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17/06/2024 | FRANCE | N°21/03762

France | France, Tribunal judiciaire de Marseille, 2ème chambre cab2, 17 juin 2024, 21/03762


TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE


JUGEMENT N°


Enrôlement : N° RG 21/03762 - N° Portalis DBW3-W-B7F-YVTM

AFFAIRE : M. [G] [M] (Me Patrice CHICHE)
C/ Compagnie d’assurance MAAF (Me Olivia DUFLOT)
- CPAM DES BOUCHES DU RHONE ( )


DÉBATS : A l'audience Publique du 06 Mai 2024


COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré

Président : Madame Elsa VALENTINI

Greffier : Madame Célia SANDJIVY, lors des débats

A l'issue de laquelle, la date du délibéré a été fixé

e au : 17 Juin 2024

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 17 Juin 2024

PR...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT N°

Enrôlement : N° RG 21/03762 - N° Portalis DBW3-W-B7F-YVTM

AFFAIRE : M. [G] [M] (Me Patrice CHICHE)
C/ Compagnie d’assurance MAAF (Me Olivia DUFLOT)
- CPAM DES BOUCHES DU RHONE ( )

DÉBATS : A l'audience Publique du 06 Mai 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré

Président : Madame Elsa VALENTINI

Greffier : Madame Célia SANDJIVY, lors des débats

A l'issue de laquelle, la date du délibéré a été fixée au : 17 Juin 2024

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 17 Juin 2024

PRONONCE par mise à disposition le 17 Juin 2024

Par Madame Elsa VALENTINI, Juge

Assistée de Madame Célia SANDJIVY, Greffier

NATURE DU JUGEMENT

réputée contradictoire et en premier ressort

NOM DES PARTIES

DEMANDEUR

Monsieur [G] [M]
né le [Date naissance 3] 1994 à [Localité 2], domicilié : chez Madame [R] [O], [Adresse 5]

Immatriculé à la sécurité sociale sous le n°[Numéro identifiant 1]

représenté par Maître Patrice CHICHE de la SELARL CHICHE R, COHEN S, CHICHE P, avocats au barreau de MARSEILLE

C O N T R E

DEFENDERESSES

Compagnie d’assurance MAAF, dont le siège social est sis [Adresse 4] prise en la personne de son représentant légal en exercice

représentée par Maître Olivia DUFLOT de la SELARL CABINET FRANCOIS & ASSOCIES, avocats au barreau D’AIX-EN-PROVENCE

CPAM DES BOUCHES DU RHONE, dont le siège social est sis [Localité 2] prise en la personne de son représentant légal en exercice

défaillant

*************

Le 30 novembre 2011, Monsieur [G] [M], né le [Date naissance 3] 1994, a été victime d’un accident de la circulation alors qu’il était passager d’un véhicule conduit par Madame [H] [I] et assuré auprès de la société MAAF.

Par ordonnance en date du 31 mai 2012, le juge des référés a désigné le docteur [T] afin de réaliser une expertise médicale et a alloué à Monsieur [M] une provision de 20.000 euros.

Par ordonnance en date du 30 décembre 2014, il lui a été alloué une provision complémentaire de 10.000 euros.

L’expert a rendu un rapport provisoire concluant à la non-consolidation de l’état de Monsieur [M].
Il a été de nouveau désigné par ordonnance du 21 octobre 2017.
Il s’est adjoint un sapiteur en orthopédie en la personne du professeur [K] et a déposé son rapport définitif le 9 mars 2017.

Par ordonnance en date du 13 mars 2017, une nouvelle provision complémentaire de 25.000 euros a été alloué à la victime.

La société MAAF a fait une offre d’indemnisation qui n’a pas été acceptée.

Par acte du 9 avril 2021, Monsieur [M] a assigné devant le tribunal de céans la société MAAF ASSURANCES et la CPAM des Bouches du Rhône.

Par jugement en date du 19 septembre 2022, le tribunal a :
- DIT que le droit à indemnisation de Monsieur [G] [M] du fait de l’accident de la circulation du 30 novembre 2011 est entier
- CONDAMNÉ la société MAAF ASSURANCES à payer à Monsieur [G] [M], les sommes suivantes, en deniers ou quittances, provisions non déduites, avec intérêts au taux légal à compter de ce jour, en réparation des préjudices suivants :
-2.280 euros au titre des frais d’assistance à expertise
-1.440 euros au titre des frais d’expertise comptable
-31.824 euros au titre de l’assistance par tierce personne
-15.047, 10 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire
-28.000 euros au titre des souffrances endurées
-6.000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire
-30.600 euros au titre du déficit fonctionnel permanent
-5.000 euros au titre du préjudice esthétique permanent
- DIT que les provisions déjà versées à hauteur de 55.000 euros viendront en déduction des sommes ainsi allouées
- SURSIS À STATUER sur la perte de gains professionnels actuels, la perte de gains professionnels futurs et l’incidence professionnelle
- RÉSERVÉ les dépenses de santé futures
- DIT le jugement commun à la CPAM des Bouches du Rhône
- CONDAMNÉ la société MAAF aux dépens distraits au profit de Maître Patrice CHICHE, représentant la SELARL CHICHE COHEN, et à payer à Monsieur [G] [M] la somme de 1.300 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile
- DIT n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire
- RENVOYÉ l’affaire à la mise en état pour production de la convention d’apprentissage, des bulletins de paie des mois de septembre, octobre et novembre 2011 et des avis d’imposition de 2011 à 2022.

