La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/06/2024 | FRANCE | N°20/01938

France | France, Tribunal judiciaire de Marseille, Gnal sec soc: cpam, 12 juin 2024, 20/01938


REPUBLIQUE FRANCAISE
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

POLE SOCIAL
[Adresse 10]
[Adresse 10]
[Localité 5]


JUGEMENT N°24/02629 du 12 Juin 2024

Numéro de recours: N° RG 20/01938 - N° Portalis DBW3-W-B7E-XXDY

AFFAIRE :
DEMANDEUR
Monsieur [D] [N]
né le 14 Juin 1954 à [Localité 14] (BOUCHES-DU-RHONE)
[Adresse 8]
[Localité 3]
comparant en personne assisté de Me Cyril MICHEL, avocat au barreau de MARSEILLE


c/ DEFENDEURS
S.A. [13]
[Adresse 11]
[Adresse 11]
[Localité 4]
représentée par Me Frédéri

c MARCOUYEUX, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Julie THERY, avocat au barreau de MARSEILLE

Maître [I] [T], liquidateur de la socié...

REPUBLIQUE FRANCAISE
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

POLE SOCIAL
[Adresse 10]
[Adresse 10]
[Localité 5]

JUGEMENT N°24/02629 du 12 Juin 2024

Numéro de recours: N° RG 20/01938 - N° Portalis DBW3-W-B7E-XXDY

AFFAIRE :
DEMANDEUR
Monsieur [D] [N]
né le 14 Juin 1954 à [Localité 14] (BOUCHES-DU-RHONE)
[Adresse 8]
[Localité 3]
comparant en personne assisté de Me Cyril MICHEL, avocat au barreau de MARSEILLE

c/ DEFENDEURS
S.A. [13]
[Adresse 11]
[Adresse 11]
[Localité 4]
représentée par Me Frédéric MARCOUYEUX, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Julie THERY, avocat au barreau de MARSEILLE

Maître [I] [T], liquidateur de la société [15]
[Adresse 7]
[Localité 2]
représenté par Me Guillaume VERDIER, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Camille FIGEROD, avocat au barreau de MARSEILLE

Appelés en la cause:
Organisme FIVA
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 9]
représentée par Me Alain TUILLIER, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Jean-Baptiste LE MORVAN, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

Organisme CPCAM DES BOUCHES-DU-RHONE
[Localité 6]
dispensée de comparaître

DÉBATS : À l'audience publique du 03 Avril 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré :

Président : MEO Hélène, Première Vice-Présidente

Assesseurs : PESCE-CASTELLA Catherine
AMIELH Stéphane

L’agent du greffe lors des débats : MULLERI Cindy

À l'issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 12 Juin 2024

NATURE DU JUGEMENT

contradictoire et en premier ressort

EXPOSÉ DU LITIGE

Monsieur [D] [N] a été employé en qualité de docker, sur le site du [Adresse 12] de [Localité 14], entre 1974 et 2007, par diverses sociétés dont les sociétés [15] et [13].

Une asbestose avec fibrose pulmonaire lui a été diagnostiquée par certificat médical initial du 20 juillet 2017 et une déclaration de maladie professionnelle a été établie le 25 juillet 2017.

Par courrier en date du 29 décembre 2017, la caisse primaire centrale d'assurance maladie (ci-après la CPCAM ou la caisse) des Bouches-du-Rhône a notifié à Monsieur [D] [N] sa décision de prise en charge de la maladie déclarée le 25 juillet 2017 au titre du tableau n° 30 des maladies professionnelles.

Par courrier en date du 10 avril 2018, notifiée par lettre recommandée avec accusé de réception distribué et signé le 12 avril 2018, la CPCAM des Bouches-du-Rhône a notifié à Monsieur [D] [N] sa décision de lui attribuer un taux d'incapacité permanente partielle de 10 % et une rente d'un montant annuel de 926 €.

