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24/06/2024 | FRANCE | N°21/05915

France | France, Tribunal judiciaire de Marseille, 2ème chambre cab2, 24 juin 2024, 21/05915


TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE


JUGEMENT N°


Enrôlement : N° RG 21/05915 - N° Portalis DBW3-W-B7F-Y5KH

AFFAIRE : M. [I] [R] (Me Julie MOREAU)
C/ S.A. SOGESSUR (Me Patrice BIDAULT )
- CPAM DES BOUCHES DU RHONE ( )
- METROPOLE [Localité 7] [Localité 9] [Localité 10]
(Me Jacques GOBERT)


DÉBATS : A l'audience Publique du 13 Mai 2024


COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré

Président : Madame Elsa VALENTINI

Greffier : Madame Célia SANDJIVY, lors des débat

s

A l'issue de laquelle, la date du délibéré a été fixée au : 24 Juin 2024

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision a...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT N°

Enrôlement : N° RG 21/05915 - N° Portalis DBW3-W-B7F-Y5KH

AFFAIRE : M. [I] [R] (Me Julie MOREAU)
C/ S.A. SOGESSUR (Me Patrice BIDAULT )
- CPAM DES BOUCHES DU RHONE ( )
- METROPOLE [Localité 7] [Localité 9] [Localité 10]
(Me Jacques GOBERT)

DÉBATS : A l'audience Publique du 13 Mai 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré

Président : Madame Elsa VALENTINI

Greffier : Madame Célia SANDJIVY, lors des débats

A l'issue de laquelle, la date du délibéré a été fixée au : 24 Juin 2024

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 24 Juin 2024

PRONONCE par mise à disposition le 24 Juin 2024

Par Madame Elsa VALENTINI, Juge

Assistée de Madame Célia SANDJIVY, Greffier

NATURE DU JUGEMENT

réputée contradictoire et en premier ressort

NOM DES PARTIES

DEMANDEUR

Monsieur [I] [R]
né le [Date naissance 1] 1966 à [Localité 9], demeurant [Adresse 3]

Immatriculé à la sécurité sociale sous le n°[Numéro identifiant 2]

représenté par Maître Julie MOREAU de la SELARL CAMPOCASSO & ASSOCIES, avocats au barreau D’AIX-EN-PROVENCE

C O N T R E

DEFENDERESSES

S.A. SOGESSUR, dont le siège social est sis [Adresse 4] prise en la personne de son représentant légal en exercice

représentée par Maître Patrice BIDAULT de la SELARL JURISBELAIR, avocats au barreau de MARSEILLE

CPAM DES BOUCHES DU RHONE, dont le siège social est sis [Adresse 5], prise en la personne de son représentant légal en exercice

défaillant

METROPOLE [Localité 7] [Localité 9] [Localité 10], dont le siège social est sis [Adresse 6] prise en la personne de son représentant légal en exercice

représentée par Maître Jacques GOBERT de la SCP GOBERT & ASSOCIES, avocats au barreau de MARSEILLE

**************

Le 1er septembre 2018, Monsieur [I] [R], né le [Date naissance 1] 1966, a été victime d’un accident de la circulation impliquant un véhicule assuré auprès de la société SOGESSUR.

La société AMV, assureur de Monsieur [R], lui a versé une provision amiable de 3.500 euros et a mandaté le docteur [G] afin de l’examiner.
L’expert s’est adjoint un sapiteur en chirurgie orthopédique en la personne du docteur [O] et a rendu son rapport le 24 septembre 2020.

Sur la base de ce rapport, la société SOGESSUR a formulé une offre d’indemnisation qui n’a pas été acceptée.

Par acte du 17 juin 2021, Monsieur [R] a assigné la société SOGESSUR, la CPAM des Bouches du Rhône et la MÉTROPOLE [Localité 7]-[Localité 9] [Localité 10] afin d’obtenir l’indemnisation de son préjudice sur le fondement de la loi du 5 juillet 1985.

