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04/07/2024 | FRANCE | N°18/02364

France | France, Tribunal judiciaire de Marseille, Gnal sec soc : urssaf, 04 juillet 2024, 18/02364


REPUBLIQUE FRANCAISE
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

POLE SOCIAL
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 1]


JUGEMENT N°24/03185 du 04 Juillet 2024

Numéro de recours: N° RG 18/02364 - N° Portalis DBW3-W-B7C-VLRX

AFFAIRE :

DEMANDERESSE
S.A.S. [6]
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Jérôme DANIEL, avocat au barreau de PARIS


c/ DEFENDERESSE
Organisme URSSAF PACA
[Adresse 8]
[Localité 3]
représentée par Mme [W] [S], inspectrice juridique de l’organisme munie d’un pouvoir régulier
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DÉBATS : À l'audience publique du 04 Avril 2024


COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré :

Président : PAWLOWSKI Anne-Sophie, Vice-...

REPUBLIQUE FRANCAISE
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

POLE SOCIAL
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 1]

JUGEMENT N°24/03185 du 04 Juillet 2024

Numéro de recours: N° RG 18/02364 - N° Portalis DBW3-W-B7C-VLRX

AFFAIRE :

DEMANDERESSE
S.A.S. [6]
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Jérôme DANIEL, avocat au barreau de PARIS

c/ DEFENDERESSE
Organisme URSSAF PACA
[Adresse 8]
[Localité 3]
représentée par Mme [W] [S], inspectrice juridique de l’organisme munie d’un pouvoir régulier

DÉBATS : À l'audience publique du 04 Avril 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré :

Président : PAWLOWSKI Anne-Sophie, Vice-Présidente

Assesseurs : PFISTER Laurent
ZERGUA Malek

L’agent du greffe lors des débats : GRIB Assya

À l'issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 04 Juillet 2024

NATURE DU JUGEMENT

contradictoire et en premier ressort

RG N°18/02364

EXPOSE DU LITIGE

La société [6] a fait l'objet d'un contrôle sur l'application des législations de sécurité sociale, d'assurance chômage et de garantie des salaires pour la période des années 2014 à 2016 par des inspecteurs du recouvrement de l'Union de Recouvrement des cotisations de Sécurité Sociale et d'Allocations Familiales de Provence-Alpes-Côte d'Azur (ci-après URSSAF PACA), ayant donné lieu à une lettre d'observations du 06 octobre 2017, puis à une mise en demeure n°63427410 du 18 décembre 2017 pour un montant total de 428 568 € au titre des cotisations sociales régularisées et des majorations de retard.

Par requête expédiée le 20 avril 2018, la société [6], représentée par son avocate, a formé un recours contentieux auprès du tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches-du-Rhône à l'encontre de la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable de l'URSSAF PACA saisie de sa contestation des chefs de redressement n° 4, 5, 6, 7 et 10 portant respectivement sur :

- l'assujettissement à cotisations sociales de l'indemnité transactionnelle versée dans le cadre d'une transaction conclue postérieurement à un départ à la retraite ;
- l'assujettissement à cotisations sociales de l'indemnité transactionnelle versée dans le cadre d'une transaction conclue postérieurement à un licenciement pour faute grave ;
- l'intégration dans l'assiette des cotisations sociales de la part de l'indemnité transactionnelle dépassant les limites d'exonérations ;
- l'intégration dans l'assiette des cotisations sociales des rémunérations non effectivement versées qu'aurait pu percevoir le salarié dont le licenciement a été jugé comme nul s'il avait sollicité sa réintégration ;
- l'intégration dans l'assiette des cotisations sociales de la part correspondant aux IJSS versées sous forme d'avance par l'entreprise à ses salariés au titre d'une période de maladie.

Par décision du 28 novembre 2018, la commission de recours amiable de l'URSSAF PACA a expressément rejeté la contestation de l'employeur.

L'affaire a fait l'objet, par voie de mention au dossier, d'un dessaisissement au profit du Pôle social du Tribunal judiciaire de Marseille, en vertu de la loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIème siècle.

L'affaire a été retenue à l'audience au fond du 04 avril 2024.