Par courrier du 04 juin 2018, Monsieur [D] [N] a contesté cette décision devant le tribunal du contentieux de l'incapacité de Marseille (devenu pôle social du tribunal de grande instance de Marseille le 1er janvier 2019, puis pôle social du tribunal judiciaire de Marseille à compter du 1er janvier 2020).

Par courrier en date du 30 juillet 2018, la CPCAM des Bouches-du-Rhône a notifié à Monsieur [D] [N] une décision qui " annule et remplace la notification du 10/04/2018, suite à la modification du salaire annuel brut ayant une incidence sur le montant annuel de la rente " aux termes de laquelle elle maintient le taux d'IPP de 10 % mais a procédé à la réévaluation de la rente à la somme de 2.747,68 € annuelle.

Par jugement du 29 avril 2019, le pôle social du tribunal de grande instance de Marseille a annulé la décision de la CPCAM des Bouches-du-Rhône du 10 avril 2018 et porté le taux d'IPP de Monsieur [D] [N] à 15 %.

Suite à cette décision, par courrier en date du 20 mai 2019, la CPCAM des Bouches-du-Rhône a notifié à Monsieur [D] [N] sa décision de lui attribuer un taux d'IPP de 15 % et une rente annuelle d'un montant de 4.133,89 € à compter du 21 juillet 2017.

Monsieur [D] [N] a saisi le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (ci-après FIVA) d'une demande d'indemnisation et a accepté le 10 juillet 2018, puis le 1er novembre 2019, les offres d'un montant total de 18.200 € qui lui ont été faites dans les termes suivants :
souffrances morales : 15.200 € ;souffrances physiques : 600 € ;préjudice d'agrément : 2.400 €.
Par lettre recommandée avec accusé de réception expédiée le 24 juillet 2020, Monsieur [D] [N] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Marseille d'un recours en faute inexcusable de l'employeur à l'encontre des société [15] et [13].

Après une phase de mise en état clôturée le 29 novembre 2023 avec effet différé au 20 mars 2024, l'affaire a été appelée à l'audience de plaidoirie du 3 avril 2024.

Monsieur [D] [N], représenté à l'audience par son conseil reprenant oralement ses conclusions récapitulatives n° 4, sollicite du tribunal de :
le déclarer recevable à se maintenir aux cotés du FIVA pour solliciter la reconnaissance de la faute inexcusable des employeurs ainsi que la majoration de rente ; constater que la majoration de rente à son profit est sollicitée par le FIVA; fixer au maximum la majoration de sa rente ;dire que la maladie professionnelle dont il est atteint résulte de la faute inexcusable des sociétés [13] et [15] ; dire que l'ensemble des dépenses consécutives à la reconnaissance de la faute inexcusable de des sociétés défenderesses seront mis à la charge de la branche accident du travail/maladie professionnelle de la sécurité sociale ; condamner in solidum les sociétés [13] et [15] à lui payer la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
En premier lieu, il soutient qu'il a bien la qualité pour agir aux côtés du FIVA.
En second lieu, il fait valoir que l'action en faute inexcusable de l'employeur n'est pas prescrite et que le délai de prescription n'a commencé à courir qu'à compter du courrier de la CPCAM des Bouches-du-Rhône du 30 juillet 2018 et non pas le 29 décembre 2017 dans la mesure où la décision de prise en charge de la maladie professionnelle ne lui a été adressé par la CPCAM des Bouches-du-Rhône qu'en lettre simple, sans date certaine, et n'a donc pas fait courir le délai de prescription.

