La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/06/2024 | FRANCE | N°22/02383

France | France, Tribunal judiciaire de Marseille, 2ème chambre cab2, 24 juin 2024, 22/02383


TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE


JUGEMENT N°


Enrôlement : N° RG 22/02383 - N° Portalis DBW3-W-B7G-ZXUB

AFFAIRE : FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES DES ACTES DE TERROR ISME ET D’AUTRES INFRACTIONS (Me Alain TUILLIER )
C/ M. [R] [B] [N] [T] (Me Fabienne PITIOT)
- M. [K] [Z] (Me Sophie KONCEWICZ)



DÉBATS : A l'audience Publique du 27 Mai 2024


COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré

Président : Madame Elsa VALENTINI

Greffier : Madame Célia SANDJIVY, lors des dé

bats

A l'issue de laquelle, la date du délibéré a été fixée au : 24 Juin 2024

Les parties ont été avisées que le prononcé de la déc...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT N°

Enrôlement : N° RG 22/02383 - N° Portalis DBW3-W-B7G-ZXUB

AFFAIRE : FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES DES ACTES DE TERROR ISME ET D’AUTRES INFRACTIONS (Me Alain TUILLIER )
C/ M. [R] [B] [N] [T] (Me Fabienne PITIOT)
- M. [K] [Z] (Me Sophie KONCEWICZ)

DÉBATS : A l'audience Publique du 27 Mai 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré

Président : Madame Elsa VALENTINI

Greffier : Madame Célia SANDJIVY, lors des débats

A l'issue de laquelle, la date du délibéré a été fixée au : 24 Juin 2024

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 24 Juin 2024

PRONONCE par mise à disposition le 24 Juin 2024

Par Madame Elsa VALENTINI, Juge

Assistée de Madame Célia SANDJIVY, Greffier

NATURE DU JUGEMENT

contradictoire et en premier ressort

NOM DES PARTIES

DEMANDERESSE

FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES DES ACTES DE TERRORISME ET D’AUTRES INFRACTIONS, dont le siège social est sis [Adresse 6], pris en son établissement situé au [Adresse 4], où est géré ce dossier prise en la personne de son représentant légal en exercice

représentée par Maître Alain TUILLIER de la SELARL TGE, avocats au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

C O N T R E

DEFENDEURS

Monsieur [R] [B] [N] [T]
né le [Date naissance 1] 1990 à , demeurant [Adresse 5]

représenté par Me Fabienne PITIOT, avocat au barreau de MARSEILLE

Monsieur [K] [Z]
né le [Date naissance 2] 1989 à [Localité 7], demeurant [Adresse 3]

bénéficie de l’aide juridictionnelle totale N°13055/001/2022/017147 en date du 17/10/2022

représenté par Maître Sophie KONCEWICZ de la SCP AIXCELSIOR, avocats au barreau de MARSEILLE

*************

Par actes des 3 et 4 mars 2022, le FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES DES ACTES DE TERRORISME ET D’AUTRES INFRACTIONS (FGTI) assigné devant le tribunal de céans Monsieur [K] [Z] et Monsieur [R] [B] [T], sur le fondement de l’article L422-1 du code des assurances.