Par conclusions notifiées le 8 septembre 2021, la MÉTROPOLE [Localité 7]-[Localité 9] [Localité 10] demande au tribunal de :
- CONDAMNER la société SOGESSUR à régler à la METROPOLE [Localité 7] [Localité 9]-[Localité 10] la somme de 53.010,79 € augmentée des intérêts au taux légal à compter du jugement à intervenir
- CONDAMNER la société SOGESSUR à régler à la METROPOLE [Localité 7] [Localité 9] [Localité 10] la somme de 1 500,00 € au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile
- CONDAMNER la société SOGESSUR aux entiers dépens de l’instance.

Par conclusions notifiées le 14 octobre 2021, la société SOGESSUR a formulé une nouvelle offre pour Monsieur [R] et a indiqué avoir procédé au règlement de la créance de la Métropole.

Aux termes de conclusions notifiées le 16 novembre 2021, la METROPOLE [Localité 7] [Localité 9] [Localité 10] a sollicité au tribunal de :
- DECLARER parfait son désistement d'instance
- CONSTATER, en l'extinction de l'instance pendante devant le tribunal sous le numéro RG 21/05915 - PRONONCER une décision de dessaisissement.

Par ordonnance en date du 7 février 2022, le juge de la mise en état a condamné la société SOGESSUR à verser à Monsieur [R] une provision complémentaire de 20.000 euros et a réservé les dépens et la demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Monsieur [R] et la société SOGESSUR ont de nouveau conclu au fond.

Une ordonnance de clôture a été prise le 20 juin 2022, puis révoquée le 29 novembre 2022 à la demande de Monsieur [R].

Dans ses dernières conclusions notifiées le 22 novembre 2022, Monsieur [R] demande au tribunal de :
- REVOQUER l’ordonnance de clôture en date du 20 juin 2022 et accueillir les présentes conclusions récapitulatives actualisant l’évaluation de la perte de gains professionnels future de Monsieur [R]
- DECLARER la SA SOGESSUR tenue d’indemniser intégralement le préjudice corporel subi par Monsieur [I] [R] à la suite de l’accident de la circulation dont il a été victime le 1er septembre 2018
- CONDAMNER la SA SOGESSUR à verser à Monsieur [R] la somme totale de 160.805 € ci-dessus détaillée, poste par poste, en réparation du préjudice subi, après déduction des provisions d’un montant de 23.500 € déjà versées à Monsieur [R], avec intérêts de droit à compter de la date de son assignation
- DECLARER le jugement opposable aux organismes sociaux
- CONDAMNER la SA SOGESSUR au paiement de la somme de 3.000 € en application des dispositions de l’article 700 du CPC ainsi qu’aux entiers dépens.

Dans ses dernières écritures notifiées le 25 janvier 2023, la société SOGESSUR demande au tribunal de :
- LIQUIDER le préjudice de Monsieur [R] comme suit :
-Dépenses de santé actuelles : 1.054,56 €
-Perte de gains professionnels actuels : 10.256,00 €
-Frais d’assistance : 1.920,00 €
-Tierce personne temporaire : 1.184,00 €
-Déficit fonctionnel temporaire : 5.296,20 €
-Déficit fonctionnel permanent : 15.600,00 €
-Préjudice esthétique permanent : 2.000,00 €
-Souffrances endurées : 8.000,00 €
-Préjudice d’agrément : 1.500,00 €
- DÉDUIRE la provision perçue de 3.500,00 €, soit un solde de 43.310,76 €
- DEBOUTER Monsieur [R] du surplus de ses demandes, fins et conclusions
- DIRE en particulier n’y avoir lieu à indemnisation d’une quelconque incidence professionnelle, ni d’une quelconque perte de gains professionnels futurs
- SURSEOIR à statuer sur la réclamation de Monsieur [R] tendant à se voir indemniser au titre d’une perte de gains professionnels futurs jusqu’à production d’éléments justificatifs probants ; à titre très subsidiaire et s’il devait être allouée une indemnité quelconque tant au titre de l’incidence professionnelle qu’au titre de la perte de gains professionnels futurs, voir alors écarter l’exécution provisoire de plein droit
- STATUER ce qu’il appartiendra sur les dépens.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions quant à l’exposé détaillé des prétentions et moyens.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 22 mai 2023.

