La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/06/2024 | FRANCE | N°21/00529

France | France, Tribunal judiciaire de Marseille, Gnal sec soc: cpam, 12 juin 2024, 21/00529


REPUBLIQUE FRANCAISE
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

POLE SOCIAL
[Adresse 12]
[Adresse 12]
[Localité 5]


JUGEMENT N°24/02633 du 12 Juin 2024

Numéro de recours: N° RG 21/00529 - N° Portalis DBW3-W-B7F-YOYA

AFFAIRE :
DEMANDEURS
Madame [L] [F] veuve [A]
née le 01 Juillet 1956 à [Localité 10] (IRAK)
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Cyril MICHEL, avocat au barreau de MARSEILLE

Monsieur [R] [A], agissant également en sa qualité de représentant légal de ses enfants mineurs [G] (né le 2

3/09/2012), [J] (né le 01/08/2016) et [T] (née le 30/11/2018)
né le 05 Janvier 1983 à [Localité 14] (BOUCHES-DU-RHONE)
[Adresse 9]
[...

REPUBLIQUE FRANCAISE
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

POLE SOCIAL
[Adresse 12]
[Adresse 12]
[Localité 5]

JUGEMENT N°24/02633 du 12 Juin 2024

Numéro de recours: N° RG 21/00529 - N° Portalis DBW3-W-B7F-YOYA

AFFAIRE :
DEMANDEURS
Madame [L] [F] veuve [A]
née le 01 Juillet 1956 à [Localité 10] (IRAK)
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Cyril MICHEL, avocat au barreau de MARSEILLE

Monsieur [R] [A], agissant également en sa qualité de représentant légal de ses enfants mineurs [G] (né le 23/09/2012), [J] (né le 01/08/2016) et [T] (née le 30/11/2018)
né le 05 Janvier 1983 à [Localité 14] (BOUCHES-DU-RHONE)
[Adresse 9]
[Localité 3]
représenté par Me Cyril MICHEL, avocat au barreau de MARSEILLE

c/ DEFENDEUR
Maître [P] [Z], mandataire ad hoc de la société [15]
[Adresse 7]
[Localité 2]
représenté par Me Bénédicte CHABAS, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Solenne RIVAT, avocat au barreau de MARSEILLE

Appelés en la cause:
Organisme FIVA
[Adresse 16]
[Adresse 16]
[Localité 8]
représentée par Me Alain TUILLIER, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Jean-Baptiste LE MORVAN, avocat au barreau D’AIX-EN-PROVENCE

Organisme CPCAM DES BOUCHES-DU-RHONE
[Localité 6]
dispensée de comparaître

DÉBATS : À l'audience publique du 03 Avril 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré :

Président : MEO Hélène, Première Vice-Présidente

Assesseurs : [Y] [N]
[X] [I]

L’agent du greffe lors des débats : [O] [C]

À l'issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 12 Juin 2024

NATURE DU JUGEMENT

contradictoire et en premier ressort

EXPOSÉ DU LITIGE

[U] [A] a travaillé au sein de la société [15] en qualité de soudeur du 25 janvier 1973 au 14 février 1995.

Le 20 janvier 2019, [U] [A] a effectué auprès de la caisse primaire centrale d'assurance maladie (ci-après CPCAM) des Bouches-du-Rhône une déclaration de maladie professionnelle en joignant un certificat médical initial établi le 14 janvier 2019, au titre duquel un mésothéliome pleural malin épithélioïde lui a été diagnostiqué.

Après une procédure d'instruction du dossier, le 25 juin 2019, la CPCAM des Bouches-du-Rhône a reconnu que la maladie dont souffrait [U] [A] était en relation avec son activité professionnelle au titre du tableau n°30 " affections professionnelles consécutives à l'inhalation de poussières d'amiante ". Par courrier du 5 août 2019, l'organisme a déclaré l'état de santé de son assuré consolidé au 22 novembre 2018 et a retenu un taux d'incapacité permanente de 100 %.

[U] [A] est décédé le 6 novembre 2019.

Selon notification du 4 juin 2020, son décès a également été pris en charge par la CPCAM des Bouches du Rhône sur le même fondement.

