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27/06/2024 | FRANCE | N°20/06886

France | France, Tribunal judiciaire de Marseille, 1ère chambre cab2, 27 juin 2024, 20/06886


TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

PREMIERE CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT N°24/ DU 27 Juin 2024

Enrôlement : N° RG 20/06886 - N° Portalis DBW3-W-B7E-XYNA

AFFAIRE : Mme [M] [D] épouse [G] - Mme [B] [D]- M. [U] [D] et M. [Y] [D] ( Me Cyril SALMIERI)
C/ M. [R] [O] et la Société RELYEN MUTUAL INSURANCE (Me Charlotte SIGNOURET) - la CPAM des [Localité 13]

DÉBATS : A l'audience Publique du 18 Avril 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Président : SPATERI Thomas, en application des articles 804 et 805 du CPC, avec l’accord des parties, les avoca

ts avisés ne s’y étant pas opposés, et JOUBERT Stéfanie, juge assesseur, en qualité de juge rapporteur, a p...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

PREMIERE CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT N°24/ DU 27 Juin 2024

Enrôlement : N° RG 20/06886 - N° Portalis DBW3-W-B7E-XYNA

AFFAIRE : Mme [M] [D] épouse [G] - Mme [B] [D]- M. [U] [D] et M. [Y] [D] ( Me Cyril SALMIERI)
C/ M. [R] [O] et la Société RELYEN MUTUAL INSURANCE (Me Charlotte SIGNOURET) - la CPAM des [Localité 13]

DÉBATS : A l'audience Publique du 18 Avril 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Président : SPATERI Thomas, en application des articles 804 et 805 du CPC, avec l’accord des parties, les avocats avisés ne s’y étant pas opposés, et JOUBERT Stéfanie, juge assesseur, en qualité de juge rapporteur, a présenté son rapport à l’audience avant les plaidoiries et en a rendu compte au Tribunal dans son délibéré,


Greffier lors des débats : BESANÇON Bénédicte

Vu le rapport fait à l’audience

À l'issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 27 Juin 2024

Après délibéré entre :

Président : SPATERI Thomas, Vice-Président
Assesseur : JOUBERT Stéfanie, Vice-Présidente (juge rapporteur)
Assesseur : BERGER-GENTIL Blandine, Vice-Présidente

Jugement signé par SPATERI Thomas, Vice-Président et par BERARD Béatrice, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

NATURE DU JUGEMENT

réputée contradictoire et en premier ressort

NOM DES PARTIES

DEMANDEURS

Madame [M] [D] épouse [G]
née le [Date naissance 5] 1963 à [Localité 15]
de nationalité Française, demeurant [Adresse 12]

Madame [B] [D]
née le [Date naissance 9] 1939 à [Localité 15]
de nationalité Française, demeurant [Adresse 6]

Monsieur [U] [D]
né le [Date naissance 1] 1962 à [Localité 15]
de nationalité Française, demeurant [Adresse 6]

Monsieur [Y] [D]
né le [Date naissance 8] 1995 à [Localité 15]
de nationalité Française, demeurant [Adresse 2]

Tous les quatre représentés par Me Cyril SALMIERI, avocat au barreau de MARSEILLE,

C O N T R E

DEFENDEURS

Monsieur [R] [O]
né le [Date naissance 3] 1946 à [Localité 14]
de nationalité Française, domicilié : [Adresse 11]

La Société RELYEN MUTUAL INSURANCE venant aux droits de la société SHAM (Société Hospitalière d’Assurance Mutuelle), prise en la personne de son représentant légal y domicilié, dont le siège social est sis [Adresse 4]

Tous deux représentés par Me Charlotte SIGNOURET de la SELARL ENSEN AVOCATS, avocat au barreau de MARSEILLE,

Organisme CPAM DES [Localité 13], dont le siège social est sis [Adresse 10]

défaillant

EXPOSE DU LITIGE

Le 30 septembre 2014, [A] [D], âgé de 84 ans, a été opéré par le Docteur [R] [O], au sein de la clinique [17], de dilatations multiples des artères du membre inférieur avec endoprothèse et recanalisation de l’artère péronière gauche avec imagerie.
Le 7 octobre 2014, Monsieur [D] a été à nouveau opéré par le Docteur [O] au sein de la clinique privée [17] d’un anévrysme de l'aorte abdominale sous rénale par la mise en place d’une endoprothèse.
Cette intervention chirurgicale a été suivie de complications qui ont notamment nécessité l’amputation de la jambe gauche le 10 octobre 2014, une reprise chirurgicale pour nécrose du moignon le 21 octobre 2014, et une nouvelle amputation en cuisse gauche et une trachéotomie le 28 octobre 2014.
Monsieur [D] est décédé le [Date décès 7] 2014.

