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20/06/2024 | FRANCE | N°22/02340

France | France, Tribunal judiciaire de Marseille, 1ère chambre cab2, 20 juin 2024, 22/02340


TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

PREMIERE CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT N°24/ DU 20 Juin 2024

Enrôlement : N° RG 22/02340 - N° Portalis DBW3-W-B7G-ZYNY

AFFAIRE : M. [D] [C] ( Me Séverine DECAUX)
C/ M. LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE DE MARSEILLE

DÉBATS : A l'audience Publique du 11 Avril 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Président : SPATERI Thomas, en application des articles 804 et 805 du Code de Procédure Civile, avec l’accord des parties, les avocats avisés ne s’y étant pas opposés, et JOUBERT Stéfanie, Juge assesseur, en quali

té de Juge Rapporteur, a présenté son rapport à l’audience avant les plaidoiries et en a rendu compte au Tribun...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

PREMIERE CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT N°24/ DU 20 Juin 2024

Enrôlement : N° RG 22/02340 - N° Portalis DBW3-W-B7G-ZYNY

AFFAIRE : M. [D] [C] ( Me Séverine DECAUX)
C/ M. LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE DE MARSEILLE

DÉBATS : A l'audience Publique du 11 Avril 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Président : SPATERI Thomas, en application des articles 804 et 805 du Code de Procédure Civile, avec l’accord des parties, les avocats avisés ne s’y étant pas opposés, et JOUBERT Stéfanie, Juge assesseur, en qualité de Juge Rapporteur, a présenté son rapport à l’audience avant les plaidoiries et en a rendu compte au Tribunal dans son délibéré,

En présence de PORELLI Emmanuelle, Vice-Procureur, Procureur de la République,

Greffier lors des débats : BERARD Béatrice

Vu le rapport fait à l’audience

À l'issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 20 Juin 2024

Après délibéré entre :

Président : SPATERI Thomas, Vice-Président
Assesseur : JOUBERT Stéfanie, Vice-Présidente, (juge rapporteur)
Assesseur : BERGER-GENTIL Blandine, Vice-Présidente

Jugement signé par SPATERI Thomas, Vice-Président et par BERARD Béatrice, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

NATURE DU JUGEMENT

contradictoire et en premier ressort

NOM DES PARTIES

DEMANDEUR

Monsieur [D] [C]
né le 29 Juin 2002 à
de nationalité Afghane, domicilié : [Adresse 1]

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 110690012021002711 du 13/09/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Carcassonne)
représenté par Me Séverine DECAUX, avocat au barreau de MARSEILLE,

C O N T R E

DEFENDERESSE

M. LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE DE MARSEILLE, près le TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE en son parquet- [Adresse 4]

dispensé du ministère d’avocat

EXPOSE DU LITIGE

Le 19 août 2020, [D] [C] , né le 29 juin 2002 à [Localité 2] (AFGHANISTAN), a souscrit une déclaration d’acquisition de la nationalité francaise devant le directeur des services de greffe du Tribunal judiciaire de Perpignan sur le fondement de l’article 21-12 du Code civil, en raison de son placement à l’Aide Sociale à l’Enfance.

Par décision notifiée le 31 mars 2021, il s’est vu refuser l’enregistrement de sa déclaration au motif que l’acte de naissance produit n’était pas probant au sens de l’article 47 du Code civil.

Par acte en date du 9 mars 2022, il a a fait assigner le Procureur de la République devant le Tribunal judiciaire de Marseille pour voir enregistrer la déclaration d’acquisition de la nationalité francaise.

Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 11 septembre 2023 auxquelles il est expressément référé pour plus ample exposé des moyens, il demande au Tribunal de :
- infirmer la décision prononcée le 31 mars 2021 par le Tribunal judiciaire de Perpignan,
- dire et juger que sa déclaration de nationalité française est recevable,
- dire et juger qu’il remplit les conditions de l'article 21-12 du Code civil pour se voir reconnaître la nationalité française,
- ordonner l’enregistrement de sa déclaration de nationalité française.

Il indique qu’il produit sa tazkira en langue persane accompagné de sa traduction en langue anglaise et en langue française, qui comporte le prénom de son père [Y] [N] et de son grand-père [Localité 2], son lieu de naissance : [Localité 3], sa nationalité : afghane et un numéro de série : 147648; que les documents qu’il produit précisent son nom patronymique et permettent d’établir sa filiation; qu’il produit deux attestations émanant de l’Ambassade de République Islamiste d'Afghanistan de France qui affirme que cette tazkira est authentique et que dans la mesure où la tazkira est délivré par l’Ambassade elle-même sur la base de données du Ministère de l’Intérieur afghan, l’Ambassade ne peut pas légaliser un document délivrée par ses propres soins.
Il souligne que depuis le 2 janvier 2021, les activités du Consulat de France en Afghanistan sont suspendues et qu’il ne peut donc fournir le document sollicité.
Il ajoute avoir été confié au service de l’aide sociale à l’enfance depuis au moins trois années, sur décision de justice.

En défense, dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 17 novembre 2023 auxquelles il est expressément référé pour plus ample exposé des moyens, le Procureur de la République demande au Tribunal de :
- constater que le récépissé prévu par l'article 1043 du Code de procédure civile a été délivré,
- constater l’extranéité de l’intéressé,
- ordonner la mention prévue par l'article 28 du Code civil.