[U] [A], puis à son décès ses ayants droit ont saisi le FIVA et accepté les offres d'indemnisations qui leur ont été faites.

Par lettre recommandée avec accusé de réception expédiée le 22 février 2021, les ayants droit d'[U] [A], par l'intermédiaire de leur conseil, ont saisi ce tribunal pour voir reconnaître que la maladie professionnelle dont souffrait [U] [A], et dont il est décédé, est imputable à la faute inexcusable de son employeur, la société [15].

Le FIVA est intervenu volontairement à la procédure par lettre recommandée avec accusé de réception enregistrée le 24 août 2023 afin d'exercer son action subrogatoire.

Après une phase de mise en état, les parties ont été convoquées à une audience de plaidoirie du 3 avril 2024.

Reprenant oralement ses dernières conclusions, le conseil des consorts [A] sollicite du tribunal de :
dire et juger que la maladie professionnelle dont était atteint [U] [A], et dont il est décédé, est la conséquence de la faute inexcusable de son employeur, la société [15] ; en conséquence, fixer au maximum légal la majoration de la rente à compter du 6 novembre 2019, date à laquelle la caisse a reconnu le mésothéliome au titre de la législation professionnelle ;leur allouer l'indemnisation forfaitaire ;dire que la caisse fera l'avance des sommes allouées ;dire que l'ensemble des dépenses consécutives à la reconnaissance de la faute inexcusable seront mises à la charge de la branche AT/MP de la sécurité sociale.
Au soutien de son recours, les ayants droit d'[U] [A] exposent que la faute inexcusable de l'employeur est caractérisée dès lors qu'il n'a pas respecté les prescriptions de sécurité prévenant l'inhalation des poussières et n'a pas mis en œuvre les mesures nécessaires pour préserver ses salariés des risques liés à cette inhalation. Ils précisent qu'[U] [A], en sa qualité de soudeur, a travaillé pendant toute sa carrière au contact permanent de l'amiante sans aucune protection ni information sur les risques qu'il encourait.

Reprenant ses conclusions n°2, le FIVA, par l'intermédiaire de son conseil, demande au tribunal de :
juger que la maladie professionnelle dont était atteint [U] [A] est la conséquence de la faute inexcusable de la société [15] ;fixer à son maximum l'indemnité forfaitaire visée à l'article L. 452-3 alinéa 1er du code de la sécurité sociale et juger que cette indemnité sera versée par la CPCAM des Bouches-du-Rhône à la succession de [U] [H] à son maximum la majoration de rente service au conjoint survivant et dire qu'elle lui sera directement versée par l'organisme ;fixer l'indemnisation des préjudices personnels d'[U] [A] à la somme totale de 72.800 € se décomposant comme suit :souffrances morales : 36.000 € ;souffrances physiques : 18.200 € ;préjudice d'agrément : 18.100 € ;préjudice esthétique : 500 € ;fixer l'indemnisation des préjudices moraux de ses ayants droit à la somme totale de 51.200 € se décomposant ainsi :[L] [A] (sa veuve) : 32.600 € ;[R] [A] (son fils) : 8.700 € ;[G], [J] et [T] [A] (ses trois petits-enfants) : 3.300 € chacun ;juger que la CPCAM des Bouches-du-Rhône devra lui verser la somme de 124.000 € en sa qualité de créancier subrogé ;condamner la partie succombait aux dépens.
La CPCAM des Bouches-du-Rhône, dispensée de comparaître, a transmis en amont de l'audience ses écritures aux autres parties aux termes desquelles elle demande au tribunal de ramener à de plus justes proportions le montant de l'indemnisation sollicitée au titre des souffrances physiques et morales endurées par [U] [A] ainsi que du préjudice moral des ayants droit, de débouter le FIVA de sa demande d'indemnisation du préjudice d'agrément, et par conséquent de limiter le règlement maximal à intervenir entre les mains du FIVA à la somme de 105.900 €.

