TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE
TROISIEME CHAMBRE CIVILE - SECTION B
JUGEMENT N°
Enrôlement : N° RG 21/04373 - N° Portalis DBW3-W-B7F-YXX4
AFFAIRE :
Madame [W] [Y] épouse [R] (Me Virgile REYNAUD, avocat au barreau de MARSEILLE)
Madame [B] [G](Me Virgile REYNAUD, avocat au barreau de MARSEILLE)
C/
S.A. SOCIETE DES EAUX DE MARSEILLE METROPOLE (Me Stéphane PEREL)
Société BRONZO TP (Maître Nicolas COURTIER de la SELARL COURTIER CABINET D AVOCATS)
Rapport oral préalablement fait
DÉBATS : A l'audience Publique du 16 Mai 2024
COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré
Président : Madame Patricia GARNIER, Juge
Greffier : Madame Olivia ROUX, lors des débats
A l'issue de laquelle, la date du délibéré a été fixée au : 04 Juillet 2024
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 04 Juillet 2024
PRONONCE en audience publique par mise à disposition au greffe le 04 Juillet 2024
Par Madame Patricia GARNIER, Juge
Assistée de Madame Olivia ROUX,
NATURE DU JUGEMENT
contradictoire et en premier ressort
NOM DES PARTIES
DEMANDERESSES
Madame [W] [Y] épouse [R]
née le 16 Juin 1962 à [Localité 4]
de nationalité Française, demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Virgile REYNAUD, avocat au barreau de MARSEILLE
Madame [B] [G]
née le 18 Janvier 1938 à [Localité 4]
de nationalité Française, demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Virgile REYNAUD, avocat au barreau de MARSEILLE
C O N T R E
DEFENDERESSES
Société BRONZO TP
immatriculé au RCS Marseille B 501 656 573
pris en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège,
dont le siège social est sis [Adresse 5]
représentée par Maître Nicolas COURTIER de la SELARL COURTIER CABINET D AVOCATS, avocats au barreau de MARSEILLE
S.A. SOCIETE DES EAUX DE MARSEILLE METROPOLE
immatricuée au RCS de Marseille sous le n°801 950 692
pris en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
dont le siège social est sis [Adresse 1]
représentée par Me Stéphane PEREL, avocat au barreau de MARSEILLE
FAITS, MOYENS ET PROCÉDURE :
Madame [W] [R] née [Y] et madame [B] [G], sa mère, sont chacune propriétaire d’une maison d’habitation sis [Adresse 3] à [Localité 2], aimentés par un seul compteur d’eau potable géré par la SEMM.
Au mois de juin 2016, la SAS BRONZO TP est intervenue pour la SEMM sur le réseau d’eau potable du [Adresse 3] pour y effectuer des travaux.
Depuis cette intervention, Madame [W] [R] née [Y] et madame [B] [G] déclarent avoir constaté la présence d’une “eau saumâtre avec d’importants dépôts”.
Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 26 septembre 2016, madame [R] a demandé à la SEMM de réparer ces différents préjudices, en vain.
Par acte en date du 24 février 2017, madame [R] faisait citer la SEMM pour demander la désignation d’un expert judiciaire. Par ordonnance en date du 23 juin 2017, le juge des référés désignait un expert judiciaire. Son rapport définitif était rendu le 10 mai 2019.
C’est dans ce contexte que, Madame [W] [R] née [Y] et madame [B] [G] ont assigné la SOCIETE DES EAUX DE MARSEILLE (SEMM) devant le tribunal judiciaire de Marseille afin de le voir:
- condamner la SEMM à payer à madame [W] [R] la somme de 16804€ TTC au titre de la reprise des désordres;
- condamner la SEMM à payer à madame [W] [R] et madame [B] [G] la somme de 3000€ chacune au titre du préjudice subi;
- condamner la SEMM à payer à madame [W] [R] et madame [B] [G] la somme de 3000€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile;
- condamner la SEMM aux entiers dépens y compris les frais d’expertise qui s’élèvent à 5799,99€ TTC;
- ne pas écarter l’exécution provisoire au regard de l’ancienneté des faits.
La procédure était enregistrée sous le numéro RG 214373.