Il indique que 1’intéressé produit deux tazkira, en langue persane et en langue anglaise, qui ne sont pas légalisées; que de plus, il ressort de la traduction (notes du traducteur) que la tazkira en langue persane, délivrée le 29 juin 2006, ne mentionnait ni le nom, ni la date de naissance de l’intéressé et que ces éléments ont été ajoutés sur la traduction par le traducteur, sur le fondement d’une attestation du département des Pyrénées-Orientales; que l’ acte produit en pièce n°2, qui ne mentionne pas les éléments d'identité essentiels de l'intéressé, n'est pas probant au sens de l'article 47 du Code civil; que la tazkira délivrée ultérieurement produite sous le n°4 est établie d'aprés le même registre des actes de naissance que la première (n°l92, volume 2, p. 38), délivrée par le ministère des affaires étrangères afghan et n'est pas traduite; que cet acte n'est donc pas davantage probant que celui produit en n°2 d'autant qu'il n'est pas délivré par le détenteur des actes et n'est donc pas un acte de l'état civil; que les éléments d'identité et attestation de l'ambassade, établis d'après ces actes non probants, ne peuvent pas constituer des preuves de l'état civil de l'intéressé.

La procédure a été clôturée à la date du 13 février 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Le récépissé prévu à l’article 1043 du Code de procédure civile a été délivré.

L’article 30 du Code civil dispose que lorsque l’individu qui revendique la nationalité française n’est pas lui même titulaire d’un certificat de nationalité française, la charge de la preuve de sa nationalité lui incombe.

En l’espèce, [D] [C] n’est pas titulaire d’un certificat de nationalité française, de sorte qu’il lui appartient de rapporter la preuve qu’il remplit les conditions pour prétendre à la nationalité française.

En application de l'article 21-12 du Code civil, peut réclamer la nationalité française, pourvu qu'à l'époque de sa déclaration il réside en France, l'enfant qui, depuis au moins trois années, est recueilli sur décision de justice et élevé par une personne de nationalité française ou est confié au service de l'aide sociale à l'enfance ou qui a été recueilli en France et élevé dans des conditions lui ayant permis de recevoir, pendant cinq années au moins, une formation française soit par un organisme public, soit par un organisme privé présentant les caractères déterminés par un décret en Conseil d'État.

Pour pouvoir bénéficier de la nationalité française sur le fondement des dispositions de l'article 21-12 du Code civil, le demandeur doit préalablement justifier d'un état civil fiable.

Selon l'article 47 du Code civil, tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité.

Sauf convention internationale, les copies ou extraits d’actes de l’état civil établis par les autorités étrangères, doivent, pour recevoir effet en France, être légalisés. La France n’a conclu aucune convention avec l’Afghanistan afin de dispenser ce pays de telles formalités.

La formalité de la légalisation vise à garantir que l'auteur d'un extrait ou d'une copie intégrale d'un acte d'état civil avait qualité pour délivrer cette copie. Selon l’article 2 de la Convention de La Haye du 5 octobre 1961, la légalisation se définit comme la formalité par laquelle les agents diplomatiques ou consulaires attestent la véracité de la signature, la qualité en laquelle le signataire de l'acte a agi et, le cas échéant, l'identité du sceau ou timbre dont cet acte est revêtu.

En l’espèce, [D] [C] produit pour justifier de son état civil la copie en langue persane d’un acte de naissance établi le 29 juin 2006 délivrée par le Ministère de l’Intérieur de la République islamique d'Afghanistan, et sa traduction par un expert agréé, ainsi qu’une tazkira rédigée en anglais le 28 juin 2021 et un certificat de naissance établi à la même date par l'ambassade d'Afghanistan en France non signé, muni du cachet du Ministère des affaires étrangères de la République islamique d'Afghanistan.

Il résulte des annotations qui sont portés sur la traduction de l’acte de naissance, que le nom de famille n’est pas indiqué sur l’acte en langue persane, et le traducteur précise que “notre source pour le nom de famille est l’attestation du département des Pyrénées Orientales”, la même mention est portée s’agissant de la date de naissance.

Par ailleurs, ces actes ne sont pas légalisés.

Le passeport afghan que détient [D] [C] constitue seulement un titre d’identité lui permettant de circuler en dehors de l’Etat afghan et ne vaut pas acte d’état civil de nature à établir la date et le lieu de sa naissance. De plus, il n’appartient pas à la préfecture, ni au juge des enfants, dans le cadre de la procédure judiciaire ou administrative, d’analyser la valeur probante de l’acte de naissance, de telle sorte que sa prise en considération par ces autorités n’est pas de nature à lui donner force probante.

Il résulte de ces éléments que [D] [C] ne rapporte pas la preuve de son état civil et a fortiori n'établit pas qu'il remplissait, à la date de sa déclaration, les conditions pour bénéficier de l'acquisition de la nationalité française du fait de son recueil en France lorsqu'il était mineur. Ses demandes seront donc rejetées.

Son extranéité sera constatée.

Il y a lieu d’ordonner la mention prévue par l’article 28 du Code civil.

Succombant, [D] [C], sera condamné aux dépens, qui seront recouvrés selon les règles applicables en matière d’aide juridictionnelle.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, statuant par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort,

Constate que le récépissé prévu par l'article 1043 du Code de procédure civile a été délivré ;

Déboute [D] [C] de ses demandes ;

Constate l'extranéité d’[D] [C] né le 29 juin 2002 à [Localité 2] (AFGHANISTAN) ;

Ordonne la mention prévue par l'article 28 du Code civil ;

Condamne [D] [C] aux dépens, qui seront recouvrés selon les règles applicables en matière d’aide juridictionnelle.

AINSI JUGE ET PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION AU GREFFE DE LA PREMIERE CHAMBRE CIVILE DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE LE 20 JUIN 2024.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Marseille
Formation : 1ère chambre cab2
Numéro d'arrêt : 22/02340
Date de la décision : 20/06/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 26/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-20;22.02340 ?
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