Par voie de conclusions soutenues oralement par son avocate, la société [6] demande au tribunal de :
- dire et juger que la procédure de redressement est irrégulière du fait du non-respect du principe du contradictoire lié à l'absence de réponse des inspecteurs dans la lettre du 27 novembre 2017 à l'ensemble des arguments de contestation soulevés par la société dans sa lettre du 7 novembre 2017 ;
- annuler en conséquence la mise en demeure du 18 décembre 2017 ;
- sur le fond, annuler les redressements intitulés :
* " Transactions - sommes ayant la nature de rémunération " pour un montant de 8 959 € ;
* " Transaction suite à licenciement pour faute grave " pour un montant de 3 922 € ;
* " Cotisations - rupture forcée du contrat de travail avec limites d'exonération " pour un montant de 53 450 € ;

* " Assiette minimum des cotisations : rupture du contrat de travail - licenciement nul " pour un montant de 24 784 € ;
* " Eléments de salaires passés en perte : acompte, prêts, IJSS, titres restaurant " pour un montant de 32 911 € ;
- annuler les majorations de retard afférentes ;
- condamner l'URSSAF PACA à lui régler la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Par voie de conclusions soutenues oralement par une inspectrice juridique, l'URSSAF PACA, représentée par une inspectrice juridique soutenant oralement ses conclusions, sollicite pour sa part du tribunal de :
- dire et juger que la procédure de redressement est parfaitement régulière ;
- constater que la société a procédé au paiement de la mise en demeure afférente audit redressement ;
- condamner la société [6] à lui payer à la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux conclusions déposées par les parties à l'audience, reprenant l'exposé complet de leurs moyens et prétentions.

L'affaire a été mise en délibéré au 04 juillet 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la régularité de la procédure de contrôle et de recouvrement

En application de l'article R.243-59 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au litige :
" A l'issue du contrôle, les inspecteurs du recouvrement communiquent à l'employeur ou au travailleur indépendant un document daté et signé par eux mentionnant l'objet du contrôle, les documents consultés, la période vérifiée et la date de la fin du contrôle. (…).Il indique également au cotisant qu'il dispose d'un délai de trente jours pour répondre par lettre recommandée avec accusé de réception, à ces observations et qu'il a, pour ce faire, la faculté de se faire assister d'un conseil de son choix.
(...)
Lorsque la personne contrôlée répond avant la fin du délai imparti, l'agent chargé du contrôle est tenu de répondre. Chaque observation exprimée de manière circonstanciée par la personne contrôlée fait l'objet d'une réponse motivée. Cette réponse détaille, par motif de redressement, les montants qui, le cas échéant, ne sont pas retenus et les redressements qui demeurent envisagés ".

En l'espèce, la lettre d'observations de l'URSSAF PACA du 6 octobre 2017 comporte régulièrement les observations faites au cours du contrôle, assorties de l'indication de la nature, du mode de calcul et du montant de chacun des redressements, par année et par chef, ainsi que leur fondement juridique.

L'employeur a été informé du délai de trente jours dont il disposait pour procéder à ses propres observations, ce que la société [6] a fait par courrier du 7 novembre 2017.

Les inspecteurs ont répondu à la contestation de l'employeur par courrier du 27 novembre 2017, soit avant la délivrance de la mise en demeure du 18 décembre 2017.

La société reproche aux inspecteurs de l'URSSAF de ne pas avoir répondu avec pertinence à ses observations.

Il résulte toutefois de l'examen de la réponse à la contestation que chaque motif de redressement est parfaitement distingué par les inspecteurs, avec leur montant respectif, et qu'une réponse circonstanciée et motivée est développée pour chacun des chefs de redressement contesté.

La réponse d'un inspecteur du recouvrement n'est soumise à aucun formalisme particulier, et elle n'a pas pour objet d'emporter la conviction du cotisant qui pourra toujours en contester les fondements par ses recours ultérieurs.

Il s'en suit que peut important la pertinence de la motivation des inspecteurs, ceux-ci ayant explicité leur position pour chacun des chefs de redressement pour lesquels la société a formulé des observations et ayant indiqué, à chaque fois, s'ils maintenaient ou non le redressement dans son principe et son montant, la réponse des inspecteurs du recouvrement aux observations de la société redressée est motivée au sens de l'article R 243-59 du code de la sécurité sociale.

