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12/06/2024 | FRANCE | N°23/02247

France | France, Tribunal judiciaire de Marseille, Gnal sec soc: cpam, 12 juin 2024, 23/02247


REPUBLIQUE FRANCAISE
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

POLE SOCIAL
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Adresse 5]


JUGEMENT N°24/02636 du 12 Juin 2024

Numéro de recours: N° RG 23/02247 - N° Portalis DBW3-W-B7H-3SWV

AFFAIRE :
DEMANDERESSE
Madame [Y] [F]
née le 29 Juillet 1956
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par Me Stéphanie AGOSTINI, avocat au barreau de MARSEILLE

c/ DEFENDERESSE
S.A.S. [6]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
représentée par Me Fabien ROUMEAS, avocat au barreau de LYON

Appelée en la cause:
Or

ganisme CPCAM DES [Localité 4]
[Localité 1]
dispensée de comparaître


DÉBATS : À l'audience publique du 03 Avril 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL...

REPUBLIQUE FRANCAISE
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

POLE SOCIAL
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Adresse 5]

JUGEMENT N°24/02636 du 12 Juin 2024

Numéro de recours: N° RG 23/02247 - N° Portalis DBW3-W-B7H-3SWV

AFFAIRE :
DEMANDERESSE
Madame [Y] [F]
née le 29 Juillet 1956
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par Me Stéphanie AGOSTINI, avocat au barreau de MARSEILLE

c/ DEFENDERESSE
S.A.S. [6]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
représentée par Me Fabien ROUMEAS, avocat au barreau de LYON

Appelée en la cause:
Organisme CPCAM DES [Localité 4]
[Localité 1]
dispensée de comparaître

DÉBATS : À l'audience publique du 03 Avril 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré :

Président : MEO Hélène, Première Vice-Présidente

Assesseurs : PESCE-CASTELLA Catherine
AMIELH Stéphane

L’agent du greffe lors des débats : MULLERI Cindy

À l'issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 12 Juin 2024

NATURE DU JUGEMENT

contradictoire et en premier ressort

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 20 septembre 2016, la société [6] a régularisé une déclaration d'accident du travail pour le compte de sa salariée, Mme [Y] [F], embauchée en qualité d'aide-soignante par contrat à durée indéterminée depuis le 3 février 2010, mentionnant les circonstances suivantes : " Date : 19.09.2016 ; Heure : 20h15 ; Activité de la victime lors de l'accident : altercation entre patient et Mme [F] ; Nature de l'accident : altercations ; Siège des lésions : Mains et membres supérieurs ; Nature des lésions : Douleurs ; Objet dont le contact a blessé la victime : Aucunes ; Eventuelles réserves motivées : Aucune ".

Le certificat médical initial établi le 20 septembre 2016 par le Docteur [C] [P], médecin généraliste, a effectué les constats suivants : " A été agressé par un [termes illisibles] des 2 mains + avant-bras droit [terme illisible] + rachis dorsal + 2 épaules. Etat de stress post traumatique " et prescrit un arrêt de travail jusqu'au 16 octobre 2016.

Cet accident du travail a été pris en charge au titre de la législation sur les risques professionnels par la caisse primaire centrale d'assurance maladie (ci-après la CPCAM) des [Localité 4] par décision du 21 octobre 2016.

Le 12 décembre 2016, la société [6] a régularisé une déclaration d'accident de travail rectificative mentionnant les circonstances suivantes : " Date : 19.09.2016 ; Heure : 20h15 ; Activité de la victime lors de l'accident : Mme [F] a été agressé par un patient de son service dans la chambre de ce dernier ; Nature de l'accident : Le patient a poussé Mme [F], lui a fait mal aux mains en lui donnant des coups ; Siège des lésions : Membres supérieurs et inférieurs ; Nature des lésions : Douleurs ; Objet dont le contact a blessé la victime : Pédalier ; Eventuelles réserves motivées : Aucune ".

Par courrier du 19 janvier 2017, Mme [Y] [F] a sollicité de la CPCAM des [Localité 4] la mise en place d'une tentative de conciliation dans le cadre de l'engagement d'une procédure en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur.

Le 20 juillet 2017, la CPCAM des [Localité 4] a établi un procès-verbal de non-conciliation.

