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20/06/2024 | FRANCE | N°22/04051

France | France, Tribunal judiciaire de Marseille, 1ère chambre cab2, 20 juin 2024, 22/04051


TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

PREMIERE CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT N°24/ DU 20 Juin 2024

Enrôlement : N° RG 22/04051 - N° Portalis DBW3-W-B7G-Z3N2

AFFAIRE : Mme [G] [F] [U] ( Me Godfry . a [S])
C/ M. LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE DE MARSEILLE

DÉBATS : A l'audience Publique du 11 Avril 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Président : SPATERI Thomas, en application des articles 804 et 805 du CPC, avec l’accord des parties, les avocats avisés ne s’y étant pas opposés, et JOUBERT Stéfanie, juge assesseur, en qualité de juge rapport

eur, a présenté son rapport à l’audience avant les plaidoiries et en a rendu compte au Tribunal dans son délib...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

PREMIERE CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT N°24/ DU 20 Juin 2024

Enrôlement : N° RG 22/04051 - N° Portalis DBW3-W-B7G-Z3N2

AFFAIRE : Mme [G] [F] [U] ( Me Godfry . a [S])
C/ M. LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE DE MARSEILLE

DÉBATS : A l'audience Publique du 11 Avril 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Président : SPATERI Thomas, en application des articles 804 et 805 du CPC, avec l’accord des parties, les avocats avisés ne s’y étant pas opposés, et JOUBERT Stéfanie, juge assesseur, en qualité de juge rapporteur, a présenté son rapport à l’audience avant les plaidoiries et en a rendu compte au Tribunal dans son délibéré,

En présence de PORELLI Emmanuelle, Vice-Procureur, Procureur de la République,

Greffier lors des débats : BERARD Béatrice

Vu le rapport fait à l’audience

À l'issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 20 Juin 2024

Après délibéré entre :

Président : SPATERI Thomas, Vice-Président
Assesseur : JOUBERT Stéfanie, Vice-Présidente (juge rapporteur)
Assesseur : BERGER-GENTIL Blandine, Vice-Présidente

Jugement signé par SPATERI Thomas, Vice-Président et par BERARD Béatrice, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

NATURE DU JUGEMENT

contradictoire et en premier ressort

NOM DES PARTIES

DEMANDERESSE

Madame [G] [F] [U]
née le 18 Décembre 1994 à [Localité 3] (SÉNÉGAL)
de nationalité Française, domiciliée : chez Madame [I] [W], [Adresse 1]

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro C13206/2023/005907 du 10/11/2023 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Marseille)
représentée par Me Godfry.a KOUEVI, avocat au barreau de MARSEILLE,

C O N T R E

DEFENDERESSE

M. LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE DE MARSEILLE, près le TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE en son parquet - Place Monthyon - 6, Rue Joseph Autran - 13281 MARSEILLE CEDEX 6

dispensé du ministère d’avocat

EXPOSE DU LITIGE

[G] [U], née le 18 décembre 1994 à [Localité 3] au Sénégal, a sollicité la délivrance d’un certificat de nationalité française qui a fait l’objet d’une décision de refus en date du 24 mars 2021 au motif qu’elle n’avait pas donné suite au courrierdu 17 janvier 2020 lui demandant de produire des pièces.

Par acte en date du 6 avril 2022, Madame [U] a fait assigner le Procureur de la République devant le Tribunal judiciaire de Marseille pour voir juger qu’elle est de nationalité française par filiation paternelle au visa de l’article 18 du Code civil.

Dans ses dernières conclusions signifiées par RPVA le 26 septembre 2023 auxquelles il y a lieu de se référer pour un plus ample exposé des moyens, elle demande au Tribunal de :
- constater qu’elle est née d’un père [P] [U] de nationalité française pour être né de [H] [U], de nationalité française, lui même étant né dans un ancien territoire de la République française,
- constater que son acte de naissance revêt la valeur probante en vertu de l’article 47 du Code civil,
- dire et juger qu’elle est de nationalité française pour être née d’un père, [P] [U], de nationalité française,
- condamner le Ministère public à lui payer la somme de 1.800 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile pour les frais exposés dans le cadre de la présente instance.