Le grief formulé par la société [6] à ce titre sera donc rejeté.

Sur le chef de redressement n° 4 intitulé " Transactions : sommes ayant la nature de rémunération "

L'article L.242-1 du code de la sécurité sociale prévoit un assujettissement des indemnités versées à l'occasion de la rupture du contrat de travail à l'initiative de l'employeur à hauteur de la fraction de ces indemnités soumises à l'impôt sur le revenu en application de l'article 80 duodecies du code général des impôts.

Le fait que ces sommes soient éventuellement versées dans le cadre d'une transaction est sans impact sur les règles d'exonération et d'intégration. L'indemnité transactionnelle ne peut être exonérée que pour sa fraction représentative d'une indemnité elle-même susceptible d'être exonérée.

Il en résulte que sont intégralement soumises à cotisations :
- les indemnités compensatrices de préavis dues en application de l'article L.1234-5 du code du travail, lorsque le salarié est dispensé d'effectuer son préavis ;
- les indemnités compensatrices de préavis versées en application de l'article L.1226-14 du code du travail, aux salariés licenciés pour inaptitude à la suite d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle ;
- la rémunération versée par l'employeur pendant la durée du congé de reclassement n'excédant pas le préavis, en application de l'article L.1233-71 du code du travail ;
- les indemnités de congés payés ;
- les indemnités de non-concurrence.

Il est constant que dès lors que l'indemnité transactionnelle est conclue pour une somme globale et forfaitaire, il appartient au juge du fond de rechercher, nonobstant la qualification retenue par les parties, si ce montant n'inclut pas des éléments de rémunération légaux ou conventionnels, tels que l'indemnité de préavis, demeurant soumise à cotisations, par distinction de la partie purement indemnitaire destinée à mettre fin à un litige concernant l'exécution ou la rupture du contrat de travail.

La charge de la preuve du caractère exclusivement indemnitaire des sommes versées en exécution d'une transaction incombe à l'employeur.
En l'espèce, il apparaît à la lecture de la lettre d'observations du 06 octobre 2017 qu'[R] [H] a conclu un accord transactionnel avec la société [6] prévoyant le versement d'une indemnité transactionnelle d'un montant de 23 400 €.

Il ressort du protocole d'accord transactionnel conclu le 23 septembre 2015 entre la société [6] et [R] [H] que, par courrier en date du 11 août 2015, ce dernier a informé son employeur de sa décision ferme, définitive et irrévocable de quitter l'entreprise dans le cadre d'un départ à la retraite de sa seule initiative, cette décision ayant été motivée par sa volonté de faire liquider l'ensemble de ses pensions de retraite afin de se consacrer à sa famille.

Il est précisé qu'après notification de sa décision de faire valoir sa retraite, [R] [H] a indiqué à la société [6] qu'il considérait que son évolution de carrière au sein de l'établissement n'avait pas été aussi performante que ce qu'il avait espéré en intégrant l'entreprise. Il soulignait notamment que malgré ses nombreuses demandes d'évolution et de changement de fonction, il n'avait bénéficié d'aucune promotion ou modification dans ses missions alors qu'il avait toujours été ouvert à des propositions de changements de postes et de mobilité interne. Il considérait que les manquements de la société [6] à son égard avaient entraîné une dégradation de ses conditions de travail ainsi que de son état de santé et que - de par le préjudice matériel et physique qu'il estimait avoir subi - ces derniers le conduiraient certainement à saisir les juridictions prud'homales afin de solliciter des dommages et intérêts.

La société [6] rappelait pour sa part avoir, à de nombreuses reprises, par l'intermédiaire de ses managers - via les entretiens d'évaluation annuels ou d'entretiens avec la direction des ressources humaines - reçu [R] [H] afin d'envisager avec lui des possibilités d'évolution sur son poste de travail ainsi que des mobilités dans d'autres entités du magasin correspondant à ses compétences. Elle précisait que le salarié n'avait, par le passé, jamais répondu favorablement aux discussions faites en ce sens et qu'il ne pouvait s'en prévaloir aujourd'hui.