La société [15] a comparu par l'intermédiaire de Me [P] [Z] es qualité de mandataire ad hoc désigné par ordonnance du 10 octobre 2023 à la suite de la radiation de la société, lequel reprend oralement ses conclusions aux termes desquelles il sollicite du tribunal de statuer ce que de droit sur la demande de reconnaissance de faute inexcusable, de ramener à de plus justes propositions les sommes sollicitées par le demandeur au titre de l'indemnisation des divers préjudices et de juger que les frais de procédure seront supportés par la CPCAM des Bouches-du-Rhône.

Il sera renvoyé, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, aux écritures de parties pour une exposé plus ample de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'intervention du FIVA dans le cadre de son action subrogatoire

En application de l'article 53-VI 1er et 2ème alinéas de la loi 2000-1257 du 23 décembre 2000, qui a créé le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA), " Le Fonds est subrogé, à due concurrence des sommes versées, dans les droits que possède le demandeur contre la personne responsable du dommage ainsi que contre les personnes ou organismes tenus à un titre quelconque d'en assurer la réparation totale ou partielle dans la limite du montant des prestations à la charge des dites personnes.
Le fonds intervient devant les juridictions civiles, y compris celles du contentieux de la sécurité sociale, notamment dans les actions en faute inexcusable [...] ".

L'article 36 du décret d'application 2001-963 du 23 octobre 2001 dispose par ailleurs que "dès l'acceptation de l'offre par le demandeur, le fonds exerce l'action subrogatoire prévue au VI de l'article 53 de la loi du 23 décembre 2000".

L'article 53-IV 3ème alinéa de la loi du 23 décembre 2000 prévoit que l'acception de l'offre d'indemnisation du FIVA "vaut désistement des actions juridictionnelles en indemnisation en cours et rend irrecevable toute autre action juridictionnelle future en réparation du même préjudice ".

Toutefois, il résulte de l'article 53 IV alinéa 2 et 3 de la loi que la victime ou ses ayants droit en cas de décès, qui ont accepté l'offre d'indemnisation des victimes de l'amiante, sont recevables, mais dans le seul but de faire reconnaître l'existence d'une faute inexcusable de l'employeur, à se maintenir dans l'action en recherche de faute inexcusable qu'ils ont préalablement engagée et qui est reprise par le FIVA. Elles peuvent également engager elles-mêmes une telle procédure en cas d'inaction du FIVA.

En l'espèce, le FIVA qui a indemnisé les ayants droit d'[U] [A] est donc recevable en son intervention volontaire en vue de la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur et de fixation des majorations et indemnisations prévues par le code de sécurité sociale.

Sur la faute inexcusable

En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat ; le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable, au sens de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

Il est indifférent que la faute inexcusable commise par l'employeur ait été la cause déterminante de la maladie du salarié. Il suffit qu'elle en soit la cause nécessaire pour que la responsabilité de l'employeur soit engagée, alors même que d'autres fautes auraient concouru au dommage.

Il incombe enfin au demandeur de rapporter la preuve que l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé son salarié et qu'il n'a pas pris les mesures pour l'en préserver.

Concernant l'exposition à l'amiante, la jurisprudence de la Cour de cassation a posé le principe que l'exposition doit être habituelle et non pas permanente et continue.

Sur l'exposition au risque

Il résulte du certificat de travail établi par le mandataire liquidateur de la société [15] qu'[S] [A] a été embauché en qualité de soudeur :
du 25 janvier 1973 au 31 janvier 1988 au sein des Ateliers [13] ;du 1er février 1988 au 18 aout 1991 chez [15] ;du 19 août 1991 au 13 mai 1993 chez [11] ;du 14 mai 199 au 14 février 1995 chez [15].
Il est constant que dans le cadre de son activité consistant, à bord des navires, à effectuer les réparations nécessaires en utilisant des soudures et découpages, [U] [A] a été régulièrement exposé aux poussières d'amiante. En effet, il résulte de l'enquête effectuée par l'organisme qu'[U] [A] était amené à manipuler de l'amiante ou des matériaux en contenant, en forme de tissus, de tresse et de toile coupée en petits morceaux pour éviter de mettre le feu dans les cabines du navire ainsi qu'à manipuler du calorifugeage présent sur les chaudières, les tuyaux, les portes et cloisons coupe-feu présents sur les navires et en effectuant des travaux d'isolation ou de calorifugeage avec des matériaux contenant de l'amiante sur du matériel frigorifique des navires mais encore des travaux d'entretien, de réparation et de maintenance sur des matériels floqués ou calorifugés notamment les moteurs de bateaux ainsi que sur des matériels chauds, soit les chaudières, ainsi que des travaux de remplacements de joints et de garnitures d'étanchéité sur de la tuyauterie, des canalisations, des chaudières ou des moteurs.