Le 16 juillet 2019, [M] [D], fille de [A] [D], a saisi la Commission de Conciliation d’Indemnisation des Accidents Médicaux [Localité 16] (CCI [Localité 16]) d’une demande d’indemnisation.

Le Docteur [V] [X], chirurgien vasculaire, et le Docteur [S] [J], spécialiste en bactériologie et hygiène hospitalière, ont été désignés en qualité d’expert le 23 juillet 2019.

Les experts ont déposé leur rapport le 4 novembre 2019, dans lequel ils retiennent plusieurs manquements imputables au Docteur [O] à l’occasion de la prise en charge du patient, et une imputabilité totale de cette gestion fautive dans la survenue du décès.

Devant la CCI, le Docteur [O] a contesté les conclusions de cette expertise et a sollicité une mesure de contre-expertise, qui a été refusée.

Par avis en date du 24 janvier 2020, la Commission a mis hors de cause la Clinique [17], et a retenu la responsabilité du Docteur [O], retenant qu’un lien de causalité direct et certain pouvait être établi entre la prise en charge litigieuse et le décès de Monsieur [D].

Par actes en date des 17, 20 et 24 juillet 2020, [B] [D], l’épouse de [A] [D], [M] [D] et [U] [D], ses enfants, et [Y] [D], son petit-fils, ont fait assigner le Docteur [R] [O] et son assureur, la SHAM, et la CPAM des [Localité 13] devant le Tribunal judiciaire de Marseille, sollicitant la condamnation solidaire du chirurgien et de son assureur à réparer les conséquences dommageables liées au décès de Monsieur [D].

Par jugement en date du 16 décembre 2021, le Tribunal a ordonné une mesure d’expertise et désigné pour y procéder [V] [I], expert en chirurgie thoracique et cardio-vasculaire inscrit sur la liste de la Cour d’appel de Lyon.
Par ordonnance en date du 20 décembre 2022, le Docteur [L] [Z] a été désigné en lieu et place du Professeur [I].
Le rapport a été déposé le 4 juillet 2023, concluant à l’imputabilité directe entre le décès et la chirurgie de l’anévrysme qui n’était pas indiquée.

Dans leurs dernières conclusions notifiées par RPVA le 22 janvier 2024 auxquelles il y lieu de se référer pour un plus ample exposé des moyens, [M] [D], [B] [D], [U] [D] et [Y] [D], demandent au Tribunal de:
- juger que le Docteur [R] [O] a commis des fautes de nature à engager sa responsabilité professionnelle,
- dire et juger que le Docteur [R] [O] est totalement responsable du décès de [A] [D] en raison des fautes qu'il a commises,
- dire et juger qu’ils doivent être indemnisées de leur entier préjudice en qualité de victimes indirectes du décès de [A] [D],
En conséquence,
- condamner solidairement le Docteur [R] [O] et la SHAM à verser à [M] [D] en sa qualité de victime indirecte :
- 3.500 € pour les frais d’obsèques,
- 1.802,08 € au titre des frais divers,
- 20.000 € pour le préjudice d’affection,
- 10.000 € pour le préjudice d'accompagnement,
- condamner solidairement le Docteur [R] [O] et la SHAM à verser à [M] [D] en sa qualité d’ayant-droit de [E] [D] :
- 891 € pour le déficit fonctionnel temporaire total,
- 16.666,67 € pour les souffrances endurées,
- 8.333,34 € pour le préjudice esthétique temporaire,
- 3.333 € pour le préjudice d’impréparation,
- condamner solidairement le Docteur [R] [O] et la SHAM à verser à [B] [D] en sa qualité de victime indirecte :
- 35.000 € pour le préjudice d'affection,
- 10.000 € pour le préjudice d’accompagnement,
- condamner solidairement le Docteur [R] [O] et la SHAM à verser à [B] [D] en sa qualité d’ayant-droit de [E] [D] :
- 891 € pour le déficit fonctionnel temporaire total,
- 16.666,67 € pour les souffrances endurées,
- 8.333,34 € pour le préjudice esthétique temporaire,
- 3.333 € pour le préjudice d’impréparation,
- condamner solidairement le Docteur [R] [O] et la SHAM à verser à [U] [D] en sa qualité de victime indirecte :
- 20.000 € pour le préjudice d'affection,
- 10.000 € pour le préjudice d’accompagnement,
- condamner solidairement le Docteur [R] [O] et la SHAM à verser à [U] [D] en sa qualité d’ayant-droit de [E] [D] :
- 891 € pour le déficit fonctionnel temporaire total,
- 16.666,67 € pour les souffrances endurées,
- 8.333,34 € pour le préjudice esthétique temporaire,
- 3.333 € pour le préjudice d’impréparation,
- condamner solidairement le Docteur [R] [O] et la SHAM à verser à [Y] [D] en sa qualité de victime indirecte :
- 15.000 € pour le préjudice d’affection,
- 10.000 € pour le préjudice d'accompagnement,
- condamner solidairement le Docteur [R] [O] et la SHAM à leur verser la somme de 3.000 € chacun sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner solidairement le Docteur [R] [O] et la SHAM aux entiers dépens qui seront distraits au profit de Maître Cyril SALMIERI sur son affirmation de droit.