Le FGTI expose que le 29 mai 2016 à [Localité 8], Messieurs [Z] et [T] ont commis des violences à l’encontre de Monsieur [W] [J] et lui ont causé des blessures ; que par jugement en date du 8 août 2016, ceux-ci ont été condamnés pour ces faits par le tribunal correctionnel d’AIX EN PROVENCE et ont été déclarés entièrement responsable du préjudice de la victime ; que la CIVI d’AIX EN PROVENCE, saisie par Monsieur [J], a ordonné une expertise médicale et a désigné le docteur [C] afin de la réaliser ; que l’expert judiciaire a déposé son rapport le 1er juillet 2019 ; que le FGTI a adressé à Monsieur [J] une offre d’indemnisation à hauteur de 18.002 € ; que celle-ci a été acceptée et homologuée par ordonnance du président de la CIVI en date du 23 janvier 2020 ; que le FGTI a donc versé cette somme à Monsieur [J].
Le FGTI indique avoir mis en demeure les requis de lui rembourser cette somme ; que Monsieur [T] n’a pas répondu ; que Monsieur [Z] s’est engagé à rembourser la somme mensuelle de 50 euros mais n’a finalement rembourser que 150 euros.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 11 janvier 2023, le FGTI demande au tribunal de :
- DEBOUTER Monsieur [K] [Z] de sa demande tendant à ce qu’il soit tenu compte dans le montant de sa dette, de la saisie conservatoire pratiquée par le FONDS DE GARANTIE
- DEBOUTER Monsieur [K] [Z], qui a été déclaré entièrement responsable du préjudice subi par la victime, de sa demande d’exclusion ou de réduction de son « droit à indemnisation », alors et surtout que les dispositions de l’article 706-3 du Code de Procédure Pénale ne sont pas applicables devant une juridiction autre que la Commission d’Indemnisation des Victimes d’Infractions et certainement pas devant le Juge civil lors de l’action récursoire du FONDS DE GARANTIE
- DEBOUTER Monsieur [R] [B] [T] de sa demande de limitation du droit à indemnisation de la victime, alors même qu’il a été déclaré entièrement responsable du préjudice subi par celle-ci, par le Juge pénal, et que cette décision a autorité de la chose jugée.
- DEBOUTER Monsieur [R] [B] [T] de sa demande tendant à voir juger que le FONDS DE GARANTIE serait irrecevable à solliciter une somme supérieure à celle allouée par le Juge pénal, alors que cet organisme est fondé à demander à l’auteur des faits dommageables le remboursement de l’indemnisation des postes de préjudices qui n’ont pas été indemnisés par le Juge pénal, ce qui est le cas en l’espèce
- CONDAMNER in solidum Monsieur [K] [Z] et Monsieur [R] [B] [T] à payer au FONDS DE GARANTIE, subrogé dans les droits de Monsieur [W] [J] la somme de 17.852 € avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation introductive du 3 mars 2022 valant mise en demeure, par application de l’article 1344-1 du Code Civil
- LES CONDAMNER in solidum à payer au FONDS DE GARANTIE une indemnité de 1.500€ au titre de ses frais irrépétibles sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
- DEBOUTER Monsieur [K] [Z] ainsi que Monsieur [R] [B] [T] de leur demande de délais qui ne sont fondée ni en fait, ni en droit.
- LES CONDAMNER in solidum aux entiers dépens, par application de l’article 699 du C.P.C.

Aux termes de conclusions notifiées le 9 janvier 2023, Monsieur [Z] demande au tribunal de :
- DIRE ET JUGER qu’en l’état des seuls règlements réalisés par lui la demande de remboursement formulée par le FGTI, à la supposer fondée, ne saurait plus être réclamée qu’à hauteur de 13.275, 19 €

A titre principal
- DÉBOUTER le FGTI de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions
A titre subsidiaire
- LIMITER le droit à indemnisation de Monsieur [J] a minima à hauteur de moitié
- RÉDUIRE en conséquence la demande de remboursement formulée pat le FGTI dans cette même limite
- DIRE ET JUGER qu’il bénéficiera de plus larges délais de paiement en application des dispositions de l’article 1343-5 du code civil
- SUSPENDRE toute éventuelle mesure d’exécution ainsi que toute majoration d’intérêt ou pénalité de retard durant le délai accordée en application de l’article 1343-5 du code civil
En tout état de cause
- DÉBOUTER le FGTI de ses demandes formulées au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile
- STATUER ce que de droit sur les dépens.