Elle expose être née de [P] [U] né le 7 novembre 1954 à [Localité 2] (Sénégal) de nationalité française et de [W] [I] née le 10 septembre 1970 à Baraka Pakao (Sénégal), mariés le 12 mars 1990 devant l’officier d’état civil du consulat de France à [Localité 2]; que son père est français en application des dispositions des articles 23-1° et 25 du Code de la nationalité comme né dans un ancien territoire d’outre-mer de la République française d’un père qui y est lui-même né; qu’elle produit le certificat de nationalité française de son père délivré par le greffier en chef du Tribunal d’instance de Marseille le 30 novembre 2010 et l’acte de naissance de son grand-père, [H] [U], né le 12 décembre 1931 à Ziguinchor, Sénégal, dont il résulte clairement que [H] [U] est né avant l’accession du Sénégal à l’indépendance le 20 juin 1960, et qu’il faisait partie des personnes originaires de ces territoires ayant établi leur domicile hors de l’un des Etats de la Communauté lorsqu’ils sont devenus indépendants; qu’il est établi la preuve du caractère permanent et effectif de ses occupations professionnelles en qualité de docker à Marseille et de sa résidence en France à la date de la proclamation de l’indépendance du Sénégal ; que sa filiation à l’égard de [P] [U] a été établie durant sa minorité; que son acte de naissance a été dressé selon les formes usitées au Sénégal et répond aux exigences de l’article 47 du Code civil; qu’il mentionne au verso “Inscription d’une déclaration tardive”; que si cet acte était dénué de valeur probante, il n’aurait pas fait l’objet de transcription sur les registres de l’état civil français.

En défense, dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 3 mai 2023 auxquelles il est expressément référé pour plus ample exposé des moyens, le Procureur de la République demande au Tribunal de :
- constater que le récepissé prévu par l’article 1043 du Code de procédure civile a été délivré,
- dire que Madame [G] [U] n’est pas française
- ordonner la mention prévue par l'article 28 du Code civil,
- statuer ce que de droit quant aux dépens.

Il indique que la demanderesse ne peut se prévaloir de certificats de nationalité francaise délivrés à des membres de sa famille ; qu’elle ne produit aucune pièce tendant à démontrer que son grand-père paternel avait transféré hors des anciens territoires d’outre-mer francais son domicile de nationalité, lequel doit présenter un caractère stable et permanent et coincider avec le centre des attaches familiales et des occupations professionnelles; qu’à défaut pour Madame [U] de communiquer les éléments de fait justifiant que, le 20 juin 1960, date de l’indépendance du Sénégal, [H] [U] a conservé sa nationalité française de plein droit pour avoir transféré de facon effective son domicile de nationalité hors des anciens territoires devenus indépendants, elle ne rapporte pas la preuve de la nationalité francaise de son père déclaré.
Il ajoute que l’acte de naissance de Madame [U] est irrégulier et ne peut faire foi au sens de l’article 47 du Code civil, puisqu’il a été dressé en dehors du délai prescrit par l’article 51 du code de la famille sénégalais, et ne comporte pas la mention “inscription de declaration tardive” en tête de l’acte; qu’enfin, la demanderesse ne verse aux débats qu’un simple extrait de naissance qui ne mentionne pas la date et le lieu de naissance de ses parents.

La procédure a été clôturée à la date du 27 février 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Le récépissé prévu à l’article 1040 du Code de procédure civile a été délivré.

L’article 30 du Code civil dispose que lorsque l’individu qui revendique la nationalité française n’est pas lui même titulaire d’un certificat de nationalité française, la charge de la preuve de sa nationalité lui incombe.

En l’espèce, [G] [U] n’est pas titulaire d’un certificat de nationalité française, de sorte qu’il lui appartient de rapporter la preuve qu’elle remplit les conditions pour prétendre à la nationalité française.

Pour pouvoir bénéficier de la nationalité française sur le fondement des dispositions de l'article 18 du Code civil, la demanderesse doit préalablement justifier d'un état civil fiable au sens de l’article 47 du Code civil selon lequel tout acte de l’état civil des français et des étrangers faits en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d’autres actes ou pièces détenues, des données extérieures ou des éléments tirés de l’acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondant pas à la réalité.

