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20/06/2024 | FRANCE | N°23/01371

France | France, Tribunal judiciaire de Marseille, 1ère chambre cab2, 20 juin 2024, 23/01371


TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

PREMIERE CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT N°24/ DU 20 Juin 2024

Enrôlement : N° RG 23/01371 - N° Portalis DBW3-W-B7H-26EI

AFFAIRE : M. [R] [D] ( Me Leila MHATELI)
C/ M. LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE DE MARSEILLE

DÉBATS : A l'audience Publique du 11 Avril 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Président : SPATERI Thomas, en application des articles 804 et 805 du CPC, avec l’accord des parties, les avocats avisés ne s’y étant pas opposés, et JOUBERT Stéfanie, juge assesseur, en qualité de juge rapporteur, a

présenté son rapport à l’audience avant les plaidoiries et en a rendu compte au Tribunal dans son délibéré

E...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

PREMIERE CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT N°24/ DU 20 Juin 2024

Enrôlement : N° RG 23/01371 - N° Portalis DBW3-W-B7H-26EI

AFFAIRE : M. [R] [D] ( Me Leila MHATELI)
C/ M. LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE DE MARSEILLE

DÉBATS : A l'audience Publique du 11 Avril 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Président : SPATERI Thomas, en application des articles 804 et 805 du CPC, avec l’accord des parties, les avocats avisés ne s’y étant pas opposés, et JOUBERT Stéfanie, juge assesseur, en qualité de juge rapporteur, a présenté son rapport à l’audience avant les plaidoiries et en a rendu compte au Tribunal dans son délibéré

En présence de PORELLI Emmanuelle, Vice-Procureur, Procureur de la République,

Greffier lors des débats : BERARD Béatrice

Vu le rapport fait à l’audience

À l'issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 20 Juin 2024

Après délibéré entre :

Président : SPATERI Thomas, Vice-Président
Assesseur : JOUBERT Stéfanie, Vice-Présidente (juge rapporteur)
Assesseur : BERGER-GENTIL Blandine, Vice-Présidente

Jugement signé par SPATERI Thomas, Vice-Président et par BERARD Béatrice, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

NATURE DU JUGEMENT

contradictoire et en premier ressort

NOM DES PARTIES

DEMANDEUR

Monsieur [R] [D]
né le 15 Août 2004 à [Localité 2] (MALI) (99)
de nationalité Malienne, domicilié : chez [Adresse 1]

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro C301892022001955 du 14/11/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Marseille)
représenté par Me Leila MHATELI, avocat au barreau de MARSEILLE,

C O N T R E

DEFENDERESSE

M. LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE DE MARSEILLE, près le TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE en son parquet - Place Monthyon - 6, Rue Joseph Autran - 13281 MARSEILLE CEDEX 6

dispensé du ministère d’avocat

EXPOSE DU LITIGE

Par acte en date du 2 février 2023, [R] [D], né le 15 août 2004 à [Localité 2] (Mali), a fait assigner le Procureur de la République devant le Tribunal judiciaire de Marseille afin de contester la décision du directeur des services de greffe judiciaires du Tribunal judiciaire de Nîmes, refusant l’enregistrement de la déclaration qu’il avait souscrite le 25 mai 2022 en vertu de l’article 21-12 du Code civil, en tant que mineur confié au service de l’aide sociale à l’enfance.
Ce refus était motivé comme suit : « L'acte de naissance produit par l'intéressé à l'appui de sa demande n'est pas probant de l'identité du demandeur en raison de l'absence de mention substantielles impératives. (...) De plus l'acte de naissance a été dressé suivant un jugement supplétif non opposable en France car il s'avère être incomplet. En effet, un simple extrait de cette décision a été fourni ce qui ne permet pas de vérifier sa conformité à l'ordre public international français ».

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 4 octobre 2023 auxquelles il est expressément référé pour plus ample exposé des moyens, il demande au Tribunal de :
A titre principal,
- constater qu’il peut prétendre à la nationalité française,
- ordonner la mention de la décision à intervenir sur son acte de naissance,
A titre subsidiaire,
- enjoindre au greffe d’enregistrer sa déclaration de nationalité,
En tout état de cause,
- statuer ce que de droit en ce qui concerne les dépens.