Dans ses conclusions notifiées le 26 septembre 2022, Monsieur [T] demande au tribunal de:
A titre principal
- DEBOUTER le fonds de garantie de toutes ses demandes, fins et conclusions
A titre subsidiaire, si par extraordinaire la juridiction devait considérer que la faute de la victime n’était pas de nature à exclure totalement son droit à indemnisation,
- LIMITER le droit au remboursement des sommes payées par le Fonds de garantie en considération de l’autorité de la chose jugée par la Juridiction pénale ;
- LIMITER le droit au remboursement des sommes payées par le Fonds de garantie en considération de la faute de la victime ayant concouru à son propre dommage ; - LIMITER le droit au remboursement des sommes payées par le Fonds de garantie en considération de la surévaluation du préjudice de Monsieur [J] au titre de l’accord intervenu ;
- LIMITER la condamnation susceptible d’intervenir au bénéfice du Fonds de garantie en proportion du droit limité à indemnisation de Monsieur [J] ;
- PRONONCER une condamnation distincte de Messieurs [Z] et [T] en considération de leur rôle respectif dans le dommage causé à la victime ;
- OCTROYER les plus larges délais de paiement à Monsieur [T], en application de l’article 1343-5 du Code civil, pour s’acquitter des sommes susceptibles d’être mises à sa charge ;
- SUSPENDRE toute mesure d’exécution ainsi que toute majoration d’intérêt ou de pénalité de retard durant le délai accordé ;
En tout état de cause
- DEBOUTER le Fonds de garantie de ses demandes au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;
- STATUER ce que de droit sur les dépens.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions quant à l’exposé détaillé des prétentions et moyens.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 12 juin 2023.

L’affaire a été retenue à l’audience du 27 mai 2024, la décision a été mise en délibéré au 24 juin 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le recours subrogatoire du FGTI

Aux termes de l’alinéa 1er de l’article 706-11 du code de procédure pénale, le fonds de garantie est subrogé dans les droits de la victime pour obtenir des personnes responsables du dommage causé par l’infraction le remboursement de l’indemnité ou de la provision versées par lui dans la limite du montant des réparations à la charge des personnes tenues à réparation.
En l'espèce, le FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES D'ACTES DE TERRORISME ET D'AUTRES INFRACTIONS verse au débat :
- des procès-verbaux d’enquête
- le jugement correctionnel du 08.08.2016
- l’ordonnance C.I.V.I. du 22.06.2017
- le rapport d’expertise du Docteur [C] daté du 01.07.2019
- l’offre d’indemnisation en date du 30.12.2019
- l’homologation du constat d’accord en date du 23.01.2020
- l’état informatique certifié
- la mise en demeure adressée le 08.03.2020 à M. [Z]
- la mise en demeure adressée le 08.03.2020à M.[T]
- l’engagement de remboursement de M. [Z] en date du 11.02.2021
- l’historique financier
- un relevé du compte de M. [Z] pour la période du 6.11 au 06.12.2021.

Il est constant que par jugement du 8 août 2016, le tribunal correctionnel d’AIX-EN-PROVENCE a condamné Monsieur [K] [Z] et Monsieur [R] [T] pour des faits de violence aggravée par deux circonstances, suivie d’incapacité n’excédant pas 8 jours, commis le 29 mai 2016 sur la personne de Monsieur [W] [J].
Dans cette décision, Messieurs [Z] et [T] ont été déclarés “entièrement responsable du préjudice subi” par Monsieur [J].

Au regard de l’autorité de la chose jugée, Messieurs [Z] et [T] ne sont plus recevables à se prévaloir d’une faute de la victime de nature à exclure ou réduire leur responsabilité.
S’agissant de l’évaluation du préjudice de Monsieur [J], il ressort du rapport d’expertise du docteur [C] que les violences du 29 mai 2016 lui ont causé un traumatisme crânien et une contusion de la main gauche avec rupture du ligament scapho-lunaire et une plaie de 1 cm superficielle au niveau de la 1ère commissure interdigitale gauche.
L’expert a conclu de la façon suivante :
- DFTT le 7/12/2016
- DFT à 25 % du 29/05/2016 au 06/12/2016
- DFT à 33 % du 07/12/2016 au 31/01/2017
- DFT à 10 % du 01/02/2017 au 30/06/2017
- Consolidation : 30/06/2017
- Souffrances endurées : 3/7
- DFP : 3%
- Préjudice esthétique permanent : 0,5/7
- Préjudice d’agrément.