La CPCAM des [Localité 4] a notifié à Mme [Y] [F], d'une part, par courrier du 21 mars 2019, la fixation de la date de consolidation de son état de santé au 31 mars 2019 et, d'autre part, suivant courrier du 29 avril 2019, l'évaluation de son incapacité permanente au taux de 20 %.

Par requête expédiée le 19 juillet 2019, Mme [Y] [F] a saisi, par l'intermédiaire de son conseil, le pôle social du tribunal de grande instance de Marseille - devenu tribunal judiciaire au 1er janvier 2020 - d'une demande de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur dans la survenance de son accident le 19 septembre 2016.

Par ordonnance présidentielle du 16 novembre 2022, l'affaire a été radiée du rôle de la juridiction pour défaut de citation du défendeur.

Après régularisation par la demanderesse et dépôt de la citation au greffe le 22 juin 2023, l'affaire été réenrôlée.

Après une phase de mise en état, l'affaire a été appelée à l'audience du 3 avril 2024.

En demande, Mme [Y] [F], représentée à l'audience par son conseil, reprend oralement les termes de ses dernières écritures et sollicite le tribunal aux fins de :
Débouter la [6] de toutes ses demandes, fins et conclusions ;Par conséquent, juger que l'accident du travail dont elle a été victime est imputable à une faute inexcusable de son employeur ; Fixer au maximum la majoration de la rente qui lui a été accordée ;Désigner tel expert médical qu'il plaira au tribunal afin de procéder à une expertise médicale aux fins d'évaluer ses préjudices selon mission telle que décrite dans ses écritures ; Condamner l'employeur au paiement de la somme de 5.000 euros à titre provisionnel à valoir sur ses préjudices ;Condamner l'employeur à l'indemniser de l'ensemble de ses préjudices résultant de son accident du travail, chiffrable une fois l'expertise médico-légale rendue ;Condamner l'employeur au paiement de la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;Déclarer le jugement commun à la CPCAM des [Localité 4] et dire et juger qu'elle fera l'avance des sommes allouées à la salariée.
Au soutien de ses prétentions, Mme [Y] [F] fait valoir que son action est recevable car intervenue dans le délai qui lui était imparti. Sur le fond, elle soutient que son employeur avait conscience du danger puisque le patient qui l'a agressée s'était déjà rendu coupable de faits de violences dans les jours précédant l'accident et qu'il ne l'a pas avertie de cette situation ni pris de mesures pour faire face à la dangerosité du patient.

En défense, la société [6], aux termes de ses dernières écritures reprises oralement à l'audience par l'intermédiaire de son conseil, demande au tribunal de bien vouloir :
À titre principal :
Juger prescrite l'action en reconnaissance de la faute inexcusable initiée par Mme [Y] [F] à l'encontre de la société [6] ; Débouter par voie de conséquence Mme [F] de l'intégralité de ses prétentions ; À titre subsidiaire :
Débouter Mme [Y] [F] de sa demande en reconnaissance de faute inexcusable ;
En toute hypothèse :
Condamner Mme [Y] [F] à lui payer la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de ses prétentions, la société [6] fait valoir que Mme [Y] [F] a introduit son action plus de deux ans après l'établissement du procès-verbal de non-conciliation par la caisse de sorte qu'elle est prescrite et doit être déclarée irrecevable. Sur le fond, elle soutient que Mme [Y] [F] ne rapporte pas la preuve de la faute inexcusable qu'elle allègue.

Aux termes de ses dernières écritures, la CPCAM des [Localité 4], dispensée de comparaître, demande au tribunal de bien vouloir :
Recevoir la CPCAM des [Localité 4] en ses conclusions ; Constater que la caisse s'en remet à la sagesse du tribunal sur la question de la prescription et sur l'existence de la faute inexcusable de l'employeur, la [6] ; En cas de reconnaissance de la faute inexcusable :
Reconnaître et fixer les indemnisations conformément aux articles L. 452-1 et suivants du code de la sécurité sociale et à la décision 2010-8 QPC du Conseil constitutionnel du 18/06/2010 ; Dire que Mme [Y] [F] bénéficie de la majoration de rente ; Evaluer à de plus justes proportions la provision potentiellement octroyée à Mme [Y] [F] ;Condamner la [6] à lui rembourser la totalité des sommes dont elle serait tenue d'assurer par avance le paiement si la faute inexcusable était retenue ;Dire que les éventuelles sommes allouées au titre de l'article 700 du code de procédure civile ne seront pas mises à la charge de la CPCAM des [Localité 4], qui n'est que mise en cause.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties pour un exposé plus ample de leurs moyens et prétentions.