Sur le fond, il soutient :
qu'il démontre que les sociétés [13] et [15] sont bien ses employeurs ;que ces deux sociétés connaissaient parfaitement la nature de toutes les marchandises à décharger ; que ces deux sociétés ont réalisé la grande majorité des déchargements d'amiante ; qu'eu égard aux connaissances scientifiques et à la réglementation en matière d'amiante, elles avaient ou auraient dû avoir conscience du danger; qu'aucune mesure de protection n'a été prise pour le protéger du risque de l'amiante.
Le FIVA, représenté à l'audience par son conseil, soutient oralement ses conclusions et sollicite du tribunal de :
juger recevable le recours en faute inexcusable de l'employeur de Monsieur [D] [N] et de lui-même en sa qualité de subrogé de Monsieur [D] [N] ; juger que la maladie professionnelle dont est atteint Monsieur [D] [N] est la conséquence de la faute inexcusable des sociétés [13] et [15] ; fixer à son maximum la majoration de la rente servie à Monsieur [D] [N] qui devra être versée à ce dernier par la CPCAM des Bouches-du-Rhône ;juger que la majoration de la rente devra suivre l'évolution du taux d'incapacité permanent de Monsieur [D] [N] en cas d'aggravation de son état de santé ; juger qu'en cas de décès de la victime résultant des conséquences de sa maladie professionnelle due à l'amiante, le principe de la majoration de rentre restera acquis pour le calcul de la rente de conjoint survivant ; fixer l'indemnisation des préjudices personnels de Monsieur [D] [N] comme suit : souffrances morales : 15.200 € ;souffrance physiques : 600 € ;préjudice d'agrément : 2.400 €TOTAL : 18.200 €
juger que la CPCAM des Bouches-du-Rhône devra lui verser cette somme de 18.200 € en application de l'article L. 452-3 alinéa 3 du code de la sécurité sociale ; condamner la société [13] à lui payer la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; condamner les parties succombantes aux dépens ;
Il conclut à la recevabilité du recours car le point de départ du délai de prescription de 2 ans n'a commencé à courir que le 20 mai 2019, soit la date à laquelle Monsieur [D] [N] a reçu la lettre rectificative de son taux d'IPP par la CPCAM des Bouches-du-Rhône.

Il s'associe aux arguments et moyens développés par Monsieur [D] [N] au soutien de sa demande de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur, en précisant que l'exposition de la victime à l'inhalation de poussières d'amiante est incontestable, de même que l'absence de protection mise en œuvre par l'employeur, et que compte-tenu de l'inscription des affections respiratoires liées à l'amiante de un tableau de maladie professionnelle à partir de 1945, des connaissances scientifiques, de la réglementation relative à la protection contre les poussières, de l'importance, de l'organisation et de l'activité de l'employeur, il aurait dû avoir conscience du danger auquel il exposait son salarié.

Le FIVA soutient également que dans la mesure où il n'a versé aucune indemnisation à Monsieur [D] [N] au titre de l'incapacité fonctionnelle, ce dernier est en droit de percevoir une majoration de rente qui lui sera servie par la CPCAM des Bouches-du-Rhône.

Enfin, il sollicite de se voir rembourser par la CPCAM des Bouches-du-Rhône les sommes versées à Monsieur [D] [N].

La société [13], représentée à l'audience par son conseil, soutient oralement ses conclusions et sollicite du tribunal de :
À titre principal :
juger l'action de Monsieur [D] [N] et du FIVA irrecevable pour cause de prescription ;les débouter de l'intégralité de leurs demandes ; À titre subsidiaire, constater que :
la preuve de l'exposition au risque n'est pas rapportée ; la preuve d'une faute inexcusable de l'employeur n'est pas rapportée ; elle justifie d'un cas de force majeure ; En conséquence :
prononcer sa mise hors de cause ; débouter Monsieur [D] [N] et le FIVA de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions à son encontre ; En tout état de cause :
constater qu'elle n'a reçu aucune information relative à la reconnaissance du caractère professionnel de la pathologie de Monsieur [D] [N] ; constater qu'elle n'a pas été appelée aux opérations d'instruction ayant abouti à la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie de Monsieur [D] [N] ; En conséquence :
dire et juger que la décision de reconnaissance de la maladie professionnelle de Monsieur [D] [N] et les conséquences de cette reconnaissance, ainsi que celles d'une éventuelle faute inexcusable lui sont inopposables ;débouter Monsieur [D] [N] et le FIVA de leurs demandes d'indemnisation ;constater l'impossibilité de déterminer l'employeur chez lequel l'exposition au risque a provoqué la maladie ; En conséquence :
dire et juger que tout condamnation prononcée à l'encontre des employeurs sera affectée au compte spécial disposé par la loi.
À l'appui de sa demande à titre principal, elle soutient que Monsieur [D] [N] a eu connaissance du caractère professionnel de sa maladie le 29 décembre 2017 de sorte que son recours introduit le 24 juillet 2020 est irrecevable car prescrit.

