au débat et les attestations de ses proches de la réalité et de l’intensité de son préjudice moral, suite à la mort de son animal de compagnie.

Monsieur [T] sera condamné à lui payer la somme de 4 000 euros à ce titre.

Par ailleurs, elle justifie des dépenses vétérinaires exposées à hauteur de 597, 30 euros, que le défendeur sera également condamné à supporter.

Sur le préjudice des jeunes [R] et [O] [Z]-[E]

Agés respectivement de 6 ans et 15 ans au moment des faits, il est démontré que les enfants [Z]-[E] ont subi un préjudice moral du fait de la brutale disparition du chien de la famille dont ils partageaient le quotidien.

En considération des éléments produits au débat, il est justifié de condamner Monsieur [T] à payer à ce titre une somme de 2 000 euros chacun.

Sur le préjudice de Madame [U] [L] [Z]

Madame [U] [L] [Z] était étudiante en BELGIQUE au moment des faits, et était alors âgée de 20 ans.

Il n’est pas contesté que le décès de l’animal domestique de la famille lui a pour autant causé une souffrance morale, qui sera réparée par l’allocation d’une somme de 500 euros.

Sur la demande reconventionnelle de Monsieur [T]

En considération de la solution retenue en application de l’article 1243 du code civil, Monsieur [T] n’est pas fondé à réclamer le remboursement du coût du bilan comportemental vétérinaire de son chien.

Il sera débouté de cette prétention.
 
Sur les frais irrépétibles
L'article 700 du code de procédure civile dispose que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer :
1° A l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
2° Et, le cas échéant, à l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle partielle ou totale une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Dans ce cas, il est procédé comme il est dit aux alinéas 3 et 4 de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations.
Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu'elles demandent.
La somme allouée au titre du 2° ne peut être inférieure à la part contributive de l'État majorée de 50 %.
Monsieur [T], succombant à l'instance, ne pourra pas voir accueillie sa demande formée à ce titre.
En revanche, il serait inéquitable de laisser à la charge des époux [E] l'intégralité des frais exposés et non compris dans les dépens.
Une somme de 1.500 euros leur sera allouée en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Aucune considération tirée de l’équité ne commande de faire application de ces dispositions au bénéfice de Madame [U] [L] [Z].
 
Sur les dépens
Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.
 
En l’espèce, Monsieur [T], succombant à l’instance, sera condamné au paiement des entiers dépens.
 
Sur l'exécution provisoire
Aux termes de l'article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement.
En l'espèce, il n'y a pas lieu de ne pas ordonner l'exécution provisoire.
PAR CES MOTIFS

Le tribunal, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement par jugement mis à disposition au greffe, réputé contradictoire et en premier ressort,

Condamne Monsieur [P] [T] à payer à Monsieur [D] [E] la somme de 4 000 euros en réparation de son préjudice moral.

Condamne Monsieur [P] [T] à payer à Monsieur [D] [E] la somme de 1 000 euros en réparation des souffrances physiques endurées.

Condamne Monsieur [P] [T] à payer à Madame [I] [Z]-[E] la somme de 4 000 euros en réparation de son préjudice moral.

Condamne Monsieur [P] [T] à payer à Madame [I] [Z]-[E] la somme de 597,30 euros au titre des frais vétérinaires.

Condamne Monsieur [P] [T] à payer à Madame [I] [Z]-[E], en qualité de représentante légale de sa fille mineure [O] [Z]-[E] la somme de 2 000 euros en réparation de son préjudice moral.

Condamne Monsieur [P] [T] à payer à Madame [I] [Z]-[E], en qualité de représentante légale de son fils mineur [R] [Z]-[E] la somme de 2 000 euros en réparation de son préjudice moral.

Condamne Monsieur [P] [T] à payer à Madame [U] [L] [Z] la somme de 500 euros en réparation de son préjudice moral.

Rejette la demande reconventionnelle formée par Monsieur [P] [T].

Condamne Monsieur [P] [T] à payer la somme totale de 1 500 euros à Madame [I] [Z]-[E] et à Monsieur [D] [E] au titre des frais irrépétibles.

Rejette la demande formée au titre des frais irrépétibles par Madame [U] [L] [Z].

Condamne Monsieur [P] [T] aux dépens.

Juge ne pas avoir lieu à écarter l’exécution provisoire de droit.

AINSI JUGE ET PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION AU GREFFE DE LA DEUXIÈME CHAMBRE DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE LE 5 JUILLET DEUX MILLE VINGT-QUATRE.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Marseille
Formation : 2ème chambre cab1
Numéro d'arrêt : 21/02619
Date de la décision : 05/07/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 13/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-05;21.02619 ?
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