Il était précisé que c'était " dans ce contexte " et " afin de mettre un terme à ce litige " que les parties s'étaient réunies et avaient conclu la présente transaction.

Les inspecteurs du recouvrement estiment que les sommes versées à [R] [H] visent à compenser les salaires non perçus par le salarié durant sa carrière en raison de son absence d'évolution et qu'elles ne peuvent, par conséquent, pas être représentatives d'une indemnité elle-même exonérée. Il en ressort, selon l'URSSAF, un redressement de 8 959 €.

L'exposé du protocole mentionne que les parties sont convenues de mettre un terme à leur différend et se sont réunies à cette fin “après s'être fait des concessions réciproques”.

L'article 3 du protocole d'accord précise : " Dans le but de mettre un terme à tout litige, la société [6] accepte de faire bénéficier le salarié d'une indemnité transactionnelle forfaitaire et définitive d'un montant brut de 23 400 € (vingt trois mille quatre cent euros) en réparation des préjudices moraux, professionnels et/ou familiaux subis et pour le couvrir de toutes les obligations découlant de l'exécution comme de la résiliation de son contrat de travail ".

Il s'en suit que l'indemnité transactionnelle correspond, au moins en partie, à des éléments de salaires et à défaut pour la société de mettre en mesure l'inspecteur du recouvrement d'abord, et la juridiction ensuite, de procéder à la ventilation entre les éléments indemnitaires et les éléments salariaux, l'entière indemnité doit être réintégrée dans l'assiette des cotisations.

La contestation de la société [6] est en conséquence insuffisamment fondée, et le chef de redressement en cause doit être maintenu.

Sur le chef de redressement n° 5 intitulé " Transaction suite à licenciement pour faute grave "

Vu l'article L 242-1 du code de la sécurité sociale ;

Les indemnités versées lors de la rupture du contrat de travail non visées à l'article 80 duodecies du code général des impôts peuvent être exonérées de cotisations s'il est prouvé qu'elles ont un fondement exclusivement indemnitaire.

Il résulte de la lettre d'observations du 06 octobre 2017 que [Z] [M] a conclu une transaction avec la société [6] à la suite d'un licenciement pour faute grave.

Selon les inspecteurs du recouvrement, le versement d'une indemnité globale forfaitaire transactionnelle à un salarié dont le licenciement a été prononcé pour faute grave implique que l'employeur a renoncé au licenciement pour faute grave initialement notifié de telle sorte que l'indemnité comprend l'indemnité compensatrice de préavis soumises à cotisations.

Il en ressort, selon l'URSSAF, un redressement d'un montant de 3 922 €.

La cour de cassation a fait évoluer sa position de telle sorte que, désormais, la conclusion d'une transaction ne vaut pas nécessairement renonciation par l'employeur à la faute grave et l'indemnité transactionnelle ne comporte pas nécessairement l'indemnité compensatrice de préavis et les rappels de salaires dus pendant la mise à pied.

Pour échapper aux cotisations, l'employeur devra toutefois démontrer le caractère indemnitaire de l'indemnité transactionnelle versée au salarié suite à son licenciement pour faute grave notamment au regard des termes du protocole transactionnel qui doivent être clairs, précis et sans ambiguïté sur l'intention des parties quant à la signification de la faute grave et à l'exécution ou non d'un préavis.

En l'espèce, il résulte de l'analyse du protocole d'accord transactionnel versé aux débats que [Z] [M] a été licencié pour faute grave après ne s'être plus présenté à son poste le 1er août 2013 et que, par transaction du 05 décembre 2013, il a bénéficié d'une somme de 80 000 € en réparation du préjudice moral et professionnel qu'il prétend avoir subi dans le cadre de l'exécution de son contrat de travail en contrepartie de quoi il a renoncé à contester tant le principe que le motif ou encore la procédure de licenciement.

Il résulte des termes clairs, précis et dépourvus de toute ambiguïté de ce protocole transactionnel que [Z] [M] a expressément admis son licenciement pour faute grave et qu'il renonce à toute action en justice ou demande au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail.

La rédaction de la transaction apporte la preuve que le salarié l'ayant signé a bénéficié d'une indemnisation complète de ses préjudices moral et professionnel.