Elle rappelle ensuite la réglementation applicable aux acconiers puis les modalités d'emploi des dockers et le fait qu'aucun des documents versés par la partie adverse ne sont de nature à démontrer un quelconque manquement de sa part à une obligation de sécurité.
Par ailleurs, elle affirme que la part d'amiante dans la quantité de marchandises transitant par le port de [Localité 14] était infime et qu'aucun document ne permet d'établir qu'elle aurait procédé à la manutention d'amiante

Sur le fond, elle soutient qu'il appartient au demandeur de justifier de la qualité d'employeur et de la faute de l'employeur dans la mise en œuvre de son obligation de sécurité, ainsi que de l'exposition au risque, de la conscience du danger ; preuves que les éléments produits par Monsieur [D] [N] et le FIVA ne rapportent pas.

À titre subsidiaire, elle soutient l'absence de lien de causalité entre la faute et le préjudice allégué puisqu'il appartient au demandeur de rapporter l'absence de mesure de protection, ce qu'il ne fait pas en l'espèce.

Elle soutient également que la décision de reconnaissance du caractère professionnel de la maladie déclarée par Monsieur [D] [N] et l'éventuelle reconnaissance d'une faute inexcusable ne lui sont pas opposables dans la mesure où elle n'a pas été informée de la reconnaissance de cette maladie par la CPCAM des Bouches-du-Rhône, qu'elle n'a pas été associée à l'enquête administrative ou à l'instruction mené par la caisse, et n'a pas eu la possibilité de consulter le dossier, ni été informé de la fin de la procédure d'instruction.

Enfin elle fait valoir que :
les conditions légales de la solidarité entre débiteurs ne sont pas réunies :la législation interdit à la caisse d'obtenir la condamnation d'un employeur ou la condamnation solidaire de plusieurs employeurs dès lors que le tribunal est dans l'impossibilité de déterminer l'auteur de l'exposition qui a suscité la maladie, ce qui est le cas en l'espèce ; dans la mesure où il n'est en aucun cas démontré que la maladie de Monsieur [D] [N] aurait été contractée auprès de tel ou tel employeur, le tribunal ne pourra que rejeter toute demande de la CPCAM des Bouches-du-Rhône au titre de son action récursoire à son encontre.
La société [15], prise en la personne de son liquidateur Maître [Y] [T], sollicite quant à elle du tribunal au terme de ses conclusions soutenues par son conseil de :
À titre principal :
dire et juger irrecevables les demandes de Monsieur [D] [N] et du FIVA car prescrites ; en conséquence, les débouter de l'ensemble de leurs demandes ; À titre subsidiaire :
constater que Monsieur [D] [N] ne justifie pas d'un emploi auprès d'elle l'ayant exposé à l'inhalation de poussière d'amiante ; En conséquence :
prononcer sa mise hors de cause ; dire et juger que Monsieur [D] [N] n'a pas été exposé aux risques tels que décrits au tableau des maladies professionnelles pour son compte; dire et juger que l'exposition aux risques décrits par Monsieur [D] [N] est le fait d'un tiers, exonérant la société de toute faute inexcusable ; débouter Monsieur [D] [N] et le FIVA de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ; À titre plus subsidiaire, si la faute inexcusable était reconnue :
rappeler que par application des dispositions de l'article 53-VI de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000, le FIVA n'est que subrogé dans les droits de la victime d'une faute inexcusable et de débouter le FIVA de toute autre demande ; compte-tenu de l'indemnisation de Monsieur [D] [N] par le FIVA, le débouter de toute demande complémentaire ; réduire très largement les sommes sollicitées dans la mesure où aucune expertise, ni saisine du service médical de la caisse n'a eu lieu pour les fixer; débouter Monsieur [D] [N] de sa demande au titre du déficit fonctionnel permanent ; constater que le caractère contradictoire de la procédure de reconnaissance de la maladie professionnelle de Monsieur [D] [N] n'a pas été respecté à son égard ; En conséquence :
lui déclarer inopposable les condamnations prononcées dans le cadre d'une la présente procédure tant au titre de la reconnaissance de la maladie professionnelle que de la faute inexcusable ;En toute hypothèse :
constater que Monsieur [D] [N] a eu au cours de sa carrière de docker plusieurs employeurs ; En conséquence :
dire et juger que les sommes dues au titre de la maladie professionnelle déclarée par le requérant ainsi que les conséquences financières d'une éventuelle faute inexcusable devront lui être déclarées inopposables et imputé au " compte spécial " ; constater la fermeture de l'établissement du travail de Monsieur [D] [N] ;débouter la CPCAM des Bouches-du-Rhône de sa demande d'action récursoire à son encontre ; constater qu'aucun taux d'IPP ne lui a été notifié ; débouter la CPCAM des Bouches-du-Rhône de toute demande d'action récursoire au titre de la majoration de rente ;En toute hypothèse :
dire et juger que l'auteur de la faute inexcusable ne peut être que l'employeur de Monsieur [D] [N] et en aucun cas le représentant légal sur son patrimoine personnel.
À titre liminaire, la société [15] soutient que l'action de Monsieur [D] [N] et du FIVA est irrecevable car prescrite et que dans la mesure où Monsieur [D] [N] a accepté l'indemnisation servie par le FIVA, il n'est plus recevable à solliciter la majoration de la rente, ni toutes autres demandes afférentes à une faute inexcusable.