L’affaire a été retenue à l’audience du 13 mai 2024, la décision a été mise en délibéré au 24 juin 2024.

La CPAM des Bouches du Rhône, régulièrement assignée, n’ayant pas constitué avocat ; le présent jugement sera réputé contradictoire à l’égard de l’ensemble des parties.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, il y a lieu de dire que la demande de révocation de l’ordonnance de clôture est sans intérêt puisqu’il a déjà été fait droit à cette demande.

Sur le désistement

En application des dispositions des articles 394 et suivants du code de procédure civile, il y a lieu de déclarer parfait le désistement d’instance de la Métropole. L’action est donc éteinte à son égard.

Sur le droit à indemnisation

En vertu des articles 1er et 4 de la loi du 5 juillet 1985, le conducteur d’un véhicule terrestre à moteur blessé dans un accident de la circulation a droit à l’indemnisation des dommages qu’il a subi sauf s’il est prouvé qu’il a commis une faute ayant contribué à la survenance de son préjudice.

En l’espèce, il ressort des éléments du débat que, le 1er septembre 2018, Monsieur [R] a été victime d’un accident de la circulation impliquant un véhicule assuré auprès de la société SOGESSUR.

Le droit à indemnisation de Monsieur [R] n’est pas contesté par la défenderesse et résulte tant des circonstances de l’accident que des articles 1er et 4 de la loi du 5 juillet 1985, aucune faute n’étant prouvée ni même alléguée à l’encontre de ce conducteur blessé par l’accident, seul élément susceptible d'affecter son droit à réparation indépendamment de toute faute de l'autre conducteur impliqué.

Le droit à indemnisation de Monsieur [R] étant plein et entier, la société SOGESSUR sera par conséquent condamnée à l’indemniser de l’intégralité de son préjudice.

Sur l’évaluation du préjudice

Aux termes non contestés du rapport d’expertise amiable du docteur [G] l’accident a causé à Monsieur [R] un hématome de la cheville droite, une douleur poignet droit localisée du côté du cubitus et une entorse grave du genou droit avec rupture LCP et lésions des ligaments latéraux.

Les conséquences médico-légales sont les suivantes :
- ATAP du 01/09/2018 au 21/10/2019
- GTT du “30/10 au 01/02/2019"
- GTP de classe 3 du 01/09/2018 au 15/10/2018 et du 02/02/2019 au 02/03/2019, avec aide humaine de 1h/jour
- GTP de classe 2 du 16/10/2018 au 29/01/2019 et du 03/03/2019 au 03/06/2019
- GTP de classe 1 du 04/06/2019 au 01/01/2020
- Consolidation : 01/01/2020
- Souffrances endurées : 3,5/7
- Dommage esthétique : 1/7
- AIPP : 10 %.

Il sera relevé que le rapport d’expertise comporte une erreur manifeste concernant la période de gêne temporaire totale puisqu’en réalité il convient de dire que celle-ci s’est déroulée du 30/01/2019 au 01/02/2019, conformément à la période d’hospitalisation à la clinique [8]. D’ailleurs, la première phase de GTP de classe 2 se termine bien le 29/01/2019.

Au vu de l'ensemble des éléments produits aux débats, le préjudice subi par Monsieur [R], âgé de 52 ans lors de l’accident, sera réparé ainsi que suit.

1°) Les Préjudices Patrimoniaux :

Dépenses de santé actuelles
La CPAM des Bouches du Rhône, régulièrement mise en cause, n’a pas fait connaître sa créance.