Il suit de ce qui précède et de la lecture du rapport d'expertise que l'expertise repose sur un examen sérieux et circonstancié. Les défendeurs ne produisent aucune pièce médicale pour critiquer utilement les conclusions de l'expert.
Sur la base des conclusions expertales, le FGTI a indemnisé Monsieur [J] à hauteur de la somme de 18.002 euros, en réparation des postes de préjudice suivants :
- 25euros au titre de la gêne temporaire totale
- 462 euros au titre de la gêne temporaire partielle à 33 %
- 1.200 euros au titre de la gêne temporaire partielle à 25 %
- 375 euros au titre de la gêne temporaire partielle à 10 %
- 6.000 euros au titre des souffrances endurées
- 4.590 euros au titre du déficit fonctionnel permanent
- 4.500 euros au titre du préjudice d’agrément
- 850 euros au titre du préjudice esthétique permanent.

L'évaluation du préjudice corporel de la victime, telle que réalisée par le FGTI sur la base du rapport d'expertise susmentionné répare, sans perte, ni profit, les postes de dommages correspondants.

Il convient en conséquence de condamner solidairement Monsieur [K] [Z] et Monsieur [R] [T] à rembourser au fonds de garantie la somme versée à Monsieur [J].

Il s’évince des pièces versées par le FGTI que Monsieur [Z] lui a remboursé la somme de 150 euros. A cet égard, il y a lieu de préciser que la saisie de la somme de 4.576, 81 euros dont Monsieur [Z] se prévaut n’est qu’une saisie conservatoire de sorte qu’elle n’a pas à être déduite du montant restant dû.
Par conséquent, Monsieur [K] [Z] et Monsieur [R] [T] seront condamnés solidairement à payer au FGTI la somme de 17.852 euros au titre de son recours subrogatoire.

En application de l’article 1231-7 du code civil, cette somme portera intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement.

Sur la demande de délais de paiement

L’alinéa 1 de l’article 1343-5 du code civil dispose que :
“Le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues”.

Vu les pièces versées au débat par les défendeurs, il y a lieu de leur accorder des délais pour le règlement de leur dette à l’égard du FGTI, selon les modalités fixées au dispositif.

Sur les demandes accessoires

Conformément à l’article 696 du code de procédure civile, Messieurs [Z] et [T], succombants, seront condamnés in solidum aux entiers dépens de la présente procédure.

Il serait inéquitable de laisser à la charge du Fonds de Garantie les frais et honoraires exposés pour agir en justice, non compris dans les dépens, qu’il y a lieu de lui allouer la somme de 800€ en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Il n’y a pas lieu d’écarter l’exécution provisoire de droit.

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL,

Statuant par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire, en matière civile ordinaire, en premier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi ;

CONDAMNE solidairement Monsieur [K] [Z] et Monsieur [R] [B] [T] à payer au Fonds de Garantie des Victimes des Actes de Terrorisme et d’Autres Infractions, subrogé dans les droits de Monsieur [W] [J], la somme de 17.852 euros versée en réparation de son préjudice ; cette somme avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement ;

ACCORDE à Monsieur [K] [Z] et Monsieur [R] [B] [T] la faculté d'apurer leur dette en 24 mensualités égales ;

DIT que le défaut de paiement d'un seul règlement à l'échéance prescrite entraînera la déchéance du terme et que la totalité du solde restant dû deviendra immédiatement exigible ;

RAPPELLE que l'application des dispositions de l'article 1343-5 du code civil suspend les procédures d'exécution qui auraient été engagées par le créancier et que les majorations d'intérêts ou les pénalités encourues à raison du retard cessent d'être dues pendant les délais accordés ;

CONDAMNE in solidum [K] [Z] et Monsieur [R] [B] [T] à payer au Fonds de Garantie des Victimes des Actes de Terrorisme et d’Autres Infractions la somme de 800 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE in solidum [K] [Z] et Monsieur [R] [B] [T] aux dépens ;

DIT n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire.

AINSI JUGE ET PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION AU GREFFE DE LA DEUXIEME CHAMBRE DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE LE 24 JUIN 2024

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Marseille
Formation : 2ème chambre cab2
Numéro d'arrêt : 22/02383
Date de la décision : 24/06/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-24;22.02383 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award