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18/06/2024 | FRANCE | N°21/02176

France | France, Tribunal judiciaire de Marseille, Gnal sec soc: cpam, 18 juin 2024, 21/02176


REPUBLIQUE FRANCAISE
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

POLE SOCIAL
[Adresse 9]
[Adresse 9]
[Localité 6]


JUGEMENT N°24/02693 du 18 Juin 2024

Numéro de recours: N° RG 21/02176 - N° Portalis DBW3-W-B7F-ZD74

AFFAIRE :
DEMANDEUR
Monsieur [K] [O]
né le 20 Février 1963 à [Localité 13] (GARD)
[Adresse 8]
[Localité 5]
comparant en personne assisté de Me Olivier KUHN-MASSOT, avocat au barreau de MARSEILLE


c/ DEFENDERESSE
Organisme CPAM 13
*
[Localité 7]
représentée par Mme [J] (Inspecteur)




DÉBATS : À l'audience publique du 14 Mars 2024


COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré :

Président : PAWLOWSKI Anne-Sophie, Vice-P...

REPUBLIQUE FRANCAISE
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

POLE SOCIAL
[Adresse 9]
[Adresse 9]
[Localité 6]

JUGEMENT N°24/02693 du 18 Juin 2024

Numéro de recours: N° RG 21/02176 - N° Portalis DBW3-W-B7F-ZD74

AFFAIRE :
DEMANDEUR
Monsieur [K] [O]
né le 20 Février 1963 à [Localité 13] (GARD)
[Adresse 8]
[Localité 5]
comparant en personne assisté de Me Olivier KUHN-MASSOT, avocat au barreau de MARSEILLE

c/ DEFENDERESSE
Organisme CPAM 13
*
[Localité 7]
représentée par Mme [J] (Inspecteur)

DÉBATS : À l'audience publique du 14 Mars 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré :

Président : PAWLOWSKI Anne-Sophie, Vice-Présidente

Assesseurs : PFISTER Laurent
DURAND Patrick

L’agent du greffe lors des débats : AROUS Léa,

À l'issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 18 Juin 2024

NATURE DU JUGEMENT

contradictoire et en premier ressort

EXPOSÉ DU LITIGE

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 30 août 2021, [K] [O] a, par l’intermédiaire de son conseil, saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Marseille afin de contester la décision implicite de rejet de la Commission de Recours Amiable (CRA) de la caisse primaire centrale d’assurance maladie des Bouches-du-Rhône (CPAM ou la caisse), suite à la décision du 12 avril 2021 de refus de prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels, de l’accident dont il dit avoir été victime le 1er décembre 2020.

Par décision du 21 septembre 2021, la CRA de la CPAM des Bouches-du-Rhône a rendu une décision explicite de rejet.

L’affaire a été retenue à l'audience de plaidoirie du 14 mars 2024.

Par voie de conclusions oralement soutenues par son conseil, [K] [O] demande au tribunal de :
- recevoir son recours et le déclarer fondé,
- reconnaitre le caractère professionnel de l’accident du 1er décembre 2020,
- condamner la CPAM des Bouches-du-Rhône à le rétablir dans ses droits notamment au paiement des indemnités journalières à taux plein,
- condamner la CPAM des Bouches-du-Rhône à lui verser la somme de 1200 € au titre des frais irrépétibles et aux entiers dépens,
-ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir.

A l’appui de ses prétentions, [K] [O] soutient essentiellement que la décision de refus de prise en charge de l’accident du 1er décembre 2020 au titre de la législation sur les risques professionnels repose exclusivement sur l’opposition de l’employeur et que les pièces qu’il verse aux débats démontrent la réalité et la matérialité de l’accident dont il a été victime.

La CPAM des Bouches-du-Rhône, représentée par un inspecteur juridique, sollicite oralement le rejet du recours de [K] [O] et de l’ensemble de ses demandes.

Elle reprend la motivation de la décision de la CRA du 21 septembre 2021 et fait donc valoir que l’employeur a émis des réserves relatives à l’absence de preuve de la matérialité de l’accident en cause, le fait que l’assuré n’a à aucun moment signalé à ses supérieurs hiérarchiques les circonstances précises du prétendu accident, n’a fait constater ses lésions que le lendemain des faits allégués et l’absence de témoins susceptible de confirmer la survenance du fait accidentel au temps et au lieu du travail.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties pour un exposé plus ample de leurs moyens et prétentions.

L'affaire a été mise en délibéré au 18 juin 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité du recours

Le recours de [K] [O] contre la décision implicite de rejet de la CRA de la CPAM des Bouches-du-Rhône est recevable en la forme.

Sur le caractère professionnel de l'accident

Aux termes des dispositions de l'article L411-1 du code de la sécurité sociale, est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre que ce soit ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise.