Il s'ensuit que les sommes versées ont un caractère exclusivement indemnitaire et qu'aucune réclamation n'a été faite par le salarié au titre de l'indemnité de préavis.

Ce chef de redressement sera par conséquent annulé.

Sur le chef de redressement n° 6 intitulé " Cotisations - rupture forcée du contrat de travail avec limites d'exonération "

Vu l'article L 242-1 du code de la sécurité sociale ;

Compte tenu des développements qui précèdent, l'assujettissement des indemnités transactionnelles versées à [Z] [M] n'est pas fondé.

Cet assujettissement est par ailleurs insuffisamment motivé en ce qui concerne [V] [D].

Ce chef de redressement sera par conséquent annulé.

Sur le chef de redressement n° 7 intitulé " Assiette minimum des cotisations : rupture du contrat de travail - licenciement nul "

En application de l'article R.242-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, " Les cotisations à la charge des employeurs et des salariés ou assimilés au titre de la législation des assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales sont calculées, lors de chaque paie, sur l'ensemble des sommes comprises dans ladite paie, telles qu'elles sont définies à l'article L 242-1, y compris, le cas échéant, la valeur représentative des avantages en nature, mais déduction faite des prestations familiales mentionnées aux articles L. 511-1 et L. 755-11 à L. 755-23.

Sont incluses dans la base des cotisations les allocations complémentaires aux indemnités journalières de sécurité sociale, versées au titre de périodes d'incapacité temporaire de travail consécutive à une maladie, un accident, une maternité, en application du contrat de travail ou d'une convention collective de travail, lorsqu'elles sont destinées à maintenir en tout ou en partie, pendant ces périodes, le salaire d'activité, que ces allocations soient versées directement par l'employeur ou pour son compte par l'intermédiaire d'un tiers.

Les dispositions ci-dessus ne sont applicables qu'aux allocations complémentaires versées au titre des périodes pendant lesquelles le contrat individuel de travail qui lie le salarié à l'employeur reste en vigueur.

Des arrêtés conjoints du ministre chargé de la sécurité sociale et du ministre chargé du budget déterminent les conditions et limites dans lesquelles la rémunération peut faire l'objet d'un abattement pour frais professionnels.

Des arrêtés du ministre chargé de la sécurité sociale déterminent la valeur représentative des avantages en nature et des pourboires à prendre en considération pour le calcul des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales.

Le montant des rémunérations à prendre pour base de calcul des cotisations en application des alinéas précédents ne peut être inférieur, en aucun cas, au montant cumulé, d'une part, du salaire minimum de croissance applicable aux travailleurs intéressés fixé en exécution de la loi n° 70-7 du 2 janvier 1970 et des textes pris pour son application et, d'autre part, des indemnités, primes ou majorations s'ajoutant audit salaire minimum en vertu d'une disposition législative ou d'une disposition réglementaire.

Toutefois, les dispositions des alinéas précédents ne sont pas applicables aux assurés pour lesquels les cotisations sont, conformément aux articles L. 241-2, L. 241-3 et L. 241-6, fixées forfaitairement par arrêtés du ministre chargé de la sécurité sociale.
La contribution ouvrière n'est pas due par le travailleur salarié ou assimilé accomplissant un travail non bénévole qui, ne percevant aucune rémunération en argent de la part de son employeur ou par l'entremise d'un tiers, ni à titre de pourboires, reçoit seulement des avantages en nature ou le bénéfice d'une formation professionnelle à la charge de l'employeur.

Dans ce cas, les cotisations patronales dues au titre des législations de sécurité sociale et d'allocations familiales sont fixées forfaitairement par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale ".

Il résulte de la lettre d'observations du 06 octobre 2017 que, par jugement du 15 novembre 2013, le conseil de prud'hommes de Paris a prononcé la nullité du licenciement de [L] [E] [I] ce qui implique, selon les inspecteurs du recouvrement, l'obligation pour l'employeur de régulariser la situation et le montant des cotisations qu'il aurait eues à acquitter s'il n'avait pas licencié l'intéressée de manière irrégulière. Il en ressort, selon l'URSSAF, un redressement de 24 784 €.