Concernant l'absence de faute inexcusable, elle rappelle que la charge de la preuve de cette faute incombe au demandeur et qu'en l'espèce aucun élément probant ne permet d'établir l'existence d'une faute inexcusable. En effet, elle soutient qu'elle n'était pas l'employeur de Monsieur [D] [N] et qu'il n'a pas manutentionné de l'amiante pour son compte dans la mesure où le déchargement d'amiante sur le port de [Localité 14] avait un caractère très résiduel.

Concernant la conscience du danger, elle soutient qu'elle n'est pas établie par le demandeur, qu'il était impossible d'avoir conscience du danger de l'amiante avant 1997, et ce, d'autant plus que la Cour de cassation opère une distinction entre professionnel de l'amiante et simple utilisateur de ce produit.

À titre subsidiaire, elle soutient qu'elle ne peut être reconnue coupable de la faute inexcusable d'un tiers dans la mesure où il s'agissait d'autres sociétés qui manipulaient de l'amiante.

À titre plus subsidiaire, elle estime que Monsieur [D] [N] ne peut pas solliciter le paiement d'une majoration de la rente accordée par la CPCAM des Bouches-du-Rhône, ni l'indemnité forfaitaire visée à l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, ni l'indemnisation du déficit fonctionnel permanent dont le mode de calcul retenu par Monsieur [D] [N] est erroné et que les sommes sollicités par le FIVA devront être réduite en l'absence d'expertise et de saisine du service médical de la caisse pour déterminer les postes de préjudices.

Elle soutient que les éventuelles condamnations prononcées y compris au titre de la majoration de la rente lui sont inopposables et la CPCAM des Bouches-du-Rhône n'aura pas d'action récursoire à son encontre eu égard aux nombreuses carences de la caisse et à la pluralité d'employeur.

La CPCAM des Bouches-du-Rhône, dispensée de comparaitre, aux termes de ses écritures, demande au tribunal de :
à titre principal, déclarer l'action du FIVA et de Monsieur [D] [N] prescrite ; à titre subsidiaire, constater, en cas de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, qu'elle s'en rapporte quant à la majoration de la rente, rejeter la demande au titre du préjudice d'agrément et donc de limiter le règlement au FIVA au titre des préjudices de Monsieur [D] [N] à la somme de 15.800 €, ainsi que toutes les demandes des sociétés [13] et [15] formulées à son encontre.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un exposé plus ample de leurs prétentions et leurs moyens.