L'activité régulière au contact de poussières d'amiante d'[U] [A] est par ailleurs corroborée par deux attestations établies par des anciens collègues, d'une part, par Monsieur [E], ajusteur au sein de la même société ayant travaillé à ses côtés, qui précise que toutes les machines et pièces à démonter étaient recouvertes d'amiante qui était réduite en poussières lors du démontage, lesquelles étaient présentes dans l'air ambiant et, d'autre part, de Monsieur [W] qui indique que les " navires étaient bourrés d'amiante dans les machines, salle des pompes et chaufferies, les calorifuges étaient cassés par le démontage et la réparation, l'air ambiant était saturé de poussières d'amiante, tous les corps de métiers travaillaient en même temps ".

Dès lors, il est acquis que lors de son emploi de soudeur, [U] [A] a été régulièrement exposé aux poussières d'amiantes pendant plus de 20 ans.

Sur la conscience du danger

Ces sociétés sont inscrites sur la liste de l'arrêté du 7 juillet 2000 fixant la liste des établissements et des métiers de la construction et de la réparation navale susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité, tout comme le métier de soudeur.

En effet, toutes ces entreprises étaient chargées de la réparation navale.

Le mésothéliome pleural provoqué par l'inhalation des poussières d'amiante a été inscrit au tableau des maladies professionnelles dès le 5 janvier 1976 et les risques sanitaires que représentaient les poussières d'amiante étaient connus dès les premières prescriptions de sécurité prévenant l'inhalation des poussières par évacuation des poussières et renouvellement de l'air des ateliers prises par la loi du 12 juin 1893 et le décret des 10 et 11 mars 1894.

Par ailleurs, l'ordonnance du 3 août 1945 a créé le tableau n° 25 des maladies professionnelles à propos de la fibrose pulmonaire consécutive à l'inhalation des poussières d'amiante, puis le décret du 31 août 1950 a créé le tableau n° 30 propre à l'asbestose, pathologie également consécutive à l'inhalation des mêmes poussières d'amiante.

En outre, le décret du 17 août 1977 relatif aux mesures particulières d'hygiène applicables dans les établissements où le personnel est exposé à l'action des poussières d'amiante est intervenu pour préciser la réglementation sur les poussières en général, soit 4 ans avant le début de l'exposition d'[U] [A].

Enfin, le lien entre l'inhalation des poussières d'amiante et le cancer broncho-pulmonaire ressort de publications scientifiques datant de vingt ans avant le début de l'exposition professionnelle de [U] [A] comme le rapport sur " Les substances chimiques, agent des cancers professionnels " demandé par la société de médecine et d'hygiène au travail et mettant en accusation l'amiante qui date de 1954 outre encore la publication des résultats de la première enquête épidémiologique à partir du personnel d'une usine de textile d'amiante en Grande-Bretagne en 1955.

La société [15], spécialisée dans les activités de réparation navale, était suffisamment importante pour avoir accès à l'information sur les risques de l'inhalation de poussières d'amiante au moment où elle a fait travailler [U] [A].

Il s'ensuit que la société [15] avait, ou à tout le moins, aurait dû avoir conscience du danger auquel elle exposait son salarié.

Sur les mesures prises pour éviter la réalisation du risque par la société [15]

La société [15], ou Me [Z] en sa qualité de mandataire ad hoc de la société [15], ne justifie pas des mesures prises pour préserver les salariés des risques liés à l'inhalation de poussières d'amiante.

Au contraire, il ressort de la lecture des attestations de Messieurs [B] et [E] ayant travaillé avec [U] [A] que ce dernier a vécu toutes ces années dans une atmosphère saturée de poussières et fibres d'amiante qu'il a inhalées sans aucune protection ni information sur le danger représentée par ce matériau.