Il ressort de ces dispositions que l’accident du travail suppose la réunion de trois critères : un fait soudain, l’existence d’une lésion, et la démonstration du caractère professionnel de l’accident.

Le fait soudain est désormais défini par la cour de cassation comme tout fait précis survenu soudainement au cours ou à l’occasion du travail. Ce critère implique que l’accident ait eu lieu à une date et dans des circonstances certaines et précises.

L’accident survenu pendant le temps et sur le lieu de travail est présumé être un accident du travail.

Tout salarié profite de la présomption d'imputabilité qui établit en réalité un double lien de causalité : d'une part, le lien entre la lésion et l'accident et d'autre part, le lien entre la lésion et le travail. La victime est, par conséquent, dispensée de rapporter cette double preuve.

Il lui faut néanmoins établir la matérialité de l'accident, c'est-à-dire rapporter la preuve de l'origine traumatique de la lésion et sa localisation dans l'espace et dans le temps.

Autrement dit, la mise en œuvre de la présomption d'imputabilité est subordonnée à la condition préalable de la preuve de la réalité de cet accident au temps et au lien du travail.

La preuve de la matérialité ne peut résulter que d'un ensemble de présomptions sérieuses, graves et concordantes. Les seules déclarations du salarié sur l'accident qu'il a subi sont insuffisantes pour établir le caractère professionnel de l'accident. En effet, il appartient à celui qui prétend avoir été victime d'un accident du travail d'établir autrement que par ses propres affirmations les circonstances exactes de l'accident et son caractère professionnel.

En l’espèce, la déclaration d’accident du travail effectuée le 31 décembre 2020 par l’employeur est renseignée comme suit :
- Date : 02/12/2020 à 21h00
- Lieu de l’accident : [Adresse 10]
- Lieu de travail habituel
- Activité du salarié et nature de l’accident : inconnu
- Eventuelles réserves motivées : nous n’avons pas eu connaissance d’un accident du travail (…) a fini sa journée normalement le 01/12/20.
- Siège et nature des lésions : inconnu
- horaire de travail de la victime le jour de l’accident : 07h00 à 14h00
- Accident constaté le 30/12/2020 à 16h50
- 1ère personne avisée : [H] [W] [C] [S]

Le certificat médical initial établi par le Docteur [T] [N] le 2 décembre 2020 fait état d’une « lombosciatique sur discopathie multiples L2L3 L4L5 et L5S1 ».

L'employeur a joint à la déclaration d'accident de travail un courrier de réserves rédigé en ces termes :
« En date du 1er décembre 2020 à 21h02, notre salarié monsieur [O] [K] a contacté, par message, son responsable afin de lui indiquer qu’il est très malade et qu’il ne peut pas venir travailler le lendemain.

Le 2 décembre 2020, nous recevons un avis d’arrêt de travail initial du 02/12 au 31/12/20.

Le 30 décembre 2020, nous recevons un certificat médical accident du travail initial « annule et rectifie l’arrêt de travail » du 02/12/ au 30/01/21, date de l’accident ou de la 1ère constatation : 02/12/2020.

Accompagné d’un courrier du Dr [N] [T], datant du 30/12/20, dans lequel, il certifie avoir fait un certificat d’arrêt de travail du 02/12 au 31/12/20 et déclare l’avoir annulé et remplacé par un certificat d’accident du travail du 02/12/20 au 30/01/21, car le patient avait évoqué avoir eu mal lors d’une manœuvre au cours du travail.

Le 31/12/20, nous avons procédé à la déclaration d’accident du travail via Net Entreprises, or, ni le responsable du site, qui intervient sur ce même site tous les jours aux mêmes horaires, ni la responsable d’exploitation, ni le service administratif, n’ont eu connaissance de l’accident du travail.

Aussi, afin de permettre cette déclaration, nous avons dû renseigner une date et heure d’accident du travail fictives, car, nous n’étions pas avisés.

Au vu de ces éléments, nous sommes contraints de contester purement et simplement cet accident du travail. »

Dans le questionnaire que lui a adressé la CPAM des Bouches du Rhône, [K] [O] précisait les circonstances de l’accident allégué en déclarant : « Le 01/12/2020 c’est un Mardi, à [Adresse 12], je me suis bloqué le dos en faisant le ménage de le bâtiment (7) vers 10h05 ou 10h10 en soulevant les seau (2) plein d’eaux et de matériales (Ballet et Ballet Franche), j’avais très très mal je n’arriver même pas à ce mettre droit (tout explication dans la page suivante). ». Dans le courrier qu’il joint à ce questionnaire il précise que son horaire de travail était de 7h00 à 14h00 et confirme s’être bloqué le dos en soulevant des sceaux remplis d’eau et de matériel.