Il relève que l’enregistrement de sa déclaration de nationalité a été rejetée dès le jour de la demande, et qu’en refusant d’instruire, le greffe a nécessairement manqué à ses obligations et lui a causé un préjudice; qu’en outre, rien n’est indiqué dans la décision de refus quant aux éventuelles erreurs ou falsifications qu’évoque la motivation, et dès lors, il n’est pas en mesure de comprendre les défauts que pourraient présenter son acte et n’est pas en mesure de se défendre.
Il indique que son identité est parfaitement établie; que l’extrait de jugement n’avait même pas à être communiqué au tribunal, puisqu’il doit seulement servir à l’établissement de l’acte de naissance dont le troisième volet est remis à l’intéressé; qu’il a quand même effectué des démarches au Mali et produit l’intégralité de la décision du 10 mars 2020 en original et un certificat de non appel; que le Procureur de la République ne peut pas soulever l’argument selon lequel le jugement a fait l’objet d’une transcription à l’état civil le 17 mars 2020 en violation de l’article 554 et suivant du Code de procédure civile malien prévoyant un délai de recours de 15 jours, puisque seul le Parquet malien est habilité à soulever la nullité de l’acte de naissance si celui-ci n’a pas respecté les prescriptions légales.

En défense, dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 17 octobre 2023 auxquelles il est expressément référé pour plus ample exposé des moyens, le Procureur de la République demande au Tribunal de :
- dire la procédure régulière au regard des dispositions de l'article 1040 du Code de procédure civile,
- débouter le demandeur de ses demandes,
- juger que [R] [D], se disant né le 15 août 2004 à [Localité 2] (Mali) n’est pas de nationalité française,
- ordonner la mention prévue par l'article 28 du Code civil

Il soutient que la production d’un simple extrait du dispositif du jugement supplétif est insuffisant en ce qu’il ne constitue pas une expédition certifiée conforme et ne permet pas au juge de s’assurer de l’inexistence d’une fraude ou même d’un manquement à l’ordre public international puisque n’est produit que le dispositif du jugement; que dès lors que la décision de justice en exécution de laquelle l’acte de naissance a été dressé n’est pas produite dans son intégralité en expédition certifiée conforme, l’acte de naissance indissociable de cette décision doit être considéré comme dépourvu de valeur probante; qu’en outre, la production d’un simple extrait du jugement supplétif n’est pas conforme à l’article 36 de la convention de coopération franco-malienne ; que de plus, le jugement a fait l’objet d’une transcription à l’état civil dès le 17 mars 2020, en violation des articles 554 et suivants du Code de procédure civile malien prévoyant un délai de recours de quinze jours qui court à compter du prononcé du jugement y compris en matière gracieuse ; qu’enfin, le le juge des enfants n’ayant pas compétence pour trancher des contentieux relatifs à l'état civil, il ne saurait être tiré de conséquences de la mention dans ses décisions d’éléments d’identité.

La procédure a été clôturée à la date du 12 mars 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Le récépissé prévu à l’article 1040 du Code de procédure civile a été délivré.

L’article 30 du Code civil dispose que lorsque l’individu qui revendique la nationalité française n’est pas lui même titulaire d’un certificat de nationalité française, la charge de la preuve de sa nationalité lui incombe.

En l’espèce, [R] [D] n’est pas titulaire d’un certificat de nationalité française, de sorte qu’il lui appartient de rapporter la preuve qu’il remplit les conditions pour prétendre à la nationalité française.

En application de l'article 21-12 du Code civil, peut réclamer la nationalité française, pourvu qu'à l'époque de sa déclaration il réside en France, l'enfant qui, depuis au moins trois années, est recueilli sur décision de justice et élevé par une personne de nationalité française ou est confié au service de l'aide sociale à l'enfance ou qui a été recueilli en France et élevé dans des conditions lui ayant permis de recevoir, pendant cinq années au moins, une formation française soit par un organisme public, soit par un organisme privé présentant les caractères déterminés par un décret en Conseil d'État.

Pour pouvoir bénéficier de la nationalité française sur le fondement des dispositions de l'article 21-12 du Code civil, le demandeur doit préalablement justifier d'un état civil fiable au sens de l’article 47 du Code civil selon lequel tout acte de l’état civil des français et des étrangers faits en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d’autres actes ou pièces détenues, des données extérieures ou des éléments tirés de l’acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondant pas à la réalité.