Monsieur [R] demande la somme de 1.098, 38 € au titre de son reste à charge, selon le détail suivant :
- 940 € de dépassement d’honoraires du docteur [E]
- 114, 56 € de dépassement d’honoraires du docteur [K] [M]
- 43, 82 € au titre du coût des béquilles axillaires.

La société SOGESSUR s’oppose en l’état à la demande concernant les béquilles faisant valoir que cet achat a nécessairement donné lieu à prescription de sorte que Monsieur [R], qui bénéficiait d’une prise en charge totale en tant que victime d’un accident du travail, n’avait pas de raison de ne pas obtenir le remboursement de cette dépense.
Elle offre la somme de 1.054, 56 € pour ce poste de préjudice.

S’agissant des béquilles, Monsieur [R] verse au débat la prescription médicale et la facture d’achat. Cependant, il ne démontre pas que ces frais son restés in fine à sa charge dans la mesure où il ne produit pas les relevés de remboursements de la CPAM et de sa mutuelle. Dès lors, ces frais ne seront pas pris en compte dans le préjudice de Monsieur [R].
Il sera alloué à Monsieur [R] la somme de 1.054, 56 euros au titre des dépenses de santé actuelles.

Frais d’assistance à expertise
Les frais d’assistance à expertise exposés par la victime pour se faire assister d’un médecin lors des opérations d’expertise sont nécessaires à la préservation de ses droits. En effet, le débat présentant un caractère scientifique il paraît légitime qu’elle s’entoure d’un conseil technique au même titre que la compagnie d’assurances et ce dans le respect du principe du contradictoire.

Il sera alloué pour ce poste de préjudice à Monsieur [R] la somme de 1.920 euros sur laquelle s’accordent les parties.

Assistance par tierce personne
Il convient d'indemniser les dépenses destinées à compenser les activités non professionnelles particulières qui ne peuvent être assumées par la victime directe durant sa maladie traumatique, comme l'assistance temporaire d'une tierce personne pour les besoins de la vie courante, étant rappelé que l’indemnisation s'entend en fonction des besoins et non en fonction de la dépense justifiée. Le montant de l'indemnité allouée au titre de l'assistance d'une tierce personne ne saurait être subordonné à la production de justificatifs des dépenses effectives.

L’expert a fixé le besoin d’assistance par une tierce personne de Monsieur [R] à une heure par jour du 01/09/2018 au 15/10/2018 et du 02/02/2019 au 02/03/2019.

Il convient de fixer l’indemnisation du poste de préjudice lié à la nécessité d’avoir été assisté d’une tierce personne pour les besoins de la vie courante jusqu’à la consolidation sur la base d’un taux horaire de 18 € et d’allouer, en conséquence, à ce titre à Monsieur [R] la somme de 1.350 euros (1h x 75j x 18 €).

Perte de gains professionnels actuels
Il s'agit de compenser les répercussions de l'invalidité sur la sphère professionnelle de la victime jusqu'à la consolidation de son état de santé. L'évaluation de ces pertes de gains doit être effectuée in concreto au regard de la preuve d'une perte de revenus établie par la victime jusqu'au jour de sa consolidation, à savoir jusqu'au 01/01/2020.

L’expert retient un arrêt de travail en lien avec l’accident sur la période du 01/09/2018 au 21/10/2019.

Monsieur [R] sollicite la somme de 10.256 euros au titre de sa perte de gains avant consolidation.

L’assureur acquiesce à cette demande.

Il sera alloué à Monsieur [R] la somme de 10.256 euros au titre de la perte de gains professionnels actuels.

Perte de gains professionnels futurs
Ce poste indemnise la victime de la perte ou de la diminution de ses revenus consécutive à l'incapacité permanente à laquelle elle est confrontée du fait du dommage dans la sphère professionnelle après la consolidation de son état de santé.