Au soutien de leurs prétentions, ils exposent que les manquements du docteur [O] sont établis par les deux rapports d’expertise : graves carences dans l’information délivrée au patient, changement de l’opération initialement prévue le jour même, absence de délai de réflexion et d’explications précises quant à l'intervention pratiquée et ce, en l'absence de toute urgence; qu’en outre, l'opération réalisée par le Docteur [O] n'était pas indiquée en raison notamment de la taille insuffisante de l'anévrysme repéré et de l’absence de bilan scanner préopératoire; que concernant la technique utilisée, les experts ont mis en évidence la durée inhabituelle de l’opération, l’importance des saignements provoqués et l’irradiation massive du patient; qu’il y a eu également une gestion déficiente des suites opératoires puisque, suite au réveil du patient, une nouvelle intervention inadaptée a été pratiquée pour revasculariser la seule jambe droite, alors que des examens avaient montré une absence de flux au niveau des deux membres inférieurs, ce qui a conduit à l’amputation de la jambe gauche puis de la cuisse; qu’il est aussi reproché au Docteur [O] l'absence de lavage drainage et l’absence de demande d’avis chirurgical digestif malgré une nécrose coloscopique sévère.

En défense, dans leurs conclusions notifiées par RPVA le 9 janvier 2024 auxquelles il est référé pour un plus ample exposé des moyens, le Docteur [R] [O] et la Société RELYEN MUTUAL INSURANCE venant aux droits de la société SHAM (Société Hospitalière d’Assurance Mutuelle) demandent au Tribunal de :
- juger qu’ils s’en rapportent à la sagesse du Tribunal s’agissant du principe de la responsabilité du chirurgien,
- surseoir à statuer sur le montant de la créance définitive de la CPAM,
- déduire, le cas échéant, des sommes qui seraient allouées aux consorts [D], les débours de la CPAM,
- réduire les demandes indemnitaires des consorts [D], et les débouter de leurs demandes injustifiées,
- réduire dans de sensibles proportions les autres demandes des consorts [D], y compris au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et des dépens.

Ils indiquent qu’en l’état des conclusions du rapport d’expertise du Docteur [Z] et du rapport des Docteurs [X] et [J], ils s’en rapportent à la sagesse du Tribunal sur le principe de la responsabilité du chirurgien; qu’ils soulignent que s’agissant de la qualité de l’information pré-opératoire, l’expert [Z], a, contrairement au collège d’experts [X] et [J], retenu qu’une information avait bien été délivrée sur l’existence de l’anévrysme et la nécessité de le traiter, mais sans doute pas assez claire et mal comprise, et que le patient avait disposé d’un temps de réflexion suffisant.
S’agissant du préjudice d’accompagnement, ils soutiennent que les enfants et et petit-enfants de Monsieur [D] ne démontrent pas l’existence d’une communauté de vie affective et effective avec Monsieur [D].

Assignée par dépôt de l’acte à l’étude de l’huissier, la CPAM des [Localité 13] n’a pas constitué avocat.