En l'espèce, il ressort du jugement précité que [L] [E] [I] a été embauchée à compter du 03 juin 1997, en qualité de stagiaire chargée de clientèle par la société [7] dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée.

Elle a été licenciée pour cause réelle et sérieuse par courrier du 23 janvier 2012.

Le conseil des prud'hommes a annulé le licenciement au motif qu'il avait été prononcé par la société [6] alors que [L] [E] [I] avait été employée par la société [7].

Devant la juridiction, [L] [E] [I] n'a pas sollicité sa réintégration, comme le relève à bon droit la cotisante, et a été indemnisée de ce chef à hauteur de 83 602,80 €.

Il est exact, comme le fait valoir la société [6], que le fait générateur des cotisations sociales est le travail fourni et non le paiement des salaires, même si ce dernier est une condition de leur exigibilité (Cass. com., 8 nov. 1988, n° 87-11.158, Cass. com., 18 juill. 1989, n° 88-13.922, Cass. com., 20 févr. 1990, n° 88-17.200, Cass. com., 27 mars 1990, n° 88-15.349, Cass. com., 19 mars 1991, n° 89-20.572, Cass. com., 27 nov. 1991, n° 90-11.266).

Dès lors que [L] [E] [I] n'a pas sollicité sa réintégration, elle n'a réalisé aucune prestation de travail et aucun salaire ne lui a été versé postérieurement à la période d'exécution de son préavis. Le moyen tiré du versement du salaire et primes prévus par la convention collective soulevé par l'URSSAF est donc sans objet.

Il s'en déduit qu'aucune cotisation ne saurait être due de ce chef, les cotisations de sécurité sociale étant dues sur la rémunération que l'employeur verse et doit verser au salarié en contrepartie du travail fourni, quelle qu'en soit sa nature, son mode de calcul, sa forme, fixe ou variable. Ainsi, les dispositions relatives à l'assiette minimum des cotisations n'ont pas lieu d'être appliquées en l'absence d'exécution d'une prestation de travail qui constitue le fait générateur des cotisations.

Il convient par conséquent d'annuler ce chef de redressement.

Sur le chef de redressement n° 10 intitulé " Eléments de salaires passés en perte : acompte, prêts, IJSS, titres restaurant "

Les constatations des inspecteurs ont mis en évidence que la société a versé à ses salariés des indemnités journalières de sécurité sociale (IJSS) via la paie alors que les montants n'ont pas été indemnisés par la caisse primaire d'assurance maladie.

La société estimant ne plus être en mesure de récupérer ces sommes, elle les passe en pertes dans un compte de charges.

Pour les inspecteurs, les montants en cause versés en net aux salariés perdent la nature d'IJSS et sont assimilés à du salaire.

La société rappelle les dispositions de l'article R.323-11 du code de la sécurité sociale selon lesquelles lorsque le salaire est maintenu en totalité au bénéfice du salarié malade, l'employeur est subrogé de plein droit à l'assuré dans les droits de celui-ci aux indemnités journalières qui lui sont dues, ainsi que les dispositions de l'article L.241-2 selon lesquelles ne sont pas comprises dans la rémunération, les prestations de sécurité sociale versées au bénéfice du salarié.

Elle explique qu'une toute petite partie des créances d'IJSS est passée en débit sur sa comptabilité, mais que pour autant le seul fait qu'elles soient comptabilisées en débit ne modifie pas la nature des sommes avancées qui demeurent des indemnités journalières de sécurité sociales non soumises à cotisation.

Elle considère que dès lors que l'URSSAF, qui entend remettre en cause la qualification juridique des sommes versées, échoue à démontrer que les IJSS non remboursées par l'assurance maladie n'étaient effectivement pas dues, ces sommes ne peuvent constituer des éléments de rémunération soumis à cotisations.

L'URSSAF réplique que le fait générateur des cotisations est l'inscription des avances faites aux salariés au débit d'un compte de charges exceptionnelles en contrepartie du crédit du compte de tiers. Elle précise, d'une part, que dès lors que la société n'a pas justifié des relevés adressés à la caisse primaire d'assurance maladie, il ne peut pas être vérifié que les avances inscrites en comptabilité avec les versements de l'assurance maladie ont effectivement la nature d'indemnités journalières de sécurité sociale, et d'autre part, que dès lors que ces avances sont passées en comptabilité en débit du compte charges exceptionnelles, il est établi que la société n'attend plus de remboursement de l'assurance maladie, de sorte qu'il ne s'agit pas d'IJSS mais d'avances non récupérées qui n'entrent plus dans le cadre de l'exonération.