Ainsi, il est établi que la société [15] n'a pas pris les mesures nécessaires pour préserver son salarié des risques de l'amiante.

Il ressort de ces développements que la société [15] a commis une faute inexcusable au sens de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale à l'origine de la maladie d'[U] [A] dont il est décédé.

Sur les conséquences de la faute inexcusable

Sur la majoration des indemnités

Selon l'article 53-VI 4ème alinéa de la loi du 2 décembre 2000, "La reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, à l'occasion de l'action à laquelle le fonds est partie, ouvre droit à la majoration des indemnités versées à la victime ou à ses ayants droit en application de la législation de la sécurité sociale. L'indemnisation à la charge du fonds est alors révisée en conséquence".

Sur l'indemnité forfaitaire

Il résulte de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale que si la victime est atteinte d'un taux d'incapacité permanente de 100 %, il lui est alloué une indemnité forfaitaire égale au montant du salaire minimum légal en vigueur à la date de consolidation.

Le FIVA indique qu'il n'a rien versé au titre de l'incapacité fonctionnelle.

Le taux d'incapacité permanente d'[U] [A] ayant été fixé à 100 % par la caisse avant son décès, ses ayants droit sont donc en droit de recevoir de la CPCAM des Bouches-du-Rhône l'indemnité forfaitaire ci-dessus prévue.

Sur la majoration de la rente d'ayant droit

En vertu des alinéas 1 et 4 de l'article L. 452-2 du code de la sécurité sociale, les ayants droit qui perçoivent une rente en application des articles L. 434-7 à L. 434-14 du code de la sécurité sociale ont droit à une majoration de leurs rentes en cas de faute inexcusable de l'employeur.

Dès lors, le conjoint survivant est en droit de percevoir la majoration de sa rente laquelle lui sera directement versée par l'organisme social.

Sur l'indemnisation des préjudices personnels subis par [U] [A]

Conformément à l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l'accident est dû à la faute inexcusable de l'employeur, la victime ou ses ayants droit ont droit à une indemnisation complémentaire.

En vertu des dispositions de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, tel qu'interprétées par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2010-8 QPC du 18 juin 2010, indépendamment de la majoration de rente qu'elle reçoit, la victime a le droit de demander à l'employeur devant la juridiction de sécurité sociale la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses préjudices esthétiques et d'agrément, du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle, ainsi que de l'ensemble des dommages non couverts par le livre IV du dit code.

En vertu de l'article 53-VI 1er et 2ème alinéa de la loi du 23 décembre 2000, le FIVA est subrogé dans les droits des ayants droit d'[U] [A] à concurrence des sommes versées au titre de l'indemnisation de leurs préjudices.

[U] [A] est décédé le 6 novembre 2019 des suites d'un mésothéliome pleural malin gauche diagnostiqué dès le 27 novembre 2018 alors qu'il était âgé de près de 72 ans.

Compte-tenu de l'âge relativement jeune auquel [U] [A] a appris qu'il était atteint d'un cancer, de l'évolution extrêmement rapide de la maladie puisqu'il en est décédé un an après le diagnostic, de sa conscience de la gravité de son affection et de son caractère irréversible outre de l'angoisse suscitée, les souffrances morales de [U] [A] peuvent être qualifiées d'importantes et justifier une indemnisation à hauteur de 36.000 €.

Compte-tenu du nombre d'hospitalisations subies par [U] [A], de cures de chimiothérapie et de radiothérapie accompagnées d'effets secondaires habituellement rencontrés, des examens qu'il a subis (biopsie par thoracoscopie), des douleurs et de la toux persistante ayant justifié la prise d'antalgiques de pallier II, les souffrances physiques peuvent être évaluées à 4 sur une échelle de 7 et justifier une indemnisation à hauteur de 18.200 €.

Compte-tenu des suites des traitements par chimiothérapie et de la cicatrice sur le torse à la suite de l'intervention chirurgicale, la réparation du préjudice esthétique sera fixée à 500 €.

S'agissant du préjudice d'agrément, il convient de rappeler que ce poste de préjudice répare l'impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisirs qu'elle pratiquait antérieurement au dommage ainsi que les limitations ou les difficultés à poursuivre ces activités.