La procédure a été clôturée à la date du 27 février 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le droit à indemnisation

Aux termes des dispositions de l’article L 1142-1 I. du Code de la santé publique :
«  Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. »

Les deux rapports d’expertise concluent qu’il n’y avait pas d’indication à opérer l’anévrysme de l’aorte abdominale, et que le décès de [A] [D] est directement imputable à cette chirurgie de l’anévrysme qui n’était pas indiquée.

En effet, ils retiennent que la première intervention était totalement justifiée, mais pas la chirurgie sur 1’anévrysme, puisqu’il s’agissait d’un anévrysme fusiforme, ne dépassant pas 45 mm de diamètre, non symptomatique, et que selon les recommandations de la Société Européenne de Chirurgie Vasculaire de 2011, il n’y avait aucune indication sur cet anévrysme, ces recommandations n’ayant d’ailleurs pas changées depuis.

Le Docteur [O] a ainsi commis une faute.

Concemant la reprise chirurgicale en urgence quelques heures après la chirurgie de 1’anévrysme,l’expert relève que si le pontage axillo-fémoral droit était parfaitement indiqué, il aurait été nécessaire de le compléter par un geste du côté gauche afin de lever l’ischémie et d’éviter les amputations ultérieures.

Il ressort de ces éléments que [A] [D] est décédé des suites de la chirurgie de cet anévrysme de l’aorte abdominale, qui n’aurait pas dû être réalisee, et qu’il y a une imputabilité directe entre cette intervention de l’anévrysme et le décès. En outre, les complications survenues sont en rapport direct avec la chirurgie de l’anévrysme qui n’était pas indiquée.

La Docteur [O] et son assureur seront tenus à réparation de l’ensemble des préjudices résultant des manquements du chirurgien.

Sur la réparation des préjudices
I - Sur les préjudices subis par [A] [D]

Le propre de la responsabilité civile est de rétablir, aussi exactement que possible, l'équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime dans la situation où elle se serait trouvée si l'acte dommageable ne s'était pas produit.

Il s’en déduit que la réparation du dommage doit être intégrale, mais que seuls les préjudices en lien avec les manquements constatés peuvent être indemnisés.

Sur la base du rapport d’expertise, il convient de liquider le préjudice subi par [A] [D] résultant des manquements fautifs du docteur [O] de la manière suivante :

- Préjudices patrimoniaux

- Dépenses de santé actuelles

Ces dépenses correspondent aux frais médicaux, pharmaceutiques et d’hospitalisation exposés par les organismes sociaux et par la victime.

Les consorts [D] ne formulent aucune demande à ce titre.

La CPAM des [Localité 13] n’a pas constitué avocat et n’a pas fait parvenir le montant de ses débours. Il n’y a pas lieu de surseoir à statuer de l’attente de sa créance définitive.

-Préjudices extra-patrimoniaux
- Déficit fonctionnel temporaire
Ce poste de préjudice inclut pour la période antérieure à la consolidation, la perte de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante durant la maladie traumatique, le préjudice temporaire d’agrément, éventuellement le préjudice sexuel temporaire. L'évaluation des troubles dans les conditions d'existence tient compte de la durée de l'incapacité temporaire, du taux de cette incapacité, des conditions plus ou moins pénibles de cette incapacité.

[A] [D] a subi une perte de qualité de vie durant la période de déficit fonctionnel. Celui-ci, aux termes de l’expertise, a été total du 6 octobre au [Date décès 7] 2014, soit 81 jours.
Cette perte de qualité de vie sera indemnisée de la manière suivante :
81 x 30 = 2.430 euros.

Au total, le préjudice au titre du déficit fonctionnel temporaire est évalué à la somme de 2.430 euros.

- Souffrances endurées
Il s’agit d’indemniser les souffrances tant physiques que morales endurées par la victime du fait des atteintes à son intégrité, dignité et intimité présentées et des traitements, interventions, hospitalisations qu’elle a subis depuis l’accident jusqu'à la consolidation.
Evalué par l’expert à 5,5/7 compte tenu de l’ischémie des membres inférieures, de l’ischémie digestive, des multiples interventions avec amputations, de la trachéotomie, et des souffrances psychiques liées à la réanimation prolongée, ce préjudice sera réparé par l’allocation de la somme de 35.000 euros.