L'affaire a été mise en délibéré au 12 juin 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité du recours

Il résulte des dispositions de l'article L. 431-2, dans sa version applicable au litige, et de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale que les droits de la victime aux prestations et indemnités accidents du travail ou maladies professionnelles se prescrivent par deux ans à dater soit :
de la date de l'accident du travail ;de la date de la cessation du paiement des indemnités journalières ;de la date de la reconnaissance du caractère professionnel de l'accident du travail ou de la maladie professionnelle ;et dans le cas d'une maladie professionnelle, de la date à laquelle la victime est informée par un certificat médical du lien possible entre sa maladie et son activité professionnelle.
Le point de départ le plus favorable à la victime doit être retenu.

La prescription est interrompue par la saisine de la CPCAM des Bouches-du-Rhône d'une demande de tentative de conciliation. Un nouveau délai de 2 ans recommence à courir à compter de la date d'information du salarié par l'organisme social de l'échec de la tentative de conciliation (Cass. 2e civ., 10 déc. 2009, n° 08-21.969 : JurisData n° 2009-050659).

En l'espèce, Monsieur [D] [N] a effectué la déclaration de maladie professionnelle le 25 juillet 2017 sur la base d'un certificat médical initial du Docteur [D] [H] établi le 20 juillet 2017.

Le caractère professionnel de cette maladie a été reconnu par la CPCAM des Bouches-du-Rhône par décision en date du 29 décembre 2017.

Il n'a pas perçu d'indemnités journalières au titre de cette maladie professionnelle.

Il ne justifie pas avoir sollicité une tentative de conciliation auprès de la CPCAM des Bouches-du-Rhône.

Le délai de prescription de son action en faute inexcusable de l'employeur a donc commencé à courir à compter de la réception de la décision de la CPCAM des Bouches-du-Rhône en date du 29 décembre 2017 de reconnaissance du caractère professionnel de la maladie.

S'il est exact que cette notification n'ayant été faite qu'en lettre simple, il n'est pas possible de savoir à quelle date précise elle a été reçue par Monsieur [D] [N], il convient toutefois de noter que Monsieur [D] [N] a été nécessairement informé de la prise en charge de sa maladie professionnelle le 12 avril 2018, date à laquelle il a été signé l'accusé de réception de la lettre recommandée de la caisse lui notifiant sa décision de lui attribuer un taux d'IPP de 10 % et une rente annuelle à partir du 21 juillet 2017 au titre de cette maladie professionnelle et qui mentionnait "je vous informe que la décision qui a été prise concernant la réparation de la maladie professionnelle désigné(e) ci-dessus", peu importe qu'ultérieurement la caisse ait notifié une nouvelle décision puisqu'elle ne portait que sur le calcul de la rente.

Or, Monsieur [D] [N] a saisi le tribunal de céans le 24 juillet 2020, soit au-delà du délai de prescription biennal.

En conséquence, il convient de dire et juger que son recours, ainsi que le recours subrogatoire du FIVA, sont irrecevables.

En application de l'article 696 du code de procédure civile, les éventuels dépens de l'instance seront laissés à la charge de Monsieur [D] [N].

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant après débats publics, par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort :

DÉCLARE irrecevable pour prescription le recours de Monsieur [D] [N] en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur ainsi que l'action du FIVA, subrogé dans les droits de Monsieur [D] [N] ;

LAISSE les dépens de l'instance à la charge de Monsieur [D] [N] ;

DIT que tout appel de la présente décision doit, à peine de forclusion, être formé dans un délai d'un mois à compter de sa notification.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Marseille
Formation : Gnal sec soc: cpam
Numéro d'arrêt : 20/01938
Date de la décision : 12/06/2024
Sens de l'arrêt : Déclare la demande ou le recours irrecevable

Origine de la décision
Date de l'import : 20/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-12;20.01938 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award