La prise en compte d'un préjudice d'agrément n'exige pas la démonstration d'une pratique en club, une pratique individuelle suffisant à partir du moment où elle est prouvée.

Le FIVA sollicite une indemnisation de ce chef estimant qu'[U] [A], atteint d'une IPP de 100 %, se trouve par définition privée de toute activité de loisir.

Force est cependant de constater qu'il ne produit aucun justificatif de nature à établir qu'il pratiquait effectivement une activité de loisir ou sportive spécifique.

La demande d'indemnisation formée de ce chef sera par conséquent rejetée.

Sur l'indemnisation des préjudices personnels subis par les ayants droit d’[U] [A]

En vertu de l'article L. 452-3 alinéa 2 du code de sécurité sociale, en cas d'accident suivi de mort, les ayants droit de la victime mentionnés aux articles L. 434-7 et suivants ainsi que les ascendants et descendants qui n'ont pas droit à une rente en vertu desdits articles, peuvent demander à l'employeur réparation du préjudice moral devant la juridiction précitée.

[U] [A] est décédé à l'âge de près de 72 ans. Il était divorcé depuis le 21 juin 1978 de Madame [V] et remarié le 11 mai 2019 à [L] [F] avec laquelle il vivait maritalement depuis plusieurs années. Il avait un fils unique et trois petits-enfants qui l'ont accompagné pendant sa maladie.

Compte-tenu de ces éléments, il convient de faire droit aux demandes du FIVA selon les modalités prévues au dispositif de la présente décision, et de dire que ces sommes lui seront versées par la CPCAM des Bouches-du-Rhône en sa qualité de créancier subrogé.

Sur l'action récursoire de la CPCAM des Bouches du Rhône et les dépens

La société [15] a été placée en liquidation judiciaire puis radiée du registre du commerce et des sociétés, la CPCAM des Bouches du Rhône ne pourra exercer son action récursoire compte-tenu de la disparition de l'employeur.

Les dépens seront mis à la charge de la CPCAM des Bouches-du-Rhône.

PAR CES MOTIFS

Le pôle social du tribunal judiciaire de Marseille, statuant après débats publics, après en avoir délibéré, par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort :

DIT que la maladie professionnelle dont était atteint [U] [A], et dont il est décédé, est la conséquence de la faute inexcusable de son employeur, la société [15] ;

ALLOUE aux consorts [A] en qualité d'ayants droit de [U] [A] l'indemnité forfaitaire ;

DIT que cette indemnité sera versée directement par la CPCAM des Bouches-du-Rhône à la succession d'[U] [A] ;

ORDONNE à la CPCAM des Bouches-du-Rhône de majorer au montant maximum la rente versée au conjoint survivant, [L] [F] veuve [A], en application de l'article L. 452 2 du code de la sécurité sociale ;

DIT que la majoration de la rente sera directement versée à [L] [F] veuve [A] ;

FIXE l'indemnisation des préjudices personnels d'[U] [A] à la somme totale de 54.700 € comme suit :
souffrances morales : 36.000 € ;souffrances physiques : 18.200 € ;préjudice esthétique : 500 € ;
FIXE l'indemnisation des préjudices moraux de ses ayants droit à la somme totale de 51.200 € se décomposant ainsi :
[L] [A] (sa veuve) : 32.600 € ;[R] [A] (son fils) : 8.700 € ;[G], [J] et [T] [A] (ses trois petits-enfants) : 3.300 € chacun.
DIT que la CPCAM des Bouches-du-Rhône devra verser ces sommes au FIVA en sa qualité de créancier subrogé soit un total de 105.900 € ;

CONSTATE que la CPCAM des Bouches-du-Rhône ne dispose pas d'action récursoire à l'encontre de l'employeur ;

LAISSE les dépens à la charge de la CPCAM des Bouches-du-Rhône ;

DIT que tout appel de la présente décision doit, à peine de forclusion, être formé dans le délai d'un mois à compter de la réception de sa notification.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Marseille
Formation : Gnal sec soc: cpam
Numéro d'arrêt : 21/00529
Date de la décision : 12/06/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-12;21.00529 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award