L'affaire a été mise en délibéré au 12 juin 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité de l'action de Mme [Y] [F]

Aux termes de l'article L. 431-2 1° du code de la sécurité sociale, les droits de la victime ou de ses ayants droit aux prestations et indemnités prévues par le présent livre se prescrivent par deux ans à dater notamment du jour de l'accident ou de la cessation du paiement de l'indemnité journalière.

En l'espèce, l'attestation produite par la CPCAM des [Localité 4] établit que Mme [Y] [F] a perçu des indemnités journalières au titre de son accident du travail jusqu'au 30 mars 2019.

Le délai légal de deux ans pour introduire une demande en reconnaissance de la faute a donc commencé à courir à compter de cette date et devait expirer le 30 mars 2021 à minuit.

Mme [Y] [F] a expédié sa requête le 19 juillet 2019 de sorte qu'il y a lieu de considérer que son action a été valablement engagée avant l'expiration du délai biennal de prescription.

Dans ces conditions, le recours de Mme [Y] [F] sera déclaré recevable.

Sur la faute inexcusable

En vertu de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l'accident est dû à la faute inexcusable de l'employeur ou de ceux qu'il s'est substitué dans la direction, la victime ou ses ayants droit ont droit à une indemnisation complémentaire dans les conditions définies aux articles suivants.

En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité ; le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable, au sens de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

Il ressort des dispositions de l'article 1353 du code civil et 9 du code de procédure civile qu'il appartient à celui qui réclame l'exécution d'une obligation de la prouver et de prouver les faits nécessaires au succès de ses prétentions.

Il appartient donc au salarié qui souhaite voir reconnaître la faute inexcusable de son employeur dans la survenance de son accident d'établir que l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel il était exposé, et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

Il en outre constant que la détermination objective des circonstances d'un accident du travail est un préalable nécessaire à la caractérisation d'une faute inexcusable de l'employeur, de sorte que si ces circonstances demeurent indéterminées aucune responsabilité de l'employeur ne saurait être recherchée.

En l'espèce, Mme [Y] [F] expose que, le 19 septembre 2016, elle a été agressée par un patient alors qu'elle venait de prendre son poste et pénétrait dans sa chambre pour lui prodiguer des soins.
Elle précise que celui-ci l'attendait avec un pédalier récupéré auprès du kinésithérapeute de l'établissement et qu'il lui a administré des coups avec cet objet.

Au soutien de ses prétentions, Mme [Y] [F] verse aux débats les deux déclarations d'accident du travail établies par Mme [M] [J], responsable ressources humaines au sein de la société [6].

Aux termes de ces deux déclarations, l'accident tel que décrit par Mme [Y] [F] a été constaté par l'employeur lui-même ainsi que par ses préposés de sorte qu'il sera considéré que les circonstances matérielles de l'accident ci-dessus exposées sont acquises aux débats.

S'agissant de la conscience du danger, Mme [Y] [F] soutient que le patient qui l'a agressée le 19 septembre 2016 s'était déjà rendu coupable de faits de violences dans les jours précédant l'accident.

Mme [Y] [F] ne verse cependant aux débats aucun élément permettant d'objectiver ses déclarations sur ce point.

Ainsi, faute pour Mme [Y] [F] de rapporter la preuve lui incombant du fait que son employeur avait conscience du danger auquel elle était exposée, son action en recherche de la faute inexcusable de la société [6] ne saurait prospérer.

Mme [Y] [F] sera dès lors déboutée de l'intégralité de ses demandes.

Sur les demandes accessoires

Mme [Y] [F], qui succombe en ses prétentions, supportera les entiers dépens de l'instance conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.

En raison de motifs tirés de considérations d'équité, il sera dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant après débats publics, par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort :

DÉCLARE recevable mais mal-fondé le recours de Mme [Y] [F];

DÉBOUTE Mme [Y] [F] de l'ensemble de ses demandes ;

DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE Mme [Y] [F] aux dépens de l'instance ;

DIT que tout appel de la présente décision doit, à peine de forclusion, être formé dans le mois de la réception de sa notification.

LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Marseille
Formation : Gnal sec soc: cpam
Numéro d'arrêt : 23/02247
Date de la décision : 12/06/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 20/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-12;23.02247 ?
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