Monsieur [R], qui occupait un poste d’agent d’intervention tunnels, expose qu’en raison des séquelles de l’accident, il a dû faire l’objet d’un reclassement et a été affecté au poste d’adjoint technique principal ; que cela a entraîné une perte mensuelle de 759, 70 euros en raison de la perte de diverses primes, d’heures supplémentaires et heures de nuit et week-end. Il revendique donc une perte annuelle de 9.116, 40 euros qu’il capitalise jusqu’à la retraite qu’il fixe à 67 ans.
Il sollicite la somme de 103.376, 93 euros pour ce poste de préjudice.

La société SOGESSUR considère que le préjudice n’est pas établi puisqu’il ressort des pièces produites que le revenu net imposable de Monsieur [R] a été de 27.378, 48 euros en 2019 et 34.557, 86 euros en 2020. Elle souligne que les bulletins de paie de l’année 2020 montre la persistance d’indemnités pour heure de travail supplémentaires.

Il y a lieu d’observer que Monsieur [R], qui se prévaut d’une perte de gains pérenne en raison du reclassement, ne produit aucun justificatif de ses revenus actuels. La pièce la plus récente étant son bulletin de paie de décembre 2020.
En tout état de cause, les bulletins de paie postérieurs au reclassement démontrent que Monsieur [R] bénéficie toujours de primes et d’indemnités pour travail de nuit et de week-end. Son revenu net pour l’année 2020 a été de 34.557, 86 euros.
Or, les avis d’imposition des années avant l’accident montrent les revenus suivants : 35.402 euros en 2018, 37.554 pour l’année 2017 et 30.474 euros en 2016 ; soit une moyenne annuelle de 34.476, 67 euros.
Dès lors, aucune perte de gains après consolidation n’est établie. La demande à ce titre sera rejetée.

Incidence professionnelle
Ce poste d'indemnisation a pour objet d'indemniser les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle comme le préjudice subi par la victime en raison de sa dévalorisation sur le marché du travail, de sa perte d'une chance professionnelle, ou de l'augmentation de la pénibilité de l'emploi qu'elle occupe imputable au dommage ou encore du préjudice subi qui a trait à sa nécessité de devoir abandonner la profession qu'elle exerçait avant le dommage au profit d'une autre qu'elle a du choisir en raison de la survenance de son handicap.
Ce poste indemnise également la perte de retraite que la victime va devoir supporter en raison de son handicap, c'est-à-dire le déficit de revenus futurs, estimé imputable à l'accident, qui va avoir une incidence sur le montant de la pension auquel pourra prétendre la victime au moment de sa prise de retraite.

Monsieur [R] expose que son poste d’agent d’intervention impliquait des missions très intéressantes et gratifiantes pour lui ; que depuis son reclassement, il effectue uniquement des travaux de maintenance préventive et curative dans les tunnels ; qu’il a perdu toute envie de travailler et espoir d’occuper un poste plus intéressant.
Monsieur [R] sollicite la somme de 30.000 euros en indemnisation de sa pénibilité accrue, de la nécessité de son reclassement professionnel à un poste sédentaire, de la dévalorisation sur le marché du travail et la perte de chance de progression de carrière.

La société SOGESSUR relève que Monsieur [R] a conservé le même grade et les mêmes bonifications. Elle fait valoir que celui-ci ne justifie pas de diplôme lui permettant d’aspirer à des responsabilités plus importantes. Elle considère que le poste d’agent de maintenant occupé désormais par le requérants est tout à fait valorisant et souligne qu’il ne s’agit pas d’un emploi de bureau et qu’il nécessite des compétences technique particulières. Elle soutient que les nouvelles fonctions de Monsieur [R] sont beaucoup plus valorisantes que les précédentes.
La société SOGESSUR se prévaut d’une lésion du ménisque de type dégénératif pour affirmer que Monsieur [R] aurait été contraint à devoir envisager une autre affectation, indépendamment de l’accident.
Elle conclut, à titre principal, au débouté. Subsidiairement, elle fait valoir que ce poste de préjudice ne pourrait être évalué de façon forfaitaire.