Par acte d’huissier en date du 1er février 2023, la SEMM a appelé en cause la société BRONZE TP devant le tribunal judiciaire de Marseille afin de le voir:
- DIRE ET JUGER la SEMM recevable en son appel en cause;
-VENIR la requise s’entendre être présente aux débats;
-ORDONNER la jonction de la présente instance avec la procédure principale;
-ENTENDRE statuer ce que de droit sur les dépens.
Cette procédure était enregistrée sous le numéro RG 233522.
Par jugement en date du 8 février 2024, le tribunal prononçait la jonction de ces deux affaires et sa poursuite sous le numéro unique RG 214373.
*
Par conclusions notifiées par RPVA le 5 mars 2024, sur le fondement de l’article 1240 du code civil, madame [W] [R] née [Y] et madame [B] [G] sollicitent de voir le tribunal:
REJETER toutes les demandes, fins et conclusions de la SEMM et de BRONZO TP;
JUGER que les travaux commandités par la SEMM sont à l’origine des désordres subis par Mesdames [R] et [G];
JUGER que la reprise de ces désordres s’élève à 16.804 € TTC;
JUGER que les frais d’expertise judiciaire s’élèvent à 5.799,99 € TTC;
En conséquence,
CONDAMNER in solidum la SEMM et BRONZO TP à payer à Madame [W] [R] la somme de 16.804 € TTC au titre de la reprise des désordres;
CONDAMNER in solidum la SEMM et BRONZO TP à payer à Mesdames [R] et [G] la somme de 3.000 € chacune au titre du préjudice de jouissance subi;
CONDAMNER in solidum la SEMM et BRONZO TP à payer à Mesdames [R] et [G] la somme de 3.000 € chacune au titre de l’article 700 du Code de procédure civile;
VU l’article 696 du Code de Procédure civile,
CONDAMNER in solidum la SEMM et BRONZO TP aux entiers dépens, y compris les frais d’expertise qui s’élèvent à 5.799,99 € TTC;
NE PAS ECARTER l’exécution provisoire de droit de la décision à venir, au regard de l’ancienneté des faits.
Par conclusions notifiées par RPVA le 10 janvier 2023, la SEMM sollicite du tribunal judiciaire de:
- DEBOUTER les requérantes de l’ensemble de leurs demandes ;
A titre subsidiaire,
-CONDAMNER la société BRONZO TP à relever et garantir la SEMM de toutes condamnations prononcées à son encontre,
En tout état de cause,
-CONDAMNER madame [W] [R] et madame [B] [G] à lui payer la somme de 3000€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile;
Par conclusions notifiées par RPVA le 27 février 2024, la SAS BRONZO TP sollicite de voir le tribunal:
-REJETER comme infondé l’ensemble des demandes formulées à l’encontre de BRONZO TP;
-CONDAMNER conjointement et solidairement Mesdames [R] et [G] à lui payer la somme de trois mille euros (3000 euros) en application de l’article 700 du Code de procédure civile;
-CONDAMNER conjointement et solidairement Mesdames [R] et [G] aux entiers dépens.
*
Au-delà de ce qui sera repris pour les besoins de la discussion et faisant application en l'espèce des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, le Tribunal entend se référer pour l'exposé plus ample des moyens et prétentions des parties aux dernières de leurs écritures visées ci-dessus.
Une ordonnance du juge de la mise en état du 22 juin 2023 a clôturé l’instruction du dossier et a fixé à l'audience de plaidoirie du 23 novembre 23.. L’affaire a été mise en délibéré au 8 février 2024, le tribunal a reouvert les débats suite à la mise en cause de la société TP BRONZO, a révoqué l’ordonnance de clôture du 22 juin 2023 et renvoyé à l’audience de plaidoirie du 16 mai 2024 avec injonction aux parties de conclure à nouveau suite à la jonction de l’affaire principale et de l’affaire mettant en cause la société TP BRONZO.
MOTIFS DU JUGEMENT
Sur la réparation des désordres subis par les demanderesses à hauteur de 16804€ :
En application des dispositions de l’article 1382 ancien du code civil, applicable à l’espèce, tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
En l’espèce, les demanderesses considèrent que la SAS BRONZO TP est à l’origine de la présence d’une eau boueuse qui aurait entrainé le dysfonctionnement de leur système de pompage et de distribution d’eau et la nécessité de son remplacement.