Il a précisé dans ce questionnaire et lors de l’enquête de la CPAM des Bouches-du-Rhône qu’il n’y avait aucun salarié présent au moment de l’accident, ne pas avoir pu terminer sa journée de travail, avoir quitté son lieu de travail vers 10h45 après avoir averti son responsable « [G] » par téléphone vers 10h30 sans lui expliquer comment il s’était blessé, lequel l’a autorisé à rentrer chez lui.

Il ressort du compte-rendu de l’enquête administrative de la CPAM des Bouches-du-Rhône que le responsable que la victime déclare avoir prévenu le jour même « M [X] nie avoir été prévenu par la victime le jour de l’accident. Il déclare avoir reçu un SMS de la victime à 21h00 lui indiquant qu’il ne pourrait pas aller travailler car il devait se rendre chez le médecin le lendemain à cause d’un mal de dos. ».

[K] [O] verse aux débats des pièces médicales qui attestent de la réalité de douleurs lombosciatiques et des discopathies ainsi que des traitements et examens médicaux y étant associés.

Il verse également aux débats une facture téléphonique détaillée du 5 décembre 2020 de son numéro de téléphone [XXXXXXXX03], ainsi que des photos d’un échange de SMS avec « [C] [S] » qu’il présente comme étant sa responsable ce même jour entre 20h59 et 21h03 dans lequel il l’informe qu’il est « très malade » et affirme avoir appeler « [G] » sans qu’il n’ait répondu et lui avoir envoyer un sms.

Enfin, il verse aux débats un ticket de caisse de l’achat d’un « pass intégral mensuel décembre » d’un montant de 73 € le 29 novembre 2020 et un document attestant l’avoir utilisé 2 fois dans la journée du 1er décembre 2020.

Cependant, aucun de ces éléments ne permettent d’établir que les lésions décrites dans le certificat médical du 2 décembre 2020 sont la conséquence d’un accident qui se serait produit le 1er décembre 2020 au temps et au lieu du travail.

Il existe par ailleurs des contradictions dans les déclarations de [K] [O].

En effet, alors que dans le questionnaire que lui a adressé la CPAM des Bouches-du-Rhône il indiquait que l’accident se serait produit vers 10h05 ou 10h10, dans les conclusions rédigées par son conseil il est écrit que « l’accident s’est produit au second tour de 9h30 ».

En outre, dans ses conclusions il affirme que « le relevé de la ligne téléphonique de Monsieur [O] fait apparaitre au 1er décembre 2020 à 9h48 […] un appel de 2 min 32 au [XXXXXXXX01] (…), sachant que le numéro de Monsieur [X] est le [XXXXXXXX02] » alors que la facture détaillée du 5 décembre 2020 de l’opérateur [11] pour sa ligne [XXXXXXXX03] fait état d’un appel à un numéro commençant par [XXXXXXXX01] de 2 minutes 32 secondes à 9h01 et d’une seconde à 20h56 le 1er décembre 2020.

Enfin, aucun élément ne vient confirmer que [K] [O] a appelé son responsable [G] [X] vers 10h30 puisque la facture détaillée du 5 décembre 2020 ne mentionne aucun appel ni aucun SMS à un numéro commençant par [XXXXXXXX01] vers 10h30 mais seulement un appel de 11 secondes à un numéro de téléphone commençant par [XXXXXXXX04] à 10h33 sans qu’il n’ait jamais été précisé qui était le destinataire de cet appel. Les deux SMS envoyés au numéro commençant par [XXXXXXXX01] à 21h02 ne sont pas versés aux débats mais confirme les affirmations de [G] [X] selon lesquelles il n’a pas été prévenu par téléphone mais seulement par SMS vers 21h00.

Ainsi, en l'absence de présomptions sérieuses, graves et concordantes permettant d'établir la matérialité de l'accident allégué, [K] [O] sera débouté de sa demande en reconnaissance du caractère professionnel de l'accident dont il dit avoir été victime et de l’ensemble de ses autres demandes.

Sur les dépens

Les dépens de l'instance seront laissés à la charge de [K] [O], partie perdante, en application de l'article 696 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, après en avoir délibéré par mise à disposition au greffe, statuant par jugement contradictoire et en premier ressort,

DÉCLARE recevable mais mal fondé le recours de [K] [O] ;

DÉBOUTE [K] [O] de l’ensemble de ses demandes ;

LAISSE les dépens de la présente instance à la charge de [K] [O] ;

RAPPELLE que la présente décision est susceptible d’appel dans le délai d’un mois à compter de sa notification.

Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe le 18 juin 2024.

LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Marseille
Formation : Gnal sec soc: cpam
Numéro d'arrêt : 21/02176
Date de la décision : 18/06/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 25/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-18;21.02176 ?
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