Le 18 novembre 2022, Monsieur [M] a produit la notice d’information et la déclaration de résiliation du contrat d’apprentissage ainsi que ses avis d’impôt pour les années 2013 à 2019 (sauf 2017).
Le 10 février 2023, il a communiqué ses avis d’impôt pour les années 2020 et 2021.
Il n’a pas pris de conclusions depuis le jugement du 19 septembre 2022.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 3 mars 2023, la société MAAF demande au tribunal de :
- DEBOUTER Monsieur [M] de sa demande au titre du poste Perte de gains professionnels actuels
- DEBOUTER Monsieur [M] de sa demande au titre du poste Perte de gains professionnels futurs
- DECLARER satisfactoire l’offre indemnitaire de la société MAAF à hauteur de 20 000€ concernant l’incidence professionnelle
- DEBOUTER Monsieur [M] de sa demande au titre de l’article 700 du CPC et des dépens.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions quant à l’exposé détaillé des prétentions et moyens.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 16 octobre 2023.

L’affaire a été appelée à l’audience du 6 mai 2024 et mise en délibéré au 17 juin 2024.

La CPAM des Bouches du Rhône, régulièrement assignée, n’ayant pas constitué avocat ; le présent jugement sera réputé contradictoire à l’égard de l’ensemble des parties.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la perte de gains professionnels actuels

Il s'agit de compenser les répercussions de l'invalidité sur la sphère professionnelle de la victime jusqu'à la consolidation de son état de santé. L'évaluation de ces pertes de gains doit être effectuée in concreto au regard de la preuve d'une perte de revenus établie par la victime jusqu'au jour de sa consolidation, à savoir jusqu'au 27 avril 2015.

Monsieur [M] a exposé qu’au moment de l’accident il était scolarisé en première année de CAP Plomberie et inscrit à Pôle Emploi depuis juin 2011 ; qu’il envisageait de poursuivre sa formation et d’être embauché en qualité d’ouvrier d’exécution à compter du 1er janvier 2014. Il a indiqué qu’il n’a pas pu poursuivre son apprentissage en raison de ses séquelles, a été reconnu travailleur handicapé à compter du 6 novembre 2014 et n’a pas repris d’activité professionnelle.
Considérant que sans l’accident, il aurait été en contrat d’apprentissage jusqu’au 31 juillet 2013, date d’obtention de son diplôme, soit un revenu de 40 % du SMIC jusqu’au 31 juillet 2012 puis de 60 % du SMIC jusqu’au 31 juillet 2013. Il sollicite à ce titre la somme de 11.466 euros.
Pour la période du 1er janvier 2013 jusqu’à la consolidation, il a soutenu que sans l’accident il aurait été employé en tant que plombier avec un revenu au SMIC. Il sollicite à ce titre la somme de 18.080 euros.

La société MAAF relève que Monsieur [M] ne produit pas la convention d’apprentissage et ses bulletins de paie depuis septembre 2011 qui étaient demandés par le tribunal. Elle note que la déclaration de résiliation d’un contrat d’apprentissage établit que Monsieur [M] n’était pas sous contrat d’apprentissage au moment des faits. Elle considère que la preuve n’est pas rapport de l’existence de revenus au moment de l’accident. Elle souligne que la créance de la CPAM ne mentionne d’ailleurs aucune indemnité journalière. Elle conclut au débouté.

Il ressort de la déclaration de résiliation d’un contrat d’apprentissage que celle-ci est intervenue le 22 avril 2011 en raison de la liquidation judiciaire de l’entreprise. La fin du contrat d’apprentissage de Monsieur [M] étant antérieure à l’accident et motivée par des raisons économiques liées à l’entreprise, son imputabilité à l’accident est exclue.
Monsieur [M] ne produit aucun justificatif d’une quelconque activité professionnelle au moment de l’accident. Dès lors, aucune perte de gains actuels n’est démontrée. La demande sera rejetée.

Sur la perte de gains professionnels futurs

Ce poste indemnise la victime de la perte ou de la diminution de ses revenus consécutive à l'incapacité permanente à laquelle elle est confrontée du fait du dommage dans la sphère professionnelle après la consolidation de son état de santé.

Monsieur [M] a exposé qu’il a perdu son emploi du fait de l’accident, que du fait de ses séquelles il n’a qu’une très faible capacité résiduelle de travail et que ses perspectives de reconversion professionnelle sont limitées. Il a estimé en conséquence n’être plus en capacité de retrouver une quelconque activité professionnelle.
Il sollicite la somme de 944.035 euros pour ce poste de préjudice composé de la façon suivante :
- 80.892 € au titre des arrérages échus de la perte de salaire
- 514.379 € au titre des arrérages à échoir de la perte de salaire jusqu’à la retraite
- 129.755 € au titre de la perte de chance professionnelle
- 174.889 € au titre de la perte de droits à la retraite
- 44.120 € au titre de la perte de chance de bénéficier d’une retraite plus importante.