A l’appui de leurs demandes, elles produisent plusieurs éléments :
- les attestations de monsieur [N], madame [A] et monsieur [D] qui déclarent avoir subi des désagréments suite à l’intervention de la SAS BRONZO TP début juin 2016 tels que de l’eau boueuse, baisse voire absence de pression pendant quelques jours ais ces problèmes ont disparu spontanément ;
- le procès verbal de constat d’un huissier de justice du 5 août 2016, en présence de madame [W] [R] et monsieur [T] [I] de la société ECORES, qui a permis de constater que ce dernier a débouché la canalisation de madame [R] en extrayant une vingtaine de centimètres de terre boueuse qui l’obstruait compactée sous forme cylindrique, et a déclaré qu’il s’agissait bien d’un bouchon capable de s’opposer à l’alimentation en eau potable de la maison de la requérante. Au cours de ce constat, monsieur [I] a également pu constater qu’un autre bouchon demeurait, situé à une trentaine de mètres du compteur mais qu’il est inaccessible car située en limite de ravin qui surplomble la propriété de la voisine, madame [N] ;
- le rapport d’intervention de la société ECORES le 5 août 2016 qui reprend ce que l’huissier de justice a constaté dans son procès verbal de constat du même jour ;
- un rapport d’expertise amiable en date du 28 novembre 2016 réalisée par l’assurance de madame [R] dont il ressort que « si des dépôts existent dans la canalisation celan ne peut provenir que de la fourniture de la SEM éventuellement depuis plusieurs années. Pour autant la SEM n’a pas communiqué la nécessité de faire vérifier les canalisations privatives de tout risque dans le temps d’obstruction par leurs dépôts dans l’eau », « qu’aucune force de compression n’existe dans la cuve » « l’absence d’intervention sur le branchement : aucune incidence n’a été mise en avant sur une action directe mais la relation entre l’intervention et l’apparaition du problème peut être l’élément générateur ou amplificateur », « la SEMM serait responsable car l’eau dans le plymouth est boueuse » « aucune responsabilité si le playmouth est en mauvais état car trop ancien : le plymouth ne présente pas de défaut sur la zone d’obstruction ».
En défense, la SEMM expose qu’après 18 mois d’expertise, l’expert arrive de façon non équivoque à la conclusion qu’aucune responsabilité ne ressort clairement et ne permet de déterminer l’origine du dommage subi par les requérantes et cite une partie de ses conclusions dans ses écritures :
« lors de la réunion d’expertise du 13 mars 2019, monsieur [L] de la SEMM nous déclarait avoir constaté au niveau du compteur de madame [R] de l’eau rouge c’est-à-dire de l’eau contenant du chlorure férique, qui est un produit utilisé par la SEMM pour le traitement de l’eau. Les explications sont tout à fait cohérente. Pour autant cela n’explique pas les désordres allégués par madame [R]. Les résidus actuellement visibles, ne sont pas nécessairement représentatifs des matériaux de juin 2016, c’est pourquoi nous ne proposons pas de faire leur analyse ».
Au regard de l’ensemble de ces éléments, le tribunal est en mesure de déterminer que suite à l’intervention de la SAS BRONZO TP, mandatée par la SEMM, il y a eu des conséquences directes sur le réseau privé des habitants du [Adresse 3] consistant en la présence de boue dans leur eau. La proximité temporelle entre l’intervention la SAS BRONZO TP mandatée par la SEMM et ces constats ne fait aucun doute sur leur lien de causalité.
De plus, l’expert précise que monsieur [L], qui travaille à la SEMM, a dit qu’il s’agissait d’eau rouge mais ne le démontre pas, alors que plusieurs témoins parlent d’eau boueuse dans les heures qui ont suivi l’intervention de la SEM et que le spécialiste de la société ECORES a trouvé en aôut 2016 un bouchon de boue dans la canalisation. Or, comme le souligne la société ECORES, cette canalisation étant uniquement utilisée pour acheminer de l’eau de la SEMM, cette eau devrait etre irréprochable et ne pas former un bouchon de boue, que ce bouchon soit dû à l’intervention de juin 2016 ou à une accumulation de dépôt due à une eau ne correspondant pas aux normes en vigueur.