Il ressort du rapport d’expertise et des pièces versées au débat que les séquelles de l’accident ont nécessité un reclassement de Monsieur [R] au poste d’agent de maintenance tunnels. Il a conservé son grade et son échelon et n’a pas perdu de revenus. Néanmoins l’obligation de quitter un poste dans lequel il éprouvait une satisfaction doit être indemnisée.
Par ailleurs, les limitations fonctionnelles et douloureuses au niveau du genou droit impliquent nécessairement une pénibilité accrue.
En revanche, Monsieur [R] ne démontre nullement que sans l’accident il aurait pu accéder à un poste plus intéressant. Aucun élément ne permet de retenir une dévalorisation sur le marché du travail imputable à l’accident.
Il convient de tenir compte de l’âge de Monsieur [R] au moment de la consolidation (53 ans), de son statut d’agent territorial et de sa pathologie non imputable au ménisque.
Au regard de l’ensemble de ces éléments, il sera alloué à Monsieur [R] la somme de 10.000 euros au titre de l’incidence professionnelle.

2°) Les Préjudices Extra Patrimoniaux :

Déficit fonctionnel temporaire
Ce poste de préjudice indemnise l'invalidité subie par la victime dans sa sphère personnelle pendant la maladie traumatique. Le déficit fonctionnel temporaire inclut pour la période antérieure à la date de consolidation, l'incapacité fonctionnelle totale ou partielle ainsi que le temps d'hospitalisation et les pertes de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante durant la maladie traumatique.

L’expert retient les éléments suivants :
- GTT du 30/01/2019 au 01/02/2019
- GTP de classe 3 du 01/09/2018 au 15/10/2018 et du 02/02/2019 au 02/03/2019
- GTP de classe 2 du 16/10/2018 au 29/01/2019 et du 03/03/2019 au 03/06/2019
- GTP de classe 1 du 04/06/2019 au 01/01/2020.

Sur la base d’une indemnisation de 27 € par jour pour un déficit total, les troubles dans les conditions d'existence subis par Monsieur [R] jusqu'à la consolidation peuvent s’évaluer à la somme de 3.015, 90 euros, calculée comme suit :
3j x 27 € = 81 €
75j x 27 € x 50 % = 1.012, 50 €
200j x 27 € x 25 % = 1.350 €
212j x 27 € x 10 % = 572, 40 €.

Le tribunal ne pouvant statuer infra petita, il sera alloué à Monsieur [R] la somme de 5.296, 20 euros offerte par l’assureur.

Souffrances endurées
Il s'agit de toutes les souffrances physiques et psychiques, ainsi que des troubles associés, que doit endurer la victime durant la maladie traumatique, c'est-à-dire du jour de l'accident à celui de sa consolidation. A compter de la consolidation, les souffrances endurées vont relever du déficit fonctionnel permanent et seront donc indemnisées à ce titre.

En l'espèce, elles sont caractérisées par le traumatisme initial et les traitements subis s’agissant notamment des immobilisations, de l’hospitalisation, des soins locaux, du traitement médicamenteux, de la rééducation et du suivi psychiatrique. Cotées à 3,5/7 par l’expert, elles seront réparées par l'allocation de la somme de 8.000 euros, conformément à l’accord des parties sur ce point.

Préjudice esthétique
Il sera alloué à Monsieur [R] la somme de 2.000 euros au titre du préjudice esthétique, conformément à l’accord des parties sur ce point.

Déficit fonctionnel permanent
Ce préjudice a pour composante les atteintes aux fonctions physiologiques de la victime, les douleurs qui persistent depuis la consolidation, la perte de la qualité de la vie et les troubles définitifs apportés à ces conditions d'existence.