Pour justifier de son état civil, [G] [U] produit un extrait d’acte de naissance qui ne mentionne ni l’âge, ni la date de naissance, ni le lieu de naissance des ses parents.

La transcription de l'acte sur les registres français de l'état civil n'a pas pour effet de rendre les dispositions de l'article 47 du Code civil inopérantes dès lors que la valeur probante de cette transcription est subordonnée à celle de l'acte étranger à partir duquel la transcription a été effectuée.

Il apparaît sur la transcription de son acte de naissance par l’officier d’état civil par délégation du consul général de France à [Localité 2] que celle-ci a été effectuée sur la production d’une copie de l’acte original; dès lors, il appartenait à Madame [U] de le produire dans le cadre de la présente procédure.

Par ailleurs, l'article 51 du Code de la famile sénégalais énonce que : “Toute naissance doit être déclarée à l’officier de l’état civil dans le délai franc d’un mois. Si le délai arrive à expiration un jour férié, la déclaration sera reçue valablement le premier jour ouvrable suivant.
Les déclarations peuvent émaner du père ou de la mère, d’un ascendant ou d’un proche parent, du médecin, de la sage-femme, de la matrone ou de toute autre personne ayant assisté à la naissance ou encore, lorsque la mère est accouchée hors de son domicile, de la personne chez qui elle est accouchée.
A défaut de déclaration faite par les personnes ci-dessus désignées, les chefs de village ou les délégués de quartier sont tenus d’y procéder dans les conditions et sous les sanctions prévues à l’article 33 du présent Code.

Lorsqu’un mois et quinze jours se sont écoulés depuis une naissance sans qu’elle ait fait l’objet d’une déclaration, l’officier de l’état civil peut néanmoins en recevoir une déclaration tardive pendant le délai d’une année à compter de la naissance à condition que le déclarant produise à l’appui de sa déclaration un certificat émanant d’un médecin ou d’une sage- femme ou qu’il fasse attester la naissance par deux témoins majeurs. En tête de l’acte dressé tardivement doit être mentionné : «inscription de déclaration tardive». Cette mention doit également figurer sur le répertoire alphabétique de l’année en cours, prévu par l’article 39 du présent Code. Mention de la déclaration tardive et de son numéro est portée en marge de l’acte de naissance antérieur le plus proche en date.”

En l'espèce, l’acte de naissance d’[G] [U] a été dressé le 21 février 1995, soit plus d’un mois et quinze jours après la naissance qui a eu lieu le 18 décembre 1994.

Or cet acte de naissance ne porte pas la mention «inscription de déclaration tardive». Il n’est pas plus établi que le déclarant ait produit à l’appui de sa déclaration un certificat émanant d’un médecin ou d’une sage- femme ou ait fait attester la naissance par deux témoins majeurs. Les dispositions de la loi sénégalaise n’ont donc pas été respectées.

Il s'ensuit que, ne disposant pas d'un état civil fiable et certain, [G] [U] ne saurait se voir reconnaître la nationalité française.

Son extranéité sera donc constatée.

Il y a lieu d’ordonner la mention prévue par l’article 28 du Code civil.

Succombant, [G] [U] sera condamnée aux dépens, qui seront recouvrés selon les règles applicables en matière d’aide juridictionnelle.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort

Constate que le récépissé prévu par l’article 1040 du Code de procédure civile a été délivré ;

Déboute [G] [U] de ses demandes ;

Constate l’extranéité d’[G] [U] née le 18 décembre 1994 à [Localité 3] (Sénégal);

Ordonne la mention prévue par l’article 28 du Code civil ;

Condamne [G] [U] aux dépens, qui seront recouvrés selon les règles applicables en matière d’aide juridictionnelle.

AINSI JUGE ET PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION AU GREFFE DE LA PREMIERE CHAMBRE CIVILE DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE LE 20 JUIN 2024.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Marseille
Formation : 1ère chambre cab2
Numéro d'arrêt : 22/04051
Date de la décision : 20/06/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 26/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-20;22.04051 ?
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