Ces faits suffisent à constituer une faute commise par la SEMM.
Enfin, il ne fait aucun doute que c’est ce bouchon de boue, et le second à flanc de ravin, qui a causé les désordres que madame [R] a rencontré sur son réseau privé et que la SEMM doit réparer le préjudice qu’elle a subi ainsi que ses conséquences.
Les demanderesses sollicitent le remboursement des frais engagés pour réparer les dégats causés par la SEMM constitués par:
- une recherche de fuite pour un coût de 550 € TTC par la société MASSILIA PLOIMB SERVICES;
- Des investigations par caméra par la société ECORES pour un coût de 564 € TTC;
- une observation des dépôts et du tuyau par un huissier de justice, SCP MARROT et CANIGGIA pour un coût de 450 € TTC;
- le remplacement de la canalisation défectueuse par la société VAR TERRASSEMENT pour un coût de 15 240 € TTC,
soit un total de 16804€ TTC.
L’ensemble de ces frais est justifié par la production de factures et devront être remboursés par la SEMM.
Concernant la responsabilité de la SAS BRONZO TP, agissant en qualité de préposé de la SEMM, elle ne sera pas engagée conformément aux dispositions de l’alinéa 5 de l’article 1242 du code civil qui prévoit que Les maîtres et les commettants, du dommage causé par leurs domestiques et préposés dans les fonctions auxquelles ils les ont employés.
Dans ces conditions il conviendra de condamner la SEMM à payer la somme de 16804€ TTC à Madame [W] [R] née [Y] et madame [B] [G] ensemble.
Sur le préjudice de jouissance :
Il est indéniable que l’absence d’eau potable jusqu’à ce qu’elles fassent réparer leur canalisation est un préjudice non négligeable qu’il conviendra d’indemniser à hauteur de 1000€ chacune.
Sur les demandes accessoires :
LA SEMM sera condamnée à payer la somme de 3000€ à Madame [W] [R] née [Y] et madame [B] [G] ensemble sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
La SEMM sera condamnée aux dépens, en ce compris les frais d’expertise judiciaire.
PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL,
Statuant par jugement contradictoire rendu en premier ressort et mis à la disposition des parties au greffe ;
ACCUEILLE les conclusions notifiées par RPVA le 5 mars 2024 de madame [W] [R] née [Y] et madame [B] [G] et le 27 février 2024 de la SAS BRONZO TP;
CLOTURE à nouveau;
DEBOUTE la SA SOCIETE DES EAUX DE MARSEILLE METROPOLE et madame [W] [R] née [Y] et madame [B] [G] de l’ensemble des demandes formées à l’encontre de la SAS BRONZO TP;
CONDAMNE la SA SOCIETE DES EAUX DE MARSEILLE METROPOLE à payer à madame [W] [R] née [Y] et madame [B] [G] ensemble la somme de 16 804€ au titre de leur préjudice matériel ;
CONDAMNE la SA SOCIETE DES EAUX DE MARSEILLE METROPOLE à payer à madame [W] [R] née [Y] et madame [B] [G] la somme de 1000€ chacune au titre de leur préjudice de jouissance;
CONDAMNE la SA SOCIETE DES EAUX DE MARSEILLE METROPOLE à payer à madame [W] [R] née [Y] et madame [B] [G] ensemble la somme de 3000€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile;
DEBOUTE la SAS BRONZO TP de sa demande à l’encontre de madame [W] [R] née [Y] et madame [B] [G] fondée sur l’article 700 du code de procédure civile;
CONDAMNE la SA SOCIETE DES EAUX DE MARSEILLE METROPOLE à payer les dépens de l’instance, en ce compris les frais d’expertise judiciaire d’un montant de 5799,99€.
AINSI JUGE ET PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION AU GREFFE DE LA TROISIEME CHAMBRE SECTION B DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE LE 4 juillet 2024 ;
LE GREFFIERLE PRESIDENT