Aux termes de l'alinéa 4 de l'article L.242-1 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au litige, ne seront pas comprises dans la rémunération les prestations de sécurité sociale versées au bénéfice de leurs salariés, anciens salariés et de leurs ayants droit par l'entremise de l'employeur.

En l'espèce, il résulte de la lettre d'observations du 06 octobre 2017, que les inspecteurs du recouvrement ont constaté que la société soldait par écritures d'opérations diverses des comptes relatifs à des indemnités journalières de sécurité sociale, celles-ci ayant été versées via la paie alors même que les montants n'ont pas été indemnisés par la sécurité sociale, de sorte que ces montants ne peuvent pas être qualifiés d'IJSS mais doivent être assimilés à du salaire.

Dès lors que devant la juridiction, la société ne justifie ni du remboursement des avances faites aux salariés à titre d'IJSS par la caisse d'assurance maladie, ni que ces avances demeurent en attente de remboursement de l'organisme de sécurité sociale suite à l'envoi par la société d'un relevé d'IJSS à la caisse d'assurance maladie, et qu'au contraire, les sommes avancées au titre d'IJSS ont été inscrites en débit du compte de charges exceptionnelles et non pas en crédit du compte de tiers, alors la nature d'indemnités journalières de sécurité sociale des sommes versées aux salariés concernés n'est pas établie par la société.

Il s'ensuit que ces sommes versées aux salariés par leur employeur sans qu'elles puissent être qualifiées de prestations de sécurité sociale, doivent être réintégrées dans l'assiette des cotisations.

La contestation de l'employeur à ce titre sera rejetée et le chef de redressement maintenu.

Sur la demande d'annulation des majorations de retard

Cette demande est sans objet en l'état de l'annulation des chefs de redressement n° 5, 6 et 7.

En ce qui concerne les chefs de redressement n° 4 et 10, la société [6] est invitée à se pourvoir devant le directeur de l'URSSAF PACA, seul compétent pour statuer sur ce point.

Sur les demandes accessoires

Les dépens de l'instance sont à la charge de la partie qui succombe, conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.

L'issue du litige justifie de condamner l'URSSAF PACA à verser à la société [6] une somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, statuant par jugement contradictoire et en premier ressort :

REJETTE l'exception de procédure invoquée par la société [6] ;

VALIDE le chef de redressement n° 4 intitulé " Transactions : sommes ayant la nature de rémunération " ;

ANNULE le chef de redressement n° 5 intitulé " Transaction suite à licenciement pour faute grave " ;

ANNULE le chef de redressement n° 6 intitulé " Cotisations - rupture forcée du contrat de travail avec limites d'exonération " ;

ANNULE le chef de redressement n° 7 intitulé " Assiette minimum des cotisations : rupture du contrat de travail - licenciement nul " ;

VALIDE le chef de redressement n° 10 intitulé " Eléments de salaires passés en perte : acompte, prêts, IJSS, titres restaurant " ;

DECLARE sans objet la demande d'annulation des majorations de retard présentée par la société [6] au titre des chefs de redressement n° 5, 6 et 7 ;

SE DECLARE INCOMPETENT ET RENVOIE la société [6] à se pourvoir devant le directeur de l'URSSAF au titre de sa demande d'annulation des majorations de retard au titre des chefs de redressement n° 4 et 10 ;

CONDAMNE l'URSSAF PACA aux dépens ;

CONDAMNE l'URSSAF PACA à verser à la société [6] une somme de 1 500 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

DIT que tout appel de la présente décision doit être formée, sous peine de forclusion, dans le délai d’un mois à compter de la réception de sa notification.

Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe le 4 juillet 2024.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

Notifié le :


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Marseille
Formation : Gnal sec soc : urssaf
Numéro d'arrêt : 18/02364
Date de la décision : 04/07/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 13/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-04;18.02364 ?
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