- Préjudice esthétique
L’expert retient l’existence d’une préjudice esthétique qu’il évalue à 5/7 compte tenu de la réanimation prolongée, de l’intubation puis de la trachéotomie, de l’amputation en jambe puis cuisse droit.

Ce préjudice sera reparé par l’allocation d’une somme de 6.000 euros.

Sur le préjudice d’impréparation de [A] [D]

Les consorts [D] sollicitent l’indemnisation du préjudice d’impréparation de [A] [D], qui n’a pas été informé des risques encourus.

L’article L1111-2 du Code de la santé publique dispose que « Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. Elle est également informée de la possibilité de recevoir, lorsque son état de santé le permet, notamment lorsqu'elle relève de soins palliatifs au sens de l'article L. 1110-10, les soins sous forme ambulatoire ou à domicile. Il est tenu compte de la volonté de la personne de bénéficier de l'une de ces formes de prise en charge. Lorsque, postérieurement à l'exécution des investigations, traitements ou actions de prévention, des risques nouveaux sont identifiés, la personne concernée doit en être informée, sauf en cas d'impossibilité de la retrouver.
Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. Seules l'urgence ou l'impossibilité d'informer peuvent l'en dispenser.
Cette information est délivrée au cours d'un entretien individuel. (...)
En cas de litige, il appartient au professionnel ou à l'établissement de santé d'apporter la preuve que l'information a été délivrée à l'intéressé dans les conditions prévues au présent article. Cette preuve peut être apportée par tout moyen.»

Il appartient au médecin d'apporter la preuve de l'information, preuve qui peut être faite par tous moyens, et notamment par des présomptions ou un faisceau d’indices.

En l’espèce, le Docteur [Z] relève qu’une information a été délivrée au patient, mais qu’elle n’avait sans doute pas été assez claire et en tout cas qu’elle avait été mal comprise, une fiche de consentement ayant été signée la veille de l’intervention par la fille de Monsieur [D].

Il en résulte que Monsieur [D] n’a pas pu se préparer en pleine connaissance de cause à l’intervention qu’il allait subir et aux risques encourus.
Il en est résulté un préjudice d’impréparation qui sera réparé par l’allocation de la somme de 3.000 euros.

Le préjudice de [A] [D] sera ainsi indemnisé par l’allocation de la somme de 46.430 euros.

Le Docteur [O] et son assureur seront condamnés solidairement à payer cette somme à [M] [D], [B] [D] et [U] [D] en leur qualité d’ayant-droits de [A] [D], à hauteur d’un tiers chacun comme ils le réclament, soit 15.476,67 euros.

II -Sur le préjudice des proches
- Préjudices patrimoniaux

* Frais d’obsèques

[M] [D] sollicite le remboursement des frais d’obsèques exposés à l’occasion des funérailles de son père pour un montant de 3.500€.
Elle ne produit pas de facture pour en justifier, mais des études récentes pour justifier du coût moyen des frais d’obsèques en France.
Elle expose que la société de pompes funèbres ayant assuré les obsèques de Monsieur [D] a subi une inondation de son espace de stockage des archives, de sorte qu’il est impossible, faute de numérisation des factures à l’époque des faits, de produire une facture des frais engagés.
Ainsi que le relèvent le docteur [O] et son assureur, le montant sollicité n’apparaît pas disproportionné.
Au vu de ces éléments, il sera alloué à [M] [D] la somme de 3.500 euros au titre des frais d’obsèques.

* Frais de déplacement

[M] [D] sollicite le remboursement des frais d’assistance à expertise exposés en vue de l’accédit tenu par le Docteur [L] [Z], et communique deux factures d’honoraires, l’une de 168€ et l’autre de 1.380€, mentionnant qu’elles ont été payés par la fille de Monsieur [D].

La famille du patient, non professionnelle, est en droit de se faire assister d’un médecin conseil compte tenu du caractère technique des investigations, de sorte que ces frais doivent être intégralement remboursés.

C’est donc une somme de 1.548 € qui sera allouée à ce titre.

[M] [D] sollicite également le remboursement des frais de reprographie du dossier médical de son père à l’hôpital [17] pour un montant de 111,65€ et de ses frais de déplacement à l’accédit du Docteur [Z] pour un montant de 142,43€, et en justifie par des factures et des justificatifs de frais de carburant et de péage.

C’est donc une somme totale de 1.802,08 euros qui sera allouée à Madame [D] au titre des frais divers.