La société MAAF fait valoir que Monsieur [M] ne communique aucune pièce établissant l’existence de revenus avant l’accident et que celui-ci n’étant pas inapte à toute profession, l’absence d’emploi à ce jour résulte de sa seule décision. Elle considère que les spéculations de Monsieur [M] sur sa carrière de plombier sont purement hypothétiques et virtuelles. Elle conclut au débouté.

Comme cela a été développé précédemment, Monsieur [M] ne démontre pas qu’il occupait un emploi et avait des revenus avant l’accident. De plus, il n’est pas inapte à toute activité professionnelle.
Dès lors, il n’y a pas lieu de retenir une perte de gains après consolidation imputable à l’accident. La demande sera rejetée.

Sur l’incidence professionnelle

Ce poste d'indemnisation a pour objet d'indemniser les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle comme le préjudice subi par la victime en raison de sa dévalorisation sur le marché du travail, de sa perte d'une chance professionnelle, ou de l'augmentation de la pénibilité de l'emploi qu'elle occupe imputable au dommage ou encore du préjudice subi qui a trait à sa nécessité de devoir abandonner la profession qu'elle exerçait avant le dommage au profit d'une autre qu'elle a du choisir en raison de la survenance de son handicap.
Ce poste indemnise également la perte de retraite que la victime va devoir supporter en raison de son handicap, c'est-à-dire le déficit de revenus futurs, estimé imputable à l'accident, qui va avoir une incidence sur le montant de la pension auquel pourra prétendre la victime au moment de sa prise de retraite.

L’expert a indiqué dans son rapport :
“L’intéressé ne pourra plus évoluer dans les professions du bâtiment tel que plombier ni profession nécessitant une marche prolongée, accroupissement, port de charge lourdes mais une profession sédentaire de surveillance ou de contrôle ... Reconversion nécessaire.”

Monsieur [M] fait valoir que son incidence professionnelle est caractérisée par l’impossibilité d’exercer la profession de plombier, l’obligation de reconversion vers une profession de moindre intérêt et moins rémunératrice, une augmentation de la pénibilité et une dévalorisation sur le marché du travail. Il sollicite à ce titre la somme de 170.000 euros.

La MAAF relève que l’expert n’a pas retenu de pénibilité dans l’exercice futur d’une activité sédentaire. Elle considère qu’au regard de la rémunération moyenne d’un plombier salarié, proche du SMIC, il est peu probable d’une activité sédentaire implique une diminution significative des revenus. Elle soutient que ce sont des raisons étrangères à l’accident qui amènent Monsieur [M] à n’exercer aucune activité professionnelle. Elle offre la somme de 20.000 euros pour ce poste de préjudice.

Au regard des éléments versés aux débats, les séquelles de l’accident dont a été victime Monsieur [M] ont une incidence sur sa sphère professionnelle puisqu’elles le privent de la possibilité d’exercer dans les professions du bâtiment, vers lesquelles il semblait se diriger, et le contraignent donc à se reconvertir.
Monsieur [M] subit également une dévalorisation sur le marché de l’emploi.
En revanche, aucune diminution de revenu n’est démontrée puisque Monsieur [M] ne justifie d’aucun salaire avant l’accident et que rien ne permet de considérer qu’il aurait eu un revenu supérieure à celui qu’il peut espérer s’il exerce un jour une profession sédentaire.
Par ailleurs, il n’y a pas lieu de retenir de pénibilité accrue pour ce type de profession, a fortiori eu égard au fait que Monsieur [M] ne justifie d’aucun emploi depuis la consolidation fixée en 2015.
En tenant compte de ces éléments et de l’âge de Monsieur [M] à la consolidation, il lui sera alloué la somme de 60.000 euros.

Sur les demandes accessoires

Il convient de rappeler que la société MAAF est tenue aux dépens.

Il n’y a pas lieu à nouvelle condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Il n’y a pas lieu d’écarter l’exécution provisoire.

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL,

Statuant publiquement, par jugement mis à disposition au greffe, réputé contradictoire et en premier ressort,

DÉBOUTE Monsieur [G] [M] de ses demandes au titre des pertes de gains professionnels actuels et futurs ;

CONDAMNE la société MAAF ASSURANCES à payer à Monsieur [G] [M] la somme de 60.000 euros au titre de l’incidence professionnelle ;

DIT le présent jugement commun à la CPAM des Bouches du Rhône ;

DIT n’y avoir lieu à nouvelle condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile;

RAPPELLE que la société MAAF est tenue aux dépens distraits au profit de Maître Patrice CHICHE, représentant la SELARL CHICHE COHEN ;

DIT n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire ;

AINSI JUGE ET PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION AU GREFFE DE LA DEUXIEME CHAMBRE DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE LE
17 JUIN 2024

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Marseille
Formation : 2ème chambre cab2
Numéro d'arrêt : 21/03762
Date de la décision : 17/06/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-17;21.03762 ?
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