La victime souffrant d’un déficit fonctionnel permanent évalué à 10 % par l’expert compte-tenu des séquelles cervicales relevées et étant âgée de 53 ans lors de la consolidation de son état, il lui sera alloué la somme 15.600 euros, conformément à l’accord des parties sur ce point.

Préjudice d'agrément
Ce préjudice vise exclusivement à réparer le préjudice spécifique “lié à l’impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique, sportive ou de loisirs”.
La jurisprudence des cours d'appel ne limite pas l’indemnisation du préjudice d’agrément à l’impossibilité de pratiquer une activité sportive ou de loisirs exercée antérieurement à l’accident.
Elle indemnise également les limitations ou les difficultés à poursuivre ces activités.

L’expert a retenu un préjudice d’agrément pour le football.

Monsieur [R] sollicite la somme de 5.000 euros pour ce poste de préjudice. Il produit au débat deux attestations de collègue mentionnant qu’il faisait partie de l’équipe de foot du service tunnel de la Métropole.

La société SOGESSUR relève qu’il n’est pas produit d’adhésion à un club. Elle fait valoir que Monsieur [R] souffre d’une lésion méniscale dégénérative de sorte qu’il n’aurait pas pu poursuivre le football pendant très longtemps. Elle offre la somme de 1.500 euros.

En retenant une pratique du football régulière mais liée à l’activité professionnelle, et en tenant compte de l’âge de Monsieur [R] et de sa lésion méniscale non imputable, il sera lui sera alloué la somme de 4.000 euros pour ce poste de préjudice.

Sur les demandes accessoires

En application de l’article 1231-7 du code civil, les sommes allouées porteront intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement et non à compter de l’assignation comme demandé par Monsieur [R].

Conformément à l’article 696 du code de procédure civile, la société SOGESSUR, succombante, sera condamnée aux entiers dépens de la présente procédure.

Elle devra en outre verser à Monsieur [R] une somme qu’il est équitable de fixer à hauteur de 1.700 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Il n’y a pas lieu d’écarter l’exécution provisoire de droit.

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL,

Statuant publiquement, par jugement mis à disposition au greffe, réputé contradictoire et en premier ressort,

DÉCLARE parfait le désistement d’instance de la METROPOLE [Localité 7] [Localité 9] [Localité 10] et l’action éteinte à son égard ;

CONDAMNE la société SOGESSUR à payer à Monsieur [I] [R] les sommes suivantes, en deniers ou quittances, provision non déduite, avec intérêts au taux légal à compter de ce jour, en réparation des préjudices suivants :

- 1.054, 56 euros au titre des dépenses de santé actuelles
- 1.920 euros au titre des frais d’assistance à expertise
- 1.350 euros au titre de l’assistance par tierce personne
- 10.256 euros au titre de la perte de gains professionnels actuels
- 10.000 euros au titre de l’incidence professionnelle
- 5.296, 20 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire
- 8.000 euros au titre des souffrances endurées
- 2.000 euros au titre du préjudice esthétique
- 15.600 euros au titre du déficit fonctionnel permanent
- 4.000 euros au titre du préjudice d’agrément

DIT que les provisions déjà versées à hauteur de 23.500 euros viendront en déduction des sommes ainsi allouées ;

REJETTE la demande au titre de la perte de gains professionnels futurs ;

DIT le présent jugement commun à la CPAM des Bouches du Rhône ;

CONDAMNE la société SOGESSUR aux entiers dépens et à payer à Monsieur [I] [R] la somme de 1.700 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

DIT n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire ;

DÉBOUTE les parties de toutes demandes plus amples ou contraires ;

AINSI JUGE ET PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION AU GREFFE DE LA DEUXIEME CHAMBRE DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE LE
24 JUIN 2024

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Marseille
Formation : 2ème chambre cab2
Numéro d'arrêt : 21/05915
Date de la décision : 24/06/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-24;21.05915 ?
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