En l’espèce, pour justifier de son état civil, [R] [D] produit une copie du volet n°3 d’un acte de naissance n°202Reg5SP dressé le 17 mars 2020 suivant jugement supplétif n°1279 rendu par le Tribunal de [Localité 2] en date du 10 mars 2020 aux termes duquel [R] [D] est né le 15 août 2004 à [Localité 2] de [M] [D], domicilié à [Localité 2], cultivateur, et de [B] [V], ménagère, domiciliée à [Localité 2], et une copie certifiée conforme en date du 30 mars 2023 d’un jugement supplétif n°1279 d’acte de naissance rendu le 10 mars 2020 par le Tribunal civil de [Localité 2], aux termes duquel [R] [D] est né le 15 août 2004 à [Localité 2] de [M] [D], cultivateur et de [B] [V], ménagère, accompagné d’un certificat de non-appel.
L’article 24 de l’accord franco-malien de coopération en matière de justice du 9 mars 1962 précise que “seront admis, sans légalisation, sur les territoires respectifs de la République française et de la République du Mali les documents suivants établis par les autorités administratives et judiciaires de chacun des deux états : les expéditions des actes de l 'état civil, les expéditions des décisions, ordonnances, jugements, arrêts et autres actes judiciaires (...). Les documents énumérés ci-dessus devront être revêtus de la signature et du sceau officiel de l'autorité ayant qualité pour les délivrer et, s 'il s 'agit d’expéditions, être certifiés conformes à l'original par ladite autorité. En tout état de cause, ils seront établis matériellement de manière à faire apparaître leur authenticité.”

L’article 36 dispose que “la partie à l'instance qui invoque l'autorité d'une décision judiciaire ou qui en demande l'exécution doit produire :
a) une expédition de la décision réunissant les conditions nécessaires à son authenticité
b) l'original de l'exploit de signification de la décision ou de tout autre acte qui tient lieu de signification
c) un certificat du greffier constatant qu’il n’existe contre la décision ni opposition ni appel
d) le cas échéant une copie de la citation de la partie qui a fait défaut à l'instance, copie certifiée conforme par le greffier de la juridiction qui a rendu la décision.”

[R] [D] produit une copie certifiée conforme par le greffier en chef du jugement n°1279 rendu le 10 mars 2020.

Il apparaît cependant que ce jugement supplétif a été rendu en contravention des dispositions des articles 432, 439 et 462 du Code de procédure civile malien puisqu’il ne mentionne ni la communication au ministère public, ni l'assistance ou l'avis du ministère public.

Ce jugement, qui n'est pas contradictoire à l'égard du ministère public, viole l'ordre public international de procédure et ne peut pas recevoir application en France.

Le jugement n n°1279 du 10 mars 2020 est donc inopposable en France et l'acte de naissance dressé par transcription de ce jugement n'a pas la force probante exigée par l'article 47 du Code civil, de sorte que l'état civil de [R] [D] n'est pas certain.

Son extranéité sera donc constatée.

Il y a lieu d’ordonner la mention prévue par l’article 28 du Code civil.

Succombant, [R] [D] sera condamné aux dépens, qui seront recouvrés selon les règles applicables en matière d’aide juridictionnelle.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, statuant par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort,

Constate que le récépissé prévu par l'article 1040 du Code de procédure civile a été délivré ;

Déboute [R] [D] de ses demandes ;

Constate l'extranéité de [R] [D], né le 15 août 2004 à [Localité 2] (Mali);

Ordonne la mention prévue par l'article 28 du Code civil ;

Condamne [R] [D] aux dépens, qui seront recouvrés selon les règles applicables en matière d’aide juridictionnelle.

AINSI JUGÉ, PRONONCÉ ET MIS À DISPOSITION AU GREFFE DE LA 1ère CHAMBRE CIVILE AU TRIBUNALJUDICIAIRE DE MARSEILLE LE 20 JUIN 2024.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Marseille
Formation : 1ère chambre cab2
Numéro d'arrêt : 23/01371
Date de la décision : 20/06/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 26/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-20;23.01371 ?
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