- Préjudices extra-patrimoniaux

* Préjudice d’affection résultant du décès

Le préjudice moral dû à la souffrance causée par le décès de leur proche sera indemnisé comme suit :
- pour [B] [D] : 35.000 euros,
- pour chacun de ses enfants : 20.000 euros,
- pour son petit-fils [Y], qui justifie qu’il était très proche de son grand-père : 9.000 euros.

* Préjudice d’accompagnement

Il s’agit d’un préjudice moral dû aux bouleversements dans ses conditions d’existence subi par la victime indirecte en raison de l’état de la victime directe jusqu’à son décès.
L’indemnisation implique que soit rapportée la preuve d’une proximité réelle entre le défunt et la victime indirecte ainsi que celle de la perturbation invoquée dans ses conditions de vie habituelles.

Les consorts [D] exposent avoir été à ses côtés pendant les deux mois et demi qui se sont écoulés entre l’opération chirurgicale subie par Monsieur [D] et son décès, et avoir assistés, impuissants, à ses souffrances et à la dégradation progressive de son état.
Ils rappellent que des soins palliatifs ont été mis en place à partir du 10 décembre 2014, et que Monsieur [D] est décédé le [Date décès 7] 2014.
Compte tenu de la durée de l’accompagnement et des bouleversements subis par ses proches dans leurs conditions d’existence pendant cette période, il sera alloué à [B] [D] la somme de 6.000 euros, à chacun de ses enfants la somme de 1.000 euros et à son petit-fils la somme de 500 euros.

En conséquence, le docteur [O] et son assureur seront condamnés solidairement à payer à [B] [D] la somme de 41.000 euros, à [M] [D] et [U] [D] la somme de 21.000 euros chacun, et à [Y] [D] la somme de 9.500 euros au titre de leur préjudice extra-patrimonial, et à [M] [D] la somme de 5.302,08 euros au titre de son préjudice patrimonial.

Sur les demandes accessoires

Succombant, le docteur [O] et son assureur seront condamnés in solidum aux entiers dépens de l’instance, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile.

Il apparaît inéquitable de laisser à la charge des demandeurs l’intégralité des frais irrépétibles qu’ils ont été contraints d’exposer; le docteur [O] et son assureur seront condamnés in solidum à leur payer la somme de 1.500 euros chacun en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.

Le présent jugement est exécutoire à titre provisoire.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, statuant par mise à disposition au greffe, par jugement réputé contradictoire rendu en premier ressort,

Condamne solidairement le Docteur [R] [O] et la société RELYEN MUTUAL INSURANCE venant aux droits de la société SHAM (Société Hospitalière d’Assurance Mutuelle) à payer à [B] [D], [M] [D] et [U] [D], en leur qualité d’ayant-droits de [A] [D], la somme de 15.476,67 euros chacun ;

Condamne solidairement le Docteur [R] [O] et la société RELYEN MUTUAL INSURANCE venant aux droits de la société à payer à [B] [D] la somme de 41.000 euros, à [U] [D] la somme de 21.000 euros et à [Y] [D] la somme de 9.500 euros en réparation de leur préjudice extra-patrimonial ;

Condamne solidairement le Docteur [R] [O] et la société RELYEN MUTUAL INSURANCE venant aux droits de la société SHAM à payer à [M] [D] la somme de 21.000 euros au titre de son préjudice extra-patrimonial et la somme de 5.302,08 euros au titre de son préjudice patrimonial ;

Condamne in solidum le Docteur [R] [O] et la société RELYEN MUTUAL INSURANCE venant aux droits de la société SHAM aux entiers dépens de l’instance, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile ;

Condamne in solidum le Docteur [R] [O] et la société RELYEN MUTUAL INSURANCE venant aux droits de la société SHAM à payer à [B] [D], [M] [D], [U] [D] et [Y] [D] la somme de 1.500 euros chacun en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;

Déboute [M] [D], [B] [D], [U] [D] et [Y] [D] du surplus de leurs demandes.

AINSI JUGE PAR MISE A DISPOSITION AU GREFFE DE LA PREMIERE CHAMBRE CIVILE DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE LE 27 JUIN 2024.
LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Marseille
Formation : 1ère chambre cab2
Numéro d'arrêt : 20/06886
Date de la décision : 27/06/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